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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
31 mars 2013

Chanson phonétique

Rares sont, à ma connaissance, les jeux phonétiques chantés en français.

On connait "Buvons un coup ma serpette est perdue" qui permet de jouer avec les voyelles (mais dont le sens, la syntaxe et le lexique me semblent peu "utiles" en classe de FLE...), et :

Voyelles : Un éléphant qui se baladait...



 

Un éléphant                   [œ̃*-e-e-ɑ̃]

qui se baladait               [i-ə*-a-a-ɛ]

tout doucement             [u-u-ə*-ɑ̃]

dans la forêt                  [ɑ̃-a-ɔ*-ɛ]

Il portait sur son dos     [i-ɔ-ɛ-y-ɔ̃-o]

un petit perroquet         [œ̃*-ə*-i-ɛ*-o*-ɛ]

qui s'appelait Jacquot   [i-a-ə*-ɛ-a-o]

et qui buvait du lait.      [e-i-y-ɛ-y-ɛ]

Les voyelles suivies d'une astérisque sont, en français standard et dans ces positions, sujettes à variation : [œ̃*] ou [ɛ̃], [ɛ*] ou [e], [ə*] ou [œ, ø], [ɔ*] ou [o] ou des valeurs intermédiaires. François Wioland propose, en position inaccentuée, d'utiliser les archiphonèmes /Œ, O, E/ pour montrer que le timbre est variable sans incidence dans cette position.

Cette chanson illustre le fait que la voyelle en français est relativement stable quelle que soit sa position dans le mot phonétique et quel que soit son environnement consonantique. Voir leçons 55 et 56 dans Phonétique Progressive du Français, CLE International, 2012.

Merci à Manuela, Cléo, François, Pascale et Nathalie pour les dessins.

Si vous connaissez d'autres chansons "phonétiques", je suis bien sûr preneur!

 

 

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29 mars 2013

Morceaux choisis (2)

Mon rêve familier, de Paul Verlaine.

(La sculpture est un détail de La Loire et le Loiret (1703-1707) de Corneille Van Clève, au jardin des Tuileries.)

 

Et une belle déclaration d'amour, extraite d'un film dont je ne me souviens plus précisément (un film en noir et blanc), faite de bribes de poèmes de Victor Hugo (À une femme, Ode douzième : Encore à toi). Si vous connaissez le titre de ce film, merci de m'écrire !

 

"Oh que tout le jardin, la maison, la nuée,

Que la branche fleurie, que la feuille gonflée,

Que tout devienne-une âme et te parle de moi.

C'est toi qui tiens ma main quand je marche dans l'ombre,

Et les rayons du ciel me viennent de tes yeux.

Si j'étais roi des rois, je donnerai l'empire,

Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple-à genoux,

Pour-un baiser de toi, que je prendrai ce soir."

 

(La sculpture est Le baiser (1890) d'Auguste Rodin (1840-1917) au jardin des Tuileries.)

 

 

28 mars 2013

Entraînement phonétique : une histoire drôle

Pour continuer la promotion de la variété des exercices de prononciation, je propose une histoire drôle.

Parce qu'avoir de l'humour dans une autre langue peut-être très motivant.

Parce qu'une histoire drôle constitue un corpus court, avec des phrases généralement simples, souvent répétées dans l'histoire elle-même (c'est le cas ici), mobilisant des qualités de souplesse d'élocution (ici avec un changement de voix), le tout dans le plaisir naturel de la narration (nous racontons les histoires qui nous ont plu).

C'est un corpus idéal à s'approprier dans le jeu, où l'expressivité peut prendre une grande part.

Parmi les autres caractéristiques phonétiques de l'histoire présentéee dans le diaporama, signalons le maintien des "e" typiques d'un adulte s'adressant à un enfant : "Tu peux me le passer?" et non pas "Tu peux m'le passer?".

L'histoire peut être présentée après avoir vérifié quelques éléments assurant la compréhension de l'ensemble : les échanges au téléphone ("passer quelqu'un"), le lexique de l'histoire ("être occupé"), etc... Elle peut faire ensuite l'objet d'une dictée, du repérage de caractéristiques phonétiques (identification des groupes rythmiques, "e" prononcés ou non, repérage de certaines voyelles, ou consonnes, ou semi-consonnes,...), bref tout ce qui permet de l'entendre encore et encore pour se l'approprier sans passer par une explicite période d'apprentissage par coeur... avant de proposer de la répéter avec l'enregistrement puis de l'enregistrer à son tour.

On confrontera toujours l'écrit à l'enregistrement.

 

 

27 mars 2013

Transcriptions Phonétiques (1)

Hommage au Maître Phonétique.

Périodique écrit en Alphabet Phonétique International et en plusieurs langues (anglais, General American, français, allemand, italien, espagnol...), Le Maître Phonétique, revue de l'Association Phonétique Internationale (dont on peut lire les premiers numéros en ligne : http://archive.org/details/lematrephontiqu00vivagoog) a paru de 1904 à 1970.

DSC06370

Nous en proposons ici des extraits en français, dont nous donnons plus bas la transcription orthographique.

Si ces transcriptions phonétiques / orthographiques vous intéressent, merci de laisser un commentaire pour en demander de nouvelles.

 

 

Premier extrait du n° 45, janvier-mars 1934.

Cliquez sur l'image pour l'agrandir

 

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Partie des élèves

Français

La maison était restée sous la protection d(e) trois gamins. L’un grimpé sur le faîte d’une charrette chargée d(e) fourrage vert, jetait des pierres dans un tuyau d(e) cheminée d(e) la maison voisine, espérant qu’elles y tomb(e)raient dans la marmite. L’autre essayait d’am(e)ner un cochon sur le plancher d(e) la charrette qui touchait à terre, tandis que l(e) troisième, pendu à l’autre bout, attendait qu(e) le cochon y fut placé pour l’enl(e)ver en f(ai)sant faire la bascule à la charrette. Quand Derville leur demanda si c’était bien là que demeurait Monsieur Chabert, aucun n(e) répondit et tous trois le r(e)gardèrent, avec une stupidité spirituelle, s’il est permis d’allier ces deux mots. Derville réitéra ses questions sans succès. Impatienté par l’air narquois des trois drôles, il leur dit de ces injures plaisantes que les jeunes gens s(e) croient l(e) droit d’adresser# aux enfants, et les gamins rompirent le silence par un rire brutal. Derville se fâcha. Le colonel, qui l’entendit, sortit d’une petite chambre basse, située près d(e) la laiterie, et apparut sur le seuil de sa porte avec un flegme militaire inexprimable.

 

Extrait de BALZAC, Le Colonel Chabert

 

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Deuxième extrait du n° 63, juillet-septembre 1938.

Cliquez sur l'image pour l'agrandir

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Partie des élèves

Français

La fable de Pierre

 

 Personnages: La débitante et son fils Pierre, un marchand d(e) toile. Quelque part en Haute Normandie, dans un p(e)tit café-débit, au bord de la route.

Déb : Viens don(c) dire bonjour au monsieur. Allons, n(e) fais pas ton p(e)tit nigaud, i(l) va t(e) donner  deux sous pour ta peine.

Pierre : J(e) veux pas, moi. Na !

Déb : C’est la timidité  qui l’empêche, mon bon monsieur. Voyons , Pierre, n(e) te sauve pas comme ça. I(l ne) va pas t(e) manger, l(e) monsieur.

Pierre : Voilà, j(e) viens, mais il faut qu’i(l) m(e) donne deux sous.

Déb : Puisqu’il a promis, vieux bêta ; « Allons, viens que j(e) te mouche. Souffle, souffle fort. Où as-tu donc été t(e) fourrer ? Croyez-vous qu’il est barbouillé ! Les enfants d(e) la campagne, on n(e) peut pas les tenir aussi propre qu’à la ville, on s(e) ruin(e)rait en blanchissage. Alors, vas-y, récite-nous ta fable.

Pierre : Laquelle ?

Déb : Celle qui parle d’une cigale et d’une fourmi.

Pierre : J(e ne) la sais plus.

Déb : En voilà un mensonge pour un enfant qui va faire sa première communion. Pendant qu(e) j’y r(e)pense, envoyez-moi donc deux paires de draps pur fil, non brodés. Traitez-moi en amie, hein ? I(l) m’en faudra d’autres ; et pas d(e) traites, surtout. Le facteur n’a pas besoin d(e) savoir où j(e) me fournis. Eh bien, y es-tu ? On t’attend !

Pierre : La cigale et la fourmi…

Déb : N(e) mets pas tes doigts dans ton nez ! Tu verras qu’un jour, il faudra t(e) le couper.

Pierre : Où veux-tu qu(e) je les mette, mes doigts ?

Déb : Faut-i(l) qu’il ait réponse à tout ! Allons, vite, le monsieur n(e) peut pas attendre indéfiniment.

Pierre : La cigale et la fourmi….

Déb : Veux-tu m(e) laisser ton tablier tranquille ! Ne le voilà-t-i(l)  pas qui agrandit l(e) trou qu’i(l) vient d(e) faire à son sarrau tout neuf ! Vas-tu commencer, ou faut-i(l) que j(e) me fâche pour de bon ?

Pierre : J(e) peux pas, tu parles toujours.

Déb : Attends un peu, que j(e) me mette en colère…

Pierre : La cigale et la fourmi….

Déb : Parle plus fort, on croirait qu(e) tu as d(e) la bouillie plein la bouche !

Pierre (très fort) : La cigale et la fourmi : La cigale ayant chanté Tout l’été, Se trouva fort dépoilue

Déb : Qu’est ce que tu nous racontes ?  C’est « dépourvue » qu(e) c’est écrit.

Pierre : J’aime mieux dépoilue. Au moins, ça a un sens !

Se trouva fort dépourv…. voilue Quand la brise fut venue. Pas un seul petit morceau, De mouche ou de vermisseau.

Elle alla crier famine Chez la fourmi sa v….

Oh, maman, regarde la vache qui s’est sauvée dans la pièce de blé !

Déb : C’est pourtant vrai. Viens avec moi la rattraper, avant qu’elle n’arrive au carré d(e) betteraves à Cyprien. Tu r(e)viendras finir ta fab(le), pour que l(e) monsieur te donne tes deux sous. Dites, monsieur l(e) marchand, servez-vous encore du café, et puis atteignez-moi des échantillons d(e) toile. Je suis à vous dans un instant.

Ils sortent en courant, et le marchand se verse une pleine tasse de café, attendant avec résignation la fin de la fable de Pierre.

 

Adapté du conte normand de G. DEMONGE, par J.P. VINAY
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Un dernier extrait que je vous laisse le soin de transcrire orthographiquement.

n° 15, juillet-septembre 1926.

 

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27 mars 2013

Traitement linguistique vs. traitement auditif

 

En matière d'apprentissage de la prononciation d'une langue étrangère, on oppose souvent l'évidente facilité des enfants et les grandes difficultés généralement rencontrées par les adultes. La recherche a pourtant montré que cette différence n'est pas tant le fait d'une plasticité cérébrale, auditive ou articulatoire des enfants que les adultes auraient perdue. Il s'agit surtout d'un traitement différent de l'information.

Les enfants traitent l'information acoustique "étrange / étrangère" qui leur parvient, de façon auditive, on pourrait dire telle quelle, brute et la réutilisent et/ou la stockent en l'état.

Alors que les adultes cherchent à traiter l'information acoustique qui leur parvient, de façon linguistique, en la décomposant en éléments connus, ou assimilables à ce qu'ils connaissent déjà. Ce faisant, ils déforment l'information qu'ils reçoivent.


Illustration de la différence de traitement :

Au laboratoire de langue, une étudiante hispanophone fait un exercice de répétition, le casque sur les oreilles. Elle entend l'énoncé suivant : "... ses cours d'allemand, son projet pour l'école", qu'elle répète ainsi : "ses cours d'allemand, sonne pRoyect dé l'école". La première partie de l'énoncé est spectaculairement parfaitement prononcée, la deuxième étant ... du franco-espagnol (en API : [seku:ʁ dalmɑ̃ / sɔn projɛkt / delekɔl]). Elle me demande alors : "sescoursd'allemand (de nouveau parfaitement prononcé!!!), ça vé diRe quoi?".

Conclusion : Cette étudiante prononce parfaitement l'information acoustique qu'elle traite de façon auditive (qu'elle n'interprète pas linguistiquement puisqu'elle ne la comprend pas) et qui pourtant présente beaucoup d'écueils phonétiques pour un hispanophone. Alors qu'elle déforme au point de changer certains mots, ce qu'elle comprend. Etonnant, non???

 

On peut alors concevoir un entraînement qui valorise d'abord le traitement auditif de l'information acoustique pour favoriser l'adoption de nouveaux gestes de prononciation, en évitant le traitement linguistique (en évitant les supports écrits? en utilisant des logatomes?, des noms propres?  - cf. Des exercices (1) et (2) avec les noms de villes et de stations de métro). On est alors bien loin des principes communicatifs...

A l'habituelle remarque des apprenants : "Je n'entends pas", il faut opposer "Tu interprètes différemment, mais tu entends la même chose".

De même, en production, et tous les enseignants le savent : plus l'attention de l'étudiant est focalisée sur le contenu de sa production orale (choix lexical, structures grammaticales), moins la performance phonétique est bonne. C'est donc à une maîtrise conjointe de ces deux attentions qu'il faut progressivement amener l'étudiant.

Kika(Les Gémeaux, de Francesca Guerrier)

 

 

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21 mars 2013

Les fricatives [s], [ʃ], [z], [ʒ]

A la demande d'une ancienne étudiante coréenne, un court poème (si court et répétitif qu'il se mémorise vite) du poète belge francophone Maurice Carême pour travailler les fricatives : [s], [ʃ], [z], [ʒ].

Rappel :

[s], [ʃ] sont des fricatives sourdes, produites sans vibration des cordes vocales.

[z], [ʒ] sont leurs correspondantes sonores, produites avec vibration des cordes vocales.

[s] (comme [z]) est très aigu, produit par le frottement de l'air à travers un tout petit interstice (comme une minuscule fuite dans un tuyau).

[ʃ] (comme [ʒ]) est grave, produit par le frottement de l'air à travers un large espace (comme une grosse fuite d'air dans un tuyau).

 

Le Chat et le Soleil, de Maurice Carême

Le chat ouvrit les(Z) yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les(Z) yeux,
Le soleil y resta.

Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J’aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.

 

[lŒ'ʃa elŒsO'lɛj, dŒ *mOʁiskaʁɛm
[lŒ'ʃa uvʁile'zjø
lŒsO'lɛj iɑ̃'tʁa 
lŒ'ʃa fɛʁmale'zjø  
lŒsO'lɛj iʁɛs'ta  
 
vwalapuʁ'kwa lŒ'swaʁ
kɑ̃lŒʃasŒʁe'vɛj 
ʒapɛʁ'swadɑ̃lŒ'nwaʁ
dømɔʁ'sodŒsO'lɛj]

 

20 mars 2013

Réfléchir à son apprentissage phonétique avec Pygmalion

On néglige trop souvent de réfléchir à son apprentissage. Ce qui, dans un domaine comme l'adoption d'une nouvelle prononciation, est crucial. C'est à mon sens un des rôles fondamentaux de l'enseignant. Autant l'apprenant peut s'entraîner seul (s'il veille à demeurer conscient et actif), autant la réflexion sur les enjeux de l'apprentissage (motivations et freins) me semble devoir être guidée, partagée et poussée assez loin. La recherche a montré que le progrès en prononciation d'une nouvelle langue est pour moitié le fait de l'attitude et de la motivation, et pour moitié (seulement!) le fait de l'entraînement. Il est donc important de faire le point régulièrement sur son attitude face à ce que l'on apprend, et prendre du recul.

Je raconte souvent l'anecdote suivante : une collègue enseignante vient me trouver : "Je viens te voir parce que j'ai des problèmes en prononciation de l'anglais. A l'écrit tout va bien, mais pour mes présentations orales dans les colloques, j'ai vraiment des problèmes. Donc, je me suis acheté un livre. Que penses-tu de mon livre?"

(Dans mon for intérieur, je pense à mon frère qui me dit régulièrement : "Il faut que je refasse du sport. Alors... j'ai acheté un livre - d'exercices de gymnastique".)

Je feuillette le livre de phonétique de l'anglais qu'elle me tend, et qui aborde toutes les caractéristiques de l'anglais.

- Ton livre m'a l'air très bien, très complet. Mais quel est ton problème?

- La prononciation de "th", dit-elle en le prononçant parfaitement.

- La prononciation de...?, dis-je juste pour le plaisir de la voir réaliser à nouveau parfaitement un son qu'elle déclare ne pas maîtriser.

- De "th"!

- Et bien voilà, tu l'as parfaitement prononcé!

- Ah oui, mais là, c'est parce que je le prononce tout seul, mais dans des phrases, je n'y arrive pas.

- Alors, rien de grave! Si tu arrives déjà à le prononcer tout seul, tu dois juste t'entraîner à le prononcer d'abord dans des mots d'une syllabe, puis de 2, faire des gammes, surligner le son dans des textes pour le repérer et t'appliquer. Bref, t'organiser un entraînement régulier et progressif pour maîtriser ce son qui te résiste. D'ailleurs, tu en penses quoi de ce son?

- "Th"? C'est moche et vraiment ridicule à prononcer!

- Ah???? Si c'est vraiment ce que tu penses, ce n'est pas le son qui te résiste, c'est toi qui résiste au son! Et il vaut mieux attendre que ton opinion ait évolué plutôt que de commencer un travail qui risque de t'épuiser si tu résistes.

- ??

- Tant que tu ne prendras pas de plaisir à prononcer cette jolie consonne de l'anglais (que l'on trouve aussi en espagnol d'Espagne, par exemple), comme un son attrayant par sa différence, finalement facile dans son articulation (d'ailleurs tu l'as parfaitement prononcé) et qui te fait véritablement entrer dans la prononciation de l'anglais... bref, tant que tu ne voudras pas vraiment jouer le jeu, commencer un travail est inutile. Tu en penses quoi?"

 

Voici un exemple, parmi de nombreux autres, d'échange sur les enjeux de l'apprentissage. Je vois trop souvent des étudiants tenter de compenser leur manque de conscience phonétique par la quantité d'entraînement. Et j'ai l'impression de voir des mouches se cogner à une vitre, plutôt que prendre le recul pour trouver une issue.

Pour amener à réfléchir sur les composantes cruciales d'un apprentissage phonétique, partons de Pygmalion.

Pygmalion est une pièce de George Bernard Shaw (1856-1950), prix Nobel de littérature 1925. La pièce, écrite en 1912, est une romance sur fond de phonétique, nouvelle science de l'époque (l'Association Phonétique Internationale est née en 1897).

Pygmalion

 

La pièce a fait l'objet de deux adaptations cinématographiques :

Pygmalion (1938), aujourd'hui libre de droits et que l'on peut voir ici (avec des sous-titres en anglais) :

et My Fair Lady (1964).

pygm1938                  My_fair_lady

Tout le monde connaît l'histoire : deux aristocrates britanniques, dont un phonéticien (Henry Higgins), font le pari de transformer la prononciation "cockney" d'une pauvre fleuriste (Eliza Doolittle) en un accent aristocratique pouvant faire illusion à la cour d'Angleterre.

La version originale de la pièce traite avec précision de science phonétique - dont l'enregistrement et la transcription sont les domaines phares de l'époque. Par exemple, dans l'extrait suivant et son commentaire par l'auteur :

THE FLOWER GIRL. Ow, eez ye-ooa san, is e? Wal, fewd dan y' de-ooty bawmz a mather should, eed now bettern to spawl a pore gel's flahrzn than ran awy atbaht pyin. Will ye-oo py me f'them? [Here, with apologies, this desperate attempt to represent her dialect without a phonetic alphabet must be abandoned as unintelligible outside London.]

Pour les besoins du film de 1938 auquel il collabore (et pour lequel il recevra un Oscar en 1939 pour le scénario), G.B. Shaw ajoute à la fin de l'acte II la première leçon de prononciation d'Eliza, cette dernière faisant preuve de grandes dispositions à l'adoption de nouveaux gestes de parole.

Les éléments pédagogiques qui me semblent intéressants à discuter (voir diaporama ci-dessous) :

- Higgins déclare au début de la pièce qu'il est possible à Eliza d'apprendre à changer de manière de parler : l'enseignant croit en l'effet de ses techniques sur son élève (voir l'effet Pygmalion de Rosenthal) ;

- Eliza est motivée par un objectif professionnel et elle est prête à payer pour l'obtenir ;

- elle suit un entraînement intensif (elle en rêve la nuit) ;

- elle suit un enseignement varié : théorique (avec des profils articulatoires), des sons isolés, dans des mots, dans des énoncés (de type virelangue), technologique (avec des enregistrements, des représentations oscillographiques, des "machines"), centré sur des voyelles, des consonnes, la prosodie... et même la mythique technique d'entraînement de Démosthène avec des billes dans la bouche! (rappelons que Démosthène aurait eu la voix qui portait peu - d'où l'entraînement face à la mer, et aurait eu une élocution difficile / de type bégaiement? - d'où les petits galets dans la bouche... de là à ajouter de la difficulté à la difficulté...)

- elle est entraîné par un coach sévère et intransigeant (Higgins) et un coach attentif et bienveillant (Pickering).

 

Le film de 1964 My Fair Lady prend des libertés par rapport au texte et rend compte d'un parcours d'apprentissage plus conflictuel... parcours que j'ai souvent rencontré dans mon exercice professionnel.

Conformément à la pièce, les éléments pédagogiques sus-mentionnés sont là aussi présents, mais... Eliza ne fait pas de progrès. Dans aucun domaine. Elle souffre, harnarchée dans les machines, les voyelles lui résistent, les "h" aussi - elle brûle ses feuilles dans la flamme de la machine, elle n'entend pas, ne reproduit pas.... Elle s'épuise et ses deux mentors aussi.

Jusqu'au moment où...

Higgins, lassé de lui demander de répéter une phrase qu'elle ne parvient pas à produire à l'identique, s'interrompt et vient lui rappeler l'objectif de cet apprentissage ("la majesté et la grandeur de la langue anglaise"). Et il lui assure qu'elle va atteindre cet objectif. C'est le recul nécessaire pour casser une routine improductive.  L'apprentissage ne montre pas un progrès linéaire. Il est clairement marqué par des étapes dont la première est cruciale. C'est l'entrée dans la maîtrise de la nouveauté. Voici l'extrait :

ELIZA - « The rine in Spine stais minely in thee pline ». I can't! I'm so tired!

PICKERING - For God's sake, Higgins, it must be -- in the morning. Do be reasonable.

HIGGINS - I am always reasonable. Eliza, if I can go on  with a blistering headache, you can.

ELIZA - I got a 'eadache, too.

HIGGINS - I know your head aches. I know you're tired. I know your nerves are as raw as meat in a butcher's window. But think what you're trying to accomplish. Just think what you're dealing with. The majesty and grandeur of the English language.... It's the greatest possession we have. The noblest thoughts that ever flowed through the hearts of men... are contained in its extraordinary, imaginative... and musical mixtures of sounds. And that's what you've set yourself out to conquer, Eliza. And conquer it you will. Now try it again.

ELIZA - « The rain in Spain...stays mainly in the plain. »

HIGGINS - What was that?

 

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Les motivations d’Eliza

I want to be a lady in a flow’r shop, ‘stead of sellin’ at the corner of Tottenham Court Road. But they won’t take me unless I can talk more genteel. He said ‘e could teach me. Well, ‘ere I am, ready to pay ‘im, not asking any favor and he treats me as if I was dirt. I know what lessons cost as well as you do and I’m ready to pay.

 

Techniques 1 : L’alphabet

- Say your vowels !

- I know me vowels. I knew’em before I come.

- If you know them, say them.

- Ahyee, e, iyee, ow, you.

- A E I O U.

- That’s what I said : ahyee, e, iyee, ow, you. That’s what I’ve been said for three days an’ I won’t say it no more.

- I know it’s difficult Miss Doolittle, but try to understand.

 

Techniques 2 : L’alphabet phonétique

Techniques 3 : Les voyelles en contexte

 

Techniques 4 : Aides visuelles / tongue twisters

- Come here Eliza and watch closely. Now, you see that flame. Every time you pronounce the letter “H” correctly, the flame will waver and every time you drop your “H”, the flame will remain stationary. That’s how you know you’ve done it correctly. In time, your ear will hear the difference. You’ll see it better in the mirror. Now listen carefully. “In Hartford, Hereford and Hampshire, hurricanes hardly ever happen”. Now you repeat after me : “In Hartford, Hereford and Hampshire, hurricanes hardly ever happen”.

- “In ‘artford, ‘ereford and ‘ampshire, ‘urricanes ‘ardly Hever ‘appen”.

- Oh no no. Have you no ear at all?

- Should I do it over?

- No please. Start from the very begining. Just do this , go : HA, HA, HA, HA.

 

Techniques 5 : L’intonation

- Again Eliza : “How kind of you to let me come”. [...]

- No, “kind of you”. It’s like “cup of tea”. Say “cup of tea”.

- Cuppatea...

 

Techniques 6 : Démosthène

- 4, 5, 6 marbles. Now, I want you to read this and I want you to enunciate every word just as if the marbles were not in your mouth : “With blackest moss, the flower pots were thickly crusted, one and all”. Each word clear as a bell.

 

 

16 mars 2013

Lexique en [ø]

L'objectif est de présenter du vocabulaire simple (A1/A2) :

- permettant de travailler une voyelle (ici [ø]) en position accentuée (comme un dictionnaire de rimes),

- sans support orthographique,

- présenté en groupe rythmique, c'est-à-dire avec un minimum de contexte (n'accordez aucun crédit aux lexiques livrant le mot brut, sans article ou sans contexte),

- avec le temps nécessaire à la répétition,

- avec des voix variées et non professionnelles (il s'agit de ma famille et de mes amis).

 

Le lexique ci-dessous travaille la voyelle [ø] en position accentuée, le plus souvent en syllabe ouverte (ce qui correspond à la structure syllabique la plus fréquente pour cette voyelle en français) mais aussi en syllabe fermée (dans le féminin de certains noms - danseuse, nageuse, et adjectifs - amoureuse, sérieuse).

Cette voyelle typique du français (c'est comme cela qu'on hésite en français "Euh...") pose problème à de nombreux apprenants étrangers qui peuvent la confondre avec [e] (hispanophones), [o] (arabophones), [u] (japonophones)...  L'entraînement à la production du [ø] français constitue une priorité pour pratiquement tous les apprenants.

Merci à Christiane, Bernard, Sophie, Vincent, Martin, Cléo, Manue, Marc, Tom, Frédérique, Emile, Olivia, Emmanuelle, Cédric, Michel et Pauline pour leurs voix :)

 

 

14 mars 2013

Morceaux choisis (1)

Le "morceau choisi" est un support traditionnel en entraînement à la prononciation. Il est souvent prisé pour son intérêt littéraire et culturel, avec une moindre prise en compte de l'intérêt phonétique.

A partir d'un morceau choisi (comme à partir d'autres supports), différentes pratiques de la répétition sont possibles :

• la répétition simple : l’étudiant répète après le modèle (énoncés courts ou mémorisés), à l’identique ou plus ou moins vite, en transformant sa voix (criée, chuchotée,etc.) La répétition peut être suivie d’une correction.

• l'écho : répétition quasi-simultanée (léger décalage en écho) avec des énoncés de durée moyenne ou parole continue – on privilégiera alors les caractéristiques suprasegmentales.

• la poursuite : répétition simultanée (la plus précise possible) avec un locuteur modèle (énoncés courts ou mémorisés).

 

 

Ci-dessous le très célèbre poème de Jacques Prévert, Déjeuner du matin, dont vous trouverez sur le Net de nombreuses autres versions moins "aménagées pour l'entraînement phonétique" mais par contre au moins aussi intéressantes pour leurs interprétations :)

En Alphabet Phonétique International :

[dEʒŒnedyma'tɛ̃ / dŒ *ʒakpʁE'vɛʁ //
ila'milŒka'fe / dɑ̃la'tas //
ila'milŒ'lE / dɑ̃la'tasdŒka'fe //
ila'milŒ'sykʁ / dɑ̃lŒkafeo'lE //
avɛklapŒtitkɥi'jɛʁ / ilatuʁ'ne
ilabylŒkafeo'lE / eilaʁŒpOzela'tas / sɑ̃mŒpaʁ'le //
ilaaly'me ynsiga'ʁɛt //
ilafEdE'ʁõ / avɛklafy'me //
ilamilE'sɑ̃dʁ / dɑ̃lŒsɑ̃dʁi'e //
sɑ̃mŒpaʁ'le / sɑ̃mŒʁŒgaʁ'de //
ilsElŒ've //
ila'mi / sõʃa'posyʁsa'tɛt //
ila'mi / sõmɑ̃todŒ'plɥi / paʁskilplŒ'vɛ //
eilEpaʁ'ti / sula'plɥi /
sɑ̃zynpa'ʁɔl / sɑ̃mŒʁŒgaʁ'de //
e'mwa / ʒEpʁima'tɛtdɑ̃ma'mɛ̃ /
eʒEplŒ'ʁe // ]

Le non moins célèbre et magnifique poème de Victor Hugo,
extrait des Contemplations, "Demain, dès l'aube..."
 
[dŒ'mɛ̃ dE'loːb / dŒ*viktɔʁy'go //
dŒ'mɛ̃ dE'loːb / a'lœːʁ ublɑ̃ʃilakɑ̃'paɳ / ʒŒpaʁti'ʁE //
vwa'ty /ʒŒ'sɛ kŒtyma'tɑ̃ / ʒiʁEpaʁlafO'ʁɛ / ʒiʁEpaʁlamõ'taɳ /
ʒŒnŒ'pɥi / dŒmŒ'ʁe / lwɛ̃dŒ'twa / plylõ'tɑ̃ //
ʒŒmaʁʃŒ'ʁE / lEzjøfiksesyʁmepɑ̃'se /
sɑ̃ʁjɛ̃vwaʁOdŒ'ɔʁ / sɑ̃zɑ̃tɑ̃dʁ okɛ̃'bʁɥi /
'sœl / ɛ̃kO'ny / lŒdokuʁ'be / lEmɛ̃kʁwa'ze / 'tʁist/
elŒ'ʒuʁ / puʁ'mwa / sŒʁakɔmŒla'nɥi //
ʒŒnŒʁŒgaʁdŒ'ʁE / nilɔʁdyswaʁki'tõb /
nilE'vwal o'lwɛ̃ / dEsɑ̃dɑ̃vɛʁaʁ'flœʁ //
ekɑ̃ʒaʁivŒ'ʁE / ʒŒmEtʁEsuʁta'tõb /
ɛ̃bukEdŒu'vɛʁ /edŒbʁɥijɛʁɑ̃'flœʁ // ]
13 mars 2013

Rythme : 4 syllabes

81, 82, 86, 90...
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