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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
20 novembre 2013

Evaluer la prononciation

 

    On m'a demandé récemment à plusieurs reprises un article d'Albert Di Cristo (du Laboratoire Parole et Langage de l'Université d'Aix-en-Provence) sur la présentation d'un test de niveau en prononciation, que je signale fréquemment :

DI CRISTO, A., (1975) Présentation d'un test de niveau destiné à évaluer la prononciation des anglophones, Revue de Phonétique Appliquée, vol. 33-34, p. 9-35.

    Je reproduis ici la première partie de l'article, qui propose un magistral panorama critique des différents types possibles d'évaluation et des techniques associées. Cette présentation est un excellent point de départ à toute réflexion sur l'élaboration d'un test, en fonction des objectifs, du public, des moyens humains et matériels... Nous y reviendrons dans de prochains messages.

*   *

*

1. Situation des tests de langue.

En dépit de leur extrême diversité, les tests de langue dont nous disposons à ce jour, peuvent être ramenés, si l’on prend pour critère unique les objectifs qu’ils visent à atteindre, à quatre catégories fondamentales (Mackey, 1969).

Nous distinguons ainsi :

a)     les test de niveau de connaissance (Proficiency tests), qui se proposent d‘évaluer le degré de connaissance acquis par l’étudiant dans la pratique d’une langue donnée et, partant, de lui assigner, en fonction d’une échelle de valeurs soigneusement établie, un grade déterminé.

b)    Les test d’aptitude (Pronostic tests), dont le rôle est de prédire les aptitudes de l’étudiant à apprendre les langues en général ou une langue particulière.

c)     Les test d’acquisition (Diagnostic tests), qui ont pour but de recueillir, à un moment donné de l’apprentissage, diverses informations sur les connaissances linguistiques des apprentis, et de déterminer, du même coup, la matière qui reste à enseigner.

 

Il n’est évidemment pas question de décrire en détail ici les différentes catégories qui viennent d’être énumérées. D’autres l’ont déjà fait et de façon exhaustive (Marty, 1960 : Lado, 1961 ; Valette, 1967 ; Rivers, 1968 ; Grittner, 1969). Nous préciserons en revanche, que le test qui va être présenté dans cette étude s’apparente à la catégorie (a) et porte exclusivement sur l’évaluation de la prononciation. Ce test a été conçu à l’intention des anglophones qui apprennent le français et s’adresse à des étudiants avancés. Il a vu le jour en 1972 à Middlebury College (U.S.A.) où le professeur J. Carduner, qui dirige l’Ecole Française d’Été, nous a fait l’honneur de nous confier, il y a deux ans, la responsabilité de l’enseignement de la phonétique française.

 

2. Légitimité d’un test de niveau en prononciation.

Il est indispensable, lorsque de nouveaux élèves sont attribués au professeur chargé d’enseigner la prononciation, que celui-ci puisse déterminer rapidement le profil phonétique de chacun d’entre eux. Nous voyons plusieurs raisons à cette nécessité.

Il convient, en premier lieu, d’éviter l’inscription arbitraire au cours de prononciation de l’étudiant qui a réussi à surmonter des difficultés phonétiques de la langue, et dont la présence forcée est une perte de temps pour tout le monde.

D’autre part, si l’on prend la peine de définir, au début d’un programme, le niveau de tous les étudiants, il sera bien plus aisé, par la suite, d’évaluer avec précision les progrès réellement effectués.

Enfin, il est plus conforme aux principes pédagogiques modernes, - dont on ne peut ignorer la rigueur sans cesse accrue, - de dire que tel étudiant a le grade B ou D, que d’affirmer ostentatoirement qu’il ne parle pas très mal le français ou qu’il a une prononciation détestable.

 

3. Le choix d’une technique.

Comment tester la prononciation, si l’on veut que la méthode soit à la fois efficace, objective, fidèle, valide et économique ?

Il existe, à vrai dire, de nombreux médias susceptibles de fournir des éléments de réponse à cette question. Cependant, s’ils possèdent tous d’indéniables avantages, certains offrent en retour de trop sérieux inconvénients pour être retenus.

La façon la plus naturelle d’évaluer la performance orale de l’étudiant est sans doute de placer ce dernier dans une situation de communication véritable. De ce point de vue, la conversation entre l’étudiant et le professeur, ou entre plusieurs étudiants, nous paraît offrir la meilleure garantie d’authenticité. Toutefois, si la méthode nous semble excellente pour dresser l’inventaire exhaustif des fautes propres à un groupe linguistique donné, il n’est guère raisonnable de l’envisager en tant que test. Il suffira pour s’en convaincre de prêter l’oreille aux objections pertinentes de Perren (1968) : « Suffice to say that although the ideal of a test based on free conversation is very attractive, the problems of sampling, and reliable scoring are almost insoluble, unless a great deal of time and many standardized experts are available. No free conversation test can assure that the material to be scored (i. e. the utterances by the testee) can be standard or made thoroughly comparable. Different people will speak differently about the same subjects or in response to the same stimuli. If conversational tests are recorded, scoring can be bases on pooled or multiple assesments, but for good reliability quite long passages are required and scoring takes proportionately longer «   (p.115).

Il est également possible de poser à l’étudiant une série de questions et de noter les réponses. Le procédé est non seulement long et fastidieux, mais il n’échappe pas en outre aux critiiques qui viennent d’être formulées.

Une autre technique consiste à présenter aux élèves des phrases à trous. Mais les limites de celles-ci sont faciles à prévoir, comme en témoignent ces remarques amusées de Léon (1966) : « Devant les phrases : Ce garçon est beau / Cette jeune fille est … qui doivent permettre de tester le /l/ final du mot belle, attendu comme réponse, on est parfois surpris d’entendre un candidat original répondre : jolie. Ce seul exemple suffit à montrer que, là encore, la technique n’est pas sûre. » (p. 25)

On a aussi beaucoup parlé des tests sur image (cf. surtout Lado, 1961 et Valette, 1967). Et selon certains, la formule aurait le plus grand attrait (Grittner, 1969) : « Vocabulary (and phonology) can be tested with the highest degree of purity if pictorial stimuli are used » (p.357). Mais on se heurte ici encore à de redoutables problèmes, dont certains sont loin d’être résolus. Nous pensons principalement à ceux qui concernent la lisibilité ou l’ambiguité de l’image, et qui continuent de hanter douloureusement les auteurs de méthodes audio-visuelles (Germain, 1970). Lequel d’entre nous, à l’instant même où il présentait le dessin amoureusement tracé d’un avion, afin de vérifier la réalisation de la voyelle nasale, n’a pas entendu son cobaye répliquer avec une naïveté désarmante : « C’est un jet » !

A « l’image-question » dont on vient d’évoquer les éventuels avatars, peut être substituée « l’image-description ». On montrera alors à l’étudiant une série de dessins, - ou une bande dessinée, - qu’il devra décrire oralement. Nous avons personnellement utilisé ce procédé, en prenant comme support visuel les images du test C.G.M. 62 (Mialaret, Malandain, 1962). Il s’est révélé fructueux pour dresser l’inventaire systématique des fautes de divers groupes linguistiques, mais il ne nous a pas semblé assez économique pour qu’on puisse véritablement l’envisager en tant que test de langue.

L’imitation (mimicry) a recueilli les suffrages de nombreux spécialistes (Delattre, 1960, 1961 ; Pimsleur, 1961 ; M.L.A. 1962, etc.). Cette technique consiste à demander à l’élève de répéter un certain nombre de courtes phrases proposées comme modèles. Ces dernièressont en principe soigneusement choisies en fonction des difficultés que l’on souhaite tester. Le gain de temps que permet un tel procédé est bien évidemment énorme. Lorsqu’on dispose d’un laboratoire de langues, plusieurs élèves peuvent subir le test simultanément et quinze minutes suffisent pour la passation d’une classe entière.

D’autre part la notation de l’épreuve ne posera pas de problèmes insurmontables. Il suffira que les consignes de correction soient clairement établies.

Un seul reproche peut être formulé à l’égard de ces types de tests, mais il est de taille : ils contrôlent davantage des facultés d’imitation que celles de production pure. Comme le note justement Pimsleur (1966) : « The basic question… is whether mimicry is good testing device. It offers a way to see how well the student produces certain segmental and prosodic features of speech. It tests whether he can produce them all, even Under the best circumstances, when some one has just given him a correct model to work from. It does not test wheter he will produce them himself when he has no model to work from » (p. 204).

 

Reste à examiner la technique de la lecture. Celle-ci peut revêtir deux aspects. Le premier consiste à l’élève de lire à haute voix un texte qui lui est soumis.

Outre qu’il est difficile de trouver un texte représentatif de tous les problèmes de prononciation que l’on désire tester, ce type de contrôle nous paraît contestable quant à sa validité, car, comme le remarque Perren (1968), la lecture « involves skills other than those required in speech. It is not by any means certain that pronunciation used when Reading aloud is representative of pronunciation used in free speech » (p. 115).

Ces inconvénients peuvent être évités, si au lieu de présenter un texte relativement important à l’élève, on lui propose une série de courtes phrases. C’est là le second procédé auquel nous faisions allusion à l’instant, et autant préciser tout de suite que nous l’avons retenu pour notre test. Ses avantages nous paraissent, en effet, dignes du plus grand intérêt.

L’utilisation de phrases permet de contrôler la totalité des problèmes dans un minimum de temps .

D’autre part, si l’on fait en sorte que chaque phrase ne teste qu’une difficulté à la fois, la notation se rtrouve être considérablement facilitée.

Enfin, si l’on choisit des phrases suffisamment brèves et familières, et si l’on donne pour consigne à l’étudiant de ne pas les lire, mais de les dire, après en avoir pris connaissance, on évite du même coup l’écueil signalé plus haut. Telle est d’ailleurs l’opinion de Valette (1967) : « If the phrases are familiar, such a test will produce a fairly natural speach sample » (p.90).

On nous objectera peut-être que cette technique fait la part trop belle aux interférences graphiques. Nous répondrons qu’il est facile, pour le professeur entrainé, de distinguer entre les fautes qui sont dues à ces interférences et celles qui ont des origines différentes. Nous pensons par ailleurs que l’étudiant doit, à un certain niveau de l’apprentissage pouvoir traduire sans difficulté les symboles graphiques en messages oraux correctement constitués.

 

 

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