Témoignages d'étudiants
Voici trois nouveaux témoignages d'étudiantes, qui viennent s'ajouter aux nombreux précédents... Ces écrits répondent toujours à la même consigne : "Freins et motivations à l'apprentissage de la prononciation d'une langue étrangère - expérience personnelle".
Salomé, française apprenant l'anglais
J’ai commencé à apprendre l’anglais au CM1. A l’époque, l’enseignant se fichait bien de notre prononciation approximative de l’anglais du moment que nous faisions l’effort de l’écouter et d’apprendre notre vocabulaire. On essayait simplement de reproduire ce qu’il disait avec des sons de la langue française.
Je ne me rappelle pas avoir eu des heures consacrées à la prononciation de l’anglais au collège ou au lycée. Je sais seulement que les professeurs nous faisaient travailler la prononciation en nous faisant répéter les mots de vocabulaire ou bien ils nous corrigeaient lorsque nous nous trompions en parlant ou en lisant, ils disaient le mot que nous ne prononcions pas bien puis ils nous le faisaient répéter jusqu’à ce que ça leur convienne devant le reste de la classe. On ne s’est donc jamais attardé sur la phonétique ou encore la transcription. Par contre ils s’attardaient sur les sons [θ] et [ð] qui posaient beaucoup de problèmes mais ce n’était jamais l’objet du cours et le professeur en parlait simplement parce qu’un élève avait fait l’erreur de mal prononcer un de ces sons. Je me souviens d’un manuel au lycée où l’écriture en phonétique était précisée à côté du vocabulaire de la leçon et je me questionnais quant à la pertinence d’avoir ça dans nos manuels si nous ne l’étudions pas en classe. Je m’amusais à lire les transcriptions mais ça s’arrêtait là. En 7 ans de collège-lycée avec 5 professeurs différents je n’ai jamais étudié la prononciation, tout était dans l’imitation de l’enseignant.
Lorsque j’ai commencé ma licence d’anglais, au 2nd semestre de la première année, j’ai découvert et appris l’alphabet phonétique. A ce moment-là je n’étais pas vraiment intéressée. Probablement parce que la professeur n’a pas su me donner l’envie. J’ai toujours essayé d’avoir une bonne prononciation depuis la fin du lycée mais la phonologie ne m’avait pas [encore] intéressée. Ce qui a changé en 2ième année de licence, grâce à Mme Thompson, professeur de phonétique d’origine britannique, qui m’a fait trouver un intérêt à la discipline. Je me souviens qu’au début du semestre on avait dû apprendre les points d’articulation dans la cavité buccale par cœur sans pour autant savoir pourquoi on le faisait. Et toutes les semaines, elle nous demandait de lire un chapitre de English Phonetics et Phonology écrit par Peter Roach. Et le plus intéressant dans tout ça c’est que ma prononciation a connu une nette évolution grâce à ce cours alors que l’on étudiait un peu plus la théorie que la pratique. Mais nous allions au-delà de l’alphabet phonétique puisque nous travaillions aussi sur la musicalité de la langue et ses différentes accentuations. Et ça m’a permis de comprendre comment ça marchait.
En complément du cours de phonologie, j’ai eu pendant un semestre un cours de phonétique avec un professeur américain : M.Ford. C’est grâce à lui que j’ai compris l’intérêt de connaître les différents points d’articulation. Dans son cours il ne s’agissait pas seulement de connaitre la phonétique de l’anglais mais plutôt la phonétique en général. On étudiait des sons qui pouvait autant appartenir à l’anglais, qu’à l’espagnol, au français, au norvégien ou encore à des dialectes africains ou sud-américains dans un manuel appelé Articulatory Phonetics de Bikford et Floyd. On a découvert, par exemple, que la lettre <t> ne se prononçait pas de la même façon en français et en anglais. Contrairement à Mme Thompson il nous faisait travailler énormément la prononciation même celle de langues que nous ne maîtrisions pas. Grâce à ce cours j’étais capable de transcrire phonétiquement les langues que je ne parlais même pas et surtout prononcer chaque son de la langue anglaise grâce à l’apprentissage des points d’articulation. Enfin j’ai passé un an dans le Nord de l’Angleterre où j’ai perfectionné mon anglais.
Les freins dans mon apprentissage étaient multiples. Je pense que tout le monde est plus ou moins passé par la phase : « je veux faire comme les autres et avoir une mauvaise prononciation pour être cool ». Ça a été mon cas mais vu que je n’étais cool ni quand j’avais une mauvaise prononciation ni quand j’essayais d’en avoir une bonne, j’ai continué à suivre l’exemple de mes professeurs. Les moqueries n’ont pas aidé, même si j’arrivais à reproduire plus ou moins bien la prononciation de l’anglais, je n’arrivais pas à me résoudre à le faire de peur des moqueries face aux « bons élèves ». Mais le plus gros frein était le harcèlement scolaire au collège et surtout en seconde au lycée. Bien que la participation en classe de langue soit assez primordiale pour l’apprentissage, la mienne était devenue quasi-inexistante. Le cours d’anglais était ma bête noire puisque l’enseignant n’avait absolument aucune autorité sur ma classe qui passait son temps à rires des autres à voix hautes au lieu d’écouter, la règle en classe pour moi était de me faire remarquer le moins possible. Et malgré le changement de lycée l’année suivante, cette mauvaise expérience m’a poussé pendant un an à me fondre dans la masse. J’en suis seulement sortie au milieu de ma terminale quand j’ai décidé de faire une licence d’anglais.
Ma motivation est donc majoritairement apparue à l’université là où j’étais entourée de personnes dont le seul but était de maîtriser l’anglais. Mes professeurs étaient donc ma plus grande motivation. Dès qu’ils remarquaient mes efforts, cela me poussait à continuer. J’ai aussi ce plaisir à m’écouter parler en essayant de toucher du bout des doigts la prononciation parfaite. Et lorsque je regarde des séries anglophones (ou même d’autres langues que je connais), je répète les répliques des personnages pour m’entraîner et entendre à quel point je me rapproche de leur prononciation. Je pense aussi que les freins à mon apprentissage sont devenus un moteur pour prendre ma revanche sur ce qu’il m’est arrivée.
Je sais bien que la phonologie ou la phonétique ne sont pas la prononciation à proprement dit puisque c’est ce qui découle de celle-ci, mais mon apprentissage n’aurait pas été le même sans cette théorie. J’ai vraiment découvert un domaine qui me passionnait et c’est ce qui m’a poussé à parfaire ma prononciation.
Je sais que je n’ai pas besoin d’avoir une prononciation parfaite, mais je ne me vois pas apprendre une langue sans en connaître toutes ses spécificités. En fin de compte je pense que ce choix appartient à tout le monde de garder une part de son identité dans sa prononciation. Mais à mon avis, maîtriser la prononciation d’une langue est nécessaire même si l’on ne l’applique pas, parce que cela aide à mieux comprendre ce que l’on nous dit dans la langue cible.
Simona, française apprenant l'anglais
La prononciation, dans le cadre de l'apprentissage d'une langue étrangère, n'a pas été dans mon parcours scolaire le centre d'intérêt premier de mes professeurs avant la 4ème. Me fondant sur la manière dont m'a été enseigné l'anglais, il m'est possible de constater que tout était d'abord centré sur l'écrit et notamment sur la grammaire. En 6ème et en 5ème, très peu de place était accordée à l'oral : je n'avais donc pas de conseils phonétiques. On nous répétait juste, par exemple, que le "th" ne devait pas être prononcé comme un "z" ([z]) sans nous indiquer de réelles techniques permettant de produire ce son. En parallèle, n'ayant jamais été directement confrontée à ce moment-là à l'anglais parlé, je n'y avais accordé que très peu d'attention.
C'est donc en 4ème, quand j'ai enfin eu une professeure appliquant la méthode communicative/actionnelle, que j'ai découvert la pratique de l'oral lors de séances dédiées au sein des séquences didactiques de l'année. Je me suis alors réellement entendue parler anglais pour la première fois. Comme tous mes pairs, j'avais un lourd accent français. Deux choses ont alors fortement contribué à ce que mon accent s'améliore cette année-là. Premièrement, les techniques et les conseils donnés par ma professeure m'ont permis d'acquérir certains automatismes. Deuxièmement, j'étais la meilleure de ma classe en termes de notes, suivie de très près par un de mes amis. La grande différence entre nous était qu'alors que nous n'avions que quelques points de différence à l'écrit, il parlait comme un bilingue alors que je traînais encore un lourd accent français qui ne pouvait pas transparaître sur mes rédactions.
Se sont alors produites plusieurs métamorphoses assez subites motivées par divers facteurs. Tout d'abord, la compétition entre mon ami et moi m'a amenée à vouloir être meilleure que lui et cela même à l'oral. J'ai donc commencé à regarder des séries en VOSTFR et à m'accoutumer à la prononciation de l'anglais. J'ai alors développé l'envie de parler comme ces acteurs : voulant tellement me voir parler parfaitement cette langue, je me suis mise à converser avec moi-même en anglais, devant le miroir ou juste dans mon lit, par pur plaisir narcissique. Plus j'aimais l'accent que je prenais, plus je le perfectionnais. De plus, je voyais que ma professeure notait mes améliorations et je constatais que plus grand chose ne me séparait de mon ami, même à l'oral. Pour résumer, le personnage que je visualisais, c'est-à-dire moi-même quasiment bilingue, constituait un idéal à atteindre. La compétition et l'envie de séduire ma professeur (et moi-même, en partie) m'ont permis de dépasser la honte que j'avais à m'exprimer dans cette langue. Je n'avais plus peur d'exagérer et j'ai même réalisé que l'exagération était l'un des meilleurs moyens de saisir l'accent d'une langue et ses subtilités phonétiques. Plus j'avais le sentiment d'exagérer, mieux je parlais.