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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
7 mai 2019

Poste à pourvoir

 

    Une très célèbre jeune chanteuse new-yorkaise se risque à interpréter un classique de la chanson française... Une performance vocale mais les conseils de prononciation d'un natif n'auraient vraiment pas été de trop ! Voici la transcription phonétique du premier couplet... qui fait sourire. Reconnaissez-vous la chanson? et la chanteuse?

    La réponse un peu plus bas !

 

[de kifɔ̃bezelemjɛ̃ /  [dezjø] / [bese]

ɛ̃ʁiʁ kisœpɛʁsyʁsabluʃ / [buʃ]

vwalalœpɔʁtʁɛsɑ̃ʁetuʃ / [ʁœtuʃ]

dœlɔmœkɛl / ʒapaʁtʁjɛ̃] (j'apporte rien?) [okɛl / ʒapaʁtjɛ̃]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A star is born

 

 

   N'hésitez pas à partager d'autres chansons françaises interprétées par des non-natifs, comme C'est si bon par Eartha Kitt :

 

 

 

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5 mai 2019

Un Visiteur Timide (Les Maîtres du Mystère - 1)

 

 

     Il y a une quinzaine d'années, j'ai acheté un stock de cassettes (!) de la série Les Maîtres du Mystère, pièces radiophoniques de Radio-France (l'ORTF à l'époque) diffusées autour de 1970. On y entendait de bons acteurs, en particulier Michel Bouquet dont le jeu et la voix m'ont toujours fasciné. J'y ai trouvé des extraits exploitables en classe, j'y reviendrai dans de futurs messages.

   J'ai commencé par faire des transcriptions orthographiques de ces enregistrements, d'abord seul puis aidé d'étudiants, en précisant les marques d'oral entre parenthèses afin de présenter des formes grammaticales écrites complètes aux apprenants. Et c'est ce matériel brut que je souhaiterais aujourd'hui partager. L'Institut National de l'Audiovisuel (INA) a depuis réédité ces pièces en CD, et j'ai trouvé ces documents en ligne. Je me propose de mettre à mon tour mes transcriptions à disposition.

    Pour commencer, Un visiteur timide... (de Charles Maître, 1969)... avec Michel Bouquet ! J'ai déjà proposé ici une transcription phonétique de certains extraits de la pièce. En voici donc la transcription orthographique intégrale. Merci de me dire en commentaire votre intérêt pour ce type de document, l'usage que vous pensez en faire (comme enseignant ou comme utilisateur). Et de me signaler les erreurs qui persistent très probablement !

   Rappel : dans la fenêtre YouTube, en bas à droite, la petite roue crantée ouvre un menu de paramètres, dont la vitesse que vous pouvez adapter pour votre confort d'écoute.

 

 

 

 

Les Maîtres du Mystère

Un visiteur timide

de Charles MAÎTRE

Bernadette LANGE ……………. Solange

Jean-Claude MICHEL …………. Marc ROYER

Michel BOUQUET …………….. Georges ALLARD

 

 

(01'19'') [DRINNNG]

M : - Allô oui ? Ah Corinne ?! Justement, j'allais t'app(e)ler. Oui, un contretemps oui... (il) faut qu(e) je passe au théâtre. Quoi ? Mais non, mais non, pas du tout, je/ j(e) dois [DRINNNG] Allons bon, on sonne à la porte de / tu es chez toi ? Bon ben j(e) te rappelle dans un p(e)tit quart d'heure, hein ? A tout d(e)suite. Au r(e)voir. ... Oui oui voilà voilà.

S : - Hm, bonsoir lâcheur !

M : - Solange !... J(e) te croyais dans l(e) midi !

S : - Menteur, j(e) suis rentrée d(e)puis 15 jours et tu l(e) savais.

M : - Ahaha... Les s(e)maines passent si vite. Qu'est-ce qui t'amène ?

S : - Bah rien ! B… Je passais par là. J'ai vu d(e) la lumière... Tu es seul ? Tu m'offres un scotch ?

M : - Deux si tu veux, entre !

S : - Hm… Comment va la vie ?

M : - Ça va, ça va...

S : - Et les amours ?

M : - Hm, compliquées !

S : - Ta pièce ?

M : - On joue toujours à bureaux fermés. Il est question d(e) la monter à Broadway et d'en tirer un film. J(e) pars pour New York le mois prochain.

S : - Héhéhé, attention, tu risques d'attraper la grosse tête !

M : - Oh, ça m'étonn(e)rait, tu sais... Je suis r(e)venu d(e) tout avant d'y être allé, comme disait l'autre.

S : - Oui oui, on dit ça, et puis on s(e) laisse prendre comme tout l(e) monde. D'ailleurs, il n'y en a qu(e) pour toi en c(e) moment. Et l'on n(e) te voit plus qu'avec ta merveilleuse interprète, paraît-il ?

M : - Tant qu'à sortir... autant être bien accompagné…

S : - Ah ! dis, ça t'amuse le tout-Paris ?

M : - Bof, ça dépend des jours. Avant on m'ignorait, maint(e)nant on m(e) fait risette. Final(e)ment, ça n(e) fait pas une grosse différence.

S : - Et les femmes ?

M : - Quoi, les femmes ?

S : - (Bah) ça rapporte, le succès, non ?

M : - J(e) n'aime pas lui d(e)voir mes bonnes fortunes ! Tu vois c'est encore un peu tôt.

S : - Ah oui je vois oui... Riche... célèbre... et aimé pour toi-même... C'est peut-être beaucoup d(e)mander, tu (ne) crois pas ?

M : - Non. Je parlais de bonne fortune. J(e n')ai pas besoin qu'on m'aime.

S : - Aha. Merci. Tu sais à quoi tu m(e) fais penser ? À ces gens qui r(e)fusent les invitations pour n'avoir pas à les rendre. Égoïste et avare, mon cher, voilà c(e) que tu es.

M : - Tu l(e) penses ?

S : - Non, pas vraiment ! Non, mais... tu es tout d(e) même un drôle de coco... Et, ta Mad(e)leine, au fait ?

M : - Rompu !

S : - Non...

M : - Hm. (Il) y a huit jours, si.

S : - Oh ! et bah vrai, ça n'aura pas traîné !

M : - Qu’est-ce que ça veut dire ça ? Qu'est-ce que ça veut dire ??

S : - Bah, je (ne) sais pas pourquoi mais... j'ai toujours pensé qu(e) tu la quitt(e)rais l(e) jour où tu tir(e)rais l(e) gros lot. Elle était trop douce. Elle t'aimait trop bien. Pratique pour les années maigres, encombrante après.

M : - Hé tu oublies qu'elle est mariée. Un peu d'eau ?

S : - Beaucoup, oui. Merci, ah non quand même ! Merci. Tu l'as noyé... Comment l'a-t-elle pris ?

M : - Hm, mal. Je lui écris presque tous les jours pour essayer de/

S : - Oui, de faire passer la pilule ?

M : - Oui...

S : - J(e) les vois d'ici, tes lettres. Tiens : «Nous avons eu beaucoup, ne regrettons rien. Tâchons d'être bons amis.»

M : - Ben tu es bien la preuve que c'est possible, non ?

S : - Ah quand même... Ah j(e n’)oublierai jamais ta tête le jour où j(e) t'ai parlé d(e) divorcer. Ah, à l'instant-même, tu es dev(e)nu l'allié d(e) mon mari. Oui «On ne construit pas sur des ruines», disais-tu.

M : - Tu r(e)grettes ?

S : - Euh… Ben maint(e)nant non... Parc(e) que j'ai mon fils, et qu'il est merveilleux. Cinq ans déjà, tu t(e) rends compte ?

M : - Et ton mari ?

S : - Oh bof, de plus en plus accaparé par ses affaires et ses maîtresses. Le train-train, quoi ! (Dis donc) j'attends qu(e) tu t'installes au soleil. J'espère qu(e) tu auras des chambres d'amis ?

M : - Ne ris pas, j'y pense sérieusement !

S : - (Ne) te presse pas trop, va. Écris encore quelques pièces. T(u) es quand même un peu jeune pour vivre de pastis et… et de pétanque !

M : - Justement non, tu vois j'ai l'intention (de)/

[DRING] Bon, qu'est ce que c'est encore ?

S : - Tu attends quelqu'un ?

M : - Ben non. Excuse-moi j(e) vais voir...

S : - J(e) t'en prie, va.

(05'29'') M : - Monsieur ?

G : - Bonsoir, Monsieur. J(e) vous d(e) mande pardon d(e) vous déranger. Je... je suis Georges ALLARD, le mari d(e) Mad(e)leine.

M : - Vous désirez ?

G : - Vous parler.

M : - Je r(e)grette, mais vous tombez mal, je n(e) suis pas seul. Téléphonez-moi, nous prendrons rendez-vous.

G : - Non.

M : - Comment « non » puisque j(e) vous dis que/

G : - Ma femme est à l'hôpital. Elle a voulu s(e) suicider.

M : - Qu'est-ce que vous dites ?

G : - J(e) l’ai trouvée à ... à six heures en rentrant d(e) mon travail. Si j(e) n’avais pas r(e)noncé à une course que j(e) devais faire, je s(e)rais arrivé trop tard, probablement.

M : - Mais... elle est sauvée ?

G : - Les méd(e)cins refusent de s(e) prononcer. Elle est dans l(e) coma.

M : - Bon écoutez, je... hm, entrez...

 

M : - J(e) vais vous d(e) mander un instant, le temps d(e) renvoyer ma visite.

G : - Je suis désolé, je...

M : - Non, ce n'est rien, une amie d(e) passage. Tenez ! Entrez là et installez-vous. J'en ai pour une minute.

G : - Prenez votre temps. Je... je n(e) suis pas à cinq minutes.

M : - Bien... [IL REJOINT SOLANGE] Ah ben vrai !

S : - Qu'est-ce qui t'arrive ?

M : - Le mari d(e) Mad(e)leine.

S : - Quoi ?

M : - Elle est à l'hôpital, elle a tenté d(e) se suicider.

S : - Oh... de quelle façon ?

M : - Je n(e) sais pas. J(e ne) lui ai pas d(e)mandé.

S : - C'est grave ?

M : - Il paraît, oui. Elle est dans l(e) coma.

S : - Oh... et lui, qu'est-ce qu'il veut ?

M : - Mm, me parler. J(e) l’ai fait rentrer à côté.

S : - Quel genre d'homme est-ce ?

M : - Oh… un p(e)tit bonhomme... gentil et timide. C'est lui qui a l'air de s'excuser.

S : - Mais i(l) n(e) t'a pas dit c(e) qu'il voulait ?

M : - Non. J'ai l'impression qu'il est complèt(e)ment paumé.

S : - Ah, mon pauvre Marc ! C(e n')est pas l(e) moment d(e) t'accabler, mais ça d(e)vait arriver. Les lettres et les beaux discours, ça n(e) suffit pas toujours.

M : - Bon bon, hé… c'est bon, laisse-moi, va, hein ? Tu m'engueuleras un autr(e) jour.

S : - Veux-tu que j(e) reste dans l(e) quartier, que j(e) revienne plus tard ?

M : - Non, non, merci, tu es gentille. J(e) t'appell(e)rai demain.

S : - Bon. Bah appelle quand tu voudras, même au milieu d(e) la nuit, hein ? Jacques ne dira rien.

M : - Bon.

S : - À bientôt, Marc. Bah j'espère que... enfin qu(e) tu en s(e)ras quitte pour la peur...

M : - J(e) l'espère aussi, oui. Allez, au r(e)voir, toi.

S : - Au r(e)voir.

 (08'02'')

M : - Monsieur ALLARD, s'il vous plaît.

G : - Oui ?

M : - Tenez, venez par ici, nous s(e)rons mieux à côté.

G : - Ah bon… pardon.

M : - Entrez, entrez, j(e) vous en prie. Tenez, ass/ asseyez-vous.

G : - Merci, merci.

M : - Vous n(e) m'avez pas dit comment vo/ votre femme...

G : - Ah... euh... elle s'est empoisonnée.

M : - Avec quoi ?

G : - Oh, quelle importance. C(e) qui compte, c'est de savoir si elle vivra. Elle a pris des barbituriques, de plusieurs sortes, j(e) crois.

M : - Et que vous ont dit les méd(e)cins exactement ?

G : - Qu'il faut absolument la sortir du coma. S'ils n'y parviennent pas d'ici une heure ou deux, ils disent que/... qu'ils ne pourront plus rien.

M : - Pourquoi êtes-vous v(e)nu chez moi, Monsieur ALLARD ?

G : - Euh... ils m'ont renvoyé à l'hôpital. Oh, très gentiment, remarquez ! Seul(e)ment, à force de tourner en rond, de leur poser des questions, j'ai fini par les énerver ! Oui, ils m'ont dit qu'ils m'appell(e)raient. Ils m'ont d(e)mandé un numéro d(e) téléphone alors je... j'ai donné l(e) vôtre. Voilà.

M : - Et si j(e) n'avais pas été là ?

G : - Ah ben, je s(e)rai retourné là-bas.

M : - Hmm. [SOUPIR] Il y a longtemps que v/ qu'enfin v/... vous connaissez mon existence ?

G : - Deux ans.

M : - Deux ans ?

G : - Presque depuis l(e) début, oui. A l'époque et durant quelques temps, ma femme était dev(e)nue nerveuse, crispée... hostile, même. Je l'ai suivie. J'ai su qui vous étiez. Je... je m(e) suis renseigné.

M : - Renseigné ?

G : - Oui, c(e) que j'ai appris m'a tout d'abord rassuré. Apparemment, vous n'étiez pas homme à m(e) l'enl(e)ver pour de bon. Malheureus(e)ment...

M : - Eh bien ?

G : - Elle était trop exaltée. Vous comptiez trop pour elle. Je n(e) sais pas pourquoi mais, j'ai... j'ai toujours craint que ça n(e) finisse mal.

M : - Votre femme vous aime beaucoup. Elle ne vous aurait jamais quitté.

G : - Elle se croit redevable, je sais. Et pourtant, d'une certaine façon, je suis plus coupable que vous.

M : - Comment ça ?

G : - Non seulement, j'avais 38 ans et elle 25 lorsque je l'ai épousée, mais elle était bien trop belle pour moi. J'aurais dû... je n(e) sais pas... me contenter d'être son ami, l'aider, la protéger.

M : - Il y a combien de temps de c(e)la ?

G : - 5 ans, déjà ! Elle était malheureuse, à bout. Je n(e) suis qu'un p(e)tit fonctionnaire. J(e) n'avais à lui offrir que ma tendresse et un peu d(e) sécurité, mais... Enfin, c'était beaucoup pour elle, du moins à l'époque. Notre monde n'est pas tendre pour les femmes seules. Pour celles qui n'ont rien au départ, c'est... héhé, c'est une question d(e) chance.

M : - Mm, oui.

G : - Un soir de la s(e)maine dernière, en rentrant d(e) mon travail, je lui ai trouvé les yeux rouges. Et un peu plus tard, alors qu'elle me croyait endormi, elle s'est r(e)mise à pleurer. [SOUPIR] J'ai hésité... longtemps, et puis j'ai pensé que le mieux était de lui parler... de... de l'aider à s(e) confier. Elle a fini par m'avouer votre liaison. Elle m'a raconté tout c(e) que j(e) savais déjà et puis elle m'a dit que c'était fini, que vous aviez rompu, que c'était difficile mais que ça pass(e)rait. Hier soir encore, elle... elle avait l'air d'aller mieux, de prendre le d(e)ssus comme on dit.

M : - Et c(e) matin, vous n'avez rien r(e)marqué ? elle n(e) vous a rien dit ?

G : - Oh bah le matin, j(e) la laisse dormir. Et à midi, je mange à la cantine du Ministère. Je n(e) la vois qu(e) le soir en rentrant. Elle était sur son lit toute habillée. Sur un bloc en travers de la feuille, elle avait écrit en majuscules : «PARDON»...

... [IL PLEURE]...

(13'11'')

M : - Voulez-vous boire quelque chose, Monsieur ALLARD ?

G : - [IL INSPIRE] ... Comment ?

M : - Un peu d'alcool vous f(e)ra du bien. Hm ... Cognac ? Whisky ?

G : - ... Oh euh... je n(e) sais pas, n'importe.

M : - Essayez d(e) vous r(e)prendre. N(e) soyez pas pessimiste. De nos jours, les empoisonn(e)ments, les méd(e)cins sont sérieus(e)ment armés, vous savez.

G : - Oh, oui.

M : - A quel hôpital l’a-t-on emm(e)née ?

G : - Hein ? Euh, à La Pitié.

M : - Bon, j(e) vais téléphoner.

G : - Oh non, non. Non, non. Non ; non. Ils ont promis d’app(e)ler, il ne faut pas les déranger.

M : - Comme vous voudrez, mais s’ils n’appellent pas d’ici un quart d’heure, j(e) vous emmène là-bas.

G : - Oui.

M : - Tenez. Buvez ça, ça vous f(e)ra du bien.

G : - Oh, c’est fort !

M : - C’est c(e) qu’il vous faut. Buvez d’un trait.

G : - Bien.

M : - Là. Et maint(e)nant, un autre à boire lent(e)ment.

G : - Oh non. Non non non non. Je vous en prie, je…

M : - Oh allons, la moitié, hein ? Là, comme ça.

G : - J(e) n’ai pas l’habitude, vous savez. Je n(e) bois jamais. C’est du cognac, n’est-ce pas ?

M : - Non, du whisky.

G : - Ah. Ah. J(e) croyais qu(e) c/ que c(e)la s(e) buvait avec de l’eau.

M : - On peut aussi l(e) boire sec, vous voyez !

G : - Ah bah voui.

M : - Cigarette ?

G : - Non, non. Non merci. Je n(e) fume pas.

M : - Ah bon.

G : - C’est très beau chez vous. Très très chaud.

M : - Oh. Quand on travaille chez soi, i(l) faut un / faut un cadre agréable, c’est important.

G : - Oui, bien sûr… Vous v(e)nez d’avoir un très gros succès, n’est-ce pas ?

M : - Mmm… ma pièce marche bien, oui.

G : - Nous n’allons guère au théâtre , Mad(e)leine et moi. La Comédie Française, quelquefois. Oui, j’aime beaucoup les décors, les costumes.

M : - Mmm.

G : - [SOUPIR] Vous n’avez jamais été marié, je crois.

M : - Non, jamais non.

G : - Vous préférez les femmes des autres.

M : - Pardon ?

G : - C’est plus commode, évidemment.

M : - Non écoutez franch(e)ment…

G : - Oh non mais, je n(e) voulais pas vous blesser, remarquez, je / non. C’était plutôt d(e) la curiosité.

M : - D(e) la curiosité ?

G : - Mais oui. Nous sommes tell(e)ment différents, vous et moi. Parler à une femme, en faire sa maîtresse, la quitter, ce sont des choses que je / que j(e) n’imagine pas.

M : - Mais… hm… Avant Mad(e)leine, (en)fin avant… avant d(e) vous marier.

G : - Oh bah, j’ai toujours vécu avec mes parents, dans la maison où j(e) suis né. Ils sont morts ensemble, dans un accident d’autocar, deux ans avant que je n(e) rencontre Mad(e)leine.

M : - Vous l’avez connue comment ?

G : - Oh elle était sur un banc, elle pleurait. J’en suis encore à m(e) demander comment j’ai osé lui parler mais enfin je… enfin j(e) l’ai emm(e)née dans un restaurant. J(e) l’ai questionnée. Deux s(e)maines auparavant, un garçon qu’elle aimait, un jeune soldat, avait été tué. Et ce jour-là, en plus, elle venait d(e) perdre sa place. Alors… le manque de chance, toujours.

M : - Je n(e) savais rien d(e) tout ça… Elle… elle… ne m’a jamais dit grand chose de son passé.

G : - Ah… ah… Et vous n(e) l’avez jamais questionnée ? Vous n’avez pas d(e)viné ?

M : - Hm, oui et non… J’ai bien compris qu’elle n’avait jamais été très heureuse, mais… je n(e)…

G : - Pourquoi l’avez-vous quittée si brutal(e)ment ?

M : - Mais je n(e) l’ai pas quittée brutal(e)ment ! D’ailleurs elle savait très bien que…

G : - Que vous n(e) l’aimiez pas !

M : - Ah écoutez laissons c(e)la, voulez-vous / [DRIIIIING] C’est sûr(e)ment l’hôpital, vous répondez ?

G : - Non. Non, non. J(e) vous en prie.

M : - Bon. Allô, oui ? Ah c’est toi. Oui excuse-moi je n(e) / mais non, mais non, mais non, je / Oh écoute Corinne, laisse-moi parler, tu veux ? Je suis avec un ami dont la femme est malade, il faut qu(e) j(e) l’accompagne à l’hôpital. Hein ? Oui bah j(e) suis désolé, mais c’est comme ça. Quoi ? Bon, bon, très bien. Comme tu voudras. Allez, bonsoir. [IL RACCROCHE] Excusez-moi.

G : - Oh non, c(e) n’est rien, ce n’est rien.

M : - Nous allons prendre ma voiture et filer à l’hôpital. c’est insupportable, cette attente.

G : - Patientez encore un peu, j(e) vous en prie, je n(e) suis là que depuis dix minutes, vous savez.

M : - Vous êtes sûr ?

G : - Oui, oui, certain. Il était à peine dix quand j(e) suis arrivé.

M : - Ça prouve que l(e) père Einstein avait raison : le temps est décidément une chose très relative… [SOUPIR] Cigarette ?

G : - Non non merci. Je n(e)/

M : - Ah oui c’est vrai, j’oubliais.

G : - Je peux vous poser une question ?

M : - Ah, ça dépend. Si c’est encore à propos de votre femme, j’aim(e)rais mieux pas.

G : - Pourquoi ?

M : - Non, écoutez, n’exagérez pas. Je… j(e) veux bien qu(e) vous soyez un homme simple et même un peu naïf, mais… tout d(e) même.

G : - Ce n’est pas à propos d(e) Mad(e)leine. Je m(e) demandais simplement si… si vous êtes un homme heureux.

M : - Heureux ?

G : - Oui. Oui, en apparence, vous avez tout, bien sûr, mais /

M : - Mais quoi ?

G : - Je n(e) sais pas. Il me semble que cette recherche continuelle… que tant d(e) femmes dans une vie /

M : - Ça vous paraît monstrueux.

G : - Oh ! Non, c(e) n’est pas ça. J(e) pensais à une sorte de vide, plutôt.

M : - Non, vous êtes à côté du problème. En dépit des apparences, je n(e)/ passe pas mon temps à me préoccuper d’amour.

G : - Ah.

M : - Pour les femmes, oui l’amour vient presque toujours en premier. C’est même toute la différence et la raison d(e) leur déception. (Elles) n(e) comprennent pas que… on s’habitue, on puisse penser à autre chose.

G : - Moi, je n(e) me suis jamais habitué. J’ai toujours eu peur.

M : - Peur ?

G : - De perdre Mad(e)leine, oui. De rentrer un soir et de n(e) pas la r(e)trouver. J(e) passe mon temps à m’émerveiller, quoi qu’elle fasse. J(e) la r(e)garde et je suis bien. Avant elle, j(e) n’existais pas.

 (19'30'')

M : - Vous êtes un homme désarmant, Monsieur ALLARD. Si j(e) vous avais connu lorsque j'ai rencontré votre femme...

G : - J(e) crois qu(e) je comprends oui... un mari que l'on n(e) connaît pas... ce doit être un peu comme s'il n'existait pas, je suppose.

M : - Un peu, oui.

G : - C'est drôle que vous m(e) disiez c(e)la, r(e)marquez, pa/ Il y a quelques temps je, j'ai failli vous rendre visite. J'étais inquiet, je je voulais vous mettre en garde, vous d(e)mander de ne rien brusquer.

M : - Pourquoi n(e) l'avez-vous pas fait ?

G : - J'ai eu peur que... vous n'en parliez à Mad(e)leine et qu'elle se fâche.

M : - Dommage. Vous auriez dû...

G : - Peut-être, oui.

M : - Vous n(e) voulez vraiment pas qu(e) nous allions là-bas.

G : - Pas encore, non.

M : - Et si elle reprend connaissance, si elle vous réclame.

G : - Avec votre voiture et à cette heure-ci nous y s(e)rons en 5 minutes. Je n(e) retournerai là-bas... que pour la voir vivante.

M : - Que voulez-vous dire ?

G : - Si Mad(e)leine meurt, je n(e) la r(e)verrai pas. Je veux conserver l(e) souv(e)nir...

M : - Allons, allons, taisez-vous. Dans 3 jours, elle s(e)ra sur pied.

G : - Oh ! je souhaite que vous ayez raison... Autant pour vous qu(e) pour elle... Est-ce qu'il vous arrive de penser à votre mort, Monsieur ROYER ?

M : - Oh... c'est une idée qui m'est assez familière, oui... Pourquoi cette question, vous avez l'intention d(e) me tuer ?

G : - Si Mad(e)leine meurt, oui.

M : - Bon écoutez je... je veux bien que la situation soit exceptionnelle mais vous auriez tort d'en abuser. Je n(e) suis pas....

G : - RESTEZ ASSIS, NE BOUGEZ PAS ! Je n(e) suis pas un tireur bien fameux, mais à cette distance, je ne pourrai pas vous rater !

M : - Posez c(e) revolver, Monsieur ALLARD.

G : - NON ! ET N'ESSAYEZ PAS D(E) ME DÉSARMER. Vous n'en auriez pas l(e) temps. Si vous restez tranquille, vous avez une chance sur deux.

M : - Désolé, je n(e) marche pas. Vous allez m(e) donner cette arme et/ [PAN !]

G : - ... RASSEYEZ-VOUS ! J(e) vous en prie ! La prochaine fois, je n(e) tir(e)rai pas à côté.

M : - Vous êtes complèt(e)ment fou, ALLARD.

G : - Non. J(e) vais peut-être commettre un acte insensé mais je n(e) suis pas fou.

M : - Et les voisins ?

G : - Les voisins ?

M : - Bah oui, si’ls ont entendu, s'ils préviennent la police, que f(e)rez-vous ?

G : - Vous savez, de nos jours, avec la télévision et les motocyclettes, il faudrait au moins une mitrailleuse.

M : - Très drôle !.... Bien... J(e) peux fumer ?

G : - Tout c(e) que vous voudrez mais n'essayez pas d(e) vous l(e)ver. Vous êtes beaucoup plus fort que moi. Je n(e) peux pas prendre de risque. À la moindre tentative, je tire.

M : - Rassurez-vous, je n(e) boug(e)rai pas. Si vous voulez m(e) tuer, il vous faudra l(e) faire froid(e)ment... Et je doute que vous en soyez capable.

G : - Nous verrons bien.

M : - Pourquoi êtes-vous v(e)nu maint(e)nant, Monsieur ALLARD ?

G : - Maint(e)nant ?

M : - Oui, vous dites que vous me tuerez si votre femme meurt. Bon. Mais si elle est sauvée, que f(e)rez-vous ?

G : - Ah je partirai, bien sûr, j'irai à l'hôpital.

M : - Dans c(e) cas, j(e) répète ma question : pourquoi être v(e)nu maint(e)nant ? Pourquoi n'avoir pas attendu ?

G : - Parc(e) que les méd(e)cins m'ont renvoyé. J(e) n(e) vous ai pas menti. C'est même à c(e) moment-là que l'idée m'est v(e)nue.

M : - Je n(e) comprends pas.

G : - Je n(e) pourrais pas vous dire pourquoi, mais... quand ils m'ont d(e)mandé où ils pouvaient m'app(e)ler, j'ai brusquement r(e)pensé à c(e) que j'avais r(e)ssenti découvrant ma femme inanimée.

M : - C'est-à-dire ?

G : - Une rage folle, meutrière. J'aurais voulu qu(e) vous soyez là et vous tuer sur le champ.

M : - C'est une réaction compréhensible mais... ce moment-là est passé, Monsieur ALLARD.

G : - Il reviendra.

M : - Pardon ?

G : - Si le téléphone sonne et si l'on m'annonce la mort de Mad(e)leine, je sais... je sais, vous entendez, que cette même rage va m'envahir à nouveau. Et c'est pourquoi je suis là pour profiter d(e) cet instant.

M : - Ce... c'est grotesque, voyons ! Vous n(e) pouvez pas compter sur un instant d(e) folie pour faire c(e) que vous n(e) feriez pas d(e) sang froid !

G : - Justement si, Monsieur ROYER. Si je n(e) vous tue pas à c(e) moment-là, je n(e) le f(e)rai jamais bien sûr. Seul(e)ment, je regrett(e)rai toute ma vie de n(e) pas l'avoir fait.

M : - Et la prison ?

G : - Oh ! J'y s(e) rai en paix. Vous vivant, je pass(e)rai mon temps à vous haïr. Vous gâcheriez jusqu'à mes souvenirs.

M : - M'est avis qu(e) vous êtes en train d(e) vous faire un drôle de cinéma, Monsieur ALLARD. (En)fin qu'est-ce que vous croyez ? Qu'on va vous mettre dans une jolie p(e)tite cellule où vous pourrez rêver tout à loisir ?

G : - La seule chose qui me s(e)rait insupportable c'est de vous savoir vivant et de vous imaginer heureux, comme si de rien n'était, avec d'autres Mad(e)leine. Comparé à c(e)la, tout l(e) reste n'est rien.

M : - Bon d'accord. Seulement moi...

G : - NE BOUGEZ PAS !... et prenez garde, je vous en prie. Vous n'attendez qu'une occasion d(e) me sauter d(e)ssus. Je l(e) vois bien, mais vous auriez tort, je vous assure.

M : - Oui, vous avez raison, ce s(e)rait idiot… et, et, et peut-être plus catastrophique encor(e) pour vous, que pour moi.

G : - Que voulez-vous dire ?

M : - … Supposez que j’essaie d(e) vous désarmer : vous tirez, je suis mort, bon. Et peu après vous apprenez que votre femme est sauvée.

G : - C’est bien pourquoi je vous supplie de rester tranquille. Ce s(e)rait plus que stupide en effet.

M : - Vous êtes inouï, vous savez…j(e)/ je m(e) demande si vous vous rendez compte.

G : - De quoi don© ?

M : - Eh, vous pointez votre joujou sur moi, vous m(e) demandez d’attendre tranquill(e)ment que le téléphone sonne et d(e) me laisser tuer, non moins tranquill(e)ment le cas échéant. Pour un peu, ce s(e)rait comique !

G : - Eh bien, riez !

M : - Bon. Vous n(e) tir(e)rez pas. Non, vous l(e) croyez, peut-être, mais vous n(e) tir(e)rez pas. C’est moins facile que vous n(e) le pensez.

G : - N’empêche que vous avez peur.

M : - Mais parce qu’un revolver est tout de même une chose impressionnante, figurez-vous ! … Parce que je n(e) suis pas dupe de votre calme apparent.

G : - Ne vous énervez pas ! J(e) vous en prie, sinon vous allez tenter quelque chose et / et /… si vous restez tranquille je/ vous augmentez vos chances, sûrement.

M : - Comment ça ?

G : - J(e) n(e) sais pas, je/ Peut-être avez-vous raison, après tout, même si l’on m’annonce la mort de Mad(e)leine, ma réaction ne s(e)ra pas forcément celle que j’escompte. Il est possible… que le revolver me tombe des mains, que j(e) n’ai pas la force de tirer.

M : - Mouais.

G : - Tandis que si vous tentez quelque chose maint(e)nant /

M : - Bon écoutez, si nous continuons de nous énerver mutuell(e)ment, vous finirez par tirer accidentellement, je… voilà je vous propose une trêve.

G : - Une trêve ?

M : - Pour commencer j’appelle l’hôpital… I(ls) n(e) sont pas obligés de vous app(e)ler tout d(e) suite, mais il peut y avoir un mieux, déjà… hein ?

G : - Bon, bon, si vous voulez.

M : - Vous avez l(e) numéro ?

G : - Non.

M : - Les annuaires sont là, dans c(e) bahut.

G : - Levez-vous, et allez près d(e) la fenêtre, j(e) vais vous l(e) donner ; mais attention, hein ! au moindre mouv(e)ment…

M : - Oui, oui, je sais… la liste alphabétique, le premier.

G : - Voilà. Prenez-le.

 

FIN FACE A

 

 

FACE B

 (59'18'')

M : - Dites-moi, j’y pense, c’est votre habitude de vous balader avec une arme de guerre ?

G : - Je suis passé la prendre en sortant de l’hôpital.

M : - Et d’où la t(e)nez-vous ?

G : - De mon père, il m’avait appris à l’entret(e)nir, il disait que c(e)la pouvait toujours servir.

M : - Ah, la preuve, hein ?

G : - Oh, il pensait aux cambrioleurs, bien sûr.

M : - Mouais, hein… euh, dans quel service est-elle ?

G : - Les urgences.

M : - Allô/ Allô la Pitié ? Euh voulez-vous m(e) passer le service des urgences, s’il vous plait ? Non, non, un renseign(e)ment, merci. [À GEORGES] Vous connaissez l(e) nom du méd(e)cin ?

G : - Non.

M : - Non ? C’est commode… Allô, les urgences ? Bonsoir, Mad(e)moiselle, j’appelle pour avoir des nouvelles de Madame ALLARD, qui doit être dans vos services… Ce soir entre sept et huit, elle a tenté de… c’est ça, oui… non, non. Non je suis un ami mais / son mari est avec moi… hum, hum, oui, ah bon, d’ici une demi-heure. Mais, nous pourrions peut-être aller là-bas alors ?… Ah bon, oui… Oui, bien sûr, oui… Non, non non, pas d(e) chang(e)ment, c’est mon numéro… C’est ça oui…ss, c’est ça, vous êtes très aimable, je compte sur vous… Merci Mad(e)moiselle. [IL RACCROCHE]. Ils ne peuvent rien dire encore, dans une demi-heure peut-être. Votre femme est sous une tente à oxygène.

G : - Mais c’est qu’elle va plus mal alors !

M : - Mais non, mais non, ça prouve qu’elle est très bien soignée, c’est tout.

[GEORGES PLEURE]

M : - Vous êtes trop pessimiste, Monsieur ALLARD. Ça n(e) sert qu’à vous faire du mal. Ah ça n’est pas facile, je sais bien, mais… Voulez-vous un autre whisky ?

G : - Pardon ?

M : - Vous n’avez pas soif ?

G : - Non merci.

M : - Vous m/… Vous permettez ?

G : - Oh oui oui.

M : - Vous n’en voulez vraiment pas ?

G : - Non, non.

M : - Voyez-vous, Monsieur ALLARD, je/

G : - Asseyez-vous !

M : - Quoi ?

G : - Maint(e)nant que vous êtes servi, allez vous rasseoir. Je n(e) me laiss(e)rai pas surprendre, je vous préviens.

M : - Je voulais simplement/

G : - ALLEZ VOUS ASSEOIR !

M : - Bon bah… Pas la peine de vous affoler !… C’est drôle, votre revolver n’a rien d’une plaisant(e)rie, votre détermination semble absolue… pourtant j’ai du mal… J(e) n’arrive pas à m’imaginer que… d’ici une demi-heure ou… une heure, j(e) pourrai être mort.

G : - Moi, je pense à Mad(e)leine. L’idée qu’elle ne puisse plus sourire, ne plus être là… je…

M : - Monsieur ALLARD ?

G : - Oui.

M : - Croyez-vous vraiment que vous soyez capab(le) de tirer ?

G : - Si Mad(e)leine meurt, oui. Sûrement.

M : - Comme ça ? Sans haine ?

G : - J(e) n’ai pas de haine. J(e) n’en ai jamais eu.

M : - Comment expliquez-vous cette décision, alors ?

G : - J(e) vous l’ai dit. C/… C(e)la m’est v(e)nu un peu comme une évidence. Si Mad(e)leine meurt, vous mourrez aussi, c’est tout.

M : - Vous n(e) trouvez pas qu(e) c’est un peu… simpliste ?

G : - Nous sommes tellement différents… vous et moi. J(e) n’ai pas l’habitude de m’analyser, vous savez, je/… Je n(e) me suis jamais r(e)gardé vivre, comme on dit.

M : - Vous m(e) faites penser… à ces gosses qui jouent aux justiciers. Une/ une logique toute droite et implacable, pas d(e) quartier.

G : - Peut-être, oui. (Je ne) sais pas.

(Ici l'enregistrement reprend au début... La suite est à 01h04'04")

M : - Bon écoutez, ce n’est pas pour essayer d(e) vous convaincre… d’ailleurs je suis persuadé qu(e) Mad(e)leine va s’en tirer. Mais enfin, puisque nous sommes là, et qu(e) nous attendons, hein ? j(e) voudrais tâcher d(e) comprendre.

G : - Quoi donc ?

M : - Cette décision qui vous apparaît comme… comme une évidence, dites-vous. Hein ? Même si elle n’est pas réfléchie, ça doit bien correspondre à quelque chose, tout d(e) même ?

G : - Vous avez l’intention de me psychanalyser ?

M : - Oh non, c’est un bien grand mot ! Mais enfin j(e) voudrais… j(e) voudrais comprendre, j(e) vous l(e) répète.

G : - Vous feriez mieux d(e) penser à vous. Si vous avez des dispositions à prendre, des lettres à écrire. Nous n(e) sommes pas obligés d(e) parler, vous savez…

M : - Bon eh bien, je suis désolé, mais je n(e) marche pas. Non, vous n/… Vous n(e) me f(e)rez pas envisager tranquill(e)ment de/… Pfff, des dispositions à prendre, et pourquoi pas une petite prière, pendant qu(e) vous y êtes !

G : - Oh, moi vous savez, je disais c(e)la…

M : - Par bonté d’âme. D’accord. J(e) commence à vous connaître. Seul(e)ment, je vous signale que mes papiers sont en règle et que mon testament est fait depuis longtemps, alors si vous voulez abréger, allez-y, n(e) vous gênez pas !

G : - Pourquoi vous énerver ? Pour l’instant, et sauf si vous tentiez de me désarmer, je n’ai aucune raison d(e) vous tuer.

M : - Eh bien, je n(e) suis pas d(e) cet avis, figurez-vous ! Pourquoi voulez-vous m(e) tuer ? Hein ? Parce que j’ai été l’amant d(e) votre femme ? Eh bien j(e) l’ai été, soit ! Et c’est irréversible. Alors, finissons-en et trêve de bavardages !

G : - Ne faites pas semblant de n(e) pas comprendre. Ça n’a rien n’a voir, vous l(e) savez très bien ! Je vous tiendrai pour responsable si Mad(e)leine meurt, c’est tout. Ce sont les risques du métier.

M : - Les risques du métier ?

G : - J’ai lu vos deux plaquettes sur les femmes et l’amour, Monsieur ROYER. Faire profession d’aimer les femmes, prétendre mieux que d’autres savoir les rendre heureuses, c’est parfait. Mais encore faut-il réussir. Là, comme ailleurs, les échecs se paient.

M : - Un peu cher, avec vous !

G : - Moi ou un autre, vous savez… Avec la vie que vous m(e)nez… rien d’étonnant à c(e) que vous finissiez sous les balles d’un mari.

M : - Oh ! Excellent argument pour vos avocats, ça. Quelques pères de famille dans l(e) jury et vous êtes pratiqu(e)ment assuré d’obtenir le sursis !

G : - Même en victime, vous n’auriez pas l(e) beau rôle, c’est vrai. Si quelqu’un n’était pas destiné à finir dans la peau d’un meurtrier, c’était bien moi.

M : - Et allons donc hein ! Mon client n’a été que l’instrument d(e) la providence, Messieurs les jurés. Il n’a tué qu’un vil séducteur, qui méritait cent fois la mort !

G : - Séduire et briller, quand on a les apparences, c’est facile. Le physique, l’argent, le prestige : vous avez tout. Et le temps, par dessus l(e) marché ! Moi, moi je n(e) suis qu’un p(e)tit bonhomme. Je travaille dur. Et j(e) n’ai rien pour séduire, rien.

M : - Oh ! Ecoutez Monsieur ALLARD

G : - Ohoho ! Je n(e) suis en train de récriminer, r(e)marquez. Ce n’est pas votre faute si les hommes ne sont égaux en rien. Seul(e)ment, tout d(e) même, de l’emporter sur moi… quand on est un homme comme vous, il n’y a pas de quoi être tell(e)ment fier.

M : - Vous savez très bien que /

G : - … que vous n(e) me connaissiez pas, d’accord. Et que c(e) n’est pas votre faute non plus si j’ai épousé une femme trop belle pour moi. Ce que j(e) vous r(e)proche, c’est de n’être qu’un miroir aux alouettes.

M : - Pardon ?

G : - Que faites-vous de vos avantages et de votre séduction, en fin d(e) compte ? Vous n(e) pensez qu’à votre plaisir et tant pis pour les autres. Attirer une femme pas très heureuse, lui montrer le luxe, le confort, un certain bonheur… c’est facile. Mais après ? Mm ? Mad(e)leine n’aura final(e)ment appris de vous que deux choses : à savoir qu’elle n’est pas heureuse, et à savoir qu’un bonheur existe… qu’il n’est pas pour elle. Non, vraiment… pas de quoi être fier.

M : - Oh, vous n’êtes pas si désarmé qu(e) vous voulez bien l(e) dire, Monsieur ALLARD. Votre p(e)tit discours le prouve ! Vous avez des qualités qu’une femme sait r(e)connaître, croyez-moi.

G : - Oh oui. Bien sûr. Je suis l(e) pain d(e) chaque jour, et vous, la friandise, n’est-ce pas ?

M : - Hmm ! La comparaison est bizarre, mais… il y a d(e) c(e)la. Mais vous pouvez difficil(e)ment r(e)procher à votre femme /

G : - Je vous ai dit et redit que je n(e) reprochais rien à ma femme. C’était à vous à n(e) pas lui faire miroiter l’impossible.

M : - Mais je ne lui ai rien promis ! Jamais ! Elle savait très bien qu’entre elle et moi, ce n(e) pouvait être qu’une aventure !

G : - Une liaison de deux ans n’est pas une aventure. Et de rompre si brutal(e)ment qu(e) vous l’avez fait /

M : - J’ai mis des s(e)maines à essayer de lui faire comprendre /

G : - Ça m’est égal ! ÇA M’EST ÉGAL ! Laissons c(e)la ! Je n(e) suis pas v(e)nu pour discuter !

M : - Oui, j’oubliais, pardonnez-moi. Vous êtes venu pour me trouer la peau et moi, je dois m(e) laisser faire bien sag(e)ment, n’est-ce pas ? Hé bien, je r(e)grette, mais j’ai assez ri /

G : - NE BOUGEZ PAS !

M : - Vous n(e) tir(e)rez pas, Monsieur ALLARD. Pas maint(e)nant.

G : - Ah non ? Hé bien, allez-y, alors. Faites un pas d(e) plus ! ALLEZ !

M : - Vous êtes cinglé, ALLARD ! Vous êtes complèt(e)ment cinglé !

G : - En tout cas, vous v(e)nez d(e) l’échapper belle ! Si la détente de cette arme avait été un peu plus douce…

M : - Vous m(e) paierez ça…. J(e) vous jure que vous m(e) paierez ça.

G : - En attendant, retournez vous asseoir. (Si) j(e) vous avais tué et qu(e) Mad(e)leine soit sauve, nous serions bien avancés.

M : - Parlez pour vous. Vous n(e) seriez même pas capable d/… Dites-moi, j’y pense. Qu’auriez-vous fait /  que f(e)rez-vous après m’avoir tué ?

G : - J’irai me constituer prisonnier. Pourquoi ?

M : - Et les obsèques ?

G : - Quelles obsèques ?

M : - Ah ben… Votre femme morte… et si vous êtes arrêté… qui s'occupera d(e) lui faire un bel enterrement, hein ? Qui la veill(e)ra et qui/

G : - Taisez-vous ! Je n(e) la verrai pas. Je… je n(e) veux même pas l'imaginer… Hier soir, après qu'elle ait pleuré encore et que j(e) l'ai consolé d(e) mon mieux, elle m'a r(e)mercié… en m'embrassant douc(e)ment… C'est ce souv(e)nir-là que je veux conserver, celui de ses lèvres chaudes, sur ma joue… L'enterr(e)ment, les fleurs, les cérémonies, (il) y aura bien quelqu'un pour s'en occuper .

M : - [SOUPIR] Décidément vous êtes / [SONNERIE DU TÉLÉPHONE]

G : - NON. Non non, laissez, je vais répondre. Ce doit être l'hôpital, cette fois. [IL DECROCHE] Oui, j'écoute… Monsieur ROYER… Oui, oui, ne quittez pas, un instant. Allez-y, c'est pour vous.

M : - Hum ! Allô ? Oui, c'est moi. Qui ça ? Ah, excusez moi, oui. Bonsoir, cher Monsieur… Comment allez-vous ? Bien merci… Ah ?… Oui, c'est gentil à vous… Oui oh, j'ai eu beaucoup d(e) chance, la distribution est vraiment parfaite… En effet, oui… Oui, oui, absolument… Comment ? bah… La s(e)maine prochaine ?… Euh, éc/ écoutez… Oui… Oui, volontiers, mais… il m'est difficile de fixer un jour maint(e)nant. Oh, est-ce/ est c(e) que j(e) peux vous rapp(e)ler ? Demain par exemple… Vers midi ? Bon… Bon, très bien, entendu, j(e) vous appelle sans faute, oui… Merci, merci… Mes hommages à votre femme. Au revoir. [IL RACCROCHE]

G : - Des compliments pour votre pièce ?

M : - Ah… Oui, oui.

G : - C'est une bonne pièce, c'est vrai.

M : - Vous l'avez vue ?

G : - Avec Mad(e)leine, oui. Elle ne vous l'a pas dit ?

M : - Non.

G : - Elle l'avait déjà vue, bien sûr mais, là, elle a payé les places. Elle a dû craindre qu'un billet d(e) faveur n'attire mes soupçons.

M : - Vous n'avez pas été trop choqué ?

G : - Par votre pièce ? Oh non, pourquoi ?

M : - Oh, tout c(e)la se passe dans un monde si différent du vôtre.

G : - Personnell(e)ment, c'est c(e) que j(e) demande au théâtre. Une histoire qui s(e) pass(e)rait dans un ministère avec des personnages me r(e)ssemblant, ah… j(e) n'aim(e)rais pas du tout.

M : - Ah bon.

G : - Le personnage principal… Euh, comment ça, déjà ?

M : - RUDEL ?

G : - Oui, c'est ça, RUDEL. C'est un peu vous, n'est-c(e) pas ?

M : - Mm… Oui et non. C'est l'éternelle question des auteurs et d(e) leurs personnages. Un peu dans tous, mais jamais entièrement.

G : - Et les femmes ?

M : - Les femmes ?

G : - Oui, comment faites-vous pour… pour exprimer si bien les sentiments féminins ?

M : - Chez certains individus, les caractères masculins et féminins sont presque équilibrés. Les biologistes affirment qu'il y a une femme dans tout homme… et vice versa.

G : - Oui. J/ J’ai dû lire ça quelque part, en effet.

M : - Vous lisez beaucoup, dites-moi ?

G : - J'ai toujours aimé c(e)la, oui. Parce que je dors mal, peut être.

M : - Hm.

G : - Quelle heure est-il ?

M : - Neuf heures dix.

G : - Bientôt deux heures maint(e)nant. D'après l(e) médecin/

M : - Oh, il ne faut pas l(e) prendre à la lettre, vous savez. Il vous a probablement dit deux heures comme il vous aurait dit trois ou quatre.

M : - Espérons-le. Dites-moi, Monsieur ROYER ?

M : - Oui ?

G : - Etant plutôt pessimiste je/ euh, j'ai surtout envisagé l(e) pire. Que/ que se pass(e)ra-t-il selon vous si/si Mad(e)leine est sauvée ?

M : - Je pense qu'elle aura besoin d(e) vous.

G : - De moi ? Vraiment ?

M : - Oui. Elle vous aime beaucoup, croyez-moi. Il faudrait, je n(e) sais pas moi, que vous preniez un congé, que vous tâchiez d(e) l'emm(e)ner un peu. Le principal enn(e)mi, c'est… c'est l'ennui, la solitude.

G : - Hm. Hm. Ce n(e) s(e)ra jamais qu'une solution provisoire. Il faudra bien rev(e)nir.

M : - L'important, ce s(e)ra d'abord de la distraire, de lui faire reprendre goût à la vie. Ensuite, je n(e) sais pas moi/ i/ (il) y a d(e) la place chez vous, j(e) crois ?

G : - Hélas, oui.

M : - Pourquoi hélas ?

G : - Parce que nous aurions dû avoir des enfants, mais qu(e) c'est impossible. Les spécialistes que nous avons vu sont formels : Mad(e)leine ne pourra jamais en avoir.

M : - Adoptez-en un !

G : - Nous y avons pensé. Mais c(e) n'est pas facile. Les démarches sont terriblement longues.

M : - Il paraît, oui.

G : - Et vous Monsieur ROYER, est-ce que vous la r(e)verrez ?

M : - Mm. Ce n(e) s(e)rait pas souhaitable, je crois. Pas tout d(e) suite, en tout cas.

G : - Même si elle vous l(e) demandait ?

M : - C'est peu probable, mais de toutes façons, ce s(e)rait difficile. Plus tard peut-être, lorsqu'elle ira mieux.

G : - Mais c'est maint(e)nant qu'elle aura besoin d'aide.

M : - Sans doute mais... n'avez vous pas d'amis ? Quelqu'un d(e) votre famille qui pourrait v(e)nir habiter avec vous ?

G : - Oh non !... non... Les gens travaillent, vous savez. Ils ont tous leurs problèmes.

M : - Eh oui, bien sûr.

G : - C'est même incroyable c(e) qu'ils peuvent manquer d(e) temps. Plus la technique leur en fait gagner, moins ils en ont.

M : - Oui.

G : - Je pense à l'instant où elle s'est couchée sur son lit... après avoir avalé l(e) poison. Cette solitude... ce / [IL PLEURE]. C'est une idée insupportable.

M : - Les psychiatres prétendent qu'on s(e) trompe beaucoup là-d(e)ssus. Ils disent que les désespérés qui choisissent les somnifères, les barbituriques, ne réalisent ni ne souhaitent vraiment la mort. Ils veulent seul(e)ment s'évader, dormir, ne plus penser.

G : - Hm. Que savent-ils, les psychiatres. Hm ? C'est facile d'émettre des théories.

M : - Tout d(e) même, n'oubliez pas que suicides manqués sont heureus(e)ment et / et de loin les plus nombreux. D'autre part et contrair(e)ment à c(e) que l'on croit général(e)ment, le pourcentage des récidivistes est assez infime.

G : - C'est étrange. Pour un homme qui va peut-être mourir, je trouve que vous parlez d(e) la mort bien tranquill(e)ment.

M : - Ah non, j(e) vous en prie, hein ? ne r(e)commençons pas !

G : - Vous avez peur !

M : - Non, j'en ai marre !

G : - Evidemment, évoquer sa propre mort, c'est moins facile que d'en parler en général !

M : - Peut-être, de même qu'il est plus facile d'accuser les autres et d(e) les t(e)nir pour responsables !

G : - Que voulez-vous dire ?

M : - Rapp(e)lez-vous un peu c(e) que vous m'avez dit vous-même, tout à l'heure : "Mad(e)leine était trop belle pour moi, j'aurais du m(e) contenter de l'aider, d’être un ami."

G : - Et alors ?

M : - Alors je pense à votre responsabilité. Oui, parce que c'est très joli de respecter, d'aimer à g(e)noux, mais final(e)ment, quoi ? Si vous aviez su la rendre heureuse...

G : - N'essayez pas de me donner l(e) change. Vous perdez votre temps. La vérité, c'est qu(e) vous avez peur !

M : - Beuh croyez vous qu'il soit facile d'attendre tranquill(e)ment qu'on vous tire dessus, hein ? Voilà plus d'une demi-heure qu(e) vous pointez votre artill(e)rie sur moi. J'EN AI MARRE, j(e) vous l'ai dit, hein, jusque là !

G : - NE BOUGEZ PAS !

M : - Vos airs douc(e)reux, vos pleurnich(e)ries et votre merveilleux amour, j'en ai par-dessus la tête ! Et j(e) vais vous dire une bonne chose : si vous voulez tirer, il va falloir le faire maint(e)nant. Très vite !

G : - Encore un pas et je tire, je vous préviens !

M : - Et bien allez-y tirez ! mais trêve de fariboles et cessez d(e) vous prendre pour un héros. Vous allez tuer l'amant d(e) votre femme et rien d'autre, comme n'importe quel mari jaloux !

G : - C'est faux !

M : - Un pauvre type, un minable, voilà c(e) que vous êtes ! Si Mad(e)leine n'avait pas eu l(e) malheur de vous rencontrer, elle au/

[DRIIIING]

G : - NON ! non, restez où vous êtes. Je vais répondre.

Allô ! oui ?... C'est moi-même. Oui, je reconnais votre voix. Bonsoir, Mad(e)moiselle... le docteur... ah bien... oui, merci j'attends. [À MARC] C'est l'infirmière, elle me/ NON ! NON ! [PAN ! PAN !]

M : - AH ! AH !

G : - [MURMURÉ]... Pourquoi ?... oh, pourquoi, mon Dieu ?...

Allô ? Oui, oui je suis là, je… Bonsoir, Docteur... du courage ?... sans avoir repris connaissance... oui... oui... je comprends... non, non, je... non, c’est / c'est parfait, je préfère que... tout est très bien maint(e)nant... ah non, non, je veux dire que / je m'y attendais un peu, n'est-c(e)-pas... euh, oui... oui, bien sûr... comment ?… oh non, oh non je / je n(e) crois pas que je pourrais v(e)nir, non... non, c(e) n'est pas c(e)la, je… demain oui, peut-être… je vous r(e)mercie... bonsoir, Docteur... oh! un instant ! vous êtes là ? sauriez-vous me dire quel numéro je dois faire pour app(e)ler la police ?... le 17... bien, j(e) vous r(e)mercie... non, non, c(e) n'est rien, je.... non, bonsoir Docteur.

 

2 mai 2019

Le document authentique à des fins phonétiques (1)

 

 

     Nous autres, enseignants, aimons utiliser en classe de FLE des documents authentiques, car ils en disent souvent plus sur la langue et la culture françaises que les productions des auteurs de manuels. Ces documents nous motivent plus (c'est nous qui les avons choisis) et nous espérons que notre motivation sera partagée par nos étudiants. A contrario, les manuels offrent des supports répondant précisément à des objectifs linguistiques ou communicatifs, là où les documents authentiques sont évidemment moins ciblés.

     Il me semble préférable (au moins d'un point de vue linguistique) que l'objectif guide le choix du document authentique. Autrement dit, c'est parce qu'il répond particulièrement bien à l'objectif linguistique de la leçon que le document authentique doit être choisi. L'attractivité du document authentique (pour de nombreuses raisons, l'actualité par exemple) n'est qu'un argument secondaire par rapport à l'objectif linguistique qui doit primer.

     Il en est de même pour l'exploitation phonétique d'un document authentique. J'ai déjà détaillé les critères phonétiques devant, à mon sens, guider le choix d'une chanson à exploiter en classe : extrait court à mémoriser, lenteur, rythme musical et prosodique, mélodie facile, etc...

 

   J'ai entendu aujourd'hui à la radio la courte mélodie L'herbe tendre, chantée par Serge Gainsbourg et Michel Simon (1968). Je vous propose de discuter des avantages et inconvénients linguistiques / phonétiques de ce support. En voici ci-dessous une transcription orthographique présentant : les groupes rytmiques / musicaux, les syllabes accentuées (en gras), les liaisons et les enchaînements (soulignés). J'ai relevé les bizarreries rythmiques (***) et les dernières syllabes graphiques prononcées (* toujours plus basses que les syllabes accentuées).

 

 

D’avoir vécu / le cul / dans l’herbe ten-dre /*

Et d’avoir su m’éten-dre /*

Quand j’étais amoureux /

***J’aurai vécu /obscu-r et sans esclan-dre /*

En gardant le cœur ten-dre /*

Le long des jours heureux /

****Pour fai-re des vieux os /

(Il) Faut y aller / mo-llo /

(Ne) Pas abuser / de rien / pour aller loin /

(Ne) Pas se casser / le cul /

Savoir se fen-dre /*

De quelques baisers ten-dres /*

Sous un coin de ciel bleu. /

 

 

     Que pensez-vous d'un tel document sonore? D'un point de vue linguistique? Pensez-vous que ce document authentique puisse répondre à un / des objectifs phonétiques? Si oui, lesquels? Quels types d'exploitations peut-on proposer à partir d'un tel support?

 

 

    Je lance la discussion et j'ajouterai les arguments que vous posterez en "commentaires" (juste ci-dessous) :

Points négatifs

• Syntaxe : la grammaire est complexe : structure inversée "D'avoir vécu..., j'aurai vécu" (futur antérieur)

• Lexique : familier ("le cul", "y aller mollo" (doucement), "se casser le cul" (faire l'effort), "se fendre de" (faire l'effort), ...)

• Phonétique : les dernières syllabes graphiques prononcées ("ten-dre", "m'éten-dre",...)

 

Points positifs

• Phonétique : le découpage des groupes rythmiques correspond au rythme musical, à deux exceptions près : "j'aurais vécu obscu", "pour faire des"

• Phonétique : Les six premières lignes présentent 10 syllabes accentuées composées toutes d'une voyelle "typique" du français : [y, ø, ɑ̃ ]. On peut ajouter le [œ] des dernières syllabes graphiques prononcées.

• Phonétique Rythme : l'équilibre temporel est ici respecté puisque suivant une pulsation régulière on trouve (par exemple dans la première ligne) un groupe rythmique de 4 syllabes (pulsation sur la dernière syllabe), puis un groupe rythmique de 2 syllabes (pulsation sur la dernière syllabe), suivi d'un groupe de 4-5 syllabes (pulsation sur l'avant-dernière, qui est en fait la syllabe accentuée). Autrement dit : 1-2-3-4 / 1-2 / 1-2-3- 4   -5.

 

1 mai 2019

Pour faire le portrait d'un oiseau... en trio

   

 

     Pour s'entraîner à la prononciation, il est toujours précieux d'avoir à disposition des échantillons variés de productions natives afin de commencer à établir des catégories de phonèmes, de relever la variété dans la constitution des groupes rythmiques, etc. Je rappelle qu'un phonème est une catégorie (phonologique) abstraite, une sorte d'étiquette mentale regroupant les diverses réalisations (phonétiques) possibles d'un son fonctionnel dans une langue. L'esprit est fort (le phonème), mais la chair est faible (sa réalisation phonétique est variable) comme l'avait rappelé John Ohala, professeur de phonétique et phonologie à Berkeley, en introduction de ses présentations parisiennes.

     Etre exposé aux unités de la langue dans leur diversité phonétique semble donc d'une grande utilité pour l'apprenant.

     C'est pourquoi, j'ai de nouveau élaboré un montage de plusieurs voix sur un même texte, ici le célèbre poème de Jacques Prévert : Pour faire le portrait d'un oiseau (Paroles, 1945).

     J'ai compilé les enregistrements de Serge Reggiani et de Annie Girardot auxquels j'ai ajouté le mien. (Il existe bien d'autres enregistrements de ce poème sur internet). Serge Reggiani parle haut et fort, Annie Girardot, à voix basse et rapide et moi, très lentement. J'ai alterné les voix et aménagé un temps de répétition. L'ensemble fait un document long (11 minutes), dont on peut se servir sans avoir recours à l'écrit, les groupes étant généralement suffisamment courts (et répétés 3 fois) pour être mémorisés.

     Je serai curieux de recueillir vos commentaires sur l'intérêt pédagogique d'un tel support d'entraînement (voir aussi Le petit Prince, sur le même principe).

 

 

 

 

 

 

Pour faire le portrait d'un oiseau

Peindre d’abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d’utile
pour l’oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l’arbre
sans rien dire
sans bouger…
Parfois l’oiseau arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s’il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
n’ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l’oiseau arrive
s’il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l’oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau
Faire ensuite le portrait de l’arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l’oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas
c’est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s’il chante c’est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l’oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.

 

 

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