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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
23 juillet 2019

Le linguiste était presque parfait

 

     Katia et William m'ont offert Le linguiste était presque parfait (Double Negative) de David Carkeet (1980), dont j'avais entendu parler mais que je n'avais jamais lu. C'est chose faite et je me suis régalé de cette intrigue loufoque qui se déroule dans un institut de recherche sur l'acquisition du langage.

 

     Si la linguistique de l'acquisition n'est pas mon domaine de spécialité, j'ai quand même pendant mes études suivi des cours en acquisition, j'ai enregistré et transcrit des productions d'enfants en bas âge (1- 4 ans) à la recherche d'indicateurs de complexité syntaxique et d'autres traces interrogeant l'évolution de l'acquisition. Il n'est pas si fréquent que les romans évoquent les Sciences du Langage (j'ai déjà cité ici l'incontournable Pygmalion de G.B. Shaw, un extrait savoureux de Deaf Sentence de David Lodge ; on pourrait aussi citer le récent roman (2015) de Laurent Binet : La septième fonction du langage).

 

     Je ne résiste donc pas au plaisir de partager trois courts extraits qui m'ont fait particulièrement sourire, en précisant que le roman regorge d'idées brillantes et amusantes.

 

     Le premier extrait étant un peu trivial (p.77, des Editions Points), je choisis l'Alphabet Phonétique International pour le transcrire. Le personnage s'appelle Cook :

[laglas / sEdlaglas / ditil // ʒŒvøbjɛ̃kɔ̃mɑ̃kyl / siʒaʁivaɑ̃tiʁekwaksŒswa //
*kuk Oʃalatɛt / avɛkʒɛn / sɛptik / kɑ̃talapɔʁtesemɑ̃tik / dŒsEt apOdoz ɛ̃peʁativ //]

 

     Sur l'étymologie et les questions linguistiques du grand public (p.162). Il faut lire ce qui suit en pensant au texte original en anglais. Les dernières questions sont explicitement posées dans la célèbre chanson Let's Call The Whole Thing Off d'Ira et George Gershwin.

"Son bureau était jonché de notes, de livres et de journaux ouverts. Il savait désormais pour ce que cela valait, que John, Johann, Jan, Ian, Hans, Hansel, Giovanni, Jean, Juan, Ivan, Vanya, Evan, Sean, et James étaient en définitive un seul et même prénom. Que Elmer était jadis un terme usuel pour saluer des inconnus ; que le nom de Shakespeare avait été épelé de quatre vingt trois façons différentes au cours de sa vie ; que les Lombards avaient de longues barbes ; que les Anglais devaient leur nom au terme angle, qui désignait la pêche à la ligne, et que les habitants de l'Arkansas, avaient transformé une rivière initialement nommée Purgatoire en Picket Wire, tandis que les dockers américains avaient rebaptisé un paquebot norvégien, le Björnstjerne Björnson, en Bejesus Bejohnson. Et il sut finalement pourquoi certains prononçaient "euh" la voyelle finale de patate et de tomate, tandis que la majorité se contentaient de la consonne occlusive "at". Cette dernière constatation avait pour lui une valeur particulière car cette question précisément lui avait été posée des dizaines de fois, presque autant que celle de savoir en quoi consistait la linguistique - aux soirées, aux pique-niques, au lit, dans les aéroports, et une fois, ce qui l'avait dérangé, dans les toilettes de Chez Max. Désormais, après toutes ces années, il aurait une réponse."

 

 

     Sur l'analyse d'un corpus et la subjectivité du chercheur : (j'ai adapté la citation, p.266, pour ne pas dévoiler l'intrigue...)

"[L'informateur] avait aperçu l'intrus entrer dans le bureau et lui avait lancé un [XXX] négatif, pendant que le linguiste s'agitait autour du magnétophone, dos à la porte. [Le linguiste] se souvenait à présent s'être demandé ce qui avait déchenché ce [XXX], mais avait ensuite oublié, ou plutôt son esprit avait décidé d'oublier, ne sachant que faire de cette donnée anormale."

 

   J'attends vos commentaires. Et n'hésitez pas à partager ici d'autres lectures ayant un rapport direct avec les Sciences du Langage !

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
I
Bon, du coup, j'ai demandé le livre pour Noël :)<br /> <br /> En science-fiction, les sciences du langage sont plus souvent abordées qu'en littérature générale, et souvent de façon fort pertinente, on sent que les auteurs ont creusé la question.<br /> <br /> Le premier qui me vient à l'esprit, c'est Babel 17 de Samuel Delany, même si maintenant, il est un peu vieilli (il date de 1966). Hier, j'ai lu un très beau passage dans Artefacts, de Nancy Kress, où un humain essaie de "parler" avec un extraterrestre alors que leurs systèmes phonatoires propres n'ont rien en commun et qu'ils ne peuvent pas articuler la langue de l'autre. De plus, l'extra-terrestre est prisonnier et refuse catégoriquement de parler. Alors on essaie de le faire réagir physiquement, en lui proposant divers stimuli et ensuite, on va essayer de mettre des mots sur tout cela (je n'en suis pas encore là). J'ai trouvé ça passionnant.<br /> <br /> Si cela vous intéresse, je peux chercher et vous faire une liste des livres où les sciences du langage sont abordées en SF, en tout cas ceux que je connais.
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R
A connaître aussi David Sedaris, 2000, Je parler français. Paris, Florent Massot /C.O.L. (trad. fr. par Georges Monny de Me talk pretty one day, London, Abacus, 2000).<br /> <br /> Rémy P
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L
Merci, je ne connaissais pas ces livres.
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M
Bertrand, <br /> <br /> je vois qu'il vous manque quelques lettres en phonétique, vous trouverez tous les codes à insérer dans le HTML : https://la-phonetiqueenjouant.blog4ever.com/codes-si-vous-voulez-ecrire-en-api.<br /> <br /> à bientôt<br /> <br /> Michèle
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M
bonjour <br /> <br /> Merci pour cette découverte, je vais me procurer ce livre il a l'air intéressant ... il y a longtemps j'avais adoré Alice au pays du langage de Marina Yaguello.<br /> <br /> cordialement<br /> <br /> Michèle Freland-Ricard
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