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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français

Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
28 mai 2013

La voyelle [u]

(Rappel :

• le digraphe <ou> des mots nous, vous, tout, est transcrit en Alphabet Phonétique International par le symbole [u] ;

• le graphème <u> des mots tu, vu, bu, est transcrit en API par le symbole [y].)

 

[y] est considéré comme une voyelle bien française ("Bienvenue", "Salut!", "Comment vas-tu?"), alors qu'elle n'est pas si fréquente : elle ne représente en fréquence d'occurence que 4,4% des voyelles d'un vaste corpus de français oral (Wioland, 1991). Elle est présente dans quelques mots outils : Tu, du, sur ... et dans les participes passés de verbes fréquents : vu, lu, bu, reçu, vendu, ...)

[u] retient moins l'attention. Parce que c'est une voyelle cardinale (qui se trouve dans un coin du trapèze vocalique, comme [i] et [a]) et qu'elle est souvent décrite comme présente dans toutes les langues du monde. Elle représente en fréquence 5,6% des voyelles en français oral. On la trouve dans de nombreux mots outils : Nous, Vous, tout, toujours, beaucoup... et dans Bonjour, l'amour... Sa mauvaise prononciation est un important marqueur d'accent "étranger" en français.

Le fait d'avoir ces deux voyelles dans le système vocalique français incite les natifs à maximiser leurs différences : très antérieure et aigüe pour [y] (c'est un [i] arrondi), très postérieure et grave pour [u].

La confusion de ces deux voyelles peut nuire à la communication, et au mieux faire rire : si la confusion est presque attendue dans le sens [y] prononcé [u], elle semble surprenante dans le sens [u] prononcé [y]. Merci beaucoup! / Merci beau cul! ; C'est à nous! / C'est à nu!... où la prononciation de [u] en [y] peut être comprise comme de l'hypercorrection.

 

[u] pose problème aux anglophones qui ont une voyelle correspondante diphtonguée, plus aigüe [yu].

[u] pose problème aux japonophones qui ont une voyelle moins arrondie, plus "intérieure" et moins grave, généralement transcrite [ɯ].

Voici un cOUrt poème de Jacques Prévert, tiré dU recueil Paroles, intitUlé "Chanson" qui présente des [u] en syllabe accentUée et en syllabe inaccentUée.

La mUsique est l'OUvertUre de l'opéra de Richard Wagner, Lohengrin, par Claudio Abado et l'orchestre de l'Opéra de Vienne.

 

 

Chanson, de Jacques Prévert

Quel jOUr sommes-nOUs
NOUs sommes tOUs les jOUrs
Mon-amie
NOUs sommes tOUte la vie
Mon-amOUr
NOUs nOUs-aimons et nOUs vivons
NOUs vivons et nOUs nOUs-aimons
Et nOUs ne savons pas ce que c'est que la vie
Et nOUs ne savons pas ce que c'est que le jOUr
Et nOUs ne savons pas ce que c'est que l'amOUr.

Et en Alphabet Phonétique International :

[ ʃɑ̃'sõ / dɶ *ʒakpʁe'vɛʁ //
kɛl'ʒuːʁ / sɔm'nu //
nu'sɔm / tule'ʒuːʁ / mõna'mi /
nu'sɔm / tutla'vi / mõna'muʁ //
nunuzE'mõ / enuvi'võ //
nuvi'võ / enunuzE'mõ //
enunɶsavõ'pa / sɶkɶ'sɛkɶla'vi /
enunɶsavõ'pa / sɶkɶ'sɛkɶlɶ'ʒuʁ /
enunɶsavõ'pa / sɶkɶ'sɛkɶla'muʁ //]

 

 

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16 mai 2013

La voyelle [ø] (eu fermé) en dEUx chansons

J'aime utiliser de courts extraits de chansons très ciblés phonétiquement, afin que musique et paroles soient rapidement mémorisées et puissent être sollicitées à tout moment pour l'entraînement phonétique.

Je propose ici deux extraits de chanson pour travailler la voyelle [ø] (eu fermé, qui représente une difficulté phonétique pour de très nombreux apprenants, en particulier hispanophones, italophones, arabophones, japonophones...), par différents interprètes pour varier les voix ... et multiplier les écoutes.

 

1. Michel Berger : Chanter pour cEUx, interprété par Michel Berger, Davy Sicard / Shy'm, Anthony Touma, Laam, Christophe, Johnny Hallyday / Montserrat Caballé.

"Je vEUx chanter pour cEUx / qui sont loin de chez-EUx / et qui ont dans leurs-yEUx / quelque chose qui fait mal, qui fait mal..."


2. William Sheller : Un homme hEUrEUx, interprété par William Sheller, Florian, Louane, Joseph-Emmanuel.

"Mais si ça ne vaut pas la peine / que j'y revienne / il faut me le dire au fond des-yEUx / Quelque soit  le temps que ça prenne / quelque soit l'enjEU, je vEUx-être-un-homme-hEUrEUx."

On pourra poser la question du timbre utilisé par les interprètes pour les mots monosyllabiques tels que : je, de, me, le, que, quelque, ... Pour ma part, j'entends très souvent un [ø], ne serait-ce que pour des raisons d'harmonie vocalique...

Comme activité complémentaire, on peut suggérer aux apprenants séduits par ces chansons, d'aller chercher les mots en [ø] dans la totalité du texte.
 

Et vous? avec quelle(s) chanson(s) travaillez-vous la voyelle [ø] ?

 

 

 

15 mai 2013

La consonne R en français (3)

Rappel des épisodes précédents (1) et (2) (du plus facile au plus difficile)

1. R en finale absolue après voyelle ; "Elle part", "Il est mort".

2. R + Consonne #  : "Ils partent", " Elle est morte".

2bis. R + Consonne : "Il est parti".

3. R en position intervocalique (entre deux voyelles): "Le garage" mais aussi avec l'enchaînement "encore une", "par hasard".

-----------------

Il reste à voir deux positions de R dans lesquelles son articulation peut poser des difficultés :

• [R] en position initiale d'énoncé. Il n'y a alors plus d'appui vocalique. "Reviens !", "Refais-le !", "Rouge", "Rien !"

Les prénoms : Romane, Roxanne, Rose, Rachel, Rosalie, Raphael, Robin, Richard, Rachid, Romaric, Renaud, Robert, Romain, Rémi...

Les villes : Rennes, Reims, Rouen, Roubaix, Rambouillet, Rochefort, Roanne, Romainville, Roissy, Rodez, Royan...

Le RE / R- de réitération : refaire, redire, revoir, reprendre, remettre, recommencer, revenir, repartir, recopier, remonter, redescendre, recharger, recoller, recoiffer, rejouer, repeindre, replier..., racheter, rhabiller, rapporter, remporter, ramener, remmener, rallumer, rallonger, rappeler, rendormir,...

 

Je ne résiste pas à proposer un document peut être difficile mais créatif et susceptible de générer une activité. Il s'agit de la chanson des Frères Jacques "Monsieur Lepetit le chasseur" (extrait de l'album De "l'entrecôte"... à "la confiture"). Dans cette chanson, le R de réitération est comiquement surexploité, proche du virelangue :

La femme du chasseur / accueille son amant /Bonjour mon grand
La femme du chasseur / Raccueille son Ramant /Rbonjour mon Rgrand

Ils prennent du café / avec des croissants / Ils s(e) font des baisers /
Et ils sont contents/ Taïau Taïau Taïau
Ils Rprennent du Rcafé / avec des Rcroissants / Ils R(se) font des Rbaisers /
Et ils Rsont Rcontents/ RTaïau RTaïau RTaïau
 

J'ai Ralenti de 20% le tempo de la chanson...

 

 

 

Dernière position à travailler : [R] après consonne. C'est généralement le cas le plus difficile, pour au moins deux raisons : d'abord le R dans cette position est plus tendu ce qui amène souvent l'apprenant à revenir aux caractéristiques du R de sa langue maternelle ; ensuite le R connaît particulièrement dans cette position une variation en fonction de la consonne qui le précède suivant le phénomène d'assimilation. Le R est sourd au contact d'une consonne sourde (dans les groupes pR, tR, kR, fR, sR...) alors qu'il est sonore au contact d'une consonne sonore (dans les groupes bR, dR, gR, vR, zR...). On travaillera R :

- soit dans une rencontre consonantique : "cette remarque", "avec rapidité",...

- dans les groupes consonantiques d'abord sourds ("Le prix ?", "Très !", "Trop !", "Crie !", "Il fait frais" ...) , puis sonores ("Mon bras", "Des draps", "C'est gras !", "C'est vrai"...) Ce dernier cas représente pour beaucoup le maximum de difficulté.

 

Dernier exercice récapitulatif de la leçon consacrée à R du manuel D'accord (Carduner, Hagiwara, 1982)

 

Question de transcription

Les symboles de l'Alphabet Phonétique International pour R français sont : [ʁ] quand il est sonore, [χ] quand il est sourd. Il s'agit des deux symboles des fricatives uvulaires (cf. tableau des consonnes de l'API). Pour d'évidentes raisons de simplification, on utilise abusivement R pour transcrire ce son : c'est ce que j'ai fait moi-même dans les trois messages traitant de cette consonne, en omettant néanmoins soigneusement l'usage des crochets phonétiques strictement réservé aux symboles API. Car [R] en API décrit un trille uvulaire, c'est-à-dire un R roulé dans la gorge, comme dans certaines chansons de Piaf, dit aussi R grasseyé.

 

Conclusion

R est la consonne la plus fréquente en français, il est donc important de bien la prononcer. R se rencontre dans des positions et contextes divers dans le mot, ce qui représente différents niveaux de difficulté. Ce n'est donc jamais R qui pose problème en général, mais R dans certaines positions ou contextes particuliers qu'il faut connaître pour concentrer son effort. Par exemple, R en position finale absolue ne pose pratiquement problème pour personne, quelques minutes d'entraînement suffisent généralement à le maîtriser, et quelques heures de travail pour le fixer. C'est une bonne entrée pour commencer à apprivoiser cette consonne indispensable étape par étape. Alors au travail !

 

 

10 mai 2013

Les sons et les syllabes fréquents en français

Dans Prononcer les mots du français (Hachette, 1991), François Wioland donne un grand nombre d'informations passionnantes sur la fréquence des sons et des syllabes en français, tirées "d'échantillons représentatifs qui totalisent 200.000 phonèmes" que j'utilise souvent en cours (entre autres pour la construction de logatomes) et que je reprends ici.

 

DSC07052

 

Fréquence d'occurence des phonèmes dans le discours

Consonnes : /R/ (7,25%), /s/ (6%), /l/ (5,63%), /t/ (5,33%), /k/ (4,06%), /d/ (4,03%), /m/ (3,84%), /p/ (3,71%), /n/ (3,09%), /v/ (2,75%), /j/ (2%), /ʒ/ (1,66%), /z/ (1,53%), /f/ (1,4%), /w/ (1,4%), /b/ (1,31%), /ʃ/ (0,53%), /ɥ/ (0,51%), /g/ (0,47%) : Total = 56,55%

Voyelles : /E/ (/e/+/ɛ/) (10,6%), /a/ (8,55%), /i/ 5,12%, /Œ/ (/ø /+/œ/) (4,31%), /O/ (/o/+/ɔ/) (3,36%), /ɑ̃/ (3,09%, /u/ (2,43%), /ɔ̃/ (2,25%), /y/ (1,9%), /ɛ̃/ (1,84%) : Total 43,45%.

"Les mots les plus fréquents dans le discours sont des monosyllabes comme [a] (la préposition "à" et le verbe avoir "a"), [e] ("et"), [la] ("la"), [dŒ] ("de", transcrit ici avec l'archiphonème [də] / [dœ] ou [dø]) , [sE] ("c'est", transcrit ici avec l'archiphonème [sɛ] ou [se]) pour ne citer que les premiers, qui se situent toujours à l'intérieur d'une unité rythmique."

 

 

Syllabes les plus fréquentes (C = consonne ; V = voyelle)
(1 : syllabes CV ; 2 : syllabes CCV ; 3 : syllabes CVC )

/i/ : 1. [si], [di], [ki], [wi]
2. [pɥi], [lɥi], [sɥi], [ski], [pRi]
3. [diR], [kil], [tiR], [mil], [sil], [til], [dit], [tiR], [ziR], [niR]

/y/ : 1. [dy], [ty]
2. [ply]
3. [syR], [tyR], [tyn]

/E/ : 1. [sE], [lE], [tE], [dE], [nE], [ʒE]
2. [pRE], [tRE]
3.
[fɛR], [kɛl], [pɛR], [sɛR], [mɛm], [tɛR], [sɛt], [vɛk]

/Œ/ : 1. [dŒ], [kŒ], [ʒŒ]
2. [skŒ], [tRŒ]
3. [lœR], [tœR], [jœR]

/a/ : 1. [la], [pa], [sa]
2. [mwa], [vwa], [kwa], [tRa], [lja]
3. [paR]

/O/ : 1. [kO], [vO], [pO], [nO], [tO]
2. [pRO], [tRO], [sjO]
3. [lɔR], [kɔm], [kɔR], [pɔR], [fɔR]

/u/ : 1. [vu], [tu]
2. [ʒvu], [tRu], [gvu]
3. [puR], [ʒuR]

/ɛ̃/ : 1. [bɛ̃], [tɛ̃], [sɛ̃], [zɛ̃]
2. [bjɛ̃], [tjɛ̃]
3. [kɛ̃z], [vɛ̃t]

/ɑ̃/ : 1. [mɑ̃], [dɑ̃], [tɑ̃]
2. [lmɑ̃], ([fRɑ̃]), [pRɑ̃], [tRɑ̃], [dmɑ̃]
3. [sɑ̃t], [pɑ̃s], [mɑ̃d], [fɑ̃s], [sɑ̃s], [Rɑ̃t], [tɑ̃t], [kɑ̃t]

/ɔ̃/ : 1. [nɔ̃], [kɔ̃]
2. [sjɔ̃]
3. [dɔ̃k], [kɔ̃t]

 Ce sont ces syllabes fréquentes qui ont été enregistrées dans le diaporama ci-dessus. Dans le cas des archiphonèmes /E/, /Œ/, /O/, la tendance générale du français a été suivie : phonèmes ouverts en syllabe fermée, phonèmes fermés en syllabe ouverte.

 Merci à Karen, Emmanuelle, Emile, Olivia, Sophie et Cléo pour leur participation.

8 mai 2013

Rythme : l'alexandrin

J'ai eu récemment l'occasion de travailler avec une comédienne japonaise sur l'alexandrin dans le théâtre classique. Si la langue de l'alexandrin est souvent difficile, sa pratique constitue un excellent exercice phonétique puisque le cadre rythmique est contraint. Et la comédienne a rapidement pris beaucoup de plaisir et d'assurance à entrer dans cette régularité rythmique "comme on entre dans une danse"... avant d'envisager la casser pour redonner la priorité à son jeu.

L'alexandrin est un vers de douze syllabes, le plus souvent composé de deux hémistiches de six syllabes chacun. C'est ainsi qu'il est présenté par Nicolas Boileau qui en a été un fervent promotteur dans L'art poétique (1674).

Extrait de : De tous les animaux... (Satire VIII), de Nicolas Boileau.

Les "e" prononcés sont soulignés. Entre parenthèses, une proposition de découpage, correspondant à l'enregistrement du diaporama.

(À M. M., docteur de Sorbonne)

De tous les animaux qui s’élèvent dans l’air, (6/6)
Qui marchent sur la terre, ou nagent dans la mer, (6/6)
De Paris au Pérou, du Japon jusqu’à Rome, (6/3/3)
Le plus sot animal, à mon avis, c’est l’homme. (6/4/2)
Quoi ! dira-t-on d’abord, un ver, une fourmi, (1/5/2/4)
Un insecte rampant qui ne vit qu’à demi, (6/6)
Un taureau qui rumine, une chèvre qui broute, (6/6)
Ont l’esprit mieux tourné que n’a l’homme ? Oui sans doute. (6/3/1/2)
Ce discours te surprend, docteur, je l’aperçoi. (6/2/4)
L’homme de la nature est le chef et le roi : (6/3/3)
Bois, prés, champs, animaux, tout est pour son usage, (1/1/1/3/6)
Et lui seul a, dis-tu, la raison en partage. (3/1/2/6)
Il est vrai de tout temps, la raison fut son lot : (3/3/3/3)
Mais de là je conclus que l’homme est le plus sot. (3/3/2/4)

 

Le diaporama est illustré d'œuvres issues de la série Bestiario de l'artiste numérique italien Francesco Sambo.

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3 mai 2013

Les listes de Cléo (6)

Voici une liste des moyens de transport proposée par Cléo et Nina. Et si l'usage fait que l'on se déplace EN transport, il faudrait distinguer les véhicules fermés dans lesquels on monte (EN voiture, En bus, ...) et les véhicules ouverts que l'on chevauche (À cheval, À vélo, ...). Mais Nina n'échappe pas à la force de l'usage ....

Avec des extraits de La complainte de l'heure de pointe de Joe Dassin, et En rentrant de l'école de Prévert et Kosma, interprété par les Frères Jacques.

[lE'listŒdŒ *kle'o // lEtʁɑ̃s'pɔʁ //
a'pje / a'pje // lŒ'bys / ɑ̃'bys // lŒme'tʁo / ɑ̃me'tʁo //  lavwa'tyʁ / ɑ̃vwa'tyʁ // lŒtak'si / ɑ̃tak'si // lŒve'lo / ɑ̃ve'lo / ɑ̃ve'lo u ʔave'lo // lŒʁO'lœʁ / ɑ̃ʁOl'œʁ / ɑ̃ʁOl'œʁ u ʔaʁO'lœʁ // latʁoti'nɛt / ɑ̃tʁoti'nɛt / ɑ̃tʁoti'nɛt u ʔatʁoti'nɛt // lŒ'skɛɪt / ɑ̃'sket / ɑ̃'skɛɪt u ʔa'skɛɪt // lamo'to / ɑ̃mo'to / ɑ̃mo'to u ʔamo'to // lŒsku'tœʁ / ɑ̃sku'tœʁ / ɑ̃sku'tœʁ u ʔasku'tœʁ // la'vjõ / ɑ̃na'vjõ // lŒ'tʁɛ̃ / ɑ̃'tʁɛ̃ // lŒtʁa'mwɛ / ɑ̃tʁa'mwɛ // lŒ'kaʁ / ɑ̃'kaʁ // lŒteʒe've / ɑ̃teʒe've // lŒba'to / ɑ̃ba'to // ]

2 mai 2013

Les listes de Cléo (5)

C'est devant le placard de vêtements de leurs parents que Cléo et Nina ont enregistré leur nouvelle liste : les vêtements ("... bah les habits !").


A partir de cette liste, on peut proposer de regrouper les mots présentant la même voyelle accentuée. Par exemple [y] dans : un pull, des chaussures, un costume, un pull à capuche, une jupe, une ceinture,... Par exemple [ɔ̃] dans : un caleçon, un pantalon, des chaussons. Ou les mots qui finissent par la consonne [R] (cf. "La consonne [R] en français (1)) : des chaussures, un peignoir, un tailleur, un foulard, une ceinture.

On peut aussi regrouper les mots par nombre de syllabes, par structure syllabique (syllabes accentuées ouvertes ou fermées),...

[le'listŒdŒ *kle'o // lEvɛtmɑ̃ //lEzabi
ɛ̃'pyl // ynʃŒ'miz // ɛ̃ti'ʃœːʁt // ɛ̃'slip // ɛ̃kal'sõ // ɛ̃mɑ̃'to // ɛ̃paʁa'plɥi // dEʃO'syʁ // dEʃO'sɛt // ynkʁa'vat // yn'vɛst // ɛ̃kOs'tym // ɛ̃pɑ̃ta'lõ // ɛ̃pO'lo // ɛ̃pylaka'pyʃ // ɛ̃bO'nE // yne'ʃaʁp // ɛ̃piʒa'ma // ynʃŒmizdɶ'nɥi // ɛ̃pE'ɳwaʁ // ɛ̃ʃŒmi'zje // yn'ʒyp // yn'ʁɔb // ɛ̃ta'jœːʁ // ɛ̃sutjɛ̃'gɔːʁʒ // ynky'lɔt // dEkO'lɑ̃ // ɛ̃saka'mɛ̃ // ɛ̃ʃa'po // ɛ̃fu'laʁ // dEbas'kɛt // ɛ̃'ʤin // ynsɛ̃'tyʁ // dEʃO'sõ //dEsɑ̃'dal // dE'bɔt // dE'gɑ̃ //]

30 avril 2013

Les listes de Cléo (4)

Pour présenter les couleurs, Cléo et Nina ont décrit leur boîte de feutres. Elles ont ajouté "la couleur..." avec la voyelle [œ], et "un feutre..." avec la voyelle [ø], deux voyelles qui représentent une difficulté pour de nombreux apprenants. De quoi s'entraîner !

28 avril 2013

Des liaisons de prestige ?

Cela aura été une marque d'oral caractéristique de Jacques Chirac (dont se sont servis tous ses imitateurs comiques), puis de bon nombre de personnages politiques et c'est devenu aujourd'hui une marque d'oral propre à une catégorie sociale : les communicants de prestige. De quoi s'agit-il ? En termes phonétiques, il s'agit du phénomène de joncture rapporté à la liaison. Et plus particulièrement ici, il s'agit de la migration de la consonne de liaison dans sa syllabe d'origine, alors que la consonne de liaison est traditionnellement prononcée dans la syllabe suivante. Pierre Encrevé a avec justesse nommé le phénomène : la liaison sans enchaînement [ENCREVÉ, Pierre, 1988, La liaison avec et sans enchaînement, Paris : Seuil].

Exemple : "Il faut intervenir", prononcé en un seul groupe rythmique est communément syllabé de la façon suivante : il-fau-tin-ter-ve-nir. La consonne de liaison T appartient à la syllabe suivant le mot "faut", ce qui a pour conséquence de produire des syllabes ouvertes, c'est-à-dire des syllabes se terminant par une voyelle. Mais lorsqu'on marque une hésitation avant la liaison, il y a deux possibilités : ne pas faire la liaison, ce qui est  dévalorisant en termes de registre de langue, ou adopter l'habitude de prononcer les consonnes de liaison dans leur syllabe d'origine : "Il faute", "On doite", "Ils sonte", "Depuise"... en espérant que le mot suivant commence bien par une voyelle pour justifier la liaison d'emblée réalisée. Sinon, on s'approche du pataquès : "Ils sonte... persuadés". Ces liaisons sans enchaînement produisent des syllabes fermées (se terminant par une consonne), très largement minoritaires en français parlé.

La pratique des liaisons a toujours été liée aux registres de langue. Plus de liaisons = registre plus formel. Mais la donne moderne est plus complexe, on joue plus facilement avec la confusion des registres. On peut entendre "dans#une heure" prononcé sans liaison par des intervenants réguliers sur France Culture, alors que sur France Inter, Bernard Guetta prononce sa chronique quotidienne de géopolitique avec des liaisons dignes d'André Malraux.

Dans Le Français ordinaire, Françoise Gadet précise que la liaison sans enchaînement permet la combinaison de deux tendances contradictoires : effectuer une liaison (socialement valorisante) et faire porter l’accent d’insistance sur la première syllabe du mot (l'accent barytonique si prisé des communicants, évoqué dans d'autres messages de ce blog). On l'entend bien dans les extraits suivants.

Nous sommes loin de l'enseignement des liaisons en FLE et les spécialistes de la liaison sans enchaînement (LSE) sont allés bien plus avant dans la description et l'analyse du phénomène, mais c'est une interview du Docteur Irène Frachon entendue ce matin à la radio et présentant un excès de liaisons sans enchaînement qui est à l'origine de ce message...

Et vous, vouz... #Arrive-t-il de pratiquer la liaison sanz... # Enchaînement?

 

 

 

24 avril 2013

La consonne R en français (2)

Rappel : Dans le message précédent, nous avons vu que la consonne R se prononce SANS la pointe de la langue (contrairement au R roulé), mais AVEC un très léger recul de l'arrière de la langue. Nous avons pratiqué le R dans deux positions plutôt faciles :

1. Voyelle+R# :  "Je pars", "Il est mort" ;

2. Voyelle +R+Consonne#   : "Ils partent", " Elle est morte".

 

En exploitant ces paradigmes grammaticaux (on parle aussi de morpho-phonologie), on trouve :

Masculin / féminin : vert / verte - ouvert / ouverte - offert / offerte - expert / experte - désert / déserte - picard / picarde - motard / motarde - vieillard / vieillarde - blafard / blafarde - renard / renarde - bavard / bavarde - banlieusard / banlieusarde - campagnard / campagnarde - fort / forte - mort / morte ...

Singulier / pluriel : il perd / ils perdent - il dort / ils dorment - il sort / ils sortent - il mord / ils mordent - il part / ils partent ...

Du nom au verbe : le retard / il retarde - du fard / elle se farde - le cafard / elle cafarde - le hasard / Il hasarde... - le bazar / il bazarde - un lézard / il lézarde - le port / il porte - un apport / il apporte - un rapport / il rapporte - un report / il reporte - un support / il supporte - l'export/ il exporte - le transport / il transporte - le bord / il borde ...

Et je pense avoir presque épuisé les ressources de ces paradigmes...

 

À ces listes de paires de mots (souvent loin d'être fréquents) sans contexte et dont certains manuels se font une spécialité, je préfère la pratique des gammes qui me semble d'autant plus efficace qu'elle ne vise pas un éventuel accès au sens (cf. message "Traitement linguistique vs. traitement auditif"). Puisqu'il s'agit dans un premier temps de s'entraîner à pratiquer de nouveaux gestes articulatoires, il ne semble pas crucial d'utiliser de vrais mots (surtout décontextualisés et souvent inadéquats au niveau des apprenants). La pratique des gammes ne nécessite aucune recherche lexicale fastidieuse de la part de l'enseignant, qui peut alors concentrer son attention sur des mises en œuvre variées en classe. Les gammes sont aussi un outil facile à transmettre aux apprenants qui peuvent ainsi à leur tour construire leur matériel d'entraînement en fonction de leurs besoins propres. Et un étudiant qui construit ses exercices est un étudiant qui réussit. On veille juste à respecter les règles phonotactiques du français, qui sont, avec les phénomènes d'enchaînement, de liaison et d'effacement, beaucoup plus riches qu'on croit.

J'ai conçu ici des gammes en 2 syllabes : [o-C1aRC2#], C1 et C2 étant des consonnes qui varient.


opaaaa - Rp, opaaaa - Rt, opaaaa - Rk,

opaaaa - Rb, opaaaa - Rd, opaaaa - Rg,
opaaaa - Rf, opaaaa - Rs, opaaaa - Rʃ,

opaaaa - Rv, opaaaa - Rz, opaaaa - Rʒ,
opaaaa - Rm, opaaaa - Rn, opaaaa - Rl,

otaaaa - Rp, otaaaa - Rt, otaaaa - Rk,
otaaaa - Rb, otaaaa - Rd, otaaaa - Rg,...

okaaaa - Rp, okaaaa - Rt, okaaaa - Rk,
okaaaa - Rb, okaaaa - Rd, okaaaa - Rg,...

(comme : éparpillé, ils partent, au parc, par Boulogne, pardi, par Guy, par faire, par sortir, parchemin, parvenu...)

 

 ... en suivant l'ordre des consonnes (et c'est aussi à cela que servent les tableaux de l'API) :

(occlusives)      ptk / bdg,
(fricatives)        fsʃ / vzʒ,
(nasales et autres)  mnlR.

Fin du rappel

---------------------------------------------------------

La position suivante qu'il faut pratiquer est Voyelle+R+Consonne+Voyelle, où R ne se trouve plus en syllabe finale accentuée, mais à l'intérieur du groupe rythmique en position inaccentuée.

"Ils paRtent" - "Il est paRti là-bas" ;
"Une couRse" - "Une couRse à pied" ;
"Ils s'en seRvent" - "Ils s'en seRvent encore".

Attention, le principal écueil est ici de prononcer les syllabes se terminant par R plus longues que les autres. Or, la syllabe qui contient R doit avoir la même durée que les autres syllabes inaccentuées, puisque seule la dernière syllabe du groupe rythmique est plus longue. Il faut donc s'entraîner à prononcer un R TRÈS LÉGER et TRÈS COURT, pour que le rythme des syllabes inaccentuées soit bien régulier.

"Il est parti là-bas" : [i-lɛ-paR-ti-la-'baaa]
"Une course à pied" : [yn-kuR-sa-'pjeee]
"Ils s'en servent encore" : [il-sɑ̃-sɛR-vɑ̃-'kɔɔɔR].*

 

Tout va bien ? Jusque là, tout devrait bien se passer si vous vous entraînez systématiquement. Et de nombreux apprenants déclarent à cette étape qu'ils prononcent R avec un certain plaisir : "C'est amusant de le prononcer si léger!", "C'est finalement assez économique", "J'aime bien la sensation, c'est doux". Et vous, qu'en pensez-vous ?

 ----------------------------------------------------------------------------------------------

L'étape suivante est R entre deux voyelles Voyelle+R+Voyelle. On dit aussi en position intervocalique. Dans cette position, le son R s'écrit en orthographe soit "r" ("À Paris", "Mon mari"), soit "rr" ("J'arrive", "Horrible !"), mais il se prononce toujours de la même manière quelle que soit son orthographe.

R peut se trouver entre deux voyelles à l'intérieur d'un mot : Mes parents ! Ton numéro ? Au bureau.

ou entre deux mots d'un même groupe rythmique (ce qui revient exactement au même) : Du riz ? Par hasard ! Pour elle ? Toujours ici !

Pour s'entraîner, on peut donc utiliser ces mots-outils (par, pour, toujours, vers, sur, derrière, encore, d'abord, alors...), avant des mots commençant par une voyelle (elle(s), eux, Alain, Annie, Henri, Etienne, Isabelle, Angers, Aix, Amiens, amoureux, amusant, ennuyeux, ici, en voyage, en famille, en avion, au Japon, au Chili, au Maroc, en Chine, en Allemagne, en Espagne...). Construisez vos propres phrases d'entraînement.

Voici un exemple d'exercice de transformation qui utilise les enchaînements (les derniers items présentent plusieurs occurrences de R dans le même énoncé. Ex : Hé oui ! ToujouRs enRhumé !). Précision pour les puristes : la liaison en Z après toujours relève d'un registre très soutenu, même dans l'expression figée "toujours est-il...". Par contre l'enchaînement en R après toujours est commun et c'est ce qui est travaillé ici. L'exercice peut aussi être pratiqué à l'envers : la réponse pour le stimulus.

 

 

Bilan : Vous produisez maintenant R avant consonne et R entre voyelles. Qu'en dites vous? Quelle position préférez-vous? Pourquoi? Pouvez-vous produire un R qui n'a pas d'influence sur la voyellequi précède? Pouvez-vous produire un R qui n'allonge pas la syllabe inaccentuée? Il ne reste plus que deux positions à travailler !

 

À suivre ...

 [La suite est ici : La consonne R (3)]

 

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