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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français

Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
18 avril 2013

La consonne R en français (1)

La consonne R du français est décrite comme un cauchemar phonétique par de nombreux apprenants étrangers. Ils trouvent généralement que ce n'est pas une belle consonne (et un tel jugement esthétique constitue le seul réel handicap pour l'entraînement, il faut donc avant tout faire évoluer cette opinion), elle a l'air de râcler la gorge, d'être tellement postérieure qu'elle donne envie de vomir... et en plus, on en trouve partout en français!

Sur ce dernier point, ils ont raison. La consonne R est la consonne la plus fréquente en français : elle représente à elle seule 13% des occurrences des 17 consonnes du français. Et c'est pour cela que R est incontournable... Prononcer un R roulé par exemple (comme en espagnol, en italien, en roumain, en russe...) est un énorme marqueur d'accent étranger en français.

Or, maîtriser la consonne R n'est pas aussi difficile qu'il y paraît. Il faut juste une organisation rigoureuse de l'entraînement.

R en français peut se trouver dans de nombreuses positions dans le groupe rythmique. Et la difficulté de sa réalisation dépend de sa position. C'est cet entraînement en fonction de la position qu'il faut organiser pour maîtriser le R étape par étape, position par position.

 

Par exemple, R en position finale de groupe rythmique est une consonne très douce (on l'entend parfois à peine), elle allonge juste la voyelle qui précède sans en modifier le timbre, elle est jolie comme un petit souffle... et vraiment facile à produire. C'est R# final. Pour ceux qui ont l'habitude de prononcer un R roulé dans leur langue maternelle (ou [l] comme en japonais), il faut seulement veiller à ce que la pointe de la langue ne se dresse pas vers les incisives supérieures pour le roulement, mais que la langue reste couchée (comme un chien! COUCHÉ!) en bas. Pour s'assurer que la pointe de la langue ne va pas se dresser, on peut proposer de coller la pointe de la langue derrière les incisives inférieures (et / ou vérifier dans un mirroir que la langue ne se dresse pas).

Car ce n'est pas du tout en avant de la bouche que les choses se passent pour R mais derrière. R est une consonne fricative, c'est à dire un son produit par un léger frottement. Ici, le frottement est produit par un TRÈS léger recul de la racine de la langue.


Dites un long [aaaa] et terminez par un bref et très léger recul de l'arrière de la langue. Encore plus bref et plus léger ! Le plus léger possible ? Voilà ! vous prononcez un R français. Facile, non?

Vous l'avez réalisé une fois? Il va falloir maintenant faire vos gammes, toujours dans cette position finale.
iiii - R,     ɛɛɛɛ - R,      aaaa - R,      ɔɔɔɔ  - R,      uuuu - R
yyyy - R,     œœœœ - R.

Vous allez maintenant ajouter une consonne pour commencer la syllabe. Par exemple [p] :
piiii - R, pɛɛɛɛ - R, paaaa - R, pɔɔɔɔ  - R, puuuu - R
pyyyy - R, pœœœœ - R.

Entraînez-vous avec d'autres consonnes ([t, k, d, m, f, s, v]). Assurez-vous toujours que :

1. la voyelle est longue et stable (elle n'est pas influencée par le R qui suit (comme en anglais américain par exemple : FR pire, ENG peer),

2. le R termine la syllabe, il est TRÈS LÉGER. Dans cette position, il peut toujours être plus léger, jusqu'à presque disparaître. Essayer de le faire presque disparaître aussi. Qu'en pensez-vous?

---------------------------------------------

Pouvez-vous répéter les syllabes suivantes sur un rythme lent et régulier en tapant sur la table ?

 

" 'soiR  'baR  'gaRe  -'gaR(d)  'n'aR-   'guèRe  ('de)  'boiRe..."

 

Ecoutez 1 fois le début de la chanson de Boby Lapointe Ta Katie t'a quitté, puis produisez uniquement les mots / syllabes en gros/gras ci-dessous, à dire sur les temps forts de la musique (répétée 5 fois!!! la vitesse est variable, jusqu'à la vitesse originale).

"Ce soiR au baR de la gaRe Igor hagaRd est noir il n'aRrête guèRe - deboiRe..."

AloRs? EncoRe?
D'accoRd! On continue...
 ----------------------------------------
 
Ah! l'amouR, toujouRs l'amouR...

Ecoutez et produisez les mots en gras du poème ci-dessous :


(La sculpture est Eve, d'Auguste Rodin, photographiée au jardin desTuileries)

Le Serment de Marceline Desbordes-Valmore

Idole de ma vie,
Mon tourment, mon plaisiR,
Dis-moi si ton envie
S'accorde à mon désiR ?
Comme je t'aime-en mes beaux jouRs,
Je veux t'aimer toujouRs.

Donne-moi l'espérance ;
Je te l'offre en retouR.
Apprends-moi la constance ;
Je t'apprendrai l'amouR.
Comme je t'aime-en mes beaux jouRs,
Je veux t'aimer toujouRs.

Sois d'un cœuR qui t'adoRe
L'unique souveniR ;
Je te promets encore
Ce que j'ai d'avenir.
Comme je t'aime-en mes beaux jouRs,
Je veux t'aimer toujouRs.

Vers ton âme attirée
Par le plus doux transpoRt,
Sur ta bouche adorée
Laisse-moi dire encoR :
Comme je t'aime-en mes beaux jouRs,
Je veux t'aimer toujouRs.

Bilan : Vous produisez maintenant R en finale de groupe rythmique. Qu'en dites vous? Est-ce agréable / désagréable? En quoi? Vous sentez-vous ridicule? Trouvez-vous cela joli? amusant? etc...

 

L'étape suivante consiste à produire un R toujours en finale du groupe rythmique mais cette fois-ci suivi d'une consonne. C'est R+Consonne #. Il faut toujours veiller à ce que la langue ne se dresse pas pour articuler R. Le bruit de friction est naturellement un peu plus fort à cause de la consonne qui suit, mais ce n'est pas la peine de forcer. Le R léger est toujours plus joli... et plus agréable à faire.

Entraînez-vous avec des gammes que vous construisez vous-même.

 

-------------------------------------------------------------------------------

Puis, quand vous sous sentez prêt, écoutez et répétez les mots du poème ci-dessous dans lequel  R# final et R+Consonne # alternent.

(Les tableaux du diaporama sont : sur le thème de la jeune fille et la mort, d'Edvard Munch et de Marianne Stokes, et sur le thème d'Orphée et Eurydice, de Christian Gottlieb Kratzenstein-Stub, de Ary Scheffer, de Jean-Albert Cresswell et de Jean-Baptiste Corot.)

La Morte de Maurice Carême

Il entendit la mort
Derrière cette porte,
Il entendit la mort
Parler avec la morte.

Il savait que la porte
Etait mal refermée
Et que, seule, la mort
En possédait la clé. 

Mais il aimait la morte
Et quand il l’entendit,
Il marcha vers la porte
Et l’ouvrit. Il ne vit

Ni la mort ni la morte ;
Il entra dans la nuit
Et doucement, la porte
Se referma sur lui.

 

Bilan : Vous produisez maintenant R en finale absolue et avant consonne. Qu'en dites vous? Quelle position préférez-vous? Pourquoi? Pouvez-vous produire un R encore plus léger? et encore plus? Ça vous plaît ? Etes-vous prêt à relever le défi de R dans d'autres positions?

 

À suivre ...

[la suite est ici : La consonne R en français (2)]

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17 avril 2013

Réponses au Test !

Merci pour vos 22 réponses et bravo pour la qualité de votre écoute !

Collectivement, vous avez décelé les moindres traces de singularité. Félicitations ! Et une mention spéciale à Edith 2, qui est la seule à avoir démasqué la voix 4 !

Sur les quatre voix enregistrées, seule la voix 2 est française native. Et si le contenu de mon message introductif attirait particulièrement votre attention sur les performances identiques-à-celles-des-natifs de certains locuteurs non natifs, vous ne vous êtes pas trop laissé influencer et vous avez identifié la voix native à 86% comme française (ce qui est une limite supérieure classique dans ce type de recherche). Vous pouvez bien sûr consulter l'ensemble des 22 réponses mais en voici une petite synthèse... et surtout toute la vérité sur ces voix que je remercie pour leur participation !

Voix 1 : [décrite comme française à 68%, ou... québécoise? belge? gros doute? anglaise ou italienne...] F. est née et a vécu sa jeunesse en Roumanie où vit encore toute sa famille, mais elle est mariée depuis plus de 40 ans en France. Elle a appris le français en Roumanie à l'école et en famille où cet apprentissage était très valorisé. Elle est fière de parfaitement maîtriser le français, en particulier la grammaire et l'orthographe, et elle n'hésite pas à corriger les erreurs des natifs! Il est rarissime qu'on lui parle de son accent, et d'ailleurs elle n'aime pas ça.

Voix 2 : [décrite comme française à 86%, ou belge, anglaise ou italienne] L. est française et est médecin / chercheur ORL.

Voix 3 : [décrite comme française à 27% - qui fume, ou francophone, de Suisse, des Antilles, d'Afrique, ou hispanophone, anglo-américaine,... ] K. est italienne. Sa voix grave a fait pour ce test l'objet de nombreuses hypothèses... Elle a commencé à apprendre le français à l'âge de 20 ans, il y a aujourd'hui plus de 40 ans. Elle est fière de sa maîtrise du français, en particulier la grammaire et l'orthographe. Elle aussi aime signaler / corriger les erreurs qu'elle rencontre. Il est rarissime qu'on lui parle de son accent, et d'ailleurs elle non plus n'aime pas trop ça... et elle déteste se faire enregistrer !

Voix 4 : [décrit comme français à 55% - snob ou déprimé, ou... belge? luxembourgeois? suisse? canadien? hispanophone ou arabophone? américain? ] B. est anglo-américain. Il a 22 ans, il est étudiant dans une université américaine. Il a déjà fait plusieurs séjours en France. Il aime de façon évidente le français et sa prononciation. Il s'entraîne beaucoup afin que sa prononciation soit parfaite.

 

Conclusion : oui, il est possible de parler parfaitement une langue étrangère, même si on l'apprend adolescent ou jeune adulte. Chaque apprenant doit pouvoir faire de l'excellence un objectif réaliste. Ce n'est pas à l'enseignant de brider ce potentiel. Gérald Neufeld, chercheur canadien, l'a montré dans une expérience de 1974 :

Vingt sujets ont suivi deux cours de langue d’une durée de 18 heures chacun (en japonais, en chinois). Seules la prononciation et l’intonation étaient enseignées, pas de vocabulaire, pas de grammaire. La première moitié du cours (9 heures) n’était consacrée qu’à l’écoute d’énoncés en langue étrangère, d’exercices de tracé de courbes intonatives et rythmiques, d’exercices de discrimination auditive (détecter des différences). Ce n’est que dans la deuxième moitié de chaque cours (9 heures) que les sujets devaient répéter, d’abord à mi-voix, puis à haute voix, des énoncés comprenant entre une et seize syllabes dans la nouvelle langue. Les sujets répétaient finalement dix énoncés enregistrés, sans les avoir répétés au préalable. Pour chaque langue, la performance des sujets était évaluée selon une échelle de cinq points par trois juges « autochtones qui ignoraient tout des raisons d’être et des objectifs de la recherche ». Onze des vingt sujets ont été identifiés comme de langue maternelle japonaise, et neuf comme de langue maternelle chinoise. Ces résultats semblent indiquer que l’adulte ne perd ni la capacité de percevoir les différences subtiles de son, de rythme et de hauteur, ni celle de reproduire ces sons et ces contours.

 

Pour finir ce message sur l'excellence phonétique, voici un exemple du français d'Akira Mizubayashi, écrivain japonais d'expression française, déjà cité dans d'autres messages de ce blog et qui parle ici très succinctement de son apprentissage de la langue. Fermez les yeux et écoutez. Moi, ce que j'entends avant tout, c'est un plaisir gourmand à prononcer la langue.

10 avril 2013

Des exceptions discrètes ?

On remarque généralement très bien ce qui est différent, mais on ne remarque pas du tout ce qui est semblable.

Ainsi remarque-t-on tous les locuteurs non-natifs présentant un accent dans une langue, car ils sont différents. Alors qu'on ne peut soupçonner certains locuteurs de ne pas être natifs car leur production est identique à celles des natifs. Ils sont, par ce fait-même, plus nombreux qu'on pourrait le penser.

Ces locuteurs non-natifs, qui excellent dans la prononciation d'une autre langue, sont généralement très discrets. S'ils sont parvenus à une telle intégration phonétique, ce n'est pas pour rappeler leur singularité. Et certains préfèrent garder le secret sur leur pedigree linguistique.

Bien que vous soyez maintenant fortement conditionnés par ce que vous venez de lire, voici un test.

Ecoutez ces quatre voix (trois femmes, un homme) qui simulent un message sur un répondeur téléphonique et dites :

Si ces voix sont françaises? Si non, laquelle / lesquelles d'après vous n'est pas / ne sont pas française(s)? Quelle(s) serai(en)t son / leurs origine(s) ?

Répondez en toute sincérité, et retenez votre première impression : c'est la bonne. Sinon, tellement vigilant à la singularité, vous pourriez trouver de l'étrangeté partout. Dans un dîner à majorité anglophone à Paris, mon voisin français a trouvé que je parlais "vraiment bien français pour un américain"... alors que je suis français !

Pour répondre, utiliser le bouton [Commentaires] sous le diaporama sur la ligne : "Posté par...", en essayant de ne pas vous laisser influencer par les réponses précédentes. Donnez votre réponse et précisez au moins votre langue maternelle.

Exemple de réponse : Voix 1 : française, Voix 2 : polonaise, Voix 3 : belge francophone, Voix 4 : française. Je suis de langue maternelle polonaise.

Je donnerai la solution après avoir recueilli 20 réponses à ce test.

 
 
 
Avez-vous fait vos choix? Attention, toute la vérité sur ces voix se trouve... [ici]

 

9 avril 2013

Transcriptions Phonétiques (2)

La pratique de l'Alphabet Phonétique International est un excellent exercice, avant tout pour les enseignants.

Les symboles de l'API utiles pour transcrire le français sont peu nombreux et pour la plupart transparents.

La pratique régulière de l'API permet de se familiariser avec les caractéristiques de l'oral telles que l'enchaînement (quand on transcrit la frontière syllabique : "il arrive" [i-la-ʁiv]), la liaison ("en avion" [ɑ̃-na-vjɔ̃]), mais aussi les cas d'assimilation ("Absent!" [ap-sɑ̃]), les correspondances graphie / phonie (la lettre "x" réalisée [ks] dans "taxi" ou [gz] dans "exemple")...

C'est un code simple à maîtriser et sa pratique est amusante et réellement éclairante sur les problèmes de prononciation. (Ne vous laissez pas impressionner par les deux petits tableaux ci-dessous : ils présentent toutes les voyelles et les consonnes des langues du monde!!!, alorsqu'il n'y a qu'une trentaine de sons en français). Ces symboles sont organisés en systèmes structurés qui permettent de comprendre les erreurs des étudiants, et de proposer des corrections adaptées.

APIVoyAPICons

Pour les étudiants, les dictées en API révèlent certaines difficultés, parfois tout aussi bien révélées par l'orthographe. Ex : À la Solebonne.

Dans tous les cas, il est indispensable de confronter la transcription API avec le document audio, plus qu'avec la transciption orthographique.

Vous trouverez, sur les questions de transcription, un intéressant article scientifique de mes collègues de l'Institut de Phonétique de Paris 3, Bernard Gautheron et Antonia Simon-Colazo, intitulé : La transcription phonétique au bout des doigts, claviers et polices ergonomiques pour la transcription en API (version pdf).

aclweb.org/anthology-new/W/W12/W12-1304.pdf

J'ai utilisé en cours de phonétique pour pratiquer l'API en lecture et en transcription, les dramatiques radiophoniques de la célèbre série les Maîtres du Mystère, enregistrées à la Maison de la Radio / ORTF dans les années 1960-1970 et récemment rééditées en CD.

Je vous propose ici les transcriptions d'extraits de Un visiteur timide, de Charles Maître, première diffusion le 6/5/1969. Même si les acteurs sont très talentueux (Michel Bouquet, Jean-Claude Michel et Bernadette Lange), il s'agit d'écrit oralisé, ce qui est très différent de transcriptions d'oral spontané. Mais cela me semble déjà un progrès par rapport aux transcriptions réalisées à partir d'extraits littéraires (écrits) que l'on trouve dans de nombreux ouvrages. L'API est un outil de captation de l'oral tel qu'il est produit plutôt que tel qu'il devrait / pourrait être produit.

(vous pouvez entendre le document audio ici)

Malheureusement, les transcriptions que je vous propose ci-dessous ont été faites avec des polices API aujourd'hui obsolètes. Il s'agit donc de documents .pdf un peu déformés... Vous remarquerez que j'ai sciemment évité de reproduire en API l'espace graphique entre les mots. Seules les frontières entre groupes rythmiques sont indiquées pour approcher au plus près la production orale.

 

Entraînez-vous à lire de l'API, ou à transcrire en API : la liste de vos courses, les post-it que vous vous laissez, vos rendez-vous dans votre agenda... envoyez-nous vos commentaires en API !

Pour motiver votre lecture attentive, quelques coquilles se sont glissées dans les transcriptions. Saurez-vous les retrouver?

(cliquez sur le document pour l'agrandir)

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9 avril 2013

Les listes de Cléo (3)

Les animaux de Cléo et Nina. Avec sur la fin de l'inventaire de beaux exemples d'accent barytonique (voir messages précédents) alternés avec des allongements classiques.

 

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5 avril 2013

Dialogue rythmique

Les auteurs de manuels écrivent le(s) dialogue(s) introductif(s) des unités didactiques en fonction de leurs objectifs, en simplifiant en termes d'actes de parole et des contenus grammaticaux et lexicaux nécessaires.

Dans Phonétique en dialogues, chez CLE International, Bruno Martinie et Sandrine Wachs, ont conçu des dialogues et des exercices associés, en fonction d'objectifs phonétiques.

Et si on écrivait des dialogues ayant comme unique objectif phonétique le rythme ?

C'est ce que j'ai proposé en cours avec des dialogues rythmiques dont voici un extrait ci-dessous.

L'extrait présenté est composé de groupes rythmiques de 4 syllabes (voir plus bas la transcription orthographique). La tâche de l'utilisateur - déjà rompu à l'exercice, nous en sommes à l'épisode 6 de la série - consiste à ne pas se laisser distraire par le contenu linguistique du dialogue (une fois qu'il a été découvert et compris), mais à donner la priorité absolue à la régularité rythmique : se laisser porter par le rythme, quitte à négliger l'exactitude segmentale / lexicale. On peut avoir recours au support écrit pour des analyses détaillées (compréhension détaillée, décompte des syllabes, effacement des "e", ...), mais la pratique avec l'enregistrement ne se fait qu'à l'écoute.

 

Un linguiste anglais à qui l'on demandait ce qui était plus important : les aspects segmentaux (voyelles, consonnes, semi-consonnes) ou les aspects suprasegmentaux (rythme, intonation, accentuation) répondait joliment : "Les grands linguistes ont toujours étudié les voyelles et les consonnes en priorité et plus en détail, avant de s'intéresser et de plus loin aux aspects  généraux : le rythme, l'accentuation, l'intonation. Autrement dit, les linguistes ont toujours dessiné les bateaux avant de dessiner la mer. Or, n'importe quel enfant le sait, il faut toujours dessiner la mer avant de dessiner les bateaux!"

 

Le dialogue présenté ici semble bien artificiel, comme semblent parfois les dialogues des films d'Eric Rohmer. Et distrait par le contenu, on ne se rend spontanément pas compte de la régularité rythmique.

Et vous, arriverez-vous à vous laisser porter prioritairement par ce rythme à 4 temps ?

 

Comme d'habitude, j'ai varié les voix sur le même texte. Merci à Olivier, Edithe, Olivia, Emmanuelle, Karen, Sabine, Martin, Louis et sa guitare pour leur participation.

 

Episode 6 : À la Rotonde

Le serveur - Pardon Mesdames,/ j(e) peux encaisser ?// Excusez-moi,/ mais mon service/ est terminé.//

Caroline - Quelle heure est-il ?//

Sophie - 7 heures et d(e)mie.// Ça fait combien ?//

Le serveur - 6 euros 30.//

Caroline - Laisse-moi payer,/ j(e) (n)'ai pas d(e) monnaie.//

Le serveur - Et 13 euros…./ et 70 !//

Caroline – Ça-c’est pour vous.//

Le serveur - Merci Mesdames/ et bonne soirée. //

Caroline - Alors la suite...//

Sophie - On a parlé/ de nos-amis.// Paul s'est rapp(e)lé/ ces p(e)tites vacances// qu'on a passées/ au Lavandou,// avec Rachid,/ Jeanne-et Kiki,// et puis Nora.... // J’ai plein d(e) photos/ de ces vacances.// Tu t'en souviens ? // C’était sympa ! // On a passé/ de bons moments !// Et dans les-Alpes,// quand on-a fait/ de l’escalade ! //

Caroline – Oh-bah-bien sûr/ que j(e) me rappelle.// Mais tu étais.../ avec Vincent.//

Sophie - Et Paul était.../ avec Judith.//

Caroline - Et moi déjà/ avec Philippe...// C'est loin tout ça.//

Sophie - C'est pas si loin,// et quelle équipe,// et quelle époque !// Tu n(e) voudrais pas/ recommencer ?//

Caroline - J(e n)'en suis pas sûre...// Je préfère vivre/ le temps présent.// Et Paul alors,/ il a changé ?// il est marié ?// célibataire ?// ou divorcé ?//

Sophie - Toujours pareil ...// Indépendant.// Tout comme avant.// Mais tu l(e) connais,/ il est discret.// Ce n'est pas l(e) genre// à raconter/ ses-aventures.// Mais il m'a dit// qu'il a vécu/ pendant deux ans// avec une fille/ qui l'a quitté.//

Caroline - Avec une fille/  qu'il / a quittée,// [ou ...] avec une fille/ qui / l'a quitté ?//

Sophie - Pas qu'il / a quittée,// qui / l'a quitté.// Mais oui c'est elle/ qui est partie !//

Caroline - Elle l'a quitté ?// Mais quitter Paul,/ c'est impossible !// Elle était folle !// Il est si doux/ et si gentil !//

Sophie - Dis-moi Caro !/ mais quelle passion !//

Caroline - C'est-un garçon/ qui m(e) plaît beaucoup.// C’est-un artiste.// C'est-un rêveur.// Ça m'énervait/ il y a 5 ans,// mais-aujourd'hui...// C'est beau-d(e) rêver... //

Sophie – Tu as raison,/ il est charmant.// C’était sympa/ de le revoir.//

 

3 avril 2013

Les listes de Cléo (2)

Il existe pour le français de nombreux imagiers sonores sur le Net.

Bon nombre de ces imagiers énoncent les mots avec un accent d'intensité porté sur la première syllabe des mots lexicaux : une 'VOIture, un 'CItron. On parle dans ce cas d'accent barytonique. C'est une façon de parler courante dans les média (et parfois chez les enseignants), dite aussi accent informatif (on cherche à maintenir l'attention de l'interlocuteur), à l'opposé d'un accent "naturel" dit narratif, de durée sur la dernière syllabe du groupe rythmique (on ne parlera pas ici de l'accentuation expressive, qui représente tout un domaine en soi).

Cet accent barytonique marque la frontière des mots, normalement si peu marquée en parole spontanée. On n'entend jamais dans la vie : Il est venu / en 'VOIture. Mais : Ilestv(e)nu / envoituuure.

Quand on enregistre des listes, qui ne varient que par le substantif, cet accent barytonique est fort tentant. J'en ai souvent fait l'expérience en écoutant les comédiens enregistrer en studio les exercices des manuels... et même ici en enregistrant Cléo et Nina!

Tendez l'oreille et relevez cette nuance accentuelle lorsqu'elle apparaît - j'ai tenté de limiter l'apparition de l'accent barytonique dans l'enregistrement des listes de Cléo. Apprendre à reconnaître et à prononcer des mots en français avec un accent barytonique marquant la frontière entre les mots n'est pas une bonne habitude. Cela risque de poser des problèmes en compréhension orale quand, en parole spontanée, les frontières entre les mots auront fondu à l'intérieur des groupes rythmiques.

 

1 avril 2013

Précision des voyelles

Pour travailler la précision des voyelles en français, en partant du postulat qu'elles varient peu suivant leur position dans le mot et le contexte consonantique, je propose, à partir groupes rythmiques / mots phonétiques de 2, 3 et 4 syllabes :

• de dégager la structure vocalique et la prononcer attachée (comme un continuum) ;

• d'ajouter les consonnes en gardant l'attention portée sur le continuum vocalique (les consonnes ne font qu'interrompre ce continuum) ;

• de revenir à une élocution normale mais contrôlée.

 A partir de ce corpus, d'autres exercices d'identification des voyelles au moyen de l'API s'il est maîtrisé sont  possibles.
 On peut inviter les étudiants à pratiquer de la sorte les groupes rythmiques qui leur posent problème.

 

Mots de 2 syllabes

[i] : C'est qui? [ɛ-i]/ Merci! [ɛ-i]

[e] : Allez! [a-e]/ Venez! [ø*-e]

[ɛ] : Parfait! [a-ɛ]/ Jamais. [a-ɛ]

[a] : Déjà? [e-a]/ N'est-ce pas? [ɛ-a]

[y] : Salut! [a-y]/ Bien sûr! [ɛ̃-y]

[ø] : Un peu. [ɛ̃-ø]/ C'est mieux! [ɛ-ø]

[œ] : Deux heures. [ø-œ]/ Du beurre. [y-œ]

[u] : Bonjour! [ɔ̃-u]/ Beaucoup. [o-u]

[o] : Bientôt. [ɛ̃-o]/ De l'eau. [œ*-o]

] : D'accord! [a-ɔ]/ Encore? [ɑ̃]

[ɛ̃] : Très bien! [ɛ-ɛ̃]/ Demain. [œ*-ɛ̃]

[ɑ̃] : Maintenant. [ɛ̃-ɑ̃]/ Vraiment? [ɛ-ɑ̃]

[ɔ̃] : Mmm... c'est bon! [ɛ-ɔ̃]/ Pfff.... c'est long.... [ɛ-ɔ̃]

 

Mots de 3 syllabes

[i] : C'est gentil! [ɛ-ɑ̃-i]/Ma famille. [a-a-i]

[e] : Un café? [ɛ̃-a-e]/ Occupé! [o-y-e]

[ɛ] : Tout-à-fait! [u-a-ɛ]/ S'il vous plaît. [i-u-ɛ]

[a] : Bon voyage! [ɔ̃-a-a]/ C'est bizarre. [ɛ-i-a]

[y] : Dans la rue. [ɑ̃-a-y]/ Je l'ai lu. [œ*-ɛ-y]

[ø] : Juste un peu. [y-ɛ̃-ø]/ Au milieu. [o-i-ø]

[œ] : Dans une heure. [ɑ̃-y-œ]/ On déjeune? [ɔ̃-e-œ]

[u] : Pas du tout. [a-y-u]/ Un yaourt. [ɛ̃-a-u]

[o] : C'est nouveau? [ɛ-u-o]/ Un verre d'eau. [ɛ̃-ɛ-o]

] : Mange une pomme! [ɑ̃-y-ɔ]/ Il est mort. [i-ɛ-ɔ]

[ɛ̃] : C'est combien? [ɛ-ɔ̃-ɛ̃]/ Ton copain. [ɔ̃-ɔ*-ɛ̃]

[ɑ̃] : Mes parents. [e-a-ɑ̃]/ Heureusement! [ø-ø-ɑ̃]

[ɔ̃] : Au Japon. [o-a-ɔ̃]/ Mon prénom. [ɔ̃-e-ɔ̃]

 

Mots de 4 syllabes

[i] : Bon appétit! [ɔ-a-e-i]/ C'est impossible. [ɛ-ɛ̃-ɔ-i]

[e] : La liberté. [a-i-ɛ-e]/ L'égalité. [e-a-i-e]

[ɛ] : C'est ta grand-mère? [ɛ-a-ɑ̃-ɛ]/ Quelle bonne nouvelle! [ɛ-ɔ-u-ɛ]

[a] : Du chocolat. [y-ɔ-ɔ-a]/ Vous n(e) savez pas? [u-a-e-a]

[y] : Vous en êtes sûr? [u-ɑ̃-ɛ-y]/ C'est minuscule. [ɛ-i-y-y]

[ø] : Qu'est-ce que tu veux? [ɛ-ø*-y-ø]/ C'est ennuyeux. [ɛ-ɑ̃-i-ø]

[œ] : À tout à l'heure! [a-u-a-œ]/  Elle est toute seule. [ɛ-ɛ-u-œ]

[u] : Merci beaucoup! [ɛ-i-o-u]/ C'est tout au bout. [ɛ-u-o-u]

[o] : Un p(e)tit morceau. [ɛ̃-i-ɔ-o]/ A la radio. [a-a-a-o]

] : Je téléphone. [œ*-e-e-ɔ]/ Il n'y a personne. [i-a-ɛ-ɔ]

[ɛ̃] : Demain matin. [œ*-ɛ̃-a-ɛ̃]/ La salle de bain. [a-a-œ-ɛ̃]

[ɑ̃] : De temps en temps. [œ*-ɑ̃-ɑ̃-ɑ̃]/ Il y a longtemps. [i-a-ɔ̃-ɑ̃]

[ɔ̃] : Juste une question! [y-y-ɛ-ɔ̃]/ Tu as raison. [y-a-ɛ-ɔ̃]

 

Les voyelles suivies d'une astérisque sont, en français standard et dans ces positions, sujettes à variation : [œ̃*] ou [ɛ̃], [ɛ*] ou [e], [ə*] ou [œ, ø], [ɔ*] ou [o] ou des valeurs intermédiaires.

 

 

31 mars 2013

Chanson phonétique

Rares sont, à ma connaissance, les jeux phonétiques chantés en français.

On connait "Buvons un coup ma serpette est perdue" qui permet de jouer avec les voyelles (mais dont le sens, la syntaxe et le lexique me semblent peu "utiles" en classe de FLE...), et :

Voyelles : Un éléphant qui se baladait...



 

Un éléphant                   [œ̃*-e-e-ɑ̃]

qui se baladait               [i-ə*-a-a-ɛ]

tout doucement             [u-u-ə*-ɑ̃]

dans la forêt                  [ɑ̃-a-ɔ*-ɛ]

Il portait sur son dos     [i-ɔ-ɛ-y-ɔ̃-o]

un petit perroquet         [œ̃*-ə*-i-ɛ*-o*-ɛ]

qui s'appelait Jacquot   [i-a-ə*-ɛ-a-o]

et qui buvait du lait.      [e-i-y-ɛ-y-ɛ]

Les voyelles suivies d'une astérisque sont, en français standard et dans ces positions, sujettes à variation : [œ̃*] ou [ɛ̃], [ɛ*] ou [e], [ə*] ou [œ, ø], [ɔ*] ou [o] ou des valeurs intermédiaires. François Wioland propose, en position inaccentuée, d'utiliser les archiphonèmes /Œ, O, E/ pour montrer que le timbre est variable sans incidence dans cette position.

Cette chanson illustre le fait que la voyelle en français est relativement stable quelle que soit sa position dans le mot phonétique et quel que soit son environnement consonantique. Voir leçons 55 et 56 dans Phonétique Progressive du Français, CLE International, 2012.

Merci à Manuela, Cléo, François, Pascale et Nathalie pour les dessins.

Si vous connaissez d'autres chansons "phonétiques", je suis bien sûr preneur!

 

 

29 mars 2013

Morceaux choisis (2)

Mon rêve familier, de Paul Verlaine.

(La sculpture est un détail de La Loire et le Loiret (1703-1707) de Corneille Van Clève, au jardin des Tuileries.)

 

Et une belle déclaration d'amour, extraite d'un film dont je ne me souviens plus précisément (un film en noir et blanc), faite de bribes de poèmes de Victor Hugo (À une femme, Ode douzième : Encore à toi). Si vous connaissez le titre de ce film, merci de m'écrire !

 

"Oh que tout le jardin, la maison, la nuée,

Que la branche fleurie, que la feuille gonflée,

Que tout devienne-une âme et te parle de moi.

C'est toi qui tiens ma main quand je marche dans l'ombre,

Et les rayons du ciel me viennent de tes yeux.

Si j'étais roi des rois, je donnerai l'empire,

Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple-à genoux,

Pour-un baiser de toi, que je prendrai ce soir."

 

(La sculpture est Le baiser (1890) d'Auguste Rodin (1840-1917) au jardin des Tuileries.)

 

 

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