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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français

Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
3 août 2020

Phonétique Internationale ! 17 transcriptions à partager

 

Français du Nord, Français du Midi, Français de Suisse, Espagnol de Castille, Espagnol d'Amérique, Portugais, Italien, Anglais du Nord, Anglais du Sud, Anglais d'Amérique, Allemand, Hollandais, Danois, Norvégien, Suédois, Islandais, Russe !

 

     L'hébergeur de ce blog me permet, comme administrateur, d'accéder à certaines données sur vous autres, visiteurs de ces pages. Ainsi je peux connaître les nationalités des 100 derniers visiteurs. Par exemple, à l'instant où j'écris ce message, la réponse est : France, Etats-Unis, Espagne, Liban, Mexique, Portugal, Algérie, Argentine, Slovaquie, Japon, Italie, Maroc, Colombie, Canada, Ukraine, Mali, Belgique... 

     Je l'ai déjà écrit à de nombreuses reprises ici, l'Alphabet Phonétique International est né de la collaboration de deux associations d'enseignants de langues, au Royaume-Uni et en France, l'anglais et le français étant des langues dont les orthographes sont très loin d'être phonétiques. Le Maître Phonétique, parution de l'Associaition de Phonétique Internationale, a toujours proposé des transcriptions phonétiques dans diverses langues.

     En reparcourant la Petite Phonétique des Principales Langues Européennes, de Paul Passy, je lis en fin d'ouvrage, sous la rubrique Textes :

285] Nous allons maintenant donner quelques textes des principales langues européennes dont nous nous sommes occupés, transcrits phonétiquement. Ils sont tous représentés en écriture pratique, c'est-à-dire que nous négligeons tout ce qui peut se sous-entendre ou s'expliquer d'un mot une fois pour toute. On voudra donc bien, pour la nuance exacte de chaque son dans une position donnée se reporter aux descriptions données plus haut ; nous ajoutons quelques notes quand c'est utile. Tous ces textes sont en prononciation familière ralentie.

 

     Voici donc 17 langues ou variétés transcrites en API. N'hésitez pas à envoyer l'image à vos amis de partout, afin qu'ils s'amusent à déchiffrer et éventuellement discutent ces transcriptions ! J'attends les versions orthographiques en commentaires de ce post. Au travail !

      Attention, certains textes se trouvent sur plus d'une image. Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

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On trouve de telles transcriptions "internationales" dans le Handbook of the International Phonetic Association (1999), avec des transcriptions fines d'enregistrement de natifs (Cécile Fougeron pour le français).

 

 

 

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2 août 2020

Archive : Prononciation du français standard, de Léon

[Dans la catégorie Archives, je présente un ouvrage de ma bibliothèque et j'en donne un court extrait.]

 

(éditions de 1966 et 1972)

 

     Pierre Roger Léon et Monique Léon sont deux auteurs incontournables en phonétique du FLE ayant fait l'essentiel de leur carrière à Toronto au Canada, après Paris et Besançon.

     Leurs ouvrages s'apparentent le plus souvent à des "manuels" car ils présentent généralement, outre des descriptions et des informations, des activités et des exercices qui s'adressent aux étudiants et/ou aux enseignants.

     Prononciation du Français Standard : aide-mémoire d'orthoépie à l'usage des étudiants étrangers, Paris : Didier, 1966, de Pierre R. Léon, a été d'abord publié par le Cercle de Linguistique Appliquée de l'université de Besançon en 1962 sous le titre : Aide-mémoire d'orthoépie : des formes orales aux formes écrites / Règles expliquées de prononciation française, exercices pratiques de transcription. Ce long titre en décrit parfaitement le contenu. L'ouvrage paraît dans le contexte de la méthodologie audio-orale. C'est aujourd'hui encore un ouvrage incontournable en phonétique du français langue étrangère.

     La notion d'orthoépie n'est pas à mon sens toujours clairement utilisée, elle l'est d'ailleurs rarement aujourd'hui. Universalis propose : "en phonétique, étude de la prononciation correcte des mots"... écrits? Léon l'utilise ici dans un sens qu'il précise : "des formes orales aux formes écrites", autrement dit, il aborde les sons du français sous l'angle des correspondances phonies-graphies. On pourrait discuter cet angle de travail "phonétique", rapporté d'emblée aux formes orthographiques du français, souvent complexes (par exemple pour les voyelles nasales). Mais comme il le précise lui-même, l'ouvrage vise à aider les étudiants "à classer les sons qu'ils ont [déjà] appris". On ne trouvera donc ici aucune information de type articulatoire ou acoustique.

    L'ouvrage traite systématiquement de tous les sons du français, voyelles orales, semi-consonnes, voyelles nasales, consonnes, et des liaisons (voir la Table des matières en fin de ce message). Chaque leçon propose un tableau où le son est illustré dans ses différentes graphies dans des mots en fonction de sa distribution (initiale, "médiale" - on dit communément médiane, finale).

     Exemples, ici avec [y] et [u] :

 

 

     Suivent des Exercices de transcription (après plusieurs écoutes, de l'orthographe vers l'Alphabet Phonétique International - voir les détails dans l'Avant-propos ci-dessous) , des Remarques, des Problèmes (questions) et un point Phonémique.

    Léon consacre un chapitre aux "voyelles orales à deux timbres" (E - EU - O - A), terminologie qui fait voir rouge à Georges Boulakia qui ne parle avec justesse que de "voyelles moyennes" (terme n'intégrant évidemment pas [a] et [ɑ]).

    J'ai choisi de restituer ici l'Avant-Propos qui précisela conception pédagogique de l'ouvrage et qui insiste sur la nécessité de pratiquer l'écoute répétée en variant les activités associées (lecture API, transcption orthgraphique, transcription API, etc.)

 

 

 

Pierre R. LÉON, Prononciation du Français Standard : aide-mémoire d'orthoépie à l'usage des étudiants étrangers, Paris : Didier, 1966

 

 

AVANT-PROPOS

 

L’orthoépie définit les règles de la prononciation par rapport aux règles graphiques et énonce les lois phonétiques qui gouvernent le système phonique d’une langue. C’est en somme la « grammaire des sons d’une langue ».

 

On ne commence plus l’apprentissage d’une langue par la grammaire. Mais la grammaire permet, lorsqu’on sait parler, de clarifier, en les ordonnant, les notions qu’on a apprises. De même, cet aide-mémoire d’orthoépie est destiné aux étudiants qui veulent classer les sons qu’ils ont appris en les rattachant soit aux structures sonores, soit aux graphies du français.

 

Il y a un grand nombre de prononciations différentes sur tout le territoire français (voir : Martinet, La prononciation du français contemporain). Mais, à côté de toutes les variantes possibles, il existe une norme standard, définie par de nombreux traités de prononciation (voir par exemple : P. Fouché, Traité de prononciation française). Cette norme est souvent interprétée de façon trop rigide par les étudiants étrangers qui perdent leur temps à apprendre des subtilités au lieu de corriger l’essentiel de leur accent d’abord. C’est pourquoi il nous a paru nécessaire de tenir compte à la fois du modèle idéal du « bon usage » mais aussi des latitudes acceptées par tous les sujets parlants. En résumé, nous avons voulu :

 

1. présenter, non pas un traité détaillé de toutes les règles de prononciation française mais un opuscule aussi schématique et simplifié que possible de ces règles, sur un plan aussi pédagogique que possible.

 

2. indiquer à côté de la norme phonétique, les tolérances admises et les tendances actuelles de la prononciation française.

 

Il nous a paru surtout nécessaire de modifier la présentation traditionnelle qui va de la graphie au son. Les nouvelles méthodes audio-orales enseignent la structure sonore de la langue d’abord. Il s’agit ensuite de retrouver les équivalents graphiques. Nous avons essayé de nous en tenir le plus possible à cette démarche : du son aux signes graphiques. Mais la présentation adoptée, sous forme de tableaux synoptiques, permet de partir aussi bien des graphies si on le désire.

 

Enfin nous avons voulu insister non pas sur les subtilités des exceptions aux règles mais sur l’aspect linguistique du problème, qui a été le plus souvent négligé ou ignoré dans les traités d’orthoépie. Nous avons tenté de faire prendre conscience de l’importance de la distribution, de la fréquence d’emploi et de l’aspect fonctionnel des sons. En étudiant les tableaux de présentation des sons on verra ainsi que certains d’entre eux n’apparaissent presque jamais en initiale comme le [ɲ] que certaines graphies ne sont jamais employées en finale absolue, comme le v, etc. On verra que certaines voyelles comme le [ɑ] de pâtes ne représentent dans la langue parlée que 0,2% des cas, contre 8% pour le [a] de patte. On s’apercevra que certains sons remplissent une fonction linguistique importante comme le i par rapport au u, alors que d’autres voyelles ont des timbres qui peuvent varier sans entrainer de changement dans le sens du mot. Prononcer le ai de maison comme le ê de fenêtre ou comme le é de thé n’a pas d’importance pour la compréhension du mot. Nous donnerons ici la prononciation standard admise officiellement mais nous indiquerons toujours les latitudes auxquelles on peut s’attendre de la part des francophones, sans qu’il y ait faute linguistique.

 

Conseils aux étudiants pour l’utilisation de cet aide-mémoire

 

Les étudiants débutants peuvent ignorer les Remarques qui ne concernent que les cas exceptionnels et se dispenser de répondre aux questions des Problèmes. Mais il faudra toujours :

 

1. Ecouter l’enregistrement qui correspond aux Exercices de transcription phonétique. (Ecouter avec le livre fermé.)

 

2. Ecouter à nouveau en suivant la transcription phonétique (Ecouter plusieurs fois. La transcription phonétique est donnée à la fin du livre)

 

3. Ecouter à nouveau en suivant le texte orthographique.

 

4. S’exercer à transcrire le texte orthographique (sans regarder la transcription). Vérifier la transcription à l’aide des « clés », et à partir de la transcription s’exercer à retrouver la graphie.

 

Pour les étudiants les plus avancés, continuer en s’exerçant à :

 

5. Etudier le tableau des équivalences sons-graphies.

 

6. Répondre aux questions des problèmes. (La solution se trouve toujours indiquée dans la leçon. Si on ne la trouve pas, se reporter aux Clés de la fin du livre.) Ce travail doit permettre de mieux comprendre la leçon.

 

7. Etudier l’aspect phonémique de la leçon.

 

8. Réécouter l’enregistrement, transcrire le texte à nouveau et répéter les exemples à voix haute plusieurs fois.

 

 

Conseils aux professeurs

 

On a souvent exagéré l’importance des règles d’orthoépie. Elles ne constituent qu’un aspect de la prononciation, puisqu’elles concernent surtout le timbre des phonèmes. L’usage de cet aide-mémoire ne peut donc dispenser des exercices orthophoniques concernant le phonétisme français. (Voir à ce sujet Introduction à la Phonétique corrective et Exercices systématiques.)

 

Néanmoins à un certain stade que le professeur saura seul déterminer, l’étude des règles d’orthoépie sera nécessaire.

 

Dans cette étude qui doit être une mise au point des connaissances déjà acquises par la pratique, l’essentiel est d’obtenir avec un minimum d’effort et de temps, un maximum d’efficacité. Le meilleur moyen pour cela est de laisser les étudiants travailler seuls, à leur propre rythme, comme dans un cours programmÉ, avec le livre et l’enregistrement sonore. (On a beaucoup médit de la transcription phonétique. En fait, elle est très facile à apprendre et elle peut être un excellent moyen mnémo-technique. Il suffit seulement de lui donner la place qu’elle mérite – après les exercices pratiques oraux.)

 

 

      J'ajoute en bonus le tableau des graphies des liaisons obligatoires : 

 

 

 

... et la Table des matières de l'ouvrage de 1966 :

 

 

 

 

 

 

2 août 2020

Archive : Précis Historique de Phonétique Française, de Bourciez

[Dans la nouvelle catégorie Archives, je présente un ouvrage de ma bibliothèque et j'en donne un court extrait.]

 

 

(éditions de 1937 et 1967)

 

     Ceux qui ont travaillé avec cet ouvrage s'en souviennent à vie (en bien ou en mal...)

 

     Le Précis historique de Phonétique Française du linguiste gascon Edouard Bourciez (publié une dizaine de fois de 1889 à 1989, parfois sous le titre de Phonétique française) est l'ouvrage de référence des cours qui traitent de l'évolution phonétique du latin au français moderne. Toutes les règles d'évolution phonétique pour les voyelles accentuées et initiales et les consonnes y sont précisément énoncées (voir la Table des matières et les Tableaux récapitulatifs à la fin de ce message pour les nostalgiques). On y apprend de nombreux termes de spécialité comme pénultième (ou avant-dernière) et les paroxytons, et propénultième (on dit aussi antépénultième, c'est-à-dire troisième syllabe avant la fin) et les proparoxytons....

 

     L'ouvrage débute par une introduction en deux chapitres, dont le premier s'intitule Origine et Formation de la Langue Française. Succinct et précis, ce chapitre rappelle les étapes essentielles de la formation du français. Tout étudiant en Sciences du Langage devrait pouvoir en restituer tous les éléments. C'est l'extrait (les huit premiers points du chapitre qui en compte onze) que j'ai choisi dans cet ouvrage car il me semble pouvoir intéresser tout francophone, au moins comme rappel.

 

 

Origine et Formation de la Langue Française

(extrait de Précis historique de Phonétique Française, par Edouard BOURCIEZ, Paris : Klincksieck, 1937 (Huitième édition)

 

1. La langue française appartient au groupe des langues romanes. Elle est, dans son fond essentiel (mots, formes, structures de la phrase), une transformation de la langue latine.

 

2. Le latin était à l’origine un idiome assez grossier, parlé dans le Latium à l’embouchure du Tibre, et proche parent des autres dialectiques italiques qui l’entouraient  l’Osque au sud-est, l’Ombrien au nord). A Rome, une distinction s’établit avec le temps entre le latin classique (sermo urbanus) dont se sont servis les écrivains comme Cicéron, César, Virgile, etc., et le latin vulgaire (sermo plebeius) dont usait le peuple. Le latin classique ou littéraire s’était poli au contact de la culture grecque, et fut arrêté dans son évolution par les grammairiens ; le latin vulgaire ou parlé, tout en conservant des traces d’archaïsme, se développa au contraire librement. Au cours des siècles, ces deux formes de latin en virent à diverger assez profondément entre elles par leur prononciation, leurs flexions, leur syntaxe ; elles différaient aussi par l’emploi d’un vocabulaire en partie distinct.

 

3. C’est essentiellement du latin vulgaire, importé par les soldats, les colons, les commerçants dans toutes les parties de l’empire romain, et adapté aux organes vocaux de peuples divers, que sont sorties les langues romanes. Ces langues sont au nombre de sept principales, qui se répartissent géographiquement en trois groupes : 1° groupe du Sud-Est, comprenant l’italien parlé dans la péninsule italique ; le rhétique, parlé dans les Grisons, le Tyrol et le Frioul ; le roumain parlé dans le bassin inférieur du Danube ; 2° groupe du Sud-Ouest, comprenant l’espagnol et le portugais, parlés dans la péninsule ibérique ; 3° groupe du centre, comprenant le provençal et le français, parlés sur le territoire de l’ancienne Gaule.

 

4. Avant l’établissement des Romains dans la Narbonnaise (125-118 av. JC) et la conquête du reste de la Gaule par Jules César (59-51 av. JC), les Gaulois parlaient une langue celtique se rattachant à un des groupes de la famille indo-européenne (indo-iranien, tokharien, hittite, arménien, grec, italique, celtique, germanique, balto-slave, albanais). Un des résultats de la conquête romaine fut l’effacement progressif des idiomes gaulois, qui n’ont laissé dans notre vocabulaire que des traces assez faibles (termes rustiques) ; puis la diffusion (achevée par la prédication chrétienne) de la langue latine qui, à la fin du IVe siècle, lors de la dissolution de l’Empire, était devenue, sous sa forme vulgaire, la seule langue parlée en Gaule. Les grandes invasions du Ve siècle, l’établissement successif des Wisigoths, des Burgondes, des Francs, au milieu des populations gallo-romaines, vinrent hâter l’altération de ce latin vulgaire, et introduisant dans son lexique un assez fort contingent de mots germaniques (termes de guerre et de droit, noms d’objets usuels).

 

5. Des textes du VIIe et du VIIIe prouvent que, vers la fin de la période mérovingienne, le latin vulgaire s’était déjà transformé, surtout par des changements phonétiques, en une langue nouvelle qu’on appelait lingua romana rustica. Mais cette langue romane de l’ancienne Gaule prit assez rapidement des caractères différents, suivant qu’elle était parlée au Nord ou au Midi. Au Sud (dans le bassin de la Garonne, le Limousin, l’Auvergne et le bassin du Rhône (au-dessous de Lyon), elle devient la langue d’oc, dont le provençal des Troubadours, fut au moyen âge la forme littéraire. Au Nord, elle devient la langue d’oïl, dont le français est la forme moderne, et dont les Serments de Strasbourg, prononcés en 842, sont le plus ancien monument, avec la Cantilène d’Eulalie composée aux environs de l’an 900. Antérieurement, les Gloses de Reichenau et Gloses de Cassel, qui semblent être du VIIIe siècle, fournissent de précieux renseignements sur l’évolution du latin usité, vers cette époque, au Nord de la Gaule.

 

6. La langue d’oïl, telle qu’on la parla du IXe siècle au XIVe siècle, comprenait pendant le moyen âge un certain nombre de dialectes, distincts entre eux surtout par des différences de prononciation. Ces dialectes, dont les limites ont toujours été un peu flottantes, et auxquels on a conservé les noms de nos anciennes provinces, étaient : 1° au Nord-Est, le picard et le wallon ; 2° à l’Est, le champenois, le lorrain, le franc-comtois, le bourguignon ; à l’Ouest, le saintongeois, le poitevin, l’angevin [la langue bretonne n’est pas mentionnée parmi les dialectes]; 4° au Nord-Ouest, le normand ; au Centre enfin, dans le bassin moyen de la Seine et la région d’entre Seine et Loire, le dialecte de l’Ile-de-France.

 

7. C’est ce dialecte de l’Ile-de-France, sous la forme spéciale où on le parlait à Paris, qui, pour des motifs politiques, a fini par supplanter les autres comme langue littéraire. Dès la fin du XIIe siècle, il affirmait sa prééminence et se répandit de plus en plus en raison directe des progrès de la royauté et de la centralisation administrative qui en fut la conséquence. Toutefois, c’est seulement à partir du XVe siècle que les autres dialectes (y compris ceux de la langue d’oc du Midi) furent définitivement réduits à l’état de patois. Mais, à ce moment-là, la langue centrale elle-même était en pleine crise de transformation (perte de l’ancienne déclinaison à deux cas, simplification des formes verbales, influence croissante du latinisme, etc.) ; elle ne reprit vraiment son équilibre et ne trouva son type définitif qu’à la suite des réformes de Malherbe et de Vaugelas, consacrées par les chefs-d’œuvre classiques du XVIIe siècle.

 

8. L’histoire de notre langue peut en somme se diviser en trois périodes qui ont chacune un caractère assez spécial : période de l’ancien français (du IXe siècle à la fin du XIIIe) ; période transitoire dite du moyen français (XIVe – XVIe siècles) ; période du français moderne (du début du XVIIe siècle à nos jours).

 

 

 

    Voici la Table des matières de l'ouvrage de 1967 (cliquer sur l'image pour l'agrandir) :

 

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 Et les quatre Tableaux récapitulatifs (cliquez sur la photo pour l'agrandir) :

 

 

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30 juin 2020

Postillons et phonétique

 

    On a vu en France éclore quelques textes d'humour sur les risques représentés par la production orale de certaines consonnes concernant la propagation du virus. Voici deux extraits de ces textes, avant même d'être allé chercher l'équivalent ailleurs ... Avez-vous connaissance de textes similaires dans d'autres langues?

 

Le 1 er avril bien sûr... : https://www.lemonde.fr/blog/correcteurs/2020/04/01/confinement-evitons-le-tutoiement/

Le tutoiement bientôt interdit dans les lieux publics

L’annonce fait suite à la création par le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, mardi 24 mars, d’un nouveau comité d'experts sur l'épidémie de coronavirus. Formé de 12 chercheurs et scientifiques, le Comité Analyse, Recherche et Expertise (CARE), est chargé de conseiller le gouvernement et de chercher « toutes les solutions originales et alternatives qui permettront, de quelque manière que ce soit, d’endiguer la progression du virus ». Considérant que certains mots conduisent à expirer plus d’air que d’autres, et risquent d’occasionner davantage de postillons, source essentielle de propagation du virus SARS-CoV-2, le comité recommande d’en « suspendre l’usage jusqu’à nouvel ordre ». L’Académie française a été saisie dès le 25 mars et vient de rendre son avis : « Ce sont les consonnes qui posent problème. Il convient d’éviter les chuintantes, les labiales et les dentales sourdes et de les remplacer par des sonores, des liquides et des nasales ». En clair, il s’agirait de bannir les sons ch-, f-, t- et p-. Un mot comme tu ou chose entrainerait 5 à 10 fois plus de postillons qu’un mot comme vous ou objet, et bien sûr, comme au Scrabble, certains mots comptent double (pamplemousse) ou triple (tartiflette).

...

 

et le 5 avril : La phonétique du postillon, texte qui s'est diffusé à grande vitesse sur internet...

... et dont vous retrouverez l'intégralité et l'histoire de sa propagation racontée par son auteur, ici : https://www.plaf.org/articles/la_phonetique_du_postillon/

En voici un extrait :

Comme l'ont souligné les études scientifiques, la propagation du coronavirus se fait principalement par l'intermédiaire des "postillons", ces micro-gouttelettes projetées par un éternuement, une toux, ou tout simplement lors d'une conversation. C'est là qu'interviennent les spécialistes du langage, qui ont constaté que dans cette contamination, les voyelles étaient innocentes, alors que plus de la moitié des consonnes étaient engagées dans le processus. Les conclusions de cette étude sont claires et résident dans l'application d'un plan de révision phonétique étalé sur quatre semaines, remettant en cause l'usage des sonorités occlusiveségalement appelées à juste titre explosives, ainsi que de certaines fricatives.

Semaine 1

Suppression des occlusives labiales : P et B, au mrofit de la nasale M. Conséquence : mrès de soixante-dix mourcents des mostillons sont éliminés, et de mlus, on meut constater qu'ainsi la diction gagne meaucoup en soumlesse.

...

 

 

18 mai 2020

Encore [e] et [ɛ] ...

 

     Erwan, qui a bientôt 8 ans, découvre les complexités de l'orthographe du français et cherche des indices dans la prononciation : ce sont les correspondances phonie-graphie. Ainsi, il demande à sa mère pourquoi ce n'est pas un É dans le mot descendre "puisqu'on prononce bien [e], non? Ce n'est pas un È ([ɛ]) par hasard? Quelle est la règle? "

Le Petit Robert, édition 1986, confirme l'intuition d'Erwan : descendre est ici transcrit [desɑ̃dʁ].

J'ai déjà évoqué ici de nombreuses fois les problèmes posés par la prononciation de [e/ɛ] en général et tout particulièrement en syllabe inaccentuée.

 

 

Rappel 1 - Un cas à part : [e/ɛ] en syllabe accentuée ouverte (mot se terminant par la voyelle phonétique)

Nous avons vu qu’il existe de très nombreuses paires minimales en syllabe ouverte attestant de l’opposition [e/ɛ]. Or, et de plus en plus, certains mots traditionnellement prononcés [ɛ] sont aujourd’hui produits [e].

 •(1) Doivent être prononcées [e], les graphies : ER (aller, dîner, boulanger, léger – sauf quelques rares mots : mer, fer, hiver, cancer…), É (allé, dîné, santé), ÉE (rosée, allée), EZ (nez, allez).

 •(2) Devraient être prononcées [e], mais sont parfois prononcée [ɛ] : la graphie AI : je ferai, le quai, c’est vrai, un balai… ; la graphie ES : les, des, ces, mesOn peut donc considérer ici que le choix du timbre est libre puisque c’est ce que les apprenants entendront auprès des locuteurs natifs.

 •(3) Devraient être prononcées [ɛ] mais sont de plus en plus souvent produits [e] : les graphies -ET : un billet, un ticket... ; -AIS : jamais, tu savais… ; -AIT : du lait, l'imparfait, il savait… ; -AIENT : ils savaient… ; -AIE : la craie, que j’aie… ; -AID : laid ; -AIX : la paix ; -AY : Viroflay. Mais aussi les graphies -È : dès que, du grès, -Ê : dans la forêtOn peut donc considérer ici que le choix du timbre est libre puisque c’est ce que les apprenants entendront auprès des locuteurs natifs.

 

Rappel 2 - Dans le n° 318 (nov.-déc.2001) du Français dans le monde, François Wioland précise l’usage des archiphonèmes en syllabes inaccentuées dans un article intitulé : « Que faire de la graphie « e » ?

« En syllabes inaccentuables ouvertes, c’est-à-dire en syllabes non finales de mots, les oppositions de timbres [e]/[ɛ] (...) sont neutralisées au profit d’un timbre moyen (j'ajouterai "ou variable") que l’on peut représenter par l'archiphonème [E]. Nous proposons donc à titre d’exemples, contrairement aux dictionnaires (...) qui semblent ignorer l’existence des syllabes inaccentuables :

- [E] pour les graphies soulignées des mots phonétiques suivants : « les élèves » [lEzE’lɛv], « vous aimez » [vuzE’me], « essayez » [EsE’je]; « mon pays » [mɔ̃pE’i], « la météo » [lamEtE’o], du plaisir » [dyplE’ziR], etc.

 

 

     J'ai entendu très récemment le refrain de La paix de Julien Barbagallo qui atteste de la grande liberté actuelle entre les deux timbres, même en syllabes accentuées.

Barbagallo est certes orginaire d'Albi (où [e] l'emporte sur [ɛ] - cf.(3) ci-dessus. Le refrain de sa chanson est le suivant :

 

"Tout ce que je voulais, tout ce dont je rêvais,

Tout ce que je voulais, c'était trouver la paix."

 

Avant d'écouter son interprétation, précisez votre propre prononciation :

voulait = [vulɛ / vule] ? ; rêvais = [ʁɛvɛ / ʁeve] ? ; c'était = [setɛ / sete] ? ; trouver = [tʁuve / tʁuvɛ] ? ; la paix = [lapɛ / lape] ?

 

Faites vos jeux ! Les jeux sont faits ?

Ecoutez maintenant les choix phonétiques de Barbagallo. Qu'en pensez-vous? N'hésitez pas à partager d'autres exemples chantés de ce type en commentaire du post.

 

 

 

 

 Sur l'usage variable des timbres [e/ɛ], il faut aussi mentionner le chanteur Damien Saez qui prononce presque uniquement le timbre [ɛ] même pour les verbes -ER à l'infinitif (marcher, laisser, oublier, fumer, s'entraîner...), les mots en -É (blé, santé, télé), etc., singularité phonétique dont les imitateurs se sont emparés, comme ici Frédéric Fromet :

 

 

 

 

 

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19 décembre 2019

Lecture Phonétique

 

     Je vous propose un jeu : je publie ci-dessous un extrait d’une pièce radiophonique en 60 répliques transcrit en Alphabet Phonétique International. Transcrivez orthographiquement une ou plusieurs lignes (elles sont numérotées, indiquez-moi lesquelles) ou même la totalité, si possible avec les marques d’oral, et envoyez-les en commentaires de ce post accompagné de vos réactions / questions / suggestions … Une transcription génère toujours des questions et des choix, c’est une excellente base à la discussion.

     Comme vous le constaterez je n’ai fait pratiquement aucun usage de [ə], qui n’apporte rien à la réalité phonétique du français (comme expliqué par Wioland). Et comme à mon habitude, je n’ai pas séparé graphiquement les mots à l’intérieur des Groupes Rythmiques.

     Dès que la totalité de l’extrait sera transcrit par vous, j’en proposerai ma version orthographique complète, ainsi que l’extrait audio et j’expliquerai les raisons phonétiques qui m’ont guidé à choisir de travailler cet extrait. Avec l’extrait audio, vous pourrez aussi discuter plus précisément ma proposition de transcription phonétique pour aboutir ensemble à une transcription idéale...

     Prêt.e.s ?

 

 

 

[1 *maʁ’ko : - bɔ̃ʒuʁ*e’va

2 *e’va : - bɔ̃’ʒuʁ // ty :/ tyde’ziʁ //

3 *maʁ’ko : - ʒøvjɛ̃ʁœpʁɑ̃d(ʁ)meza’fɛʁ //

4 *e’va : - kɛskøty’di //

5 *maʁ’ko : - *nino tapʁev’ny //

6 *e’va : - ’nɔ̃ //

7 *maʁ’ko : - kɔmɑ̃’nɔ̃ //

8 *e’va : - ilnømaʁjɛ̃’di //

9 *maʁ’ko : - tynsavɛ’pa/køtwae’mwa / setɛfi’ni //

10 *e’va : - ’nɔ̃ // ʃpʁe’fɛʁ / da’jœʁ / lapʁɑ̃dʁœpaʁ’twa //

11 *maʁ’ko : - ebjɛ̃vwalakiɛ’fɛ //*ni’no / tapaʁled*e’lɛn

12 *e’va : - ‘wi

13 *maʁ’ko : - ɛlɛmamɛ’tʁɛs //

14 *e’va : - ynfijdœ’plys //

15 *maʁ’ko : - ‘nɔ̃ // kaʁsɛlapʁœmjɛʁ’fwa/kœ’ʒɛm //

16 *e’va : - mɛʁ’si  //

17 *maʁ’ko : - na’vʁe / mɛsɛlaminytdøveʁi’te //

18 *e’va : - ekɔmilnjaklaveʁiteki’blɛs / ty :(m) / møʁapɔʁtømɔ̃bʁas’lɛ //

19 *maʁ’ko : - løvwa’si //

20 *e’va : - elavwa’tyʁ  //

21 *maʁ’ko : - oga’ʁaʒ //

22 *e’va : - ʃtavɛdefɑ̃’dy /dla’pʁɑ̃dʁ(ø) /sɑ̃mɔ̃notoʁiza’sjɔ̃ // ɑ’̃fɛ̃  / ʁavidøtavwaʁeteytilyndɛʁnjɛʁ’fwa // se ‘tuskøtyaam’diʁ //

23 *maʁ’ko : - ʒsɥidezɔ’le /dtøfɛʁdœla’pɛn //

24 *e’va : - ʔa: // tud’mɛm //

25 *maʁ’ko : - ʒøtødwabo’ku //

26 *e’va : - ʒnɛpazɑ̃’kɔʁ / fɛle’kɔ̃t //

27 *maʁ’ko : - ʒœnpaʁlpadaʁ’ʒɑ̃  //

28 *e’va : - pøtɛtʁ(œ)dœvʁɛ’ty //

29 *maʁ’ko : - ʒɛpɛjeɑ̃na’tyʁ  //

30 *e’va : - (ɛ̃) sɛ’vʁɛ / ʒubli’ɛ //

31 *maʁ’ko : - de’ʒa //

32 *e’va : - ’nɔ̃ //a’nɔ̃ /ʒœnubliʁɛʒa’mɛ / skœtymaapɔʁ’te  //

33 *maʁ’ko : - dɔ̃k / nusɔm’kit //

34 *e’va : - sɛt(œ)* ʔe’lɛn /sɛtɛlɛgzaktœ’mɑ̃ / kɛlɔmty’ɛ //

35 *maʁ’ko : - avɛ’kɛl / ʒœnsɥiplydytul’mɛm // ʒɛʃɑ̃ʒed’po / esɛlalmi’ʁakl //

36 *e’va : - puʁkɔ̃bjɛ̃d(œ)’tɑ̃ //

37 *maʁ’ko : - sɛtynfij’pyʁ / ‘dʁwat  /

38 *e’va : - kidetɛstœlœmɑ̃’sɔ̃ʒ  //

39 *maʁ’ko : - ‘wi //

40 *e’va : - a’lɔʁ / tylɥiatudisyʁ’twa / syʁ’nu //

41 *maʁ’ko : - sœlam’sɑ̃bl/ puʁlø’mwɛ̃ / iny’til //

42 *e’va : - ilmøsɑ̃blokɔ̃’tʁɛʁ / ɛ̃dispɑ̃’sabl / kɛl’saʃ / køtyɛmɔ̃na’mɑ̃ /døpɥisɛ̃’kɑ̃ // ekøpɑ̃dɑ̃sɛ̃’kɑ̃ / tyavekyamekʁɔ’ʃɛ //

43 *maʁ’ko : - *e’va

44 *e’va : - nɛspalaminytdœveʁi’te // ʒiʁɛla’vwaʁ / eʒœlɥidi’ʁɛ //

45 *maʁ’ko : - sityfɛ’sa //

46 *e’va : - ʒœlfœ’ʁɛ // ilfokɛltɛs’timataʒystøva’lœʁ // ɑ̃tʁø’fam / ɔ̃s’dwa/ sø’ʒɑ̃ʁ / døsɛʁ’vis //

47 *maʁ’ko : - tyɛzi’ɲɔbl  //

48 *e’va : - ʒɛpi’tje / døsɛtpø’tit  //

49 *maʁ’ko : - tyvatø’tɛʁ // ‘di / tyvatø’tɛʁ / (ɛ̃) //

50 *e’va : - ɛlnøpuʁapavɛjesyʁ’twakɔmʒølɛ’fɛ // ɛlɛtʁo’ʒœn // sølao’si /ʒølølɥidi’ʁɛ //

51 *maʁ’ko : - tyvøtuga’ʃe / nɛs’pa // sɛ’sa / kœty’vø //

52 *e’va : - ‘wi(ʃ) // o’wi(ʃ)  // paʁskœtynsœʁaʒamɛø’ʁø / kavɛk’mwa //

53 *maʁ’ko : - tydi’vag //

54 *e’va : - ɛlɛtɛ̃ka’pabl / dœtapɔʁte / sɛt(œ)tɑ̃’dʁɛs //

55 *maʁ’ko : - aa’wi / sɛtœtɑ̃dʁɛsmatɛʁnɛlkime’kœʁ / døpɥisilɔ̃’tɑ̃  // ebjɛ̃’nɔ̄ /ʒɑ̃nɛa’se // tymɑ̃’tɑ̃ / ʒɑ̃nɛa’se //

56 *e’va : - typøtœde’batʁ /mɔ̃ʃeʁi / mɛʒøtøgaʁdø’ʁe // tyve’ʁa // ʒøtøgaʁd(ø)’ʁɛ //

57 *maʁ’ko : - ‘nɔ̃ // paʁskiljayn’ʃoz / kœtynɔʁaplyʒa’mɛ // sɛvɛ̃tsɛ̃’kɑ̃ // tynvwadɔ̃kpa / køtyɛdøvnyynvjɛj’fam //

58 *e’va : - ‘my:flə //

59 *maʁ’ko : - tymaʒi’fle // tymaʒi’fle // *eva / ʁøgaʁdmwa’bjɛ̃ / yndɛnjɛʁ’fwa // tynmøʁveʁaplyʒa’mɛ //

60 *e’va : - *maʁ’ko //*maʁ’ko //]

 

 

Audio première partie (lignes 1-33) : Eva1

Audio seconde partie (lignes 33-60) : Eva 2

 

 

Vous trouverez la transcription orthographique en "Commentaires" de ce post ...

 

 

 

 

 

23 juillet 2019

Le linguiste était presque parfait

 

     Katia et William m'ont offert Le linguiste était presque parfait (Double Negative) de David Carkeet (1980), dont j'avais entendu parler mais que je n'avais jamais lu. C'est chose faite et je me suis régalé de cette intrigue loufoque qui se déroule dans un institut de recherche sur l'acquisition du langage.

 

     Si la linguistique de l'acquisition n'est pas mon domaine de spécialité, j'ai quand même pendant mes études suivi des cours en acquisition, j'ai enregistré et transcrit des productions d'enfants en bas âge (1- 4 ans) à la recherche d'indicateurs de complexité syntaxique et d'autres traces interrogeant l'évolution de l'acquisition. Il n'est pas si fréquent que les romans évoquent les Sciences du Langage (j'ai déjà cité ici l'incontournable Pygmalion de G.B. Shaw, un extrait savoureux de Deaf Sentence de David Lodge ; on pourrait aussi citer le récent roman (2015) de Laurent Binet : La septième fonction du langage).

 

     Je ne résiste donc pas au plaisir de partager trois courts extraits qui m'ont fait particulièrement sourire, en précisant que le roman regorge d'idées brillantes et amusantes.

 

     Le premier extrait étant un peu trivial (p.77, des Editions Points), je choisis l'Alphabet Phonétique International pour le transcrire. Le personnage s'appelle Cook :

[laglas / sEdlaglas / ditil // ʒŒvøbjɛ̃kɔ̃mɑ̃kyl / siʒaʁivaɑ̃tiʁekwaksŒswa //
*kuk Oʃalatɛt / avɛkʒɛn / sɛptik / kɑ̃talapɔʁtesemɑ̃tik / dŒsEt apOdoz ɛ̃peʁativ //]

 

     Sur l'étymologie et les questions linguistiques du grand public (p.162). Il faut lire ce qui suit en pensant au texte original en anglais. Les dernières questions sont explicitement posées dans la célèbre chanson Let's Call The Whole Thing Off d'Ira et George Gershwin.

"Son bureau était jonché de notes, de livres et de journaux ouverts. Il savait désormais pour ce que cela valait, que John, Johann, Jan, Ian, Hans, Hansel, Giovanni, Jean, Juan, Ivan, Vanya, Evan, Sean, et James étaient en définitive un seul et même prénom. Que Elmer était jadis un terme usuel pour saluer des inconnus ; que le nom de Shakespeare avait été épelé de quatre vingt trois façons différentes au cours de sa vie ; que les Lombards avaient de longues barbes ; que les Anglais devaient leur nom au terme angle, qui désignait la pêche à la ligne, et que les habitants de l'Arkansas, avaient transformé une rivière initialement nommée Purgatoire en Picket Wire, tandis que les dockers américains avaient rebaptisé un paquebot norvégien, le Björnstjerne Björnson, en Bejesus Bejohnson. Et il sut finalement pourquoi certains prononçaient "euh" la voyelle finale de patate et de tomate, tandis que la majorité se contentaient de la consonne occlusive "at". Cette dernière constatation avait pour lui une valeur particulière car cette question précisément lui avait été posée des dizaines de fois, presque autant que celle de savoir en quoi consistait la linguistique - aux soirées, aux pique-niques, au lit, dans les aéroports, et une fois, ce qui l'avait dérangé, dans les toilettes de Chez Max. Désormais, après toutes ces années, il aurait une réponse."

 

 

     Sur l'analyse d'un corpus et la subjectivité du chercheur : (j'ai adapté la citation, p.266, pour ne pas dévoiler l'intrigue...)

"[L'informateur] avait aperçu l'intrus entrer dans le bureau et lui avait lancé un [XXX] négatif, pendant que le linguiste s'agitait autour du magnétophone, dos à la porte. [Le linguiste] se souvenait à présent s'être demandé ce qui avait déchenché ce [XXX], mais avait ensuite oublié, ou plutôt son esprit avait décidé d'oublier, ne sachant que faire de cette donnée anormale."

 

   J'attends vos commentaires. Et n'hésitez pas à partager ici d'autres lectures ayant un rapport direct avec les Sciences du Langage !

 

 

 

 

 

 

 

7 mai 2019

Poste à pourvoir

 

    Une très célèbre jeune chanteuse new-yorkaise se risque à interpréter un classique de la chanson française... Une performance vocale mais les conseils de prononciation d'un natif n'auraient vraiment pas été de trop ! Voici la transcription phonétique du premier couplet... qui fait sourire. Reconnaissez-vous la chanson? et la chanteuse?

    La réponse un peu plus bas !

 

[de kifɔ̃bezelemjɛ̃ /  [dezjø] / [bese]

ɛ̃ʁiʁ kisœpɛʁsyʁsabluʃ / [buʃ]

vwalalœpɔʁtʁɛsɑ̃ʁetuʃ / [ʁœtuʃ]

dœlɔmœkɛl / ʒapaʁtʁjɛ̃] (j'apporte rien?) [okɛl / ʒapaʁtjɛ̃]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A star is born

 

 

   N'hésitez pas à partager d'autres chansons françaises interprétées par des non-natifs, comme C'est si bon par Eartha Kitt :

 

 

 

5 mai 2019

Un Visiteur Timide (Les Maîtres du Mystère - 1)

 

 

     Il y a une quinzaine d'années, j'ai acheté un stock de cassettes (!) de la série Les Maîtres du Mystère, pièces radiophoniques de Radio-France (l'ORTF à l'époque) diffusées autour de 1970. On y entendait de bons acteurs, en particulier Michel Bouquet dont le jeu et la voix m'ont toujours fasciné. J'y ai trouvé des extraits exploitables en classe, j'y reviendrai dans de futurs messages.

   J'ai commencé par faire des transcriptions orthographiques de ces enregistrements, d'abord seul puis aidé d'étudiants, en précisant les marques d'oral entre parenthèses afin de présenter des formes grammaticales écrites complètes aux apprenants. Et c'est ce matériel brut que je souhaiterais aujourd'hui partager. L'Institut National de l'Audiovisuel (INA) a depuis réédité ces pièces en CD, et j'ai trouvé ces documents en ligne. Je me propose de mettre à mon tour mes transcriptions à disposition.

    Pour commencer, Un visiteur timide... (de Charles Maître, 1969)... avec Michel Bouquet ! J'ai déjà proposé ici une transcription phonétique de certains extraits de la pièce. En voici donc la transcription orthographique intégrale. Merci de me dire en commentaire votre intérêt pour ce type de document, l'usage que vous pensez en faire (comme enseignant ou comme utilisateur). Et de me signaler les erreurs qui persistent très probablement !

   Rappel : dans la fenêtre YouTube, en bas à droite, la petite roue crantée ouvre un menu de paramètres, dont la vitesse que vous pouvez adapter pour votre confort d'écoute.

 

 

 

 

Les Maîtres du Mystère

Un visiteur timide

de Charles MAÎTRE

Bernadette LANGE ……………. Solange

Jean-Claude MICHEL …………. Marc ROYER

Michel BOUQUET …………….. Georges ALLARD

 

 

(01'19'') [DRINNNG]

M : - Allô oui ? Ah Corinne ?! Justement, j'allais t'app(e)ler. Oui, un contretemps oui... (il) faut qu(e) je passe au théâtre. Quoi ? Mais non, mais non, pas du tout, je/ j(e) dois [DRINNNG] Allons bon, on sonne à la porte de / tu es chez toi ? Bon ben j(e) te rappelle dans un p(e)tit quart d'heure, hein ? A tout d(e)suite. Au r(e)voir. ... Oui oui voilà voilà.

S : - Hm, bonsoir lâcheur !

M : - Solange !... J(e) te croyais dans l(e) midi !

S : - Menteur, j(e) suis rentrée d(e)puis 15 jours et tu l(e) savais.

M : - Ahaha... Les s(e)maines passent si vite. Qu'est-ce qui t'amène ?

S : - Bah rien ! B… Je passais par là. J'ai vu d(e) la lumière... Tu es seul ? Tu m'offres un scotch ?

M : - Deux si tu veux, entre !

S : - Hm… Comment va la vie ?

M : - Ça va, ça va...

S : - Et les amours ?

M : - Hm, compliquées !

S : - Ta pièce ?

M : - On joue toujours à bureaux fermés. Il est question d(e) la monter à Broadway et d'en tirer un film. J(e) pars pour New York le mois prochain.

S : - Héhéhé, attention, tu risques d'attraper la grosse tête !

M : - Oh, ça m'étonn(e)rait, tu sais... Je suis r(e)venu d(e) tout avant d'y être allé, comme disait l'autre.

S : - Oui oui, on dit ça, et puis on s(e) laisse prendre comme tout l(e) monde. D'ailleurs, il n'y en a qu(e) pour toi en c(e) moment. Et l'on n(e) te voit plus qu'avec ta merveilleuse interprète, paraît-il ?

M : - Tant qu'à sortir... autant être bien accompagné…

S : - Ah ! dis, ça t'amuse le tout-Paris ?

M : - Bof, ça dépend des jours. Avant on m'ignorait, maint(e)nant on m(e) fait risette. Final(e)ment, ça n(e) fait pas une grosse différence.

S : - Et les femmes ?

M : - Quoi, les femmes ?

S : - (Bah) ça rapporte, le succès, non ?

M : - J(e) n'aime pas lui d(e)voir mes bonnes fortunes ! Tu vois c'est encore un peu tôt.

S : - Ah oui je vois oui... Riche... célèbre... et aimé pour toi-même... C'est peut-être beaucoup d(e)mander, tu (ne) crois pas ?

M : - Non. Je parlais de bonne fortune. J(e n')ai pas besoin qu'on m'aime.

S : - Aha. Merci. Tu sais à quoi tu m(e) fais penser ? À ces gens qui r(e)fusent les invitations pour n'avoir pas à les rendre. Égoïste et avare, mon cher, voilà c(e) que tu es.

M : - Tu l(e) penses ?

S : - Non, pas vraiment ! Non, mais... tu es tout d(e) même un drôle de coco... Et, ta Mad(e)leine, au fait ?

M : - Rompu !

S : - Non...

M : - Hm. (Il) y a huit jours, si.

S : - Oh ! et bah vrai, ça n'aura pas traîné !

M : - Qu’est-ce que ça veut dire ça ? Qu'est-ce que ça veut dire ??

S : - Bah, je (ne) sais pas pourquoi mais... j'ai toujours pensé qu(e) tu la quitt(e)rais l(e) jour où tu tir(e)rais l(e) gros lot. Elle était trop douce. Elle t'aimait trop bien. Pratique pour les années maigres, encombrante après.

M : - Hé tu oublies qu'elle est mariée. Un peu d'eau ?

S : - Beaucoup, oui. Merci, ah non quand même ! Merci. Tu l'as noyé... Comment l'a-t-elle pris ?

M : - Hm, mal. Je lui écris presque tous les jours pour essayer de/

S : - Oui, de faire passer la pilule ?

M : - Oui...

S : - J(e) les vois d'ici, tes lettres. Tiens : «Nous avons eu beaucoup, ne regrettons rien. Tâchons d'être bons amis.»

M : - Ben tu es bien la preuve que c'est possible, non ?

S : - Ah quand même... Ah j(e n’)oublierai jamais ta tête le jour où j(e) t'ai parlé d(e) divorcer. Ah, à l'instant-même, tu es dev(e)nu l'allié d(e) mon mari. Oui «On ne construit pas sur des ruines», disais-tu.

M : - Tu r(e)grettes ?

S : - Euh… Ben maint(e)nant non... Parc(e) que j'ai mon fils, et qu'il est merveilleux. Cinq ans déjà, tu t(e) rends compte ?

M : - Et ton mari ?

S : - Oh bof, de plus en plus accaparé par ses affaires et ses maîtresses. Le train-train, quoi ! (Dis donc) j'attends qu(e) tu t'installes au soleil. J'espère qu(e) tu auras des chambres d'amis ?

M : - Ne ris pas, j'y pense sérieusement !

S : - (Ne) te presse pas trop, va. Écris encore quelques pièces. T(u) es quand même un peu jeune pour vivre de pastis et… et de pétanque !

M : - Justement non, tu vois j'ai l'intention (de)/

[DRING] Bon, qu'est ce que c'est encore ?

S : - Tu attends quelqu'un ?

M : - Ben non. Excuse-moi j(e) vais voir...

S : - J(e) t'en prie, va.

(05'29'') M : - Monsieur ?

G : - Bonsoir, Monsieur. J(e) vous d(e) mande pardon d(e) vous déranger. Je... je suis Georges ALLARD, le mari d(e) Mad(e)leine.

M : - Vous désirez ?

G : - Vous parler.

M : - Je r(e)grette, mais vous tombez mal, je n(e) suis pas seul. Téléphonez-moi, nous prendrons rendez-vous.

G : - Non.

M : - Comment « non » puisque j(e) vous dis que/

G : - Ma femme est à l'hôpital. Elle a voulu s(e) suicider.

M : - Qu'est-ce que vous dites ?

G : - J(e) l’ai trouvée à ... à six heures en rentrant d(e) mon travail. Si j(e) n’avais pas r(e)noncé à une course que j(e) devais faire, je s(e)rais arrivé trop tard, probablement.

M : - Mais... elle est sauvée ?

G : - Les méd(e)cins refusent de s(e) prononcer. Elle est dans l(e) coma.

M : - Bon écoutez, je... hm, entrez...

 

M : - J(e) vais vous d(e) mander un instant, le temps d(e) renvoyer ma visite.

G : - Je suis désolé, je...

M : - Non, ce n'est rien, une amie d(e) passage. Tenez ! Entrez là et installez-vous. J'en ai pour une minute.

G : - Prenez votre temps. Je... je n(e) suis pas à cinq minutes.

M : - Bien... [IL REJOINT SOLANGE] Ah ben vrai !

S : - Qu'est-ce qui t'arrive ?

M : - Le mari d(e) Mad(e)leine.

S : - Quoi ?

M : - Elle est à l'hôpital, elle a tenté d(e) se suicider.

S : - Oh... de quelle façon ?

M : - Je n(e) sais pas. J(e ne) lui ai pas d(e)mandé.

S : - C'est grave ?

M : - Il paraît, oui. Elle est dans l(e) coma.

S : - Oh... et lui, qu'est-ce qu'il veut ?

M : - Mm, me parler. J(e) l’ai fait rentrer à côté.

S : - Quel genre d'homme est-ce ?

M : - Oh… un p(e)tit bonhomme... gentil et timide. C'est lui qui a l'air de s'excuser.

S : - Mais i(l) n(e) t'a pas dit c(e) qu'il voulait ?

M : - Non. J'ai l'impression qu'il est complèt(e)ment paumé.

S : - Ah, mon pauvre Marc ! C(e n')est pas l(e) moment d(e) t'accabler, mais ça d(e)vait arriver. Les lettres et les beaux discours, ça n(e) suffit pas toujours.

M : - Bon bon, hé… c'est bon, laisse-moi, va, hein ? Tu m'engueuleras un autr(e) jour.

S : - Veux-tu que j(e) reste dans l(e) quartier, que j(e) revienne plus tard ?

M : - Non, non, merci, tu es gentille. J(e) t'appell(e)rai demain.

S : - Bon. Bah appelle quand tu voudras, même au milieu d(e) la nuit, hein ? Jacques ne dira rien.

M : - Bon.

S : - À bientôt, Marc. Bah j'espère que... enfin qu(e) tu en s(e)ras quitte pour la peur...

M : - J(e) l'espère aussi, oui. Allez, au r(e)voir, toi.

S : - Au r(e)voir.

 (08'02'')

M : - Monsieur ALLARD, s'il vous plaît.

G : - Oui ?

M : - Tenez, venez par ici, nous s(e)rons mieux à côté.

G : - Ah bon… pardon.

M : - Entrez, entrez, j(e) vous en prie. Tenez, ass/ asseyez-vous.

G : - Merci, merci.

M : - Vous n(e) m'avez pas dit comment vo/ votre femme...

G : - Ah... euh... elle s'est empoisonnée.

M : - Avec quoi ?

G : - Oh, quelle importance. C(e) qui compte, c'est de savoir si elle vivra. Elle a pris des barbituriques, de plusieurs sortes, j(e) crois.

M : - Et que vous ont dit les méd(e)cins exactement ?

G : - Qu'il faut absolument la sortir du coma. S'ils n'y parviennent pas d'ici une heure ou deux, ils disent que/... qu'ils ne pourront plus rien.

M : - Pourquoi êtes-vous v(e)nu chez moi, Monsieur ALLARD ?

G : - Euh... ils m'ont renvoyé à l'hôpital. Oh, très gentiment, remarquez ! Seul(e)ment, à force de tourner en rond, de leur poser des questions, j'ai fini par les énerver ! Oui, ils m'ont dit qu'ils m'appell(e)raient. Ils m'ont d(e)mandé un numéro d(e) téléphone alors je... j'ai donné l(e) vôtre. Voilà.

M : - Et si j(e) n'avais pas été là ?

G : - Ah ben, je s(e)rai retourné là-bas.

M : - Hmm. [SOUPIR] Il y a longtemps que v/ qu'enfin v/... vous connaissez mon existence ?

G : - Deux ans.

M : - Deux ans ?

G : - Presque depuis l(e) début, oui. A l'époque et durant quelques temps, ma femme était dev(e)nue nerveuse, crispée... hostile, même. Je l'ai suivie. J'ai su qui vous étiez. Je... je m(e) suis renseigné.

M : - Renseigné ?

G : - Oui, c(e) que j'ai appris m'a tout d'abord rassuré. Apparemment, vous n'étiez pas homme à m(e) l'enl(e)ver pour de bon. Malheureus(e)ment...

M : - Eh bien ?

G : - Elle était trop exaltée. Vous comptiez trop pour elle. Je n(e) sais pas pourquoi mais, j'ai... j'ai toujours craint que ça n(e) finisse mal.

M : - Votre femme vous aime beaucoup. Elle ne vous aurait jamais quitté.

G : - Elle se croit redevable, je sais. Et pourtant, d'une certaine façon, je suis plus coupable que vous.

M : - Comment ça ?

G : - Non seulement, j'avais 38 ans et elle 25 lorsque je l'ai épousée, mais elle était bien trop belle pour moi. J'aurais dû... je n(e) sais pas... me contenter d'être son ami, l'aider, la protéger.

M : - Il y a combien de temps de c(e)la ?

G : - 5 ans, déjà ! Elle était malheureuse, à bout. Je n(e) suis qu'un p(e)tit fonctionnaire. J(e) n'avais à lui offrir que ma tendresse et un peu d(e) sécurité, mais... Enfin, c'était beaucoup pour elle, du moins à l'époque. Notre monde n'est pas tendre pour les femmes seules. Pour celles qui n'ont rien au départ, c'est... héhé, c'est une question d(e) chance.

M : - Mm, oui.

G : - Un soir de la s(e)maine dernière, en rentrant d(e) mon travail, je lui ai trouvé les yeux rouges. Et un peu plus tard, alors qu'elle me croyait endormi, elle s'est r(e)mise à pleurer. [SOUPIR] J'ai hésité... longtemps, et puis j'ai pensé que le mieux était de lui parler... de... de l'aider à s(e) confier. Elle a fini par m'avouer votre liaison. Elle m'a raconté tout c(e) que j(e) savais déjà et puis elle m'a dit que c'était fini, que vous aviez rompu, que c'était difficile mais que ça pass(e)rait. Hier soir encore, elle... elle avait l'air d'aller mieux, de prendre le d(e)ssus comme on dit.

M : - Et c(e) matin, vous n'avez rien r(e)marqué ? elle n(e) vous a rien dit ?

G : - Oh bah le matin, j(e) la laisse dormir. Et à midi, je mange à la cantine du Ministère. Je n(e) la vois qu(e) le soir en rentrant. Elle était sur son lit toute habillée. Sur un bloc en travers de la feuille, elle avait écrit en majuscules : «PARDON»...

... [IL PLEURE]...

(13'11'')

M : - Voulez-vous boire quelque chose, Monsieur ALLARD ?

G : - [IL INSPIRE] ... Comment ?

M : - Un peu d'alcool vous f(e)ra du bien. Hm ... Cognac ? Whisky ?

G : - ... Oh euh... je n(e) sais pas, n'importe.

M : - Essayez d(e) vous r(e)prendre. N(e) soyez pas pessimiste. De nos jours, les empoisonn(e)ments, les méd(e)cins sont sérieus(e)ment armés, vous savez.

G : - Oh, oui.

M : - A quel hôpital l’a-t-on emm(e)née ?

G : - Hein ? Euh, à La Pitié.

M : - Bon, j(e) vais téléphoner.

G : - Oh non, non. Non, non. Non ; non. Ils ont promis d’app(e)ler, il ne faut pas les déranger.

M : - Comme vous voudrez, mais s’ils n’appellent pas d’ici un quart d’heure, j(e) vous emmène là-bas.

G : - Oui.

M : - Tenez. Buvez ça, ça vous f(e)ra du bien.

G : - Oh, c’est fort !

M : - C’est c(e) qu’il vous faut. Buvez d’un trait.

G : - Bien.

M : - Là. Et maint(e)nant, un autre à boire lent(e)ment.

G : - Oh non. Non non non non. Je vous en prie, je…

M : - Oh allons, la moitié, hein ? Là, comme ça.

G : - J(e) n’ai pas l’habitude, vous savez. Je n(e) bois jamais. C’est du cognac, n’est-ce pas ?

M : - Non, du whisky.

G : - Ah. Ah. J(e) croyais qu(e) c/ que c(e)la s(e) buvait avec de l’eau.

M : - On peut aussi l(e) boire sec, vous voyez !

G : - Ah bah voui.

M : - Cigarette ?

G : - Non, non. Non merci. Je n(e) fume pas.

M : - Ah bon.

G : - C’est très beau chez vous. Très très chaud.

M : - Oh. Quand on travaille chez soi, i(l) faut un / faut un cadre agréable, c’est important.

G : - Oui, bien sûr… Vous v(e)nez d’avoir un très gros succès, n’est-ce pas ?

M : - Mmm… ma pièce marche bien, oui.

G : - Nous n’allons guère au théâtre , Mad(e)leine et moi. La Comédie Française, quelquefois. Oui, j’aime beaucoup les décors, les costumes.

M : - Mmm.

G : - [SOUPIR] Vous n’avez jamais été marié, je crois.

M : - Non, jamais non.

G : - Vous préférez les femmes des autres.

M : - Pardon ?

G : - C’est plus commode, évidemment.

M : - Non écoutez franch(e)ment…

G : - Oh non mais, je n(e) voulais pas vous blesser, remarquez, je / non. C’était plutôt d(e) la curiosité.

M : - D(e) la curiosité ?

G : - Mais oui. Nous sommes tell(e)ment différents, vous et moi. Parler à une femme, en faire sa maîtresse, la quitter, ce sont des choses que je / que j(e) n’imagine pas.

M : - Mais… hm… Avant Mad(e)leine, (en)fin avant… avant d(e) vous marier.

G : - Oh bah, j’ai toujours vécu avec mes parents, dans la maison où j(e) suis né. Ils sont morts ensemble, dans un accident d’autocar, deux ans avant que je n(e) rencontre Mad(e)leine.

M : - Vous l’avez connue comment ?

G : - Oh elle était sur un banc, elle pleurait. J’en suis encore à m(e) demander comment j’ai osé lui parler mais enfin je… enfin j(e) l’ai emm(e)née dans un restaurant. J(e) l’ai questionnée. Deux s(e)maines auparavant, un garçon qu’elle aimait, un jeune soldat, avait été tué. Et ce jour-là, en plus, elle venait d(e) perdre sa place. Alors… le manque de chance, toujours.

M : - Je n(e) savais rien d(e) tout ça… Elle… elle… ne m’a jamais dit grand chose de son passé.

G : - Ah… ah… Et vous n(e) l’avez jamais questionnée ? Vous n’avez pas d(e)viné ?

M : - Hm, oui et non… J’ai bien compris qu’elle n’avait jamais été très heureuse, mais… je n(e)…

G : - Pourquoi l’avez-vous quittée si brutal(e)ment ?

M : - Mais je n(e) l’ai pas quittée brutal(e)ment ! D’ailleurs elle savait très bien que…

G : - Que vous n(e) l’aimiez pas !

M : - Ah écoutez laissons c(e)la, voulez-vous / [DRIIIIING] C’est sûr(e)ment l’hôpital, vous répondez ?

G : - Non. Non, non. J(e) vous en prie.

M : - Bon. Allô, oui ? Ah c’est toi. Oui excuse-moi je n(e) / mais non, mais non, mais non, je / Oh écoute Corinne, laisse-moi parler, tu veux ? Je suis avec un ami dont la femme est malade, il faut qu(e) j(e) l’accompagne à l’hôpital. Hein ? Oui bah j(e) suis désolé, mais c’est comme ça. Quoi ? Bon, bon, très bien. Comme tu voudras. Allez, bonsoir. [IL RACCROCHE] Excusez-moi.

G : - Oh non, c(e) n’est rien, ce n’est rien.

M : - Nous allons prendre ma voiture et filer à l’hôpital. c’est insupportable, cette attente.

G : - Patientez encore un peu, j(e) vous en prie, je n(e) suis là que depuis dix minutes, vous savez.

M : - Vous êtes sûr ?

G : - Oui, oui, certain. Il était à peine dix quand j(e) suis arrivé.

M : - Ça prouve que l(e) père Einstein avait raison : le temps est décidément une chose très relative… [SOUPIR] Cigarette ?

G : - Non non merci. Je n(e)/

M : - Ah oui c’est vrai, j’oubliais.

G : - Je peux vous poser une question ?

M : - Ah, ça dépend. Si c’est encore à propos de votre femme, j’aim(e)rais mieux pas.

G : - Pourquoi ?

M : - Non, écoutez, n’exagérez pas. Je… j(e) veux bien qu(e) vous soyez un homme simple et même un peu naïf, mais… tout d(e) même.

G : - Ce n’est pas à propos d(e) Mad(e)leine. Je m(e) demandais simplement si… si vous êtes un homme heureux.

M : - Heureux ?

G : - Oui. Oui, en apparence, vous avez tout, bien sûr, mais /

M : - Mais quoi ?

G : - Je n(e) sais pas. Il me semble que cette recherche continuelle… que tant d(e) femmes dans une vie /

M : - Ça vous paraît monstrueux.

G : - Oh ! Non, c(e) n’est pas ça. J(e) pensais à une sorte de vide, plutôt.

M : - Non, vous êtes à côté du problème. En dépit des apparences, je n(e)/ passe pas mon temps à me préoccuper d’amour.

G : - Ah.

M : - Pour les femmes, oui l’amour vient presque toujours en premier. C’est même toute la différence et la raison d(e) leur déception. (Elles) n(e) comprennent pas que… on s’habitue, on puisse penser à autre chose.

G : - Moi, je n(e) me suis jamais habitué. J’ai toujours eu peur.

M : - Peur ?

G : - De perdre Mad(e)leine, oui. De rentrer un soir et de n(e) pas la r(e)trouver. J(e) passe mon temps à m’émerveiller, quoi qu’elle fasse. J(e) la r(e)garde et je suis bien. Avant elle, j(e) n’existais pas.

 (19'30'')

M : - Vous êtes un homme désarmant, Monsieur ALLARD. Si j(e) vous avais connu lorsque j'ai rencontré votre femme...

G : - J(e) crois qu(e) je comprends oui... un mari que l'on n(e) connaît pas... ce doit être un peu comme s'il n'existait pas, je suppose.

M : - Un peu, oui.

G : - C'est drôle que vous m(e) disiez c(e)la, r(e)marquez, pa/ Il y a quelques temps je, j'ai failli vous rendre visite. J'étais inquiet, je je voulais vous mettre en garde, vous d(e)mander de ne rien brusquer.

M : - Pourquoi n(e) l'avez-vous pas fait ?

G : - J'ai eu peur que... vous n'en parliez à Mad(e)leine et qu'elle se fâche.

M : - Dommage. Vous auriez dû...

G : - Peut-être, oui.

M : - Vous n(e) voulez vraiment pas qu(e) nous allions là-bas.

G : - Pas encore, non.

M : - Et si elle reprend connaissance, si elle vous réclame.

G : - Avec votre voiture et à cette heure-ci nous y s(e)rons en 5 minutes. Je n(e) retournerai là-bas... que pour la voir vivante.

M : - Que voulez-vous dire ?

G : - Si Mad(e)leine meurt, je n(e) la r(e)verrai pas. Je veux conserver l(e) souv(e)nir...

M : - Allons, allons, taisez-vous. Dans 3 jours, elle s(e)ra sur pied.

G : - Oh ! je souhaite que vous ayez raison... Autant pour vous qu(e) pour elle... Est-ce qu'il vous arrive de penser à votre mort, Monsieur ROYER ?

M : - Oh... c'est une idée qui m'est assez familière, oui... Pourquoi cette question, vous avez l'intention d(e) me tuer ?

G : - Si Mad(e)leine meurt, oui.

M : - Bon écoutez je... je veux bien que la situation soit exceptionnelle mais vous auriez tort d'en abuser. Je n(e) suis pas....

G : - RESTEZ ASSIS, NE BOUGEZ PAS ! Je n(e) suis pas un tireur bien fameux, mais à cette distance, je ne pourrai pas vous rater !

M : - Posez c(e) revolver, Monsieur ALLARD.

G : - NON ! ET N'ESSAYEZ PAS D(E) ME DÉSARMER. Vous n'en auriez pas l(e) temps. Si vous restez tranquille, vous avez une chance sur deux.

M : - Désolé, je n(e) marche pas. Vous allez m(e) donner cette arme et/ [PAN !]

G : - ... RASSEYEZ-VOUS ! J(e) vous en prie ! La prochaine fois, je n(e) tir(e)rai pas à côté.

M : - Vous êtes complèt(e)ment fou, ALLARD.

G : - Non. J(e) vais peut-être commettre un acte insensé mais je n(e) suis pas fou.

M : - Et les voisins ?

G : - Les voisins ?

M : - Bah oui, si’ls ont entendu, s'ils préviennent la police, que f(e)rez-vous ?

G : - Vous savez, de nos jours, avec la télévision et les motocyclettes, il faudrait au moins une mitrailleuse.

M : - Très drôle !.... Bien... J(e) peux fumer ?

G : - Tout c(e) que vous voudrez mais n'essayez pas d(e) vous l(e)ver. Vous êtes beaucoup plus fort que moi. Je n(e) peux pas prendre de risque. À la moindre tentative, je tire.

M : - Rassurez-vous, je n(e) boug(e)rai pas. Si vous voulez m(e) tuer, il vous faudra l(e) faire froid(e)ment... Et je doute que vous en soyez capable.

G : - Nous verrons bien.

M : - Pourquoi êtes-vous v(e)nu maint(e)nant, Monsieur ALLARD ?

G : - Maint(e)nant ?

M : - Oui, vous dites que vous me tuerez si votre femme meurt. Bon. Mais si elle est sauvée, que f(e)rez-vous ?

G : - Ah je partirai, bien sûr, j'irai à l'hôpital.

M : - Dans c(e) cas, j(e) répète ma question : pourquoi être v(e)nu maint(e)nant ? Pourquoi n'avoir pas attendu ?

G : - Parc(e) que les méd(e)cins m'ont renvoyé. J(e) n(e) vous ai pas menti. C'est même à c(e) moment-là que l'idée m'est v(e)nue.

M : - Je n(e) comprends pas.

G : - Je n(e) pourrais pas vous dire pourquoi, mais... quand ils m'ont d(e)mandé où ils pouvaient m'app(e)ler, j'ai brusquement r(e)pensé à c(e) que j'avais r(e)ssenti découvrant ma femme inanimée.

M : - C'est-à-dire ?

G : - Une rage folle, meutrière. J'aurais voulu qu(e) vous soyez là et vous tuer sur le champ.

M : - C'est une réaction compréhensible mais... ce moment-là est passé, Monsieur ALLARD.

G : - Il reviendra.

M : - Pardon ?

G : - Si le téléphone sonne et si l'on m'annonce la mort de Mad(e)leine, je sais... je sais, vous entendez, que cette même rage va m'envahir à nouveau. Et c'est pourquoi je suis là pour profiter d(e) cet instant.

M : - Ce... c'est grotesque, voyons ! Vous n(e) pouvez pas compter sur un instant d(e) folie pour faire c(e) que vous n(e) feriez pas d(e) sang froid !

G : - Justement si, Monsieur ROYER. Si je n(e) vous tue pas à c(e) moment-là, je n(e) le f(e)rai jamais bien sûr. Seul(e)ment, je regrett(e)rai toute ma vie de n(e) pas l'avoir fait.

M : - Et la prison ?

G : - Oh ! J'y s(e) rai en paix. Vous vivant, je pass(e)rai mon temps à vous haïr. Vous gâcheriez jusqu'à mes souvenirs.

M : - M'est avis qu(e) vous êtes en train d(e) vous faire un drôle de cinéma, Monsieur ALLARD. (En)fin qu'est-ce que vous croyez ? Qu'on va vous mettre dans une jolie p(e)tite cellule où vous pourrez rêver tout à loisir ?

G : - La seule chose qui me s(e)rait insupportable c'est de vous savoir vivant et de vous imaginer heureux, comme si de rien n'était, avec d'autres Mad(e)leine. Comparé à c(e)la, tout l(e) reste n'est rien.

M : - Bon d'accord. Seulement moi...

G : - NE BOUGEZ PAS !... et prenez garde, je vous en prie. Vous n'attendez qu'une occasion d(e) me sauter d(e)ssus. Je l(e) vois bien, mais vous auriez tort, je vous assure.

M : - Oui, vous avez raison, ce s(e)rait idiot… et, et, et peut-être plus catastrophique encor(e) pour vous, que pour moi.

G : - Que voulez-vous dire ?

M : - … Supposez que j’essaie d(e) vous désarmer : vous tirez, je suis mort, bon. Et peu après vous apprenez que votre femme est sauvée.

G : - C’est bien pourquoi je vous supplie de rester tranquille. Ce s(e)rait plus que stupide en effet.

M : - Vous êtes inouï, vous savez…j(e)/ je m(e) demande si vous vous rendez compte.

G : - De quoi don© ?

M : - Eh, vous pointez votre joujou sur moi, vous m(e) demandez d’attendre tranquill(e)ment que le téléphone sonne et d(e) me laisser tuer, non moins tranquill(e)ment le cas échéant. Pour un peu, ce s(e)rait comique !

G : - Eh bien, riez !

M : - Bon. Vous n(e) tir(e)rez pas. Non, vous l(e) croyez, peut-être, mais vous n(e) tir(e)rez pas. C’est moins facile que vous n(e) le pensez.

G : - N’empêche que vous avez peur.

M : - Mais parce qu’un revolver est tout de même une chose impressionnante, figurez-vous ! … Parce que je n(e) suis pas dupe de votre calme apparent.

G : - Ne vous énervez pas ! J(e) vous en prie, sinon vous allez tenter quelque chose et / et /… si vous restez tranquille je/ vous augmentez vos chances, sûrement.

M : - Comment ça ?

G : - J(e) n(e) sais pas, je/ Peut-être avez-vous raison, après tout, même si l’on m’annonce la mort de Mad(e)leine, ma réaction ne s(e)ra pas forcément celle que j’escompte. Il est possible… que le revolver me tombe des mains, que j(e) n’ai pas la force de tirer.

M : - Mouais.

G : - Tandis que si vous tentez quelque chose maint(e)nant /

M : - Bon écoutez, si nous continuons de nous énerver mutuell(e)ment, vous finirez par tirer accidentellement, je… voilà je vous propose une trêve.

G : - Une trêve ?

M : - Pour commencer j’appelle l’hôpital… I(ls) n(e) sont pas obligés de vous app(e)ler tout d(e) suite, mais il peut y avoir un mieux, déjà… hein ?

G : - Bon, bon, si vous voulez.

M : - Vous avez l(e) numéro ?

G : - Non.

M : - Les annuaires sont là, dans c(e) bahut.

G : - Levez-vous, et allez près d(e) la fenêtre, j(e) vais vous l(e) donner ; mais attention, hein ! au moindre mouv(e)ment…

M : - Oui, oui, je sais… la liste alphabétique, le premier.

G : - Voilà. Prenez-le.

 

FIN FACE A

 

 

FACE B

 (59'18'')

M : - Dites-moi, j’y pense, c’est votre habitude de vous balader avec une arme de guerre ?

G : - Je suis passé la prendre en sortant de l’hôpital.

M : - Et d’où la t(e)nez-vous ?

G : - De mon père, il m’avait appris à l’entret(e)nir, il disait que c(e)la pouvait toujours servir.

M : - Ah, la preuve, hein ?

G : - Oh, il pensait aux cambrioleurs, bien sûr.

M : - Mouais, hein… euh, dans quel service est-elle ?

G : - Les urgences.

M : - Allô/ Allô la Pitié ? Euh voulez-vous m(e) passer le service des urgences, s’il vous plait ? Non, non, un renseign(e)ment, merci. [À GEORGES] Vous connaissez l(e) nom du méd(e)cin ?

G : - Non.

M : - Non ? C’est commode… Allô, les urgences ? Bonsoir, Mad(e)moiselle, j’appelle pour avoir des nouvelles de Madame ALLARD, qui doit être dans vos services… Ce soir entre sept et huit, elle a tenté de… c’est ça, oui… non, non. Non je suis un ami mais / son mari est avec moi… hum, hum, oui, ah bon, d’ici une demi-heure. Mais, nous pourrions peut-être aller là-bas alors ?… Ah bon, oui… Oui, bien sûr, oui… Non, non non, pas d(e) chang(e)ment, c’est mon numéro… C’est ça oui…ss, c’est ça, vous êtes très aimable, je compte sur vous… Merci Mad(e)moiselle. [IL RACCROCHE]. Ils ne peuvent rien dire encore, dans une demi-heure peut-être. Votre femme est sous une tente à oxygène.

G : - Mais c’est qu’elle va plus mal alors !

M : - Mais non, mais non, ça prouve qu’elle est très bien soignée, c’est tout.

[GEORGES PLEURE]

M : - Vous êtes trop pessimiste, Monsieur ALLARD. Ça n(e) sert qu’à vous faire du mal. Ah ça n’est pas facile, je sais bien, mais… Voulez-vous un autre whisky ?

G : - Pardon ?

M : - Vous n’avez pas soif ?

G : - Non merci.

M : - Vous m/… Vous permettez ?

G : - Oh oui oui.

M : - Vous n’en voulez vraiment pas ?

G : - Non, non.

M : - Voyez-vous, Monsieur ALLARD, je/

G : - Asseyez-vous !

M : - Quoi ?

G : - Maint(e)nant que vous êtes servi, allez vous rasseoir. Je n(e) me laiss(e)rai pas surprendre, je vous préviens.

M : - Je voulais simplement/

G : - ALLEZ VOUS ASSEOIR !

M : - Bon bah… Pas la peine de vous affoler !… C’est drôle, votre revolver n’a rien d’une plaisant(e)rie, votre détermination semble absolue… pourtant j’ai du mal… J(e) n’arrive pas à m’imaginer que… d’ici une demi-heure ou… une heure, j(e) pourrai être mort.

G : - Moi, je pense à Mad(e)leine. L’idée qu’elle ne puisse plus sourire, ne plus être là… je…

M : - Monsieur ALLARD ?

G : - Oui.

M : - Croyez-vous vraiment que vous soyez capab(le) de tirer ?

G : - Si Mad(e)leine meurt, oui. Sûrement.

M : - Comme ça ? Sans haine ?

G : - J(e) n’ai pas de haine. J(e) n’en ai jamais eu.

M : - Comment expliquez-vous cette décision, alors ?

G : - J(e) vous l’ai dit. C/… C(e)la m’est v(e)nu un peu comme une évidence. Si Mad(e)leine meurt, vous mourrez aussi, c’est tout.

M : - Vous n(e) trouvez pas qu(e) c’est un peu… simpliste ?

G : - Nous sommes tellement différents… vous et moi. J(e) n’ai pas l’habitude de m’analyser, vous savez, je/… Je n(e) me suis jamais r(e)gardé vivre, comme on dit.

M : - Vous m(e) faites penser… à ces gosses qui jouent aux justiciers. Une/ une logique toute droite et implacable, pas d(e) quartier.

G : - Peut-être, oui. (Je ne) sais pas.

(Ici l'enregistrement reprend au début... La suite est à 01h04'04")

M : - Bon écoutez, ce n’est pas pour essayer d(e) vous convaincre… d’ailleurs je suis persuadé qu(e) Mad(e)leine va s’en tirer. Mais enfin, puisque nous sommes là, et qu(e) nous attendons, hein ? j(e) voudrais tâcher d(e) comprendre.

G : - Quoi donc ?

M : - Cette décision qui vous apparaît comme… comme une évidence, dites-vous. Hein ? Même si elle n’est pas réfléchie, ça doit bien correspondre à quelque chose, tout d(e) même ?

G : - Vous avez l’intention de me psychanalyser ?

M : - Oh non, c’est un bien grand mot ! Mais enfin j(e) voudrais… j(e) voudrais comprendre, j(e) vous l(e) répète.

G : - Vous feriez mieux d(e) penser à vous. Si vous avez des dispositions à prendre, des lettres à écrire. Nous n(e) sommes pas obligés d(e) parler, vous savez…

M : - Bon eh bien, je suis désolé, mais je n(e) marche pas. Non, vous n/… Vous n(e) me f(e)rez pas envisager tranquill(e)ment de/… Pfff, des dispositions à prendre, et pourquoi pas une petite prière, pendant qu(e) vous y êtes !

G : - Oh, moi vous savez, je disais c(e)la…

M : - Par bonté d’âme. D’accord. J(e) commence à vous connaître. Seul(e)ment, je vous signale que mes papiers sont en règle et que mon testament est fait depuis longtemps, alors si vous voulez abréger, allez-y, n(e) vous gênez pas !

G : - Pourquoi vous énerver ? Pour l’instant, et sauf si vous tentiez de me désarmer, je n’ai aucune raison d(e) vous tuer.

M : - Eh bien, je n(e) suis pas d(e) cet avis, figurez-vous ! Pourquoi voulez-vous m(e) tuer ? Hein ? Parce que j’ai été l’amant d(e) votre femme ? Eh bien j(e) l’ai été, soit ! Et c’est irréversible. Alors, finissons-en et trêve de bavardages !

G : - Ne faites pas semblant de n(e) pas comprendre. Ça n’a rien n’a voir, vous l(e) savez très bien ! Je vous tiendrai pour responsable si Mad(e)leine meurt, c’est tout. Ce sont les risques du métier.

M : - Les risques du métier ?

G : - J’ai lu vos deux plaquettes sur les femmes et l’amour, Monsieur ROYER. Faire profession d’aimer les femmes, prétendre mieux que d’autres savoir les rendre heureuses, c’est parfait. Mais encore faut-il réussir. Là, comme ailleurs, les échecs se paient.

M : - Un peu cher, avec vous !

G : - Moi ou un autre, vous savez… Avec la vie que vous m(e)nez… rien d’étonnant à c(e) que vous finissiez sous les balles d’un mari.

M : - Oh ! Excellent argument pour vos avocats, ça. Quelques pères de famille dans l(e) jury et vous êtes pratiqu(e)ment assuré d’obtenir le sursis !

G : - Même en victime, vous n’auriez pas l(e) beau rôle, c’est vrai. Si quelqu’un n’était pas destiné à finir dans la peau d’un meurtrier, c’était bien moi.

M : - Et allons donc hein ! Mon client n’a été que l’instrument d(e) la providence, Messieurs les jurés. Il n’a tué qu’un vil séducteur, qui méritait cent fois la mort !

G : - Séduire et briller, quand on a les apparences, c’est facile. Le physique, l’argent, le prestige : vous avez tout. Et le temps, par dessus l(e) marché ! Moi, moi je n(e) suis qu’un p(e)tit bonhomme. Je travaille dur. Et j(e) n’ai rien pour séduire, rien.

M : - Oh ! Ecoutez Monsieur ALLARD

G : - Ohoho ! Je n(e) suis en train de récriminer, r(e)marquez. Ce n’est pas votre faute si les hommes ne sont égaux en rien. Seul(e)ment, tout d(e) même, de l’emporter sur moi… quand on est un homme comme vous, il n’y a pas de quoi être tell(e)ment fier.

M : - Vous savez très bien que /

G : - … que vous n(e) me connaissiez pas, d’accord. Et que c(e) n’est pas votre faute non plus si j’ai épousé une femme trop belle pour moi. Ce que j(e) vous r(e)proche, c’est de n’être qu’un miroir aux alouettes.

M : - Pardon ?

G : - Que faites-vous de vos avantages et de votre séduction, en fin d(e) compte ? Vous n(e) pensez qu’à votre plaisir et tant pis pour les autres. Attirer une femme pas très heureuse, lui montrer le luxe, le confort, un certain bonheur… c’est facile. Mais après ? Mm ? Mad(e)leine n’aura final(e)ment appris de vous que deux choses : à savoir qu’elle n’est pas heureuse, et à savoir qu’un bonheur existe… qu’il n’est pas pour elle. Non, vraiment… pas de quoi être fier.

M : - Oh, vous n’êtes pas si désarmé qu(e) vous voulez bien l(e) dire, Monsieur ALLARD. Votre p(e)tit discours le prouve ! Vous avez des qualités qu’une femme sait r(e)connaître, croyez-moi.

G : - Oh oui. Bien sûr. Je suis l(e) pain d(e) chaque jour, et vous, la friandise, n’est-ce pas ?

M : - Hmm ! La comparaison est bizarre, mais… il y a d(e) c(e)la. Mais vous pouvez difficil(e)ment r(e)procher à votre femme /

G : - Je vous ai dit et redit que je n(e) reprochais rien à ma femme. C’était à vous à n(e) pas lui faire miroiter l’impossible.

M : - Mais je ne lui ai rien promis ! Jamais ! Elle savait très bien qu’entre elle et moi, ce n(e) pouvait être qu’une aventure !

G : - Une liaison de deux ans n’est pas une aventure. Et de rompre si brutal(e)ment qu(e) vous l’avez fait /

M : - J’ai mis des s(e)maines à essayer de lui faire comprendre /

G : - Ça m’est égal ! ÇA M’EST ÉGAL ! Laissons c(e)la ! Je n(e) suis pas v(e)nu pour discuter !

M : - Oui, j’oubliais, pardonnez-moi. Vous êtes venu pour me trouer la peau et moi, je dois m(e) laisser faire bien sag(e)ment, n’est-ce pas ? Hé bien, je r(e)grette, mais j’ai assez ri /

G : - NE BOUGEZ PAS !

M : - Vous n(e) tir(e)rez pas, Monsieur ALLARD. Pas maint(e)nant.

G : - Ah non ? Hé bien, allez-y, alors. Faites un pas d(e) plus ! ALLEZ !

M : - Vous êtes cinglé, ALLARD ! Vous êtes complèt(e)ment cinglé !

G : - En tout cas, vous v(e)nez d(e) l’échapper belle ! Si la détente de cette arme avait été un peu plus douce…

M : - Vous m(e) paierez ça…. J(e) vous jure que vous m(e) paierez ça.

G : - En attendant, retournez vous asseoir. (Si) j(e) vous avais tué et qu(e) Mad(e)leine soit sauve, nous serions bien avancés.

M : - Parlez pour vous. Vous n(e) seriez même pas capable d/… Dites-moi, j’y pense. Qu’auriez-vous fait /  que f(e)rez-vous après m’avoir tué ?

G : - J’irai me constituer prisonnier. Pourquoi ?

M : - Et les obsèques ?

G : - Quelles obsèques ?

M : - Ah ben… Votre femme morte… et si vous êtes arrêté… qui s'occupera d(e) lui faire un bel enterrement, hein ? Qui la veill(e)ra et qui/

G : - Taisez-vous ! Je n(e) la verrai pas. Je… je n(e) veux même pas l'imaginer… Hier soir, après qu'elle ait pleuré encore et que j(e) l'ai consolé d(e) mon mieux, elle m'a r(e)mercié… en m'embrassant douc(e)ment… C'est ce souv(e)nir-là que je veux conserver, celui de ses lèvres chaudes, sur ma joue… L'enterr(e)ment, les fleurs, les cérémonies, (il) y aura bien quelqu'un pour s'en occuper .

M : - [SOUPIR] Décidément vous êtes / [SONNERIE DU TÉLÉPHONE]

G : - NON. Non non, laissez, je vais répondre. Ce doit être l'hôpital, cette fois. [IL DECROCHE] Oui, j'écoute… Monsieur ROYER… Oui, oui, ne quittez pas, un instant. Allez-y, c'est pour vous.

M : - Hum ! Allô ? Oui, c'est moi. Qui ça ? Ah, excusez moi, oui. Bonsoir, cher Monsieur… Comment allez-vous ? Bien merci… Ah ?… Oui, c'est gentil à vous… Oui oh, j'ai eu beaucoup d(e) chance, la distribution est vraiment parfaite… En effet, oui… Oui, oui, absolument… Comment ? bah… La s(e)maine prochaine ?… Euh, éc/ écoutez… Oui… Oui, volontiers, mais… il m'est difficile de fixer un jour maint(e)nant. Oh, est-ce/ est c(e) que j(e) peux vous rapp(e)ler ? Demain par exemple… Vers midi ? Bon… Bon, très bien, entendu, j(e) vous appelle sans faute, oui… Merci, merci… Mes hommages à votre femme. Au revoir. [IL RACCROCHE]

G : - Des compliments pour votre pièce ?

M : - Ah… Oui, oui.

G : - C'est une bonne pièce, c'est vrai.

M : - Vous l'avez vue ?

G : - Avec Mad(e)leine, oui. Elle ne vous l'a pas dit ?

M : - Non.

G : - Elle l'avait déjà vue, bien sûr mais, là, elle a payé les places. Elle a dû craindre qu'un billet d(e) faveur n'attire mes soupçons.

M : - Vous n'avez pas été trop choqué ?

G : - Par votre pièce ? Oh non, pourquoi ?

M : - Oh, tout c(e)la se passe dans un monde si différent du vôtre.

G : - Personnell(e)ment, c'est c(e) que j(e) demande au théâtre. Une histoire qui s(e) pass(e)rait dans un ministère avec des personnages me r(e)ssemblant, ah… j(e) n'aim(e)rais pas du tout.

M : - Ah bon.

G : - Le personnage principal… Euh, comment ça, déjà ?

M : - RUDEL ?

G : - Oui, c'est ça, RUDEL. C'est un peu vous, n'est-c(e) pas ?

M : - Mm… Oui et non. C'est l'éternelle question des auteurs et d(e) leurs personnages. Un peu dans tous, mais jamais entièrement.

G : - Et les femmes ?

M : - Les femmes ?

G : - Oui, comment faites-vous pour… pour exprimer si bien les sentiments féminins ?

M : - Chez certains individus, les caractères masculins et féminins sont presque équilibrés. Les biologistes affirment qu'il y a une femme dans tout homme… et vice versa.

G : - Oui. J/ J’ai dû lire ça quelque part, en effet.

M : - Vous lisez beaucoup, dites-moi ?

G : - J'ai toujours aimé c(e)la, oui. Parce que je dors mal, peut être.

M : - Hm.

G : - Quelle heure est-il ?

M : - Neuf heures dix.

G : - Bientôt deux heures maint(e)nant. D'après l(e) médecin/

M : - Oh, il ne faut pas l(e) prendre à la lettre, vous savez. Il vous a probablement dit deux heures comme il vous aurait dit trois ou quatre.

M : - Espérons-le. Dites-moi, Monsieur ROYER ?

M : - Oui ?

G : - Etant plutôt pessimiste je/ euh, j'ai surtout envisagé l(e) pire. Que/ que se pass(e)ra-t-il selon vous si/si Mad(e)leine est sauvée ?

M : - Je pense qu'elle aura besoin d(e) vous.

G : - De moi ? Vraiment ?

M : - Oui. Elle vous aime beaucoup, croyez-moi. Il faudrait, je n(e) sais pas moi, que vous preniez un congé, que vous tâchiez d(e) l'emm(e)ner un peu. Le principal enn(e)mi, c'est… c'est l'ennui, la solitude.

G : - Hm. Hm. Ce n(e) s(e)ra jamais qu'une solution provisoire. Il faudra bien rev(e)nir.

M : - L'important, ce s(e)ra d'abord de la distraire, de lui faire reprendre goût à la vie. Ensuite, je n(e) sais pas moi/ i/ (il) y a d(e) la place chez vous, j(e) crois ?

G : - Hélas, oui.

M : - Pourquoi hélas ?

G : - Parce que nous aurions dû avoir des enfants, mais qu(e) c'est impossible. Les spécialistes que nous avons vu sont formels : Mad(e)leine ne pourra jamais en avoir.

M : - Adoptez-en un !

G : - Nous y avons pensé. Mais c(e) n'est pas facile. Les démarches sont terriblement longues.

M : - Il paraît, oui.

G : - Et vous Monsieur ROYER, est-ce que vous la r(e)verrez ?

M : - Mm. Ce n(e) s(e)rait pas souhaitable, je crois. Pas tout d(e) suite, en tout cas.

G : - Même si elle vous l(e) demandait ?

M : - C'est peu probable, mais de toutes façons, ce s(e)rait difficile. Plus tard peut-être, lorsqu'elle ira mieux.

G : - Mais c'est maint(e)nant qu'elle aura besoin d'aide.

M : - Sans doute mais... n'avez vous pas d'amis ? Quelqu'un d(e) votre famille qui pourrait v(e)nir habiter avec vous ?

G : - Oh non !... non... Les gens travaillent, vous savez. Ils ont tous leurs problèmes.

M : - Eh oui, bien sûr.

G : - C'est même incroyable c(e) qu'ils peuvent manquer d(e) temps. Plus la technique leur en fait gagner, moins ils en ont.

M : - Oui.

G : - Je pense à l'instant où elle s'est couchée sur son lit... après avoir avalé l(e) poison. Cette solitude... ce / [IL PLEURE]. C'est une idée insupportable.

M : - Les psychiatres prétendent qu'on s(e) trompe beaucoup là-d(e)ssus. Ils disent que les désespérés qui choisissent les somnifères, les barbituriques, ne réalisent ni ne souhaitent vraiment la mort. Ils veulent seul(e)ment s'évader, dormir, ne plus penser.

G : - Hm. Que savent-ils, les psychiatres. Hm ? C'est facile d'émettre des théories.

M : - Tout d(e) même, n'oubliez pas que suicides manqués sont heureus(e)ment et / et de loin les plus nombreux. D'autre part et contrair(e)ment à c(e) que l'on croit général(e)ment, le pourcentage des récidivistes est assez infime.

G : - C'est étrange. Pour un homme qui va peut-être mourir, je trouve que vous parlez d(e) la mort bien tranquill(e)ment.

M : - Ah non, j(e) vous en prie, hein ? ne r(e)commençons pas !

G : - Vous avez peur !

M : - Non, j'en ai marre !

G : - Evidemment, évoquer sa propre mort, c'est moins facile que d'en parler en général !

M : - Peut-être, de même qu'il est plus facile d'accuser les autres et d(e) les t(e)nir pour responsables !

G : - Que voulez-vous dire ?

M : - Rapp(e)lez-vous un peu c(e) que vous m'avez dit vous-même, tout à l'heure : "Mad(e)leine était trop belle pour moi, j'aurais du m(e) contenter de l'aider, d’être un ami."

G : - Et alors ?

M : - Alors je pense à votre responsabilité. Oui, parce que c'est très joli de respecter, d'aimer à g(e)noux, mais final(e)ment, quoi ? Si vous aviez su la rendre heureuse...

G : - N'essayez pas de me donner l(e) change. Vous perdez votre temps. La vérité, c'est qu(e) vous avez peur !

M : - Beuh croyez vous qu'il soit facile d'attendre tranquill(e)ment qu'on vous tire dessus, hein ? Voilà plus d'une demi-heure qu(e) vous pointez votre artill(e)rie sur moi. J'EN AI MARRE, j(e) vous l'ai dit, hein, jusque là !

G : - NE BOUGEZ PAS !

M : - Vos airs douc(e)reux, vos pleurnich(e)ries et votre merveilleux amour, j'en ai par-dessus la tête ! Et j(e) vais vous dire une bonne chose : si vous voulez tirer, il va falloir le faire maint(e)nant. Très vite !

G : - Encore un pas et je tire, je vous préviens !

M : - Et bien allez-y tirez ! mais trêve de fariboles et cessez d(e) vous prendre pour un héros. Vous allez tuer l'amant d(e) votre femme et rien d'autre, comme n'importe quel mari jaloux !

G : - C'est faux !

M : - Un pauvre type, un minable, voilà c(e) que vous êtes ! Si Mad(e)leine n'avait pas eu l(e) malheur de vous rencontrer, elle au/

[DRIIIING]

G : - NON ! non, restez où vous êtes. Je vais répondre.

Allô ! oui ?... C'est moi-même. Oui, je reconnais votre voix. Bonsoir, Mad(e)moiselle... le docteur... ah bien... oui, merci j'attends. [À MARC] C'est l'infirmière, elle me/ NON ! NON ! [PAN ! PAN !]

M : - AH ! AH !

G : - [MURMURÉ]... Pourquoi ?... oh, pourquoi, mon Dieu ?...

Allô ? Oui, oui je suis là, je… Bonsoir, Docteur... du courage ?... sans avoir repris connaissance... oui... oui... je comprends... non, non, je... non, c’est / c'est parfait, je préfère que... tout est très bien maint(e)nant... ah non, non, je veux dire que / je m'y attendais un peu, n'est-c(e)-pas... euh, oui... oui, bien sûr... comment ?… oh non, oh non je / je n(e) crois pas que je pourrais v(e)nir, non... non, c(e) n'est pas c(e)la, je… demain oui, peut-être… je vous r(e)mercie... bonsoir, Docteur... oh! un instant ! vous êtes là ? sauriez-vous me dire quel numéro je dois faire pour app(e)ler la police ?... le 17... bien, j(e) vous r(e)mercie... non, non, c(e) n'est rien, je.... non, bonsoir Docteur.

 

2 mai 2019

Le document authentique à des fins phonétiques (1)

 

 

     Nous autres, enseignants, aimons utiliser en classe de FLE des documents authentiques, car ils en disent souvent plus sur la langue et la culture françaises que les productions des auteurs de manuels. Ces documents nous motivent plus (c'est nous qui les avons choisis) et nous espérons que notre motivation sera partagée par nos étudiants. A contrario, les manuels offrent des supports répondant précisément à des objectifs linguistiques ou communicatifs, là où les documents authentiques sont évidemment moins ciblés.

     Il me semble préférable (au moins d'un point de vue linguistique) que l'objectif guide le choix du document authentique. Autrement dit, c'est parce qu'il répond particulièrement bien à l'objectif linguistique de la leçon que le document authentique doit être choisi. L'attractivité du document authentique (pour de nombreuses raisons, l'actualité par exemple) n'est qu'un argument secondaire par rapport à l'objectif linguistique qui doit primer.

     Il en est de même pour l'exploitation phonétique d'un document authentique. J'ai déjà détaillé les critères phonétiques devant, à mon sens, guider le choix d'une chanson à exploiter en classe : extrait court à mémoriser, lenteur, rythme musical et prosodique, mélodie facile, etc...

 

   J'ai entendu aujourd'hui à la radio la courte mélodie L'herbe tendre, chantée par Serge Gainsbourg et Michel Simon (1968). Je vous propose de discuter des avantages et inconvénients linguistiques / phonétiques de ce support. En voici ci-dessous une transcription orthographique présentant : les groupes rytmiques / musicaux, les syllabes accentuées (en gras), les liaisons et les enchaînements (soulignés). J'ai relevé les bizarreries rythmiques (***) et les dernières syllabes graphiques prononcées (* toujours plus basses que les syllabes accentuées).

 

 

D’avoir vécu / le cul / dans l’herbe ten-dre /*

Et d’avoir su m’éten-dre /*

Quand j’étais amoureux /

***J’aurai vécu /obscu-r et sans esclan-dre /*

En gardant le cœur ten-dre /*

Le long des jours heureux /

****Pour fai-re des vieux os /

(Il) Faut y aller / mo-llo /

(Ne) Pas abuser / de rien / pour aller loin /

(Ne) Pas se casser / le cul /

Savoir se fen-dre /*

De quelques baisers ten-dres /*

Sous un coin de ciel bleu. /

 

 

     Que pensez-vous d'un tel document sonore? D'un point de vue linguistique? Pensez-vous que ce document authentique puisse répondre à un / des objectifs phonétiques? Si oui, lesquels? Quels types d'exploitations peut-on proposer à partir d'un tel support?

 

 

    Je lance la discussion et j'ajouterai les arguments que vous posterez en "commentaires" (juste ci-dessous) :

Points négatifs

• Syntaxe : la grammaire est complexe : structure inversée "D'avoir vécu..., j'aurai vécu" (futur antérieur)

• Lexique : familier ("le cul", "y aller mollo" (doucement), "se casser le cul" (faire l'effort), "se fendre de" (faire l'effort), ...)

• Phonétique : les dernières syllabes graphiques prononcées ("ten-dre", "m'éten-dre",...)

 

Points positifs

• Phonétique : le découpage des groupes rythmiques correspond au rythme musical, à deux exceptions près : "j'aurais vécu obscu", "pour faire des"

• Phonétique : Les six premières lignes présentent 10 syllabes accentuées composées toutes d'une voyelle "typique" du français : [y, ø, ɑ̃ ]. On peut ajouter le [œ] des dernières syllabes graphiques prononcées.

• Phonétique Rythme : l'équilibre temporel est ici respecté puisque suivant une pulsation régulière on trouve (par exemple dans la première ligne) un groupe rythmique de 4 syllabes (pulsation sur la dernière syllabe), puis un groupe rythmique de 2 syllabes (pulsation sur la dernière syllabe), suivi d'un groupe de 4-5 syllabes (pulsation sur l'avant-dernière, qui est en fait la syllabe accentuée). Autrement dit : 1-2-3-4 / 1-2 / 1-2-3- 4   -5.

 

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