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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français

Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
18 juin 2014

Difficulté maximum ?

 

    C'est probablement la date de l'année la plus difficile à prononcer, déjà pour les Français... presqu'un virelangue !

    C'est une date historique : le général de Gaulle prononce, ce jour de 1940 sur les ondes de la BBC, un appel à la résistance invitant les Français à refuser la défaite et à combattre.

    C'est aujourd'hui le ... [ di zɥi ˈʒɥɛ̃ ] !

 

 

 

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17 juin 2014

[ səʊ ˈbrɪtɪʃ ]

 

     Voici une brève information de socio-phonétique rapportée dans la presse que j'ai transcrite ci-dessous... en Alphabet Phonétique International ! Qui va m'envoyer en commentaire l'équivalent orthographique de ces quelques lignes? N'hésitez pas à joindre toutes vos remarques ! C'est à vous !

 

[lŒkanaʁɑ̃ʃEˈne / mɛʁkʁŒˈdi sɛzaˈvʁil dømilkaˈtɔʁz //


sɑ̃nEfiˈni dyˈʃik dŒlaksɑ̃d*ɔksˈfɔʁd - lŒˈpwɛ̃ dydizaˈvʁil //
ɛ̃nɔ̃bʁŒkʁwaˈsɑ̃ / dŒʒœnpʁOfEsjOnɛlbʁitaˈnik / fõtɛ̃siaˈpɛl / osɛʁvisdŒkotʃvOˈko / puʁledebaʁaˈse / dŒsɛtakˈsɑ̃ / sinOnimdŒpʁiviˈlɛʒ / ekõsideʁedŒplyzɑ̃ˈplys / kɔmɛ̃ɑ̃dikappʁOfEsjOˈnɛl //


esilzEsEˈjɛ laksɑ̃fʁɑ̃ˈsɛ ]

 

 

 

 

16 juin 2014

Débat théorique : Analyse Contrastive vs. Chomsky

 

    Vous êtes nombreux à accéder à ce blog en cherchant des informations sur l'Analyse Contrastive. C'est pourquoi je vous propose un rapide face à face de deux théories de l'acquisition d'une Langue 2...

 

Lado, Robert       Chomsky

Robert LADO (1915-1995)                 Noam CHOMSKY (1928-)

 

    Je cherche ici à mettre en regard deux modèles théoriques sous-tendant l'acquisition d'une L2 et à tenter de détailler les arguments pouvant les opposer. Les deux modèles théoriques retenus sont : l'Analyse Contrastive et le modèle de Chomsky.

    Je rappellerai d'abord les environnements dans lesquels ces modèles ont vu le jour avant de confronter les positions prises par chacun. J'évoquerai ensuite dans le domaine de l'enseignement de la phonétique d'une L2 des modèles s'étant développés à partir de certaines des hypothèses des modèles théoriques retenus.

 

 

1. Robert LADO et l'analyse contrastive

L'hypothèse contrastive postule que l'acquisition de L2 est déterminée par la structure de L1. On retrouve l'origine de cette notion chez TROUBETZOY [1939] (aussi chez POLIVANOV, linguiste lié à l'Ecole de Prague, qui a examiné les problèmes de contact entre les langues : il a montré comment les sujets parlants une langue et donc doté d'un système phonologique donné étaient sourds aux particularités d'un système phonologique trop différent du leur", in Duchet, La phonologie, Que sais-je) qui fait l'hypothèse que l'apprentissage de la phonologie de L1 cause un filtre (ou "crible phonologique" dans la traduction de Cantineau) aux élèves  de L2 pour les différences acoustiques perceptives qui ne sont pas phonologiquement distinctives en L1. Selon l'auteur, le filtre phonologique empêche les élèves L2 de détecter auditivement les différences acoustiques qui distinguent les phones similaires en L1 et L2.

On ne rappelera jamais suffisamment la source : TROUBETZKOY, N.S., Principes de Phonologie, Kincksieck, Paris, 1967, 1939

Dans un paragraphe intitulé "Fausse appréciation des phonèmes d'une langue étrangère"

"(...) ce qu'on appelle "l'accent étranger" ne dépend pas du fait que l'étranger en question ne peut pas prononcer un certain son, mais plutôt du fait qu'il n'apprécie pas correctement ce son. Et cette fausse appréciation des sons d'une langue étrangère est conditionnée par la différence existant entre la structure phonologique de la langue étrangère et celle de la langue maternelle du sujet parlant. Avec les fautes de prononciation, il en va tout à fait de même qu'avec les autres fautes typiques dans le langage d'un étranger" (p. 56).

"Mais s'il [l'homme] entend parler une autre langue, il emploie involontairement pour l'analyse de ce qu'il entend le "crible phonologique" de sa langue maternelle qui lui est familier. Et comme ce crible ne convient pas pour la langue étrangère entendue, il se produit ne nombreuses erreurs et intercompréhensions. Les sons de la langue étrangère reçoivent une interprétation phonologiquement inexacte, puisqu'on les fait passer par le "crible phonologique" de sa propre langue" (p. 54)

 

C'est donc dans le domaine phonético-phonologique que l'hypothèse du filtre phonologique apparaît, annonçant l'hypothèse du transfert posée plus tard notamment par Robert LADO (1957) : Linguistics across cultures: Applied linguistics for language teachers, University of Michigan Press : Ann Arbor.

LADO [1957] - de mère hispanophone monolingue vivant aux Etats Unis - développe une méthode de mise en contraste des langues pour chaque niveau linguistique : phonético-phonologique, morpho-syntaxique, etc. Ses hypothèses se fondent sur des données empiriques. C'est dès le deuxième chapitre "How to compare two sound systems" qu'il précise les postulats de sa méthode contrastive. Et c'est encore une fois à partir du domaine phonologico-phonétique que l'hypothèse contrastive est développée.

a. Une conception behavioriste

Selon l'auteur, une nouvelle langue correspond à un nouveau système d'habitudes "automatiques ou semi-automatiques". C'est la force cohésive du système sonore qui empêche un locuteur d'une langue donnée de produire (distorsion) et d'entendre ("perception blind spots") les sons d'une autre langue.

b. La notion de transfert

L'élève a tendance à transférer son système linguistique natif dans le nouveau système linguistique. Il tend à transférer les phonèmes, leurs variantes, les accents et les schémas intonatifs et leur interaction avec d'autres phonèmes.

Exemple: un locuteur allemand et un locuteur espagnol apprenant tous deux l'anglais ont une prononciation différentes mais le locuteur allemand présente une grande similarité de distorsion avec un autre locuteur allemand.

c. Similitudes et transfert

Quand il y a "similitude" entre les unités, un simple transfert est opéré. Quand les unités se structurent différemment ou sont distribuées différemment, l'apprentissage est plus lent et les difficultés persistantes.

d. Une méthode descriptive et prédictive

Cette méthode contrastive, qui permettrait " de trouver la clef des difficultés et facilités des apprenants pour acquérir une langue nouvelle", (Giacobbe, 1990) implique:

a) une analyse linguistique de chaque système

b) une comparaison des unités des systèmes (phonèmes, variantes, distribution, accent et intonation)

c) une description des contrastes "gênants" (non respectés).

Ces données permettent, selon l'auteur, de décrire et prédire le comportement linguistique des élèves.

 

 

2. Noam CHOMSKY et la grammaire universelle

Les théories de référence de la méthode audio-orale ont été remises en cause par le célèbre article de Noam CHOMSKY (A review of B.F. Skinner's Verbal Behavior, Language, 1959). Suivant la linguistique générative, la compétence d'un locuteur dans sa langue ne peut être rendue compte par le schéma béhavioriste stimulus-réponse.

C'est dans l'idée d'une théorie générale du langage et de son acquisition que Chomsky aborde les problèmes liés à l'apprentissage d'une L2. L'ensemble de la théorie est centrée sur l'idée majeure de grammaire universelle (universal grammar, U.G.), essence du langage. Les principaux concepts de Chomsky sont développés à partir de l'acquisition de L1. Il postule que les humains ont une capacité biologique innée, spécialisée dans l'acquisition de la parole. Cette capacité permet de déterminer la structure grammaticale spécifique de la langue maternelle. Le dispositif biologique (Language Acquisition Device) est lié à la grammaire universelle. Plus précisément, un individu connaît des principes (qui s'appliquent à toutes les langues) et des paramètres (qui varient dans certaines limites d'une langue à l'autre).

Lors de l'apprentissage d'une L2 (au contraire de la L1), l'élève ne part pas d'un état initial zéro mais d'un point variable du processus d'acquisition de L1. Chomsky observe dans l'acquisition de L2 des faits qui sont justifiés par l'argument de la pauvreté du stimulus et qui montrent, d'après lui, que l'accès aux principes de la grammaire universelle continue à se faire sans qu'émergent des grammaires "sauvages" allant à l'encontre des principes de la grammaire universelle.

Suivant Chomsky, on peut poser trois hypothèses d'accès à la grammaire universelle pour l'apprentissage L2 :

H1 : l'élève repart directement de la grammaire universelle sans s'occuper des paramètres ajustés pour L1 (il dispose donc de deux incarnations de la grammaire universelle : une stable pour L1, une en devenir pour L2) ;

H2 : l'élève a un accès à la grammaire universelle médié par L1. L'élève part alors de l'incarnation de la grammaire universelle par L1, donc suivant les paramètres ajustés pour L1;

H3 : l'élève n'a pas accès à la grammaire universelle et la L2 est acquise par des moyens indépendants de la grammaire universelle et de L1.

 

Les études menées par les pro-Chomsky ont montré que H2 était la meilleure candidate. Le simple fait énoncé de Troubetzkoy à Lado que l'on relève des fautes communes à un groupe linguistique va à l'encontre de H1.

 

Le domaine de référence de Chomsky est essentiellement la syntaxe (ainsi que les tests menés pour confirmer ou infirmer ses hypothèses). Le travail de Chomsky sur la syntaxe est effectivement plus important et plus connu que son travail sur la phonologie. Mais il considère que les schémas phonologiques d'une langue sont une composante de sa grammaire (le LAD incluerait la totalité des traits phonétiques des langues du monde).

 

Dans The Sound Pattern of English [CHOMSKY & HALLE, 1968] :

"The hearer makes use of certain cues and certain expectattions to determine the syntactic structure and semantic content of an utterance...A person who knows the language should "hear" the predicted phonetic shapes... Notice, however, that there is nothing to suggest that these phonetic representations also describe a physicalor acoustic reality in any detail...Accordingly, there seems no reason to suppose that even a well trained phonetician couls detect such contours with any reliability or precision in a language that he does not know."

 

 

3. Confrontation des deux modèles théoriques

 

a. Empirique / théorique

Si l'hypothèse contrastive dit se fonder sur des analyses empiriques, le modèle de Chomsky se veut un modèle théorique qui cherchera ensuite à confirmer ses hypothèses par l'expérience.

 

b. Linguistique Appliquée / Linguistique Générale

Le modèle contrastif part de la comparaison de deux langues avec pour objectif de prédire les fautes d'un élève L2. Le modèle de Chomsky est une théorie générale du langage qui fonde ses concepts dans la linguistique de l'acquisition.

 

c. Comportemental (mécaniste) / Cognitif (mentaliste)

Déclinée à partir du domaine phonétique, le modèle contrastif se déclare béhavioriste (suivant le geste articulatoire). Au contraire, le modèle de Chomsky ne s'intéresse qu'à la structure interne de l'esprit humain et cherche ses justifications dans la syntaxe et ses structures.

 

d. Phonétique / Syntaxe

(cf.§c.)

 

e. Transfert / "Bounding nodes"

L'hypothèse contrastive prédit un transfert de toutes les formes de L1 sur L2. La théorie de la limitation (avec les "bounding nodes") illustrée par la syntaxe est la seule dans les développements chomskyens à pouvoir expliquer l'acceptabilité de formes fautives par les élèves L2. Ce n'est pas un modèle de transfert (application des paramètres de L1 sur L2) car le transfert, lui, est contraint.

 

 

4. Le domaine phonétique

 

a. Chomsky et la phonologie-phonétique

Dans "The Sound Pattern of English" [1968], (SPE), CHOMSKY et HALLE posent que la perception des traits phonétiques par un auditeur est déterminée par la composante phonologique de la grammaire spécifique de sa langue maternelle, dès que le sujet connaît sa langue (ce, pour distinguer un niveau initial d'acquisition d'un niveau non-initial). Mais si seule une personne qui connaît la langue entend les profils phonétiques prédits par la grammaire, comment ces patrons phonétiques seront-ils perçus par un sujet ne connaissant pas la langue? Autrement dit, comment la perception de détails phonétiques d'une langue non-connue diffère entre quelqu'un qui connaît déjà la grammaire spécifique d'une langue et quelqu'un qui n'a pas encore appris sa L1?

 

SPE répond sur la façon dont l'apprenant L1 acquiert une phonologie spécifique de L1, fondée sur l'"input" produit par son environnement. Mais SPE répond brièvement sur les difficultés d'élèves ayant déjà une expérience L1 pour percevoir les traits phonétiques universels dans une L2 : la connaissance des traits phonétiques universels n'est pas perdue mais c'est plutôt que les règles grammaticales spécifiques à une langue qu'un locuteur arrive à posséder traduisent les traits phonétiques de surface des énoncés en représentations phonologiques sous-jacentes en accord avec les principes grammaticaux de leur(s) langue(s). On ne s'avancera pas plus avant sur les postulats de CHOMSKY et HALLE sur les liens entre traits phonétiques et les représentations phonologiques.

Donc, ayant développé l'hypothèse de la grammaire universelle pour l'acquisition de la phonologie-phonétique d'une L1, CHOMSKY arrive au même point : dès que l'enfant a fixé les règles de la grammaire spécifique à sa langue maternelle, il "entend" les profils prédits par la composante phonologique de cette grammaire.

 

 

b. Critique de l'analyse contrastive

1) L'objection essentielle faite à l'analyse contrastive est qu'elle prédit des erreurs qui n'ont pas lieu.

KELLERMAN [1970], à la suite d'observations des erreurs d'élèves L2 constate des erreurs attribuables à la L1. Mais au contraire de LADO, KELLERMAN considère que toute forme n'est pas transférable : ce sont des contraintes propres à l'élève qui déterminent la transférabilité de la forme.

L'élève établit une "psycho-typologie" de la proximité entre L1 et L2. En opposition avec l'analyse contrastive classique, plus on perçoit de différences entre L1 et L2, plus l'incidence du transfert serait réduite.

D'autre part, chaque forme de la langue-cible est traitée comme une forme propre ("language specific") ou comme une forme neutre ("language neutral"). L'attribution à une de ces catégories varie en fonction de l'élève et durant l'évolution de l'apprentissage. Pour KELLERMAN, et dans la veine de la linguistique de l'acquisition de la décennie 1970, c'est l'élève et non le linguiste qui met les langues en rapport contrastif.

 

2) L'autre objection faite à l'analyse contrastive est qu'elle est issue de l'approche béhavioriste. Or, CHOMSKY, dès 1959, s'oppose au behaviorisme. Apprendre une langue, c'est acquérir non pas un simple système d'habitudes qui seraient contrôlées par les stimulus de l'environnement en particulier concernant l'apprentissage de la structure syntaxique. En fait, le débat autour du behaviorisme s'anime essentiellemnt autour de la syntaxe, les psycholinguistes ayant montré que le développement du langage chez l'enfant est indépendant des énoncés qu'il a l'occasion d'entendre, et qu'il ne répète correctement un énoncé que si la forme de cet énoncé correspond à celle qu'il est capable de produire spontannément. Ces critiques mettent en cause le noyau dur de la méthode audio-visuelle et de l'oral, ainsi que le concept même de progression grammaticale.

Mais s'il y a un domaine linguistique dans lequel quelquechose comme le behaviorisme pourrait encore avoir un sens, c'est bien le domaine phonétique.(cf la rééducation orthophonique)

 

FLEGE [1987] propose une approche psycho-motrice en précisant que les adultes sont moins capables que les enfants de modifier des schémas articulatoires précédemment établis. L'adulte peut tester l'intelligibilité de sa production et prendre le parti du moindre effort. Ce sont des facteurs moteurs (la notion de geste articulatoire est de plus en plus utilisée dans la littérature, la phonologie articulatoire de Browman et Goldstein) et des facteurs psycho-sociologiques qui peuvent alors empêcher l'élève adulte d'améliorer sa performance phonétique.

 

 

c. Analyse contrastive : vers le cognitivisme

Voici les réflexions de FLEGE [1979, 1981, 1984, 1993] qui s'inspirent de l'hypothèse contrastive.

Il travaille sur l'interférence phonétique au niveau segmental, en suivant l'idée généralement acceptée (WEINREICH [1968], VALDMAN [1976]) que les élèves L2 identifient les phonèmes de L2 en termes de catégories de L1 et comme résultat, qu'ils utilisent des patrons articulatoires établis pendant l'acquisition de L1 pour réaliser les phonèmes de L2.

Pour FLEGE, c'est un processus cognitif simple qui permet de percevoir des catégories constantes face à la variabilité inter- et intra-locuteur et aux divers contextes physiques de la communication. Un adulte apprenant une L2 dont l'inventaire des catégories phonétiques est bien établi en L1, et qui cherche constamment une information sensorielle à traiter, est prêt à juger des sons de L2, même différents auditivement des phones de L1, comme étant la réalisation d'une catégorie de L1, pour laquelle il est habitué à un grand nombre de variantes par catégorie.

A son tour en contradiction avec l'analyse contrastive classique, l'auteur prédit que si un nouveau son est composé de traits qui spécifient des sons qui existent dans la langue maternelle du locuteur, il sera appris avec peu de difficultés. Autrement dit, un son étranger qui représente un trou dans le schéma de l'inventaire phonologique de L1 devrait être facile à apprendre.

 

 

Conclusion

Nous avons vu que dans le domaine phonétique comme dans la plupart des domaines d'étude de la parole, les analyses à partir des données de l'expérience font l'objet d'interprétations différentes et permettent l'émergence de différents modèles théoriques quant à l'acquistion du système des sons de L2. De même les théories générales de l'acquisition du langage parviennent plus ou moins heureusement à intégrer les données de l'expérience. De LADO qui interprète les erreurs des élèves L2 comme des conséquences de l'influence de la langue source ("interlingual errors") jusqu'à DULAY et BURT (1982) qui traitent les mêmes erreurs comme des conséquences de généralisations incorrectes des données de la langue cible ("developmental errors") en passant par CHOMSKY qui cherche la trace des concepts développés pour l'acquisition de la L1 dans l'acceptabilité de formes fautives par les élèves L2, les données (rarement décrites en détail de point de vue acoustique et perceptif, sauf par FLEGE, MUNRAU) permettent, si ce n'est de développer une théorie de l'émergence de ces fautes, de construire un matériel pédagogique favorisant la correction de ces fautes récurrentes.

 

 

 

 

9 juin 2014

[œj]

 

    C'est une finale de mot que les étudiants n'aiment généralement pas du tout... Elle n'est pourtant pas si fréquente en français, mais elle est présente dans des mots utiles comme un œil, une feuille, un portefeuille, l'accueil et un mille-feuille pour les gourmands.

Mais aussi pour être presqu'exhaustif : le seuil, un fauteuil, un cercueil, le deuil, un recueil, il cueille, un clin d'oeil, un trompe-l'oeil, l'orgueil, le cerfeuil, le chèvrefeuille, il faut qu'elle veuille, un chevreuil (un bouvreuil), un écureuil.

    Il faut dire que les graphies - EUIL / -EUILLE / - ŒIL / - UEIL, ne sont pas faites pour calmer les esprits...

 

    Voici de quoi s'entraîner à produire [œj]...

 

 

 

 

 

L'écureuil et la feuille, de Maurice Carème.      [lEkyˈʁœj / elaˈfœj / dŒ *mOˈʁis kaˈʁɛm

 

Un écureuil, sur la bruyère,              [ɛ̃nEkyˈʁœj / syʁlabʁɥiˈjɛʁ

Se lave avec de la lumière.             [sŒˈlav / avɛkdŒlalyˈmjɛʁ

 

Une feuille morte descend,            [ynfœjˈmɔʁt dEˈsɑ̃

Doucement portée par le vent.      [dusŒˈmɑ̃ pɔʁˈte paʁlŒˈvɑ̃

 

Et le vent balance la feuille          [elŒˈvɑ̃ baˈlɑ̃s laˈfœj

Juste au dessus de l'écureuil;      [ʒystOdŒˈsy dŒlEkyˈʁœj

 

Le vent attend, pour la poser,     [lŒˈvɑ̃ a'tɑ̃ puʁlapO'ze

Légèrement sur la bruyère,        [lEʒɛʁˈmɑ̃ syʁlabʁɥiˈjɛʁ

 

Que l'écureuil soit remonté        [kŒlEkyˈʁœj  swaʁŒmõˈte

Sur le chêne de la clairière        [syʁlŒˈʃɛn dŒlaklEˈʁjɛʁ

 

Où il aime à se balancer           [uiˈlɛm asŒbalɑ̃ˈse

Comme une feuille de lumière. [kɔmynˈfœj dŒlyˈmjɛʁ]

 

 

 

29 mai 2014

Un héros de cartoon avec un french accent

 

    Pour beaucoup d'Anglo-Américains, l'accent français en anglais est représenté par un des héros des dessins animés de la Warner Bros : Pepé Le Pew.

(Pépé le Putois dans sa version française, qui a alors un accent de latin lover... italien !)

Précision zoologique : Pepé Le Pew est une moufette - comme Fleur dans Bambi, un animal qui n’existe qu’en Amérique du Nord… et pas en France !

Amusez-vous à imiter les caractéristiques phonétiques de l'accent français en anglais !

 

 

Chérie, chérie, je t'aime... I want to tell you I love you so, I can't pretend that I don't you know.... Do not say it's in vain...

Oh hello there ! I am so glad you could come ! You have never look more ravishing ! Do you mind waiting just for one minute, golden girl? While I slip into something more comfortable? Intimate, no? All right, I'm quite ready. Sit down darling !

 

 

(in Enseigner la prononciation du français : questions et outils, Paris : Hachette, 2007, pp.86-87)

La faculté d’imitation peut s’exercer dans de nombreuses activités de classe, dans la langue maternelle et ses accents régionaux, ses accents étrangers, et dans la nouvelle langue, en entraînant la souplesse de l’ego et la souplesse vocale.

Activités

Objectif : Corriger par l’imitation de l’accent français en langue maternelle (quand cet accent est familier), les caractéristiques suprasegmentales (rythme, intonation, accentuation) d’une production en français.

Support : Une phrase d’une longueur moyenne, facile à mémoriser, ou n’importe quelle production orale susceptible d’être corrigée (exemple : Je vais à la bibliothèque cet après midi).

Mise en oeuvre : Produire la même phrase traduite dans la langue maternelle mais marquée d’un énorme accent de touriste français (par exemple en anglais : I am goiiiing to the libraryyy zis afternoooon). Juste après, produire la phrase en français. Conclure qu’il est important d’ « entrer » dans la musique de la langue.

 

 

 

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27 mai 2014

Un virtuose des liaisons

 

    Bernard Guetta est un brillant journaliste français, qui a travaillé au journal Le Monde (1978-1990), a obtenu le prix Albert Londres en 1981, et intervient sur les questions géopolitiques depuis 1991 sur la radio France Inter. On peut entendre sa chronique Géopolitique du lundi au vendredi à 08h19 sur France Inter.

    Ce qui est immédiatement remarquable pour un phonéticien dans la parole de Bernard Guetta, ce sont les liaisons. Le flux de sa parole se caractérise par une extrême continuité, les groupes rythmiques sont souvent très longs, et par conséquent les possibilités de liaisons très nombreuses et généralement réalisées... parfois avec excès.

(voir les précédents posts du blog traitant des liaisons ici : (1), (2), (3).

    Il n'est pas question ici de porter un jugement sur la pratique des liaisons de ce journaliste. Je défends l'idée que la langue étant en évolution, l'usage fait loi. C'est donc comme simple observateur que je rentre dans le détail. Comme me le faisaient remarquer des oreilles innocentes : "Bernard Guetta ne fait aucune faute de liaison ! ". Autrement dit, pas de pataquès (quand on fait entendre un -T- final quand il y a un -Z- ou inversement, Je ne sais pas -T- à qui est-ce...), pas de cuir (quand on place un T, Le roi va -T- à Reims, lexicalisé dans l'expression va t'en guerre), pas de velours (quand on fait entendre un -Z- plutôt qu'un -T- : Ils étaient -Z- en vie. Il existe un velours lexicalisé dans l'expression entre quatre-z-yeux.)

   La pratique de la liaison est une marque prestigieuse de contrôle de la langue puisqu'elle précise les liens entre les mots : les mots ne sont plus juxtaposés comme des perles (Deux # euros), mais on indique, parfois sans nécessité absolue, leurs liens -Z- orthographiques. Il existe néanmoins des règles -Z- académiques, ordonnant les liaisons en -N- obligatoires, facultatives... ou interdites comme par exemple après la conjonction et, et # entre un nom singulier et l'adjectif qui le suit.

   Voici donc un petit jeu ! Lisez ci-dessous le texte de la chronique du 8 mai. Notez les liaisons que VOUS -Z-auriez NATURELLEMENT réalisées... puis comparez (-Z-?) avec la lecture de Bernard Guetta.

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Texte de la chronique Géopolitique de Bernard Guetta du jeudi 8 mai 2014 sur France Inter.

Vladimir Poutine baisse le ton

Une grande prudence s’impose mais la Russie paraît infléchir sa position sur l’Ukraine. La prudence s’impose car, depuis le début de cette crise, Vladimir Poutine, ses porte-parole et son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ont toujours soufflé le chaud et le froid pour mieux avancer leurs pions en semant le doute sur leurs intentions mais le président russe –c’est un fait- n’en a pas moins baissé le ton hier.

Premier changement, il a appelé les séparatistes pro-russes, qualifiés de « représentants de l’Ukraine du sud-est » et de « partisans d’une fédéralisation de ce pays », à « différer » le référendum qu’ils comptaient organiser dimanche prochain. Il peut l’avoir fait car, contrairement à ce qui s’était passé en Crimée, la Russie et ses partisans ne seraient en fait pas en situation de se prévaloir d’une bien grande participation à se scrutin illégal puisqu’ils ne contrôlent que peu de villes et qu’il n’y a pas de vrai mouvement de soutien populaire à leurs agissements.

Ce geste de bonne volonté pourrait bien ne relever que du réalisme mais, quand bien même serait-ce le cas, il n’en resterait pas moins que le réalisme est la première étape de la sagesse et qu’il y a là un élément de désescalade puisqu’un référendum, même grossièrement truqué, aurait créé une situation difficilement réversible. Ce premier point est d’autant plus positif que les séparatistes paraissent avoir obtempéré en affirmant leur « plus grand respect pour Vladimir Poutine » et déclarant : « S’il juge cela nécessaire, nous en discuterons évidemment ».

Leur décision devrait être connue aujourd’hui et le président russe a fait, dans la foulée, une deuxième concession, bien plus importante encore, en estimant que l’élection présidentielle ukrainienne du 25 mai pourrait se tenir à condition que les violences cessent. C’est là un complet changement de pied. On jugeait jusqu’à présent à Moscou que cette présidentielle était illégitime car organisée par un pouvoir qualifié de « putschiste » ou même de « junte fasciste de Kiev ». On en contestait d’avance le résultat mais Vladimir Poutine n’en rejette maintenant plus le principe en ne subordonnant sa reconnaissance qu’à un retour au calme c’est-à-dire, a précisé le Kremlin, à un arrêt de l’offensive des dirigeants ukrainiens contre les villes aux mains des séparatistes.

Si ces déclarations d’hier ne sont pas bientôt contredites par d’autres, elles pourraient ouvrir la voie au grand compromis auquel aspirent les capitales occidentales, un donnant-donnant, la présidentielle et la reconnaissance par la Russie du chef de l’Etat qui en sortirait en échange d’une réforme constitutionnelle qui, sous une forme ou l’autre, fédéraliserait l’Ukraine et donnerait ainsi à la Russie un droit de veto sur ses politiques.

Ce ne serait pas inacceptable car tel est le rapport de forces. Ce serait en tout cas mieux que la guerre et éviterait à la Russie l’isolement économique qui la menace mais on ne pourra commencer à y croire que lorsque les troupes russes se seront éloignées de la frontière ukrainienne. A entendre Vladimir Poutine, ce serait fait mais, non, ça ne l’est pas encore.

 

 

    Vous pouvez maintenant écouter cette même chronique avec le diaporama que voici et en suivant sur le texte présenté plus bas qui détaille toutes les liaisons académiquement possibles (obligatoires et facultatives) ou interdites. :

 

 

Une grande prudence s’impose mais la Russie paraît -T- infléchir [1] sa position sur l’Ukraine. La prudence s’impose car, depuis le début de cette crise, Vladimir Poutine, ses porte-parole et son ministre des -Z- [2]  Affaires -Z- étrangères [3], Sergueï Lavrov, ont toujours soufflé le chaud # et [4] le froid pour mieux -Z- avancer [5] leurs pions en semant le doute sur leurs -Z- intentions [6] mais le président russe c’est -T- un fait [7]- n’en a pas moins baissé le ton hier.

Premier changement, il a appelé les séparatistes pro-russes, qualifiés de « représentants de l’Ukraine du sud-est » et de « partisans d’une fédéralisation de ce pays », à « différer » le référendum qu’ils comptaient -T- organiser [8] dimanche prochain. Il peut l’avoir fait car, contrairement -T- à [9] ce qui s’était passé en Crimée, la Russie et ses partisans ne seraient -T- en fait [10] pas -Z- en situation [11] de se prévaloir d’une bien grande participation # à [12] ce scrutin # illégal [13] puisqu’ils ne contrôlent que peu de villes et qu’il n’y a pas de vrai mouvement de soutien populaire à leurs -Z- agissements [14].

Ce geste de bonne volonté pourrait bien ne relever que du réalisme mais, quand bien même serait-ce le cas, il n’en resterait pas moins que le réalisme est la première étape de la sagesse et qu’il y a là un -N- élément [15] de désescalade puisqu’un référendum, même grossièrement truqué, aurait créé une situation difficilement réversible. Ce premier point est d’autant plus positif que les séparatistes paraissent -T- avoir [16] obtempéré en -N- affirmant [17] leur « plus grand respect pour Vladimir Poutine » et déclarant : « S’il juge cela nécessaire, nous -Z- en [18] discuterons -Z- évidemment [19]».

Leur décision devrait -T- être [20] connue aujourd’hui et le président russe a fait, dans la foulée, une deuxième concession, bien plus -Z- importante [21] encore, en -N- estimant [22] que l’élection présidentielle ukrainienne du 25 mai pourrait se tenir à condition que les violences cessent. C’est là un complet changement de pied. On jugeait jusqu’à présent # à Moscou [23] que cette présidentielle était -T- illégitime [24] car organisée par un pouvoir qualifié de « putschiste » ou même de « junte fasciste de Kiev ». On -N- en [25] contestait d’avance le résultat mais Vladimir Poutine n’en rejette maintenant plus le principe en ne subordonnant sa reconnaissance qu’à un retour au calme c’est- -T- à-dire, a précisé le Kremlin, à un -N- arrêt [26] de l’offensive des dirigeants -Z- ukrainiens [27] contre les villes -Z- aux mains [28] des séparatistes.

Si ces déclarations d’hier ne sont pas bientôt contredites par d’autres, elles pourraient -T- ouvrir [29] la voie au grand compromis # auquel [30] aspirent les capitales -Z- occidentales [31], un donnant-donnant, la présidentielle et la reconnaissance par la Russie du chef de l’Etat qui en sortirait en -N- échange [32] d’une réforme constitutionnelle qui, sous -Z- une forme [33]  ou l’autre, fédéraliserait l’Ukraine et donnerait -T- ainsi [34] à la Russie un droit de veto sur ses politiques.

Ce ne serait pas -Z- inacceptable [35] car tel est le rapport de forces. Ce serait -T- en tout cas [36]  mieux que la guerre et éviterait -T- à la Russie [37] l’isolement # économique [38] qui la menace mais -Z- on [39] ne pourra commencer -R- à y croire [40] que lorsque les troupes russes se seront -T- éloignées [41] de la frontière ukrainienne. A entendre Vladimir Poutine, ce serait fait mais, non, ça ne l’est pas -Z- encore [42].

 

Voici dans le diaporama suivant un montage de toutes les liaisons réalisées par le journaliste. Afin d'améliorer le confort d'écoute, chaque occurence de liaison est répétée deux fois, et le débit a été ralenti.

 

 

 

Bernard Guetta réalise pratiquement toutes les liaisons du texte. Néanmoins, les liaisons suivantes semblent discutables :

• le chaud # et [4] le froid

• jusqu’à présent # à Moscou [23]

• contre les villes -Z- aux mains [28] des séparatistes.

 l’isolement # économique [38]

Ce dernier cas de liaison (académiquement interdite) entre un nom singulier et l'adjectif suivant, ne semble pas exceptionnel pour le journaliste. J'ai relevé dans sa chronique du 22 mai : le mandat -T- européen. [Ajout du 29 août : sommet -T- extraordinaire]

 

 Et vous? Où en est votre pratique des liaisons en français? Merci de me faire part de vos commentaires !

 

 

Bonus

Auguste Pataquès, par Hervé LeTellier (Des Papous dans la tête, 01/11/2015)

Auguste Pataquès

 

 

 

 

21 mai 2014

Jours, mois et saisons...

 

    Pour continuer sur l'expression du temps, Cléo, Nina et Paloma ont enregistré le nom des jours de la semaine ainsi que des mois et saisons de l'année.

Le diaporama ci-dessous est un exercice de répétition, en patrons d'échelons progressifs à gauche et / ou à droite, sans support écrit (les mots apparaissent après - ou avant leur écoute / répétition). On entend une jolie touche provençale dans la prononciation de Paloma quand elle dit "samedi" en 3 syllabes, là où les parisiennes Cléo et Nina prononcent le mot en 2 syllabes "sam(e)di".

Exemple1 : Lundi, le lundi, tous les lundis, ...

Exemple2 : Janvier, en janvier, en janvier prochain, ...

Exemple3 : Le printemps, ce printemps, le printemps dernier, ...

 

 

 

 

 

 

20 mai 2014

Phonétiquement équilibré

 

    Rémy Porquier de l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense (anciennement Paris X) est professeur honoraire en Sciences du langage. Ses domaines de spécialité sont la didactique et la linguistique. Son ouvrage avec Henry Besse : Grammaire et didactique des langues, LAL Didier (1984), est un classique du domaine. Il a récemment réalisé un émouvant recueil de textes littéraires qui traitent de l'apprentissage des langues, des accents et de la communication ... qui cherche toujours publication.

    Merveilleux narrateur, insatiable curieux, Rémy Porquier aime partager et transmettre.

    Il m'envoie aujourd'hui le message suivant :

 

"J'ai remarqué que les quatre fameux vers de Nerval (Les Chimères, El Desdichado, 1854):

   Je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé    [ʒŒsɥilŒtEnE'bʁø / lŒ'vœf / lɛ̃ksO'le

   Le prince d'Aquitaine à la tour abolie    [lŒpʁɛ̃sŒdaki'tɛn alatuʁabO'li

   Ma seule étoile est morte et mon luth constellé    [masœlEtwalɛ'mɔʁt / emõlytkõstE'le

   Porte le soleil noir de la mélancolie    [pɔʁtŒlŒsOlɛj'nwaʁ / dŒlamelɑ̃kO'li]

comporte toutes les voyelles orales - [et nasales] - du français, y compris les semi.

 

C'est nettement plus beau (bien que moins court) que celui que j'avais fabriqué, en 14 syllabes (une seule occurrence de chaque phonème vocalique) :

   Rendez-vous au vieux port le onze juin vers dix heures du soir

   ɑ̃de'vu / ovjø'pɔʁ / lə: z'ʒɥɛ̃ / vɛʁdizœʁdy'swaʁ]

ce dernier étant peut-être plus utile dans la vie sociale surtout qu'on peut permuter dix et onze selon les rencontres et l'heure des marées... "

 

 

 

12 mai 2014

Les listes de Cléo : dire l'heure

 

 

   Cléo, Nina et Paloma ont voulu enregistrer une nouvelle (longue) liste répondant à la question : Quelle heure est-il?

Deux façons de s'entraîner avec ce diaporama :

1. RÉPÉTER les énoncés APRÈS Cléo, Nina et Paloma ;

2. LIRE L'HEURE dès le "bip" et comparer ENSUITE avec l'enregistrement...

   Attention, c'est assez rapide !

Voici la première partie : les heures du matin.

 

 

 

 

Quelle heure est-il ?   [kElœʁE'til
Le matin. "C'est l'heure de se lever".    [lŒma'tɛ̃ / sElœʁdŒsŒlŒ've
Debout ! C'est l'heure de se lever.   [dŒ'bu / sElœʁdŒsŒlŒ've
Sept heures.   [sE'tœʁ
Sept heures et quart. Il est sept heures et quart.   [sEtœʁE'kaʁ / ilEsEtœʁE'kaʁ
Sept heures et d(e)mie.    [sEtœʁE'dmi
Huit heures moins l(e) quart.    [ɥitŒʁmwɛ̃lˈkaʁ
Huit heures.   [ɥiˈtŒʁ
Huit heures vingt.   [ɥitŒʁˈvɛ̃
Huit heures et demie.   [ɥitŒʁE'dmi
Neuf heures moins vingt.    [nŒvŒʁmwɛ̃ˈvɛ̃
Neuf heures.    [nŒˈvŒʁ
Neuf heures vingt cinq.    [nŒvŒʁvɛ̃'tsɛ̃k
Neuf heures et demie.    [nŒvŒʁE'dmi
Dix heures moins vingt cinq.    [dizŒʁmwɛ̃vɛ̃'tsɛ̃k
Dix heures.    [di'zŒʁ
Dix heures cinq.    [dizŒʁ'sɛ̃k
Dix heures et d(e)mie.    [dizŒʁE'dmi
Onze heures moins cinq.    [õzŒʁmwɛ̃'sɛ̃k
Onze heures.    [õ'zŒʁ
Onze heures dix.    [õzŒʁ'dis
Onze heures et d(e)mie.    [õzŒʁE'dmi
Midi moins dix.    [midimwɛ̃ˈdis
Midi.    [miˈdi
Midi et quart.    [midiEˈkaʁ
Midi et d(e)mie.    [midiE'dmi
J'ai faim ! C'est l'heure de déjeuner.    [ʒEˈfɛ̃ / sElŒʁdŒdEʒŒˈne
Une heure moins l(e) quart.    [ynŒʁmwɛ̃l'kaʁ
Une heure.    yˈnŒʁ]

 

 

 Deuxième partie : les heures de l'après-midi, du soir et de la nuit...

 

 Attention ! Pour les heures de l'après-midi, deux solutions : soit "Une heure et demie", soit "13 heures 30". "*13 heures et demie" n'est pas possible.

 "Dans le français contemporain coexistent deux manières de dire l'heure (...), manières qui naguère encore étaient très inégales socialement et culturellement. La première, longtemps la seule admise en société "distinguée", et la seule utilisée par la littérature, divise les vingt-quatre heures de la journée en deux fois douze, et compte chaque fois de zéro à douze en précisant du matin pour le premier groupe, de l'après-midi ou du soir pour le deuxième : trois heures du matin, onze heures et demie du soir, etc. Quand le contexte est suffisamment clair, on s'abstient de préciser s'il s'agit du matin ou du soir. Il n'y a pas de zéro heure ni de douze heures, qui sont respectivement minuit et midi. (...)
 La deuxième méthode est infiniment plus logique et plus commode. Elle nomme les heures de zéro à vingt-quatre, et les minutes de zéro à soixante (...) C'est une méthode ingénieuse, d'origine technique et d'un emploi qui fut longtemps exclusivement administratif. Elle avait cours surtout à propos des horaires de chemin de fer : "l'express de vingt-deux heures quarante"(...) Aussi n'était-il pas rare qu'on jugeât que se servir d'elle, en dehors de ce contexte ferroviaire, c'était user d'un français de "chef de gare" (...)
 Mais comme beaucoup de façons de s'exprimer qui passent ou qui passaient pour "vulgaires", elle se répand rapidement dans l'ensemble du corps social. Elle s'est déjà assuré une sorte d'exclusivité pour tout ce qui présente un caractère officiel, public ou semi-public. "Vernissage à 18h30". Même dans le cadre d'activités purement privées, dès lors qu'elles revêtent un caractère collectif ou si peu que ce soit de solennité, c'est le système moderne de préciser les heures qui l'emporte. "Le docteur X vous propose un rendez-vous à 14h30". L'ancien système ne garde plus comme champ d'application que l'aire de l'intimité : "Nous ne dînons jamais avant neuf heures". (Répertoire des délicatesses du français contemporain, R. Camus, Points, P.O.L. Editeur, 2000).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelle heure est-il ?   [kElœʁE'til
L'après-midi    [lapʁEmiˈdi
Une heure. Treize heures    [yˈnŒʁ / tʁE'zŒʁ]
Une heure et demie. Treize heures trente.    [ynŒʁE'dmi / tʁEzŒʁ'tʁɑ̃t
Deux heures moins le quart. Treize heures quarante cinq.

[døzŒʁmwɛ̃lˈkaʁ / tʁEzŒʁkaʁɑ̃tˈsɛ̃k
Deux heures. Quatorze heures.
   [døˈzŒʁ / katɔʁˈzŒʁ
Deux heures vingt. Quatorze heures vingt.
[døzŒʁˈvɛ̃ / katɔʁzŒʁˈvɛ̃
Deux heures et demie. Quatorze heures trente. [døˈzŒʁE'dmi / katɔʁzŒʁ 'tʁɑ̃t
Trois heures moins vingt. Quatorze heures quarante.  [tʁwazŒʁmwɛ̃ˈvɛ̃ / katɔʁˈzŒʁka'ʁɑ̃t
Trois heures. Quinze heures.  [tʁwaˈzŒʁ / kɛ̃ˈzŒʁ
Trois heures vingt cinq. Quinze heures vingt cinq.  [tʁwazŒʁvɛ̃tˈsɛ̃k / kɛ̃zŒʁvɛ̃tˈsɛ̃k
Quatre heures. Seize heures.   [kaˈtʁŒʁ / sɛˈzŒʁ
Cinq heures moins vingt cinq. Seize heures trente cinq.   [sɛ̃ˈkŒʁmwɛ̃ˈvɛ̃tˈsɛ̃k / sɛˈzŒʁ'tʁɑ̃t'sɛ̃k
J'ai faim. C'est l'heure de goûter. [ʒE'fɛ̃ /sELœʁdŒguˈte
Cinq heures. Dix-sept heures.   [sɛ̃ˈkŒʁ / disɛˈtŒʁ
Cinq heures dix. Dix-sept heures dix.   [sɛ̃kŒʁ'dis / disɛtŒʁ'dis
Six heures. Dix-huit heures.    [siˈzŒʁ / dizɥiˈtŒʁ
Sept heures moins dix. Dix-huit heures cinquante.   [sE'tœʁmwɛ̃dis / dizɥiˈtŒʁsɛ̃kɑ̃t
Le soir...    [lŒˈswaʁ
Sept heures. Dix-neuf heures.   [sE'tœʁ / diznŒˈvŒʁ
Sept heures cinq. Dix-neuf heures cinq.   [sEtœʁˈsɛ̃k / diznŒvŒʁˈsɛ̃k
Huit heures. Vingt heures.   [ɥiˈtŒʁ / vɛ̃ˈtŒʁ 
J'ai faim. C'est l'heure de dîner.  [ʒE'fɛ̃ /sELœʁdŒdiˈne
Neuf heures moins cinq. Vingt heures cinquante cinq.   [nŒˈvŒʁmwɛ̃ˈsɛ̃k / vɛ̃ˈtŒʁsɛ̃kɑ̃tˈsɛ̃k
Neuf heures. Vingt-et-une heures.    [nŒˈvŒʁ / vɛ̃tEyˈnŒʁ
Je suis fatigué. C'est l'heure de se coucher.   [ʒŒsɥifati'ge /sELœʁdŒsŒkuˈʃe
Neuf heures et demie. Vingt-et-une heures trente.  [nŒvŒʁE'dmi / vɛ̃tEyˈnŒʁ'tʁɑ̃t
La nuit...    [la'nɥi
Dix heures. Vingt-deux heures.    [di'zŒʁ / vɛ̃ndøˈzŒʁ
Dix heures et quart. Vingt-deux heures quinze.  [dizŒʁEˈkaʁ / vɛ̃ndøzŒʁˈkɛ̃z
Onze heures. Vingt-trois heures.    [õ'zŒʁ / vɛ̃ntʁwaˈzŒʁ
Onze heures vingt. Vingt-trois heures vingt.   [õ'zŒʁvɛ̃ / vɛ̃ntʁwaˈzŒʁvɛ̃
Minuit. L'heure du crime...   [mi'nɥi / lœːʁdyˈkʁim
Minuit et demie.   [minɥiE'dmi
Une heure du matin.   [ynŒʁdymaˈtɛ̃
Deux heures du matin.  [døzŒʁdymaˈtɛ̃
Trois heures du matin.   [tʁwazŒʁdymaˈtɛ̃
Quatre heures du matin.   [katʁŒʁdymaˈtɛ̃
Cinq heures du matin.   [sɛ̃kŒʁdymaˈtɛ̃
Six heures du matin.    [sizŒʁdymaˈtɛ̃
Sept heures du matin.  [sEtœʁdymaˈtɛ̃
Debout ! C'est l'heure de se lever.   [dŒ'bu / sElœʁdŒsŒlŒ've

 

 

 

10 avril 2014

Du prestige des paires minimales

(voir aussi sur le sujet des paires minimales, le post du 7 décembre 2017)

 

   La linguistique structurale (initiée par Ferdinand de Saussure en 1916) conçoit la langue comme un système, une structure, d’éléments en opposition (ou en équivalence) les uns avec les autres.

Ferdinand de Saussure

Ferdinand de Saussure

    Dans l’analyse phonologique structurale, une paire minimale est une paire de mots qui ne sont distingués (et donc qui s’opposent) que par une seule différence phonétique. Par exemple, les mots « main / ment » constituent une paire minimale : le changement de voyelle phonétique, [mɛ̃] / [mɑ̃] produit un changement de sens. L’existence de cette paire minimale prouve qu’en français, [ɛ̃] et [ɑ̃] sont des valeurs oppositives fonctionnelles : ce sont deux phonèmes vocaliques du français.

   De même, les mots « pin / bain » ([pɛ̃] / [bɛ̃]) forment une paire minimale. Ces deux mots, aux sens distincts, attestent de l'opposition fonctionnelle de [p] et [b] en français : ce sont deux phonèmes consonantiques du français.

   Les paires minimales sont donc l'outil de base du linguiste qui traite de la matière sonore d'une langue. Elles constituent les preuves de l'existence des phonèmes, et des rapports d'opposition, de distinctivité qu'ils entretiennent. Le linguiste, le phonologue, le phonéticien citent souvent des paires minimales par exemple pour rappeler une opposition dans une une analyse distributionnelle (voir par exemple le post sur les voyelles d'aperture moyenne).

   Les paires minimales sont aussi mises en évidence dans les jeux de mots : exemple de titre du Carnard Enchaîné : "Hongrois rêver !" [g/k] ("On croit rêver"). Mais aussi dans les lapsus, les contrepétries... et les perceptions / productions erronées des étudiants étrangers. Une étudiante chinoise, pour qui l'opposition [k/g] en français était problématique, s'étonnait du titre du célèbre roman français "Légume des jours" / "L'écume des jours" de Boris Vian.

 

   Je ne résiste pas au plaisir de partager un exemple tiré d'un petit ouvrage de prononciation de l'anglais que j'aime particulièrement : TRIM, John, KNEEBONE, Peter, English Pronunciation Illustrated, Cambridge University Press, 1965. Il s'agit d' «énoncés minimaux», délicieusement illustrés, mettant en évidence dans le cas ci-dessous l'opposition créée par la division des mots en anglais.

Trim1

 

   En apprentissage de la prononciation d’une langue étrangère, les paires minimales constituent un outil traditionnellement utilisé pour présenter un phonème de la langue qui n'existe pas dans la langue des apprenants (par exemple [y] dans Tu), en opposition avec un phonème ayant un équivalent dans la langue des apprenants et avec lequel ce nouveau phonème risque d'être confondu (par exemple [y], souvent confondu avec [u] de Tout).

   En classe, on demande à l’écoute d'une paire minimale (l’attention n’est qu’auditive, portée sur la forme) si les mots entendus sont identiques ou différents ("nu / nous"). Les mots de la paire doivent être prononcés avec la même intonation pour que la différence ne porte que sur l’opposition travaillée. On cherche alors avec l'apprenant à décrire les phonèmes en opposition en termes acoustiques (plus aigu, plus grave...), articulatoires (plus ouvert, plus fermé, plus antérieur, plus postérieur...) et esthétiques (plus lumineux, plus sombre…).

   Une fois ces caractéristiques oppositives établies, on entraîne à la perception de cette distinction par des exercices de discrimination. « Vous allez entendre deux mots : sont-ils identiques ou différents ? » Ces exercices se font bien sûr sans support orthographique. La correction est immédiate.

   En perception, on distingue les exercices de discrimination (à l’écoute d’une suite de mots – le plus souvent une paire, dire s’ils sont identiques ou différents) des exercices d’identification dits aussi de repérage (à l’écoute d’une suite de mots – le plus souvent une paire, identifier le mot portant un son particulier).

   L’entraînement perceptif à la discrimination et à l'identification est essentiel. Il doit être important et régulier sur les oppositions posant problème. On considère en effet généralement qu’une opposition ne peut être produite consciemment que si elle est d’abord bien perçue. Les rapports entre la perception d’une opposition et sa production sont pourtant complexes. Ce n’est pas parce qu’on entend une différence qu’on est capable de la reproduire, mais il est rare de produire consciemment une opposition que l’on n’entend pas.

   Il revient à l’enseignant d’établir des listes de paires minimales ordonnées en difficulté croissante : présentant le son d’abord en syllabe accentuée (dernière syllabe phonétique du mot), puis en syllabe initiale, enfin en syllabe médiane. Les manuels de phonétique proposent tous des exercices de discrimination, mais avec un petit nombre d’items pour des raisons de place mais aussi parce que les mots du lexique constituant des paires minimales sont souvent en nombre très limité (et très variable suivant les oppositions) surtout si le niveau est pris en compte.

 

   On comprend bien que les paires minimales, preuves pour le linguiste ou le phonologue de l'opposition entre deux phonèmes, soient constituées de mots du lexique (à une différence sonore correspond une différence de sens). Mais l'entraînement à la prononciation d'une langue étrangère a-t-il besoin d'utiliser des paires de vrais mots ? Il ne s'agit plus de faire la preuve d'une opposition (la preuve est faite), et le public auquel on s'adresse est constitué d'apprenants, non de linguistes ! Il s'agit donc plutôt en classe d'utiliser du matériel sonore permettant l'entraînement systématique à la perception de deux unités distinctives que l'apprenant risque d'avoir des difficultés à distinguer dans la nouvelle langue.

   On peut donc s’interroger sur la nécessité d’utiliser le lexique comme support d’une activité d’abord perceptive, non dirigée vers le sens. D’ailleurs, les mots extraits du lexique, même s’ils ont la légitimité de leur origine, sont alors présentés hors contexte et ne sont donc pas porteurs de sens dans la mise en oeuvre de l’exercice. Si la préoccupation du sens en enseignement des langues est généralement toujours louable, elle semble ici atteindre ses limites puisque l’entraînement auditif à la perception ne vise pas l'accès au sens. L'utilisation de vrais mots laisse même entendre qu'ils peuvent exister ainsi, de manière isolée, alors que ce n'est que très rarement le cas à l'oral. L’essentiel, dans le cas de l'entraînement à la discrimination auditive, n’est-il pas que les items proposés respectent les règles phonotactiques du français, c’est-à-dire suivant des combinaisons de phonèmes communes en français ?

 

   Pourquoi alors ne pas se dégager de la contrainte lexicale (la recherche d’un lexique utilisé hors contexte peut être considérée comme fastidieuse) et concevoir les exercices de perception de façon systématique respectant les contraintes phonotactiques du français, à utiliser comme des gammes (ce sont des exercices rapides), qui offrent un matériel abondant et dont on peut alors contrôler précisément la progression ?

   Lorsque les (jeunes ou futurs) enseignants conçoivent un exercice de phonétique traitant d'une opposition phonologique, ils sont généralement prioritairement inquiets du corpus, et non de l'organisation de l'exercice (sa place dans la progression, sa mise en oeuvre optimale en classe, la structure même de l'exercice, le mode de correction,...) Et nous voilà souvent partis avant toute chose à la pêche aux paires minimales, comme si ces pépites linguistiques allait conférer un prestige suffisant pour assurer l'intérêt de notre exercice. Non ! Si les paires minimales représentent un intérêt linguistique, leur intérêt pédagogique n'est pas plus élevé que des logatomes (c'est-à-dire de faux mots comme "gu" (/ goût") mais qui existe dans le mot "ambigu"). Il est bien plus utile d'organiser les contenus en difficulté croissante : par exemple en laissant visible dans un premier temps l'articulation de la bouche - peu utile il est vrai dans le cas [y]/[u], ou en suivant les contextes facilitants (voir les Verbo-tonalistes), en multipliant les stimuli d'entraînement, etc...

Alors, afin d'en finir avec ce leurre pédagogique, voici des paires minimales mises à disposition pour ne plus avoir à les chercher (on remarquera les distributions lacunaires...)

(cliquez sur les tableaux pour les agrandir)

 D'abord les paires minimales Consonne + Voyelle (CV) :

PairMinCV

 

Puis les paires minimales Consonne + Voyelle + Consonne (CVC) :

CVC

 

... et des logatomes systématiques Consonne + Voyelle + Consonne (CVC). Je ne suis bien sûr ni le premier ni le seul à inciter à la pratique des exercices de discrimination et d'identification à partir de logatomes plutôt que de vrais mots. Jean-Guy LEBEL, entre autres, dans ses propositions de workout, détaille des logatomes systématiques.

LEBEL, Jean Guy (1990), Traité de correction phonétique ponctuelle, Québec : Les Editions de la Faculté des Lettres de l’Université Laval, 278 p.

 

Logat1

Logat2

 

 

 

    À la suite d’un entraînement en perception à la discrimination, puis à l’identification, il est tentant de travailler les paires minimales également en production. Mais rappelons-le, ce n’est pas parce qu’un différence fonctionnelle est perçue qu’elle est produite de façon satisfaisante. On fait alors répéter le son cible dans différents contextes (peu, te, que, bœufs, deux, gueux…) avant de faire répéter les paires minimales issues de la paire de confusion (peu / pou, te / tout, que / cou…).

    J'attire l’attention sur le fait que la répétition de paires minimales constitue une tâche difficile, puisqu’elle juxtapose, comme un vire-langue (tongue twister), les termes de la confusion. Les paires minimales doivent avant tout être un outil pédagogique permettant l'entraînement systématique à la perception, c'est-à-dire à l'établissement de nouvelles catégories perceptives.

 

 (voir aussi sur le sujet des paires minimales, le post du 7 décembre 2017)

 

 

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