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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
11 mai 2021

Jens-Kristian et l'écriture inclusive

    

      Jens-Kristian, jeune astrophysicien danois multilingue, me parle en français d'un projet impliquant "des étudiants slash étudiantes". Face à ma réaction amusée, il développe son point de vue critique sur l'écriture inclusive, qui alimente tous les débats en ce moment (il suffit de taper "écriture inclusive" dans les moteurs de recherche) et précise que la langue danoise n'est heureusement pas concernée puisqu'il n'existe en danois qu'un genre commun (en mand : un homme ; en kvinde : une femme) et un genre neutre (et hus : une maison).

     Notre échange me rappelle la lecture de Le Français hors de France, sous la direction de A. VALDMAN (Paris : Ed. Honoré Champion, 1979). Dans le chapitre "Le Français en Afrique Noire" par Gabriel Manessy (p.343) :

"J.-P. Makouta (1973, 75) cite un exemple curieux de transposition en français du mécanisme bantu d'accord : dans les langues de ce groupe, tous les éléments d'un groupe nominal portent une même marque qui est une variante du préfixe de classe propre au substantif qui en est le "noyau". Le français n'a pas d'accord de classe mais il a un accord en genre et l'application au second de la règle propre au premier engendre les énoncés suivants :

"Nous voulons des hôpitaux pour les hommes et des hôpitales pour les femmes, des écoles normales pour les jeunes filles et des écoles normaux pour les jeunes garçons. Enfin et enfine, nous demandons la création des tribunales pour la brousse comme il y a des tribunaux dans les centres urbains."

Il est à noter que "enfin et enfine" se justifie par le fait que le sous-préfet, auteur du discours, parle au nom de tous ses administrés, hommes et femmes, "heureux et heureuses d'être venus nombreux et nombreuses" souhaiter la bienvenue au préfet. L'interférence se complique ici d'une extension analogique de l'opposition de genre du nom à l'adverbe. Des phénomènes analogues sont décrits à propos du français de République Centrafricaine par P. Roulon (1972, 152)."

     Quand l'interférence des langues bantoues en français anticipait avec panache l'écriture inclusive du XXIème siècle...

 

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7 mai 2021

Spelling, dictées et épellation

 

 

     En épelant certains mots à Erwan qui va  bientôt avoir 9 ans, je me rends compte que la pratique orale du Spelling à l'américaine est bien éloignée de notre apprentissage à la française de l'orthographe écrite sous forme de dictées. J'aimerais décrire ici ces deux pratiques pédagogiques très culturelles.

     On distingue grossièrement pour la maitrise de la langue écrite :

• la grammaire (en anglais, grammar) : l'ordre des mots, la structure de la phrase, les conjugaisons, les accords ...

• le vocabulaire (en anglais, vocabulary) : le choix et la variété des mots, les synonymes, ...

• et l'orthographe (en anglais, spelling) : les mots écrits de façon conforme.

     Le mot orthography existe bien en anglais, comme synonyme de spelling (et éventuellement en englobant tout ce qui concerne l'écrit : la ponctuation, les majuscules, etc), mais aussi en mathématique pour parler de projection orthogonale.

 

 

     Je ne peux m'empêcher d'associer le mot spelling à l'action d'épeler oralement les mots. C'est une pratique rare en France, sauf pour préciser l'orthographe d'un nom propre, ou de façon plus générale pour dire oralement la façon d'écrire un mot. J'ai souvent conseillé à des amis ayant un patronyme à l'orthographe complexe, d'épeler par syllabe pour favoriser la compréhension de l'interlocuteur. Par exemple : Jaskarzec : J-A-S / K-A-R / Z-E-C.

     En cherchant un éventuel substantif du verbe épeler dans le dictionnaire Le Robert, je m'arrête d'abord sur la définition du verbe : 1° Nommer successivement chacune des lettres d'un mot. Exemple : Voulez-vous épelez votre nom? • 2° Apprendre, commencer à lire • 3° Lire lentement, avec difficulté. Exemple : Epeler laborieusement le texte grec.

     Je trouve ensuite le substantif épellation (que je n'ai jamais entendu dans la vraie vie) : action d'épeler.

     L'épellation donc, est une pratique suffisamment rare en français, pour qu'elle ne soit pas si familière ni à produire, ni à entendre. Elle semble réservée à préciser l'orthographe des noms propres. Je pense au sketch Le Télégramme (1950) d'Yves Montand (l'amoureux) et Simone Signoret (l'employée du télégramme) :

MONTAND :
Eugène Sue me regarde... Je t'aime

SIGNORET :
Eugène? Comme le prénom?

MONTAND :
Oui...

SIGNORET :
Ensuite?

MONTAND :
Sue... Eugène Sue.

SIGNORET :
Épelez...

MONTAND :
S comme Suzanne, U comme...

SIGNORET :
Ursule!

MONTAND :
Oui et E... comme Eugène ! Héhé !

SIGNORET :
Sue!

MONTAND :
Mais oui, mademoiselle ! vous savez bien, « Les Misérables », « Les Trois Mousquetaires »...

 

 

     Le Spelling est par contre une pratique très courante et ritualisée aux Etats-Unis, où les épreuves "d'orthographe" se passent à l'oral (cf. Spelling Bee). Un mot est donné oralement au candidat. Il le répète, puis l'épèle et enfin le répète une dernière fois. Par exemple : Orthography. L'élève doit dire : "Orthography. O-R-T-H-O-G-R-A-P-H-Y. Orthography".

     Voici un extrait du film Akeelah and the Bee (2006), où l'héroïne doit épeler le mot argillaceous lors d'un concours Spelling Bee.

 

 

 

 

     En France, l'orthographe ne s'évalue traditionnellement qu'à l'écrit, par des dictées. On compte le nombre total de fautes : fautes d'orthographe, mais aussi de grammaire (conjugaisons, accords, ...) et de ponctuation, de majuscules, de tirets... On évalue ainsi la conformité du texte écrit.

     On connaît la célèbre dictée de Prosper Mérimé, les dictées de l'animateur de télévision Bernard Pivot, les dictées de l'émission En français dans le texte sur la radio France Culture, les dictées du Balfroid pour les élèves de 6ème en Belgique, ... et la dictée de Topaze de Marcel Pagnol (1928):

 

 

 

     Pour conclure phonétiquement sur le verbe épeler, je ne peux pas ne pas évoquer l'ambiguité entre : vous m'ép(e)lez [vu mEple], et tu me plais [ty mŒplE] / vous me plaisez [vumŒplEze], ambiguité exploitée dans au moins deux films : Le corniaud (1965) avec Bourvil et Le boureau des cœurs (1983) avec Aldo Maccione, dont voici les extraits sonores :

VousMepelez

 

 

 

 

 

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