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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
8 novembre 2017

Donald Trump sous le coup de la loi française… des 3 consonnes

 

    C’est un sujet souvent discuté et toujours discutable : quand et comment on prononce (ou pas) le E graphique sans accent (quand il n’est pas prononcé [e] « dessin » ou [ɛ] « mer »), ce E dit muet, caduc, instable, et transcrit traditionnellement en alphabet phonétique par le symbole [ə] (alors qu’il se réalise labial c’est-à-dire [ø, œ] ou une valeur intermédiaire).

 

    A Saint-Rémy-de-Provence, Roseline me dit : « Vous, à Paris, vous coupez les mots, vous ne les prononcez pas en entier. » Devant mon air étonné, elle précise : « Vous dites Vill’franch’, alors que moi, je dis Vi-lle-fran-che ! » (Je noterai dorénavant les E non prononcés entre parenthèses (Vill(e)franch(e)), et les E prononcés soulignés (Villefranche).

 

    C’est vrai, la prononciation ou non de E (en finale mais aussi à l’intérieur des groupes rythmiques) est extrêmement variable suivant la variété de français, mais aussi le registre (a priori moins d’effacements de E en registre formel), la situation (les mamans à la sortie des écoles n’effacent pas : « Je ne te le redirai pas ! »), le type de discours (la chanson : Frère Jacques, Douce France… ; la poésie : Je ne parlerai pas, je ne penserai rien – Rimbaud)...

 

    Mais en français « standard » (c’est-à-dire non marqué régionalement), le E final n’est généralement pas prononcé : « Je te présent(e) mon frèr(e) Jacqu(es). »

 

    Pour les E à l’intérieur des groupes rythmiques, la situation est souvent d’une grande confusion pour les oreilles non-natives. En effet, on entend :

Cette semaine…. mais, la s(e)maine prochaine

Une petite… mais, la p(e)tite.

 

    Pourquoi ? Parce que la possibilité d’effacer ce E suit une règle inconsciente appelée grossièrement par Grammont « loi des trois consonnes » (ou L3C). En effet, en français, on prononce deux consonnes phonétiques sans difficulté, mais trois consonnes peuvent poser problème.

*Cett(e) s(e)main(e) [sɛtsmɛn], *un(e) p(e)tit(e) [ynptit] font apparaître 3 consonnes successives, groupe infranchissable.

 

    La situation est en fait un peu plus nuancée. On peut prononcer 1 consonne + 2 consonnes (ex : dans c(e) train), mais on ne peut pas prononcer 2 consonnes + 1 (ex : vendredi).

 

    On peut affiner cette règle encore plus (voir Bonus 2), d’où ce sujet intarissable.

 

    C’est cette règle qui explique qu’on prononce : quatre fois ([ka-tʁə - fwa]) ou quat(re) fois ([kat-fwa])…

    Et plus insolite encore et toujours cité dans les cours de phonétique :

Un ours blanc, prononcé [œ̃ -nuʀ - sə - blɑ̃] (un – nour - se – blanc), alors que le E graphique n’existe pas. Il y a ajout d’une voyelle épenthétique pour éviter le franchissement de 4 consonnes.

 

Trumppolar_bear

 

    C’est ce qui permet à certains journalistes de Radio France de soumettre Donald Trump à cette loi française des 3 consonnes en prononçant avec une voyelle épenthétique :

Do – nal - de – Trump [dɔ-nal-də-tʁœmp]

 

 

Bonus 1

La capacité à franchir des groupes de consonnes varie suivant les langues. Là où le polonais et le gallois enchaînent les consonnes sans difficulté (avec des consonnes dites syllabiques), le japonais ne peut franchir un groupe de 2 consonnes. Dans les emprunts, le japonais insère donc des voyelles d’appui (en général [ɯ] (ou [o]). Exemple : MacDonald, prononcé [ma-kɯ–do-na-lɯ-dɯ].

Et Donald Trump [do-na-le-do-to-lam-pɯ], d'après Kyoko.

 

Bonus 2

Remarques de Pierre R. LÉON, dans Prononciation du français standard, 1966, p.73.

« Le maintien ou la chute de E caduc peuvent provenir de multiples facteurs. En dehors de considérations stylistiques, on prononce davantage d’E caducs : pour être mieux compris (problème de perception) ; quand se présente un groupe de consonnes inhabituel (problème de distribution). Des facteurs psychologiques peuvent aussi intervenir : ainsi l’E caduc, précédé de plus d’une consonne prononcée, tombe plus facilement à la jointure de deux mots dissociables, comme dans port(e)-manteau, que dans un mot unique, comme appartement. Un autre facteur très curieux est celui du rythme. En particulier dans les mots composés, l’E caduc à la jointure (et précédé de plus d’une consonne prononcée), reste si le deuxième terme du mot composé n’a qu’une syllabe ; s’il a plus d’une syllabe, l’E caduc tombe presque toujours. On prononce ainsi :

garde-meuble, garde-côte, garde-boue, porte-plume, porte-clé

mais gard(e)-malade, gard(e)-côtier, gard(e)-barrière, port(e)-monnaie, port(e)-cigarette, port(e)-crayon, etc… »

 

 

 

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3 novembre 2017

Forme d'empathie et tolérance exacerbée?

 

    On m’a signalé un film français qui évoque la question de « l’accent étranger »… ce qui n’est pas si fréquent.

 

    Maurice Barthélémy, acteur et réalisateur, a signé en 2017 une comédie intitulée « Les Ex ». On y trouve un personnage secondaire singulier, Alberto, joué par l’acteur Michael Bensoussan (sous le pseudonyme de Estéban).

 

    Ce personnage comique est un peintre que l’on découvre dans une scène, face à un juge français pour un divorce, où il ne parle qu’espagnol. On le retrouve ensuite dans deux scènes dans lesquelles il parle franco-espagnol, ce qui est d’abord moqué (« yeudi matin ou yeudi après-midi »), puis qui lui est reproché (« tu ne veux pas apprendre le français une bonne fois pour toutes ? »). On découvre finalement dans une autre scène que le personnage parle parfaitement français (« je suis né à Villeparisis, en Seine-et-Marne »), mais qu’il utilise un accent pour provoquer « une forme d’empathie, de tolérance exacerbée» !

 

 

    Voici les scènes dans lesquelles le personnage intervient :

 

 

 

   

    Avoir un accent étranger provoquerait l’empathie des interlocuteurs ? Quelle étrange idée… En effet, ce n’est déjà pas du tout ce qui se passe dans le film. Le rôle est comique, on lui reproche de ne pas savoir parler français (énervement du juge– alors que personne ne parle espagnol), on imite l’accent du personnage… Aucune empathie ici.

 

    Les étudiants étrangers avec lesquels je travaille ne me parlent jamais d’attitudes empathiques face à leur accent, mais ils me rapportent plutôt de tristes expériences illustrant le peu de tolérance des Français face aux accents étrangers.

 

    Voici une courte histoire racontée par Cristina. Cristina est une jeune femme espagnole. Un jour, à Paris, une dame âgée s’adresse à elle et lui demande un renseignement sur l’arrêt d’un bus. Quand Cristina commence à lui répondre, avec son accent hispanophone, la dame détourne simplement le regard et s’éloigne, sans un mot… Rien d’empathique ici non plus. Par contre une violente intolérance dont Cristina parle encore…

 

    Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous des expériences d'empathie provoquée par un accent étranger ?

 

 

 

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