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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
4 juin 2013

Le continuum vocalique

 

     Le trapèze (ou triangle) vocalique est une figure fondamentale en phonétique, je l'ai souvent présenté sur ce blog.

     Ce schéma articulatoire illustre toutes les possibilités de timbres vocaliques d'un conduit vocal humain, tous les timbres des voyelles orales des langues du monde y sont présents. Même après des années de pratique phonétique, l'espace défini par ce trapèze continue à me fasciner. Savoir que tous les timbres de toutes les langues du monde s'y trouvent ordonnés, cela invite à l'exploration...

     Cet espace est diversement divisé par les langues en unités fonctionnelles. Comme le continuum des couleurs de l'arc-en-ciel est arbitrairement divisé en couleurs par les cultures. [ 6 couleurs pour le physicien Thomas Young, 7 pour Isaac Newton - comme les notes de musiques, les jours de la semaine... ; il n'y a qu'un seul mot pour nommer le bleu, le vert et le gris naturels en breton, gallois, ancien irlandais et moyen irlandais : "glas" ... ]

     L'espagnol et le japonais divisent l'espace vocalique en cinq timbres fonctionnels. Le français en 10 (les 10 timbres fonctionnels des voyelles orales). Les langues ajoutent aux timbres vocaliques d'autres paramètres tels que la durée (en opposant voyelles brèves et longues, comme en anglais ou en arabe), la diphtongaison (présentant deux cibles vocaliques dans une seule syllabe comme en anglais, en allemand, en portugais), la nasalité (en abaissant le voile du palais et permettant les résonances nasales, comme en français, en portugais...), etc.

 

     Les voyelles, comme leur nom l'indique, sont faites avec la voix (alors que les con-sonnes = sonnent avec les voyelles).

     On peut chanter sur une voyelle (a-a-a-a) alors qu'on ne peut pas chanter sur une consonne (en particulier les occlusives : p-p-p-p !)

     Dernière caractéristique fondamentale : on peut passer d'une voyelle à une autre en une transition continue (exemple : le i-a des cow-boys américains "yeehaa!"), alors que ce n'est pas possible avec les consonnes (p-t).

 

Explorer le continuum vocalique

     Les voyelles constituant un continuum, on peut très facilement chanter sur une note stable une modulation progressive des voyelles. La représentation du triangle vocalique est particulièrement adaptée, puisque l’enseignant et / ou l’élève suit du doigt le glissement. Ce glissement est très progressif : il doit permettre de produire toutes les articulations intermédiaires et ainsi toutes les valeurs intermédiaires entre les deux sons, et d'entraîner ainsi son oreille à percevoir la diversité des timbres résultant de ce glissando. Parmi ces valeurs, certaines seront regroupées en valeurs fonctionnelles, les regroupements variant d'une langue à une autre. C'est pourquoi il me semble vraiment intéressant d'acquérir de la souplesse tant en production qu'en perception de cette variété vocalique. Ce glissement suit les axes du trapèze : de fermé à ouvert (et vice versa), d'étiré à arrondi (et vice versa). On évitera, dans un premier temps au moins, l'axe antérieur / postérieur souvent générateur de beaucoup de confusion.

 

i – e – ɛ – a (inspirer) a – ɛ – e – i (inspirer)

u – o – ɔ – a (inspirer) a – ɔ – o – u (inspirer)

i – y – i – y (inspirer) e – ø – e – ø (inspirer) ɛ – œ – ɛ – œ (inspirer)

y – ø – œ – a (inspirer) a – œ – ø – y (inspirer)

 

     En voici un exemple sonore susceptible de servir d'échauffement. Cette pratique demande de la détente (respiration) et de la concentration afin d'éprouver la continuité articulatoire et les correspondants sonores.

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28 mai 2013

La voyelle [u]

(Rappel :

• le digraphe <ou> des mots nous, vous, tout, est transcrit en Alphabet Phonétique International par le symbole [u] ;

• le graphème <u> des mots tu, vu, bu, est transcrit en API par le symbole [y].)

 

[y] est considéré comme une voyelle bien française ("Bienvenue", "Salut!", "Comment vas-tu?"), alors qu'elle n'est pas si fréquente : elle ne représente en fréquence d'occurence que 4,4% des voyelles d'un vaste corpus de français oral (Wioland, 1991). Elle est présente dans quelques mots outils : Tu, du, sur ... et dans les participes passés de verbes fréquents : vu, lu, bu, reçu, vendu, ...)

[u] retient moins l'attention. Parce que c'est une voyelle cardinale (qui se trouve dans un coin du trapèze vocalique, comme [i] et [a]) et qu'elle est souvent décrite comme présente dans toutes les langues du monde. Elle représente en fréquence 5,6% des voyelles en français oral. On la trouve dans de nombreux mots outils : Nous, Vous, tout, toujours, beaucoup... et dans Bonjour, l'amour... Sa mauvaise prononciation est un important marqueur d'accent "étranger" en français.

Le fait d'avoir ces deux voyelles dans le système vocalique français incite les natifs à maximiser leurs différences : très antérieure et aigüe pour [y] (c'est un [i] arrondi), très postérieure et grave pour [u].

La confusion de ces deux voyelles peut nuire à la communication, et au mieux faire rire : si la confusion est presque attendue dans le sens [y] prononcé [u], elle semble surprenante dans le sens [u] prononcé [y]. Merci beaucoup! / Merci beau cul! ; C'est à nous! / C'est à nu!... où la prononciation de [u] en [y] peut être comprise comme de l'hypercorrection.

 

[u] pose problème aux anglophones qui ont une voyelle correspondante diphtonguée, plus aigüe [yu].

[u] pose problème aux japonophones qui ont une voyelle moins arrondie, plus "intérieure" et moins grave, généralement transcrite [ɯ].

Voici un cOUrt poème de Jacques Prévert, tiré dU recueil Paroles, intitUlé "Chanson" qui présente des [u] en syllabe accentUée et en syllabe inaccentUée.

La mUsique est l'OUvertUre de l'opéra de Richard Wagner, Lohengrin, par Claudio Abado et l'orchestre de l'Opéra de Vienne.

 

 

Chanson, de Jacques Prévert

Quel jOUr sommes-nOUs
NOUs sommes tOUs les jOUrs
Mon-amie
NOUs sommes tOUte la vie
Mon-amOUr
NOUs nOUs-aimons et nOUs vivons
NOUs vivons et nOUs nOUs-aimons
Et nOUs ne savons pas ce que c'est que la vie
Et nOUs ne savons pas ce que c'est que le jOUr
Et nOUs ne savons pas ce que c'est que l'amOUr.

Et en Alphabet Phonétique International :

[ ʃɑ̃'sõ / dɶ *ʒakpʁe'vɛʁ //
kɛl'ʒuːʁ / sɔm'nu //
nu'sɔm / tule'ʒuːʁ / mõna'mi /
nu'sɔm / tutla'vi / mõna'muʁ //
nunuzE'mõ / enuvi'võ //
nuvi'võ / enunuzE'mõ //
enunɶsavõ'pa / sɶkɶ'sɛkɶla'vi /
enunɶsavõ'pa / sɶkɶ'sɛkɶlɶ'ʒuʁ /
enunɶsavõ'pa / sɶkɶ'sɛkɶla'muʁ //]

 

 

16 mai 2013

La voyelle [ø] (eu fermé) en dEUx chansons

J'aime utiliser de courts extraits de chansons très ciblés phonétiquement, afin que musique et paroles soient rapidement mémorisées et puissent être sollicitées à tout moment pour l'entraînement phonétique.

Je propose ici deux extraits de chanson pour travailler la voyelle [ø] (eu fermé, qui représente une difficulté phonétique pour de très nombreux apprenants, en particulier hispanophones, italophones, arabophones, japonophones...), par différents interprètes pour varier les voix ... et multiplier les écoutes.

 

1. Michel Berger : Chanter pour cEUx, interprété par Michel Berger, Davy Sicard / Shy'm, Anthony Touma, Laam, Christophe, Johnny Hallyday / Montserrat Caballé.

"Je vEUx chanter pour cEUx / qui sont loin de chez-EUx / et qui ont dans leurs-yEUx / quelque chose qui fait mal, qui fait mal..."


2. William Sheller : Un homme hEUrEUx, interprété par William Sheller, Florian, Louane, Joseph-Emmanuel.

"Mais si ça ne vaut pas la peine / que j'y revienne / il faut me le dire au fond des-yEUx / Quelque soit  le temps que ça prenne / quelque soit l'enjEU, je vEUx-être-un-homme-hEUrEUx."

On pourra poser la question du timbre utilisé par les interprètes pour les mots monosyllabiques tels que : je, de, me, le, que, quelque, ... Pour ma part, j'entends très souvent un [ø], ne serait-ce que pour des raisons d'harmonie vocalique...

Comme activité complémentaire, on peut suggérer aux apprenants séduits par ces chansons, d'aller chercher les mots en [ø] dans la totalité du texte.
 

Et vous? avec quelle(s) chanson(s) travaillez-vous la voyelle [ø] ?

 

 

 

15 mai 2013

La consonne R en français (3)

Rappel des épisodes précédents (1) et (2) (du plus facile au plus difficile)

1. R en finale absolue après voyelle ; "Elle part", "Il est mort".

2. R + Consonne #  : "Ils partent", " Elle est morte".

2bis. R + Consonne : "Il est parti".

3. R en position intervocalique (entre deux voyelles): "Le garage" mais aussi avec l'enchaînement "encore une", "par hasard".

-----------------

Il reste à voir deux positions de R dans lesquelles son articulation peut poser des difficultés :

• [R] en position initiale d'énoncé. Il n'y a alors plus d'appui vocalique. "Reviens !", "Refais-le !", "Rouge", "Rien !"

Les prénoms : Romane, Roxanne, Rose, Rachel, Rosalie, Raphael, Robin, Richard, Rachid, Romaric, Renaud, Robert, Romain, Rémi...

Les villes : Rennes, Reims, Rouen, Roubaix, Rambouillet, Rochefort, Roanne, Romainville, Roissy, Rodez, Royan...

Le RE / R- de réitération : refaire, redire, revoir, reprendre, remettre, recommencer, revenir, repartir, recopier, remonter, redescendre, recharger, recoller, recoiffer, rejouer, repeindre, replier..., racheter, rhabiller, rapporter, remporter, ramener, remmener, rallumer, rallonger, rappeler, rendormir,...

 

Je ne résiste pas à proposer un document peut être difficile mais créatif et susceptible de générer une activité. Il s'agit de la chanson des Frères Jacques "Monsieur Lepetit le chasseur" (extrait de l'album De "l'entrecôte"... à "la confiture"). Dans cette chanson, le R de réitération est comiquement surexploité, proche du virelangue :

La femme du chasseur / accueille son amant /Bonjour mon grand
La femme du chasseur / Raccueille son Ramant /Rbonjour mon Rgrand

Ils prennent du café / avec des croissants / Ils s(e) font des baisers /
Et ils sont contents/ Taïau Taïau Taïau
Ils Rprennent du Rcafé / avec des Rcroissants / Ils R(se) font des Rbaisers /
Et ils Rsont Rcontents/ RTaïau RTaïau RTaïau
 

J'ai Ralenti de 20% le tempo de la chanson...

 

 

 

Dernière position à travailler : [R] après consonne. C'est généralement le cas le plus difficile, pour au moins deux raisons : d'abord le R dans cette position est plus tendu ce qui amène souvent l'apprenant à revenir aux caractéristiques du R de sa langue maternelle ; ensuite le R connaît particulièrement dans cette position une variation en fonction de la consonne qui le précède suivant le phénomène d'assimilation. Le R est sourd au contact d'une consonne sourde (dans les groupes pR, tR, kR, fR, sR...) alors qu'il est sonore au contact d'une consonne sonore (dans les groupes bR, dR, gR, vR, zR...). On travaillera R :

- soit dans une rencontre consonantique : "cette remarque", "avec rapidité",...

- dans les groupes consonantiques d'abord sourds ("Le prix ?", "Très !", "Trop !", "Crie !", "Il fait frais" ...) , puis sonores ("Mon bras", "Des draps", "C'est gras !", "C'est vrai"...) Ce dernier cas représente pour beaucoup le maximum de difficulté.

 

Dernier exercice récapitulatif de la leçon consacrée à R du manuel D'accord (Carduner, Hagiwara, 1982)

 

Question de transcription

Les symboles de l'Alphabet Phonétique International pour R français sont : [ʁ] quand il est sonore, [χ] quand il est sourd. Il s'agit des deux symboles des fricatives uvulaires (cf. tableau des consonnes de l'API). Pour d'évidentes raisons de simplification, on utilise abusivement R pour transcrire ce son : c'est ce que j'ai fait moi-même dans les trois messages traitant de cette consonne, en omettant néanmoins soigneusement l'usage des crochets phonétiques strictement réservé aux symboles API. Car [R] en API décrit un trille uvulaire, c'est-à-dire un R roulé dans la gorge, comme dans certaines chansons de Piaf, dit aussi R grasseyé.

 

Conclusion

R est la consonne la plus fréquente en français, il est donc important de bien la prononcer. R se rencontre dans des positions et contextes divers dans le mot, ce qui représente différents niveaux de difficulté. Ce n'est donc jamais R qui pose problème en général, mais R dans certaines positions ou contextes particuliers qu'il faut connaître pour concentrer son effort. Par exemple, R en position finale absolue ne pose pratiquement problème pour personne, quelques minutes d'entraînement suffisent généralement à le maîtriser, et quelques heures de travail pour le fixer. C'est une bonne entrée pour commencer à apprivoiser cette consonne indispensable étape par étape. Alors au travail !

 

 

10 mai 2013

Les sons et les syllabes fréquents en français

Dans Prononcer les mots du français (Hachette, 1991), François Wioland donne un grand nombre d'informations passionnantes sur la fréquence des sons et des syllabes en français, tirées "d'échantillons représentatifs qui totalisent 200.000 phonèmes" que j'utilise souvent en cours (entre autres pour la construction de logatomes) et que je reprends ici.

 

DSC07052

 

Fréquence d'occurence des phonèmes dans le discours

Consonnes : /R/ (7,25%), /s/ (6%), /l/ (5,63%), /t/ (5,33%), /k/ (4,06%), /d/ (4,03%), /m/ (3,84%), /p/ (3,71%), /n/ (3,09%), /v/ (2,75%), /j/ (2%), /ʒ/ (1,66%), /z/ (1,53%), /f/ (1,4%), /w/ (1,4%), /b/ (1,31%), /ʃ/ (0,53%), /ɥ/ (0,51%), /g/ (0,47%) : Total = 56,55%

Voyelles : /E/ (/e/+/ɛ/) (10,6%), /a/ (8,55%), /i/ 5,12%, /Œ/ (/ø /+/œ/) (4,31%), /O/ (/o/+/ɔ/) (3,36%), /ɑ̃/ (3,09%, /u/ (2,43%), /ɔ̃/ (2,25%), /y/ (1,9%), /ɛ̃/ (1,84%) : Total 43,45%.

"Les mots les plus fréquents dans le discours sont des monosyllabes comme [a] (la préposition "à" et le verbe avoir "a"), [e] ("et"), [la] ("la"), [dŒ] ("de", transcrit ici avec l'archiphonème [də] / [dœ] ou [dø]) , [sE] ("c'est", transcrit ici avec l'archiphonème [sɛ] ou [se]) pour ne citer que les premiers, qui se situent toujours à l'intérieur d'une unité rythmique."

 

 

Syllabes les plus fréquentes (C = consonne ; V = voyelle)
(1 : syllabes CV ; 2 : syllabes CCV ; 3 : syllabes CVC )

/i/ : 1. [si], [di], [ki], [wi]
2. [pɥi], [lɥi], [sɥi], [ski], [pRi]
3. [diR], [kil], [tiR], [mil], [sil], [til], [dit], [tiR], [ziR], [niR]

/y/ : 1. [dy], [ty]
2. [ply]
3. [syR], [tyR], [tyn]

/E/ : 1. [sE], [lE], [tE], [dE], [nE], [ʒE]
2. [pRE], [tRE]
3.
[fɛR], [kɛl], [pɛR], [sɛR], [mɛm], [tɛR], [sɛt], [vɛk]

/Œ/ : 1. [dŒ], [kŒ], [ʒŒ]
2. [skŒ], [tRŒ]
3. [lœR], [tœR], [jœR]

/a/ : 1. [la], [pa], [sa]
2. [mwa], [vwa], [kwa], [tRa], [lja]
3. [paR]

/O/ : 1. [kO], [vO], [pO], [nO], [tO]
2. [pRO], [tRO], [sjO]
3. [lɔR], [kɔm], [kɔR], [pɔR], [fɔR]

/u/ : 1. [vu], [tu]
2. [ʒvu], [tRu], [gvu]
3. [puR], [ʒuR]

/ɛ̃/ : 1. [bɛ̃], [tɛ̃], [sɛ̃], [zɛ̃]
2. [bjɛ̃], [tjɛ̃]
3. [kɛ̃z], [vɛ̃t]

/ɑ̃/ : 1. [mɑ̃], [dɑ̃], [tɑ̃]
2. [lmɑ̃], ([fRɑ̃]), [pRɑ̃], [tRɑ̃], [dmɑ̃]
3. [sɑ̃t], [pɑ̃s], [mɑ̃d], [fɑ̃s], [sɑ̃s], [Rɑ̃t], [tɑ̃t], [kɑ̃t]

/ɔ̃/ : 1. [nɔ̃], [kɔ̃]
2. [sjɔ̃]
3. [dɔ̃k], [kɔ̃t]

 Ce sont ces syllabes fréquentes qui ont été enregistrées dans le diaporama ci-dessus. Dans le cas des archiphonèmes /E/, /Œ/, /O/, la tendance générale du français a été suivie : phonèmes ouverts en syllabe fermée, phonèmes fermés en syllabe ouverte.

 Merci à Karen, Emmanuelle, Emile, Olivia, Sophie et Cléo pour leur participation.

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8 mai 2013

Rythme : l'alexandrin

J'ai eu récemment l'occasion de travailler avec une comédienne japonaise sur l'alexandrin dans le théâtre classique. Si la langue de l'alexandrin est souvent difficile, sa pratique constitue un excellent exercice phonétique puisque le cadre rythmique est contraint. Et la comédienne a rapidement pris beaucoup de plaisir et d'assurance à entrer dans cette régularité rythmique "comme on entre dans une danse"... avant d'envisager la casser pour redonner la priorité à son jeu.

L'alexandrin est un vers de douze syllabes, le plus souvent composé de deux hémistiches de six syllabes chacun. C'est ainsi qu'il est présenté par Nicolas Boileau qui en a été un fervent promotteur dans L'art poétique (1674).

Extrait de : De tous les animaux... (Satire VIII), de Nicolas Boileau.

Les "e" prononcés sont soulignés. Entre parenthèses, une proposition de découpage, correspondant à l'enregistrement du diaporama.

(À M. M., docteur de Sorbonne)

De tous les animaux qui s’élèvent dans l’air, (6/6)
Qui marchent sur la terre, ou nagent dans la mer, (6/6)
De Paris au Pérou, du Japon jusqu’à Rome, (6/3/3)
Le plus sot animal, à mon avis, c’est l’homme. (6/4/2)
Quoi ! dira-t-on d’abord, un ver, une fourmi, (1/5/2/4)
Un insecte rampant qui ne vit qu’à demi, (6/6)
Un taureau qui rumine, une chèvre qui broute, (6/6)
Ont l’esprit mieux tourné que n’a l’homme ? Oui sans doute. (6/3/1/2)
Ce discours te surprend, docteur, je l’aperçoi. (6/2/4)
L’homme de la nature est le chef et le roi : (6/3/3)
Bois, prés, champs, animaux, tout est pour son usage, (1/1/1/3/6)
Et lui seul a, dis-tu, la raison en partage. (3/1/2/6)
Il est vrai de tout temps, la raison fut son lot : (3/3/3/3)
Mais de là je conclus que l’homme est le plus sot. (3/3/2/4)

 

Le diaporama est illustré d'œuvres issues de la série Bestiario de l'artiste numérique italien Francesco Sambo.

2 mai 2013

Les listes de Cléo (5)

C'est devant le placard de vêtements de leurs parents que Cléo et Nina ont enregistré leur nouvelle liste : les vêtements ("... bah les habits !").


A partir de cette liste, on peut proposer de regrouper les mots présentant la même voyelle accentuée. Par exemple [y] dans : un pull, des chaussures, un costume, un pull à capuche, une jupe, une ceinture,... Par exemple [ɔ̃] dans : un caleçon, un pantalon, des chaussons. Ou les mots qui finissent par la consonne [R] (cf. "La consonne [R] en français (1)) : des chaussures, un peignoir, un tailleur, un foulard, une ceinture.

On peut aussi regrouper les mots par nombre de syllabes, par structure syllabique (syllabes accentuées ouvertes ou fermées),...

[le'listŒdŒ *kle'o // lEvɛtmɑ̃ //lEzabi
ɛ̃'pyl // ynʃŒ'miz // ɛ̃ti'ʃœːʁt // ɛ̃'slip // ɛ̃kal'sõ // ɛ̃mɑ̃'to // ɛ̃paʁa'plɥi // dEʃO'syʁ // dEʃO'sɛt // ynkʁa'vat // yn'vɛst // ɛ̃kOs'tym // ɛ̃pɑ̃ta'lõ // ɛ̃pO'lo // ɛ̃pylaka'pyʃ // ɛ̃bO'nE // yne'ʃaʁp // ɛ̃piʒa'ma // ynʃŒmizdɶ'nɥi // ɛ̃pE'ɳwaʁ // ɛ̃ʃŒmi'zje // yn'ʒyp // yn'ʁɔb // ɛ̃ta'jœːʁ // ɛ̃sutjɛ̃'gɔːʁʒ // ynky'lɔt // dEkO'lɑ̃ // ɛ̃saka'mɛ̃ // ɛ̃ʃa'po // ɛ̃fu'laʁ // dEbas'kɛt // ɛ̃'ʤin // ynsɛ̃'tyʁ // dEʃO'sõ //dEsɑ̃'dal // dE'bɔt // dE'gɑ̃ //]

30 avril 2013

Les listes de Cléo (4)

Pour présenter les couleurs, Cléo et Nina ont décrit leur boîte de feutres. Elles ont ajouté "la couleur..." avec la voyelle [œ], et "un feutre..." avec la voyelle [ø], deux voyelles qui représentent une difficulté pour de nombreux apprenants. De quoi s'entraîner !

24 avril 2013

La consonne R en français (2)

Rappel : Dans le message précédent, nous avons vu que la consonne R se prononce SANS la pointe de la langue (contrairement au R roulé), mais AVEC un très léger recul de l'arrière de la langue. Nous avons pratiqué le R dans deux positions plutôt faciles :

1. Voyelle+R# :  "Je pars", "Il est mort" ;

2. Voyelle +R+Consonne#   : "Ils partent", " Elle est morte".

 

En exploitant ces paradigmes grammaticaux (on parle aussi de morpho-phonologie), on trouve :

Masculin / féminin : vert / verte - ouvert / ouverte - offert / offerte - expert / experte - désert / déserte - picard / picarde - motard / motarde - vieillard / vieillarde - blafard / blafarde - renard / renarde - bavard / bavarde - banlieusard / banlieusarde - campagnard / campagnarde - fort / forte - mort / morte ...

Singulier / pluriel : il perd / ils perdent - il dort / ils dorment - il sort / ils sortent - il mord / ils mordent - il part / ils partent ...

Du nom au verbe : le retard / il retarde - du fard / elle se farde - le cafard / elle cafarde - le hasard / Il hasarde... - le bazar / il bazarde - un lézard / il lézarde - le port / il porte - un apport / il apporte - un rapport / il rapporte - un report / il reporte - un support / il supporte - l'export/ il exporte - le transport / il transporte - le bord / il borde ...

Et je pense avoir presque épuisé les ressources de ces paradigmes...

 

À ces listes de paires de mots (souvent loin d'être fréquents) sans contexte et dont certains manuels se font une spécialité, je préfère la pratique des gammes qui me semble d'autant plus efficace qu'elle ne vise pas un éventuel accès au sens (cf. message "Traitement linguistique vs. traitement auditif"). Puisqu'il s'agit dans un premier temps de s'entraîner à pratiquer de nouveaux gestes articulatoires, il ne semble pas crucial d'utiliser de vrais mots (surtout décontextualisés et souvent inadéquats au niveau des apprenants). La pratique des gammes ne nécessite aucune recherche lexicale fastidieuse de la part de l'enseignant, qui peut alors concentrer son attention sur des mises en œuvre variées en classe. Les gammes sont aussi un outil facile à transmettre aux apprenants qui peuvent ainsi à leur tour construire leur matériel d'entraînement en fonction de leurs besoins propres. Et un étudiant qui construit ses exercices est un étudiant qui réussit. On veille juste à respecter les règles phonotactiques du français, qui sont, avec les phénomènes d'enchaînement, de liaison et d'effacement, beaucoup plus riches qu'on croit.

J'ai conçu ici des gammes en 2 syllabes : [o-C1aRC2#], C1 et C2 étant des consonnes qui varient.


opaaaa - Rp, opaaaa - Rt, opaaaa - Rk,

opaaaa - Rb, opaaaa - Rd, opaaaa - Rg,
opaaaa - Rf, opaaaa - Rs, opaaaa - Rʃ,

opaaaa - Rv, opaaaa - Rz, opaaaa - Rʒ,
opaaaa - Rm, opaaaa - Rn, opaaaa - Rl,

otaaaa - Rp, otaaaa - Rt, otaaaa - Rk,
otaaaa - Rb, otaaaa - Rd, otaaaa - Rg,...

okaaaa - Rp, okaaaa - Rt, okaaaa - Rk,
okaaaa - Rb, okaaaa - Rd, okaaaa - Rg,...

(comme : éparpillé, ils partent, au parc, par Boulogne, pardi, par Guy, par faire, par sortir, parchemin, parvenu...)

 

 ... en suivant l'ordre des consonnes (et c'est aussi à cela que servent les tableaux de l'API) :

(occlusives)      ptk / bdg,
(fricatives)        fsʃ / vzʒ,
(nasales et autres)  mnlR.

Fin du rappel

---------------------------------------------------------

La position suivante qu'il faut pratiquer est Voyelle+R+Consonne+Voyelle, où R ne se trouve plus en syllabe finale accentuée, mais à l'intérieur du groupe rythmique en position inaccentuée.

"Ils paRtent" - "Il est paRti là-bas" ;
"Une couRse" - "Une couRse à pied" ;
"Ils s'en seRvent" - "Ils s'en seRvent encore".

Attention, le principal écueil est ici de prononcer les syllabes se terminant par R plus longues que les autres. Or, la syllabe qui contient R doit avoir la même durée que les autres syllabes inaccentuées, puisque seule la dernière syllabe du groupe rythmique est plus longue. Il faut donc s'entraîner à prononcer un R TRÈS LÉGER et TRÈS COURT, pour que le rythme des syllabes inaccentuées soit bien régulier.

"Il est parti là-bas" : [i-lɛ-paR-ti-la-'baaa]
"Une course à pied" : [yn-kuR-sa-'pjeee]
"Ils s'en servent encore" : [il-sɑ̃-sɛR-vɑ̃-'kɔɔɔR].*

 

Tout va bien ? Jusque là, tout devrait bien se passer si vous vous entraînez systématiquement. Et de nombreux apprenants déclarent à cette étape qu'ils prononcent R avec un certain plaisir : "C'est amusant de le prononcer si léger!", "C'est finalement assez économique", "J'aime bien la sensation, c'est doux". Et vous, qu'en pensez-vous ?

 ----------------------------------------------------------------------------------------------

L'étape suivante est R entre deux voyelles Voyelle+R+Voyelle. On dit aussi en position intervocalique. Dans cette position, le son R s'écrit en orthographe soit "r" ("À Paris", "Mon mari"), soit "rr" ("J'arrive", "Horrible !"), mais il se prononce toujours de la même manière quelle que soit son orthographe.

R peut se trouver entre deux voyelles à l'intérieur d'un mot : Mes parents ! Ton numéro ? Au bureau.

ou entre deux mots d'un même groupe rythmique (ce qui revient exactement au même) : Du riz ? Par hasard ! Pour elle ? Toujours ici !

Pour s'entraîner, on peut donc utiliser ces mots-outils (par, pour, toujours, vers, sur, derrière, encore, d'abord, alors...), avant des mots commençant par une voyelle (elle(s), eux, Alain, Annie, Henri, Etienne, Isabelle, Angers, Aix, Amiens, amoureux, amusant, ennuyeux, ici, en voyage, en famille, en avion, au Japon, au Chili, au Maroc, en Chine, en Allemagne, en Espagne...). Construisez vos propres phrases d'entraînement.

Voici un exemple d'exercice de transformation qui utilise les enchaînements (les derniers items présentent plusieurs occurrences de R dans le même énoncé. Ex : Hé oui ! ToujouRs enRhumé !). Précision pour les puristes : la liaison en Z après toujours relève d'un registre très soutenu, même dans l'expression figée "toujours est-il...". Par contre l'enchaînement en R après toujours est commun et c'est ce qui est travaillé ici. L'exercice peut aussi être pratiqué à l'envers : la réponse pour le stimulus.

 

 

Bilan : Vous produisez maintenant R avant consonne et R entre voyelles. Qu'en dites vous? Quelle position préférez-vous? Pourquoi? Pouvez-vous produire un R qui n'a pas d'influence sur la voyellequi précède? Pouvez-vous produire un R qui n'allonge pas la syllabe inaccentuée? Il ne reste plus que deux positions à travailler !

 

À suivre ...

 [La suite est ici : La consonne R (3)]

 

18 avril 2013

La consonne R en français (1)

La consonne R du français est décrite comme un cauchemar phonétique par de nombreux apprenants étrangers. Ils trouvent généralement que ce n'est pas une belle consonne (et un tel jugement esthétique constitue le seul réel handicap pour l'entraînement, il faut donc avant tout faire évoluer cette opinion), elle a l'air de râcler la gorge, d'être tellement postérieure qu'elle donne envie de vomir... et en plus, on en trouve partout en français!

Sur ce dernier point, ils ont raison. La consonne R est la consonne la plus fréquente en français : elle représente à elle seule 13% des occurrences des 17 consonnes du français. Et c'est pour cela que R est incontournable... Prononcer un R roulé par exemple (comme en espagnol, en italien, en roumain, en russe...) est un énorme marqueur d'accent étranger en français.

Or, maîtriser la consonne R n'est pas aussi difficile qu'il y paraît. Il faut juste une organisation rigoureuse de l'entraînement.

R en français peut se trouver dans de nombreuses positions dans le groupe rythmique. Et la difficulté de sa réalisation dépend de sa position. C'est cet entraînement en fonction de la position qu'il faut organiser pour maîtriser le R étape par étape, position par position.

 

Par exemple, R en position finale de groupe rythmique est une consonne très douce (on l'entend parfois à peine), elle allonge juste la voyelle qui précède sans en modifier le timbre, elle est jolie comme un petit souffle... et vraiment facile à produire. C'est R# final. Pour ceux qui ont l'habitude de prononcer un R roulé dans leur langue maternelle (ou [l] comme en japonais), il faut seulement veiller à ce que la pointe de la langue ne se dresse pas vers les incisives supérieures pour le roulement, mais que la langue reste couchée (comme un chien! COUCHÉ!) en bas. Pour s'assurer que la pointe de la langue ne va pas se dresser, on peut proposer de coller la pointe de la langue derrière les incisives inférieures (et / ou vérifier dans un mirroir que la langue ne se dresse pas).

Car ce n'est pas du tout en avant de la bouche que les choses se passent pour R mais derrière. R est une consonne fricative, c'est à dire un son produit par un léger frottement. Ici, le frottement est produit par un TRÈS léger recul de la racine de la langue.


Dites un long [aaaa] et terminez par un bref et très léger recul de l'arrière de la langue. Encore plus bref et plus léger ! Le plus léger possible ? Voilà ! vous prononcez un R français. Facile, non?

Vous l'avez réalisé une fois? Il va falloir maintenant faire vos gammes, toujours dans cette position finale.
iiii - R,     ɛɛɛɛ - R,      aaaa - R,      ɔɔɔɔ  - R,      uuuu - R
yyyy - R,     œœœœ - R.

Vous allez maintenant ajouter une consonne pour commencer la syllabe. Par exemple [p] :
piiii - R, pɛɛɛɛ - R, paaaa - R, pɔɔɔɔ  - R, puuuu - R
pyyyy - R, pœœœœ - R.

Entraînez-vous avec d'autres consonnes ([t, k, d, m, f, s, v]). Assurez-vous toujours que :

1. la voyelle est longue et stable (elle n'est pas influencée par le R qui suit (comme en anglais américain par exemple : FR pire, ENG peer),

2. le R termine la syllabe, il est TRÈS LÉGER. Dans cette position, il peut toujours être plus léger, jusqu'à presque disparaître. Essayer de le faire presque disparaître aussi. Qu'en pensez-vous?

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Pouvez-vous répéter les syllabes suivantes sur un rythme lent et régulier en tapant sur la table ?

 

" 'soiR  'baR  'gaRe  -'gaR(d)  'n'aR-   'guèRe  ('de)  'boiRe..."

 

Ecoutez 1 fois le début de la chanson de Boby Lapointe Ta Katie t'a quitté, puis produisez uniquement les mots / syllabes en gros/gras ci-dessous, à dire sur les temps forts de la musique (répétée 5 fois!!! la vitesse est variable, jusqu'à la vitesse originale).

"Ce soiR au baR de la gaRe Igor hagaRd est noir il n'aRrête guèRe - deboiRe..."

AloRs? EncoRe?
D'accoRd! On continue...
 ----------------------------------------
 
Ah! l'amouR, toujouRs l'amouR...

Ecoutez et produisez les mots en gras du poème ci-dessous :


(La sculpture est Eve, d'Auguste Rodin, photographiée au jardin desTuileries)

Le Serment de Marceline Desbordes-Valmore

Idole de ma vie,
Mon tourment, mon plaisiR,
Dis-moi si ton envie
S'accorde à mon désiR ?
Comme je t'aime-en mes beaux jouRs,
Je veux t'aimer toujouRs.

Donne-moi l'espérance ;
Je te l'offre en retouR.
Apprends-moi la constance ;
Je t'apprendrai l'amouR.
Comme je t'aime-en mes beaux jouRs,
Je veux t'aimer toujouRs.

Sois d'un cœuR qui t'adoRe
L'unique souveniR ;
Je te promets encore
Ce que j'ai d'avenir.
Comme je t'aime-en mes beaux jouRs,
Je veux t'aimer toujouRs.

Vers ton âme attirée
Par le plus doux transpoRt,
Sur ta bouche adorée
Laisse-moi dire encoR :
Comme je t'aime-en mes beaux jouRs,
Je veux t'aimer toujouRs.

Bilan : Vous produisez maintenant R en finale de groupe rythmique. Qu'en dites vous? Est-ce agréable / désagréable? En quoi? Vous sentez-vous ridicule? Trouvez-vous cela joli? amusant? etc...

 

L'étape suivante consiste à produire un R toujours en finale du groupe rythmique mais cette fois-ci suivi d'une consonne. C'est R+Consonne #. Il faut toujours veiller à ce que la langue ne se dresse pas pour articuler R. Le bruit de friction est naturellement un peu plus fort à cause de la consonne qui suit, mais ce n'est pas la peine de forcer. Le R léger est toujours plus joli... et plus agréable à faire.

Entraînez-vous avec des gammes que vous construisez vous-même.

 

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Puis, quand vous sous sentez prêt, écoutez et répétez les mots du poème ci-dessous dans lequel  R# final et R+Consonne # alternent.

(Les tableaux du diaporama sont : sur le thème de la jeune fille et la mort, d'Edvard Munch et de Marianne Stokes, et sur le thème d'Orphée et Eurydice, de Christian Gottlieb Kratzenstein-Stub, de Ary Scheffer, de Jean-Albert Cresswell et de Jean-Baptiste Corot.)

La Morte de Maurice Carême

Il entendit la mort
Derrière cette porte,
Il entendit la mort
Parler avec la morte.

Il savait que la porte
Etait mal refermée
Et que, seule, la mort
En possédait la clé. 

Mais il aimait la morte
Et quand il l’entendit,
Il marcha vers la porte
Et l’ouvrit. Il ne vit

Ni la mort ni la morte ;
Il entra dans la nuit
Et doucement, la porte
Se referma sur lui.

 

Bilan : Vous produisez maintenant R en finale absolue et avant consonne. Qu'en dites vous? Quelle position préférez-vous? Pourquoi? Pouvez-vous produire un R encore plus léger? et encore plus? Ça vous plaît ? Etes-vous prêt à relever le défi de R dans d'autres positions?

 

À suivre ...

[la suite est ici : La consonne R en français (2)]

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