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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
10 avril 2014

Du prestige des paires minimales

(voir aussi sur le sujet des paires minimales, le post du 7 décembre 2017)

 

   La linguistique structurale (initiée par Ferdinand de Saussure en 1916) conçoit la langue comme un système, une structure, d’éléments en opposition (ou en équivalence) les uns avec les autres.

Ferdinand de Saussure

Ferdinand de Saussure

    Dans l’analyse phonologique structurale, une paire minimale est une paire de mots qui ne sont distingués (et donc qui s’opposent) que par une seule différence phonétique. Par exemple, les mots « main / ment » constituent une paire minimale : le changement de voyelle phonétique, [mɛ̃] / [mɑ̃] produit un changement de sens. L’existence de cette paire minimale prouve qu’en français, [ɛ̃] et [ɑ̃] sont des valeurs oppositives fonctionnelles : ce sont deux phonèmes vocaliques du français.

   De même, les mots « pin / bain » ([pɛ̃] / [bɛ̃]) forment une paire minimale. Ces deux mots, aux sens distincts, attestent de l'opposition fonctionnelle de [p] et [b] en français : ce sont deux phonèmes consonantiques du français.

   Les paires minimales sont donc l'outil de base du linguiste qui traite de la matière sonore d'une langue. Elles constituent les preuves de l'existence des phonèmes, et des rapports d'opposition, de distinctivité qu'ils entretiennent. Le linguiste, le phonologue, le phonéticien citent souvent des paires minimales par exemple pour rappeler une opposition dans une une analyse distributionnelle (voir par exemple le post sur les voyelles d'aperture moyenne).

   Les paires minimales sont aussi mises en évidence dans les jeux de mots : exemple de titre du Carnard Enchaîné : "Hongrois rêver !" [g/k] ("On croit rêver"). Mais aussi dans les lapsus, les contrepétries... et les perceptions / productions erronées des étudiants étrangers. Une étudiante chinoise, pour qui l'opposition [k/g] en français était problématique, s'étonnait du titre du célèbre roman français "Légume des jours" / "L'écume des jours" de Boris Vian.

 

   Je ne résiste pas au plaisir de partager un exemple tiré d'un petit ouvrage de prononciation de l'anglais que j'aime particulièrement : TRIM, John, KNEEBONE, Peter, English Pronunciation Illustrated, Cambridge University Press, 1965. Il s'agit d' «énoncés minimaux», délicieusement illustrés, mettant en évidence dans le cas ci-dessous l'opposition créée par la division des mots en anglais.

Trim1

 

   En apprentissage de la prononciation d’une langue étrangère, les paires minimales constituent un outil traditionnellement utilisé pour présenter un phonème de la langue qui n'existe pas dans la langue des apprenants (par exemple [y] dans Tu), en opposition avec un phonème ayant un équivalent dans la langue des apprenants et avec lequel ce nouveau phonème risque d'être confondu (par exemple [y], souvent confondu avec [u] de Tout).

   En classe, on demande à l’écoute d'une paire minimale (l’attention n’est qu’auditive, portée sur la forme) si les mots entendus sont identiques ou différents ("nu / nous"). Les mots de la paire doivent être prononcés avec la même intonation pour que la différence ne porte que sur l’opposition travaillée. On cherche alors avec l'apprenant à décrire les phonèmes en opposition en termes acoustiques (plus aigu, plus grave...), articulatoires (plus ouvert, plus fermé, plus antérieur, plus postérieur...) et esthétiques (plus lumineux, plus sombre…).

   Une fois ces caractéristiques oppositives établies, on entraîne à la perception de cette distinction par des exercices de discrimination. « Vous allez entendre deux mots : sont-ils identiques ou différents ? » Ces exercices se font bien sûr sans support orthographique. La correction est immédiate.

   En perception, on distingue les exercices de discrimination (à l’écoute d’une suite de mots – le plus souvent une paire, dire s’ils sont identiques ou différents) des exercices d’identification dits aussi de repérage (à l’écoute d’une suite de mots – le plus souvent une paire, identifier le mot portant un son particulier).

   L’entraînement perceptif à la discrimination et à l'identification est essentiel. Il doit être important et régulier sur les oppositions posant problème. On considère en effet généralement qu’une opposition ne peut être produite consciemment que si elle est d’abord bien perçue. Les rapports entre la perception d’une opposition et sa production sont pourtant complexes. Ce n’est pas parce qu’on entend une différence qu’on est capable de la reproduire, mais il est rare de produire consciemment une opposition que l’on n’entend pas.

   Il revient à l’enseignant d’établir des listes de paires minimales ordonnées en difficulté croissante : présentant le son d’abord en syllabe accentuée (dernière syllabe phonétique du mot), puis en syllabe initiale, enfin en syllabe médiane. Les manuels de phonétique proposent tous des exercices de discrimination, mais avec un petit nombre d’items pour des raisons de place mais aussi parce que les mots du lexique constituant des paires minimales sont souvent en nombre très limité (et très variable suivant les oppositions) surtout si le niveau est pris en compte.

 

   On comprend bien que les paires minimales, preuves pour le linguiste ou le phonologue de l'opposition entre deux phonèmes, soient constituées de mots du lexique (à une différence sonore correspond une différence de sens). Mais l'entraînement à la prononciation d'une langue étrangère a-t-il besoin d'utiliser des paires de vrais mots ? Il ne s'agit plus de faire la preuve d'une opposition (la preuve est faite), et le public auquel on s'adresse est constitué d'apprenants, non de linguistes ! Il s'agit donc plutôt en classe d'utiliser du matériel sonore permettant l'entraînement systématique à la perception de deux unités distinctives que l'apprenant risque d'avoir des difficultés à distinguer dans la nouvelle langue.

   On peut donc s’interroger sur la nécessité d’utiliser le lexique comme support d’une activité d’abord perceptive, non dirigée vers le sens. D’ailleurs, les mots extraits du lexique, même s’ils ont la légitimité de leur origine, sont alors présentés hors contexte et ne sont donc pas porteurs de sens dans la mise en oeuvre de l’exercice. Si la préoccupation du sens en enseignement des langues est généralement toujours louable, elle semble ici atteindre ses limites puisque l’entraînement auditif à la perception ne vise pas l'accès au sens. L'utilisation de vrais mots laisse même entendre qu'ils peuvent exister ainsi, de manière isolée, alors que ce n'est que très rarement le cas à l'oral. L’essentiel, dans le cas de l'entraînement à la discrimination auditive, n’est-il pas que les items proposés respectent les règles phonotactiques du français, c’est-à-dire suivant des combinaisons de phonèmes communes en français ?

 

   Pourquoi alors ne pas se dégager de la contrainte lexicale (la recherche d’un lexique utilisé hors contexte peut être considérée comme fastidieuse) et concevoir les exercices de perception de façon systématique respectant les contraintes phonotactiques du français, à utiliser comme des gammes (ce sont des exercices rapides), qui offrent un matériel abondant et dont on peut alors contrôler précisément la progression ?

   Lorsque les (jeunes ou futurs) enseignants conçoivent un exercice de phonétique traitant d'une opposition phonologique, ils sont généralement prioritairement inquiets du corpus, et non de l'organisation de l'exercice (sa place dans la progression, sa mise en oeuvre optimale en classe, la structure même de l'exercice, le mode de correction,...) Et nous voilà souvent partis avant toute chose à la pêche aux paires minimales, comme si ces pépites linguistiques allait conférer un prestige suffisant pour assurer l'intérêt de notre exercice. Non ! Si les paires minimales représentent un intérêt linguistique, leur intérêt pédagogique n'est pas plus élevé que des logatomes (c'est-à-dire de faux mots comme "gu" (/ goût") mais qui existe dans le mot "ambigu"). Il est bien plus utile d'organiser les contenus en difficulté croissante : par exemple en laissant visible dans un premier temps l'articulation de la bouche - peu utile il est vrai dans le cas [y]/[u], ou en suivant les contextes facilitants (voir les Verbo-tonalistes), en multipliant les stimuli d'entraînement, etc...

Alors, afin d'en finir avec ce leurre pédagogique, voici des paires minimales mises à disposition pour ne plus avoir à les chercher (on remarquera les distributions lacunaires...)

(cliquez sur les tableaux pour les agrandir)

 D'abord les paires minimales Consonne + Voyelle (CV) :

PairMinCV

 

Puis les paires minimales Consonne + Voyelle + Consonne (CVC) :

CVC

 

... et des logatomes systématiques Consonne + Voyelle + Consonne (CVC). Je ne suis bien sûr ni le premier ni le seul à inciter à la pratique des exercices de discrimination et d'identification à partir de logatomes plutôt que de vrais mots. Jean-Guy LEBEL, entre autres, dans ses propositions de workout, détaille des logatomes systématiques.

LEBEL, Jean Guy (1990), Traité de correction phonétique ponctuelle, Québec : Les Editions de la Faculté des Lettres de l’Université Laval, 278 p.

 

Logat1

Logat2

 

 

 

    À la suite d’un entraînement en perception à la discrimination, puis à l’identification, il est tentant de travailler les paires minimales également en production. Mais rappelons-le, ce n’est pas parce qu’un différence fonctionnelle est perçue qu’elle est produite de façon satisfaisante. On fait alors répéter le son cible dans différents contextes (peu, te, que, bœufs, deux, gueux…) avant de faire répéter les paires minimales issues de la paire de confusion (peu / pou, te / tout, que / cou…).

    J'attire l’attention sur le fait que la répétition de paires minimales constitue une tâche difficile, puisqu’elle juxtapose, comme un vire-langue (tongue twister), les termes de la confusion. Les paires minimales doivent avant tout être un outil pédagogique permettant l'entraînement systématique à la perception, c'est-à-dire à l'établissement de nouvelles catégories perceptives.

 

 (voir aussi sur le sujet des paires minimales, le post du 7 décembre 2017)

 

 

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2 août 2020

Archive : Précis Historique de Phonétique Française, de Bourciez

[Dans la nouvelle catégorie Archives, je présente un ouvrage de ma bibliothèque et j'en donne un court extrait.]

 

 

(éditions de 1937 et 1967)

 

     Ceux qui ont travaillé avec cet ouvrage s'en souviennent à vie (en bien ou en mal...)

 

     Le Précis historique de Phonétique Française du linguiste gascon Edouard Bourciez (publié une dizaine de fois de 1889 à 1989, parfois sous le titre de Phonétique française) est l'ouvrage de référence des cours qui traitent de l'évolution phonétique du latin au français moderne. Toutes les règles d'évolution phonétique pour les voyelles accentuées et initiales et les consonnes y sont précisément énoncées (voir la Table des matières et les Tableaux récapitulatifs à la fin de ce message pour les nostalgiques). On y apprend de nombreux termes de spécialité comme pénultième (ou avant-dernière) et les paroxytons, et propénultième (on dit aussi antépénultième, c'est-à-dire troisième syllabe avant la fin) et les proparoxytons....

 

     L'ouvrage débute par une introduction en deux chapitres, dont le premier s'intitule Origine et Formation de la Langue Française. Succinct et précis, ce chapitre rappelle les étapes essentielles de la formation du français. Tout étudiant en Sciences du Langage devrait pouvoir en restituer tous les éléments. C'est l'extrait (les huit premiers points du chapitre qui en compte onze) que j'ai choisi dans cet ouvrage car il me semble pouvoir intéresser tout francophone, au moins comme rappel.

 

 

Origine et Formation de la Langue Française

(extrait de Précis historique de Phonétique Française, par Edouard BOURCIEZ, Paris : Klincksieck, 1937 (Huitième édition)

 

1. La langue française appartient au groupe des langues romanes. Elle est, dans son fond essentiel (mots, formes, structures de la phrase), une transformation de la langue latine.

 

2. Le latin était à l’origine un idiome assez grossier, parlé dans le Latium à l’embouchure du Tibre, et proche parent des autres dialectiques italiques qui l’entouraient  l’Osque au sud-est, l’Ombrien au nord). A Rome, une distinction s’établit avec le temps entre le latin classique (sermo urbanus) dont se sont servis les écrivains comme Cicéron, César, Virgile, etc., et le latin vulgaire (sermo plebeius) dont usait le peuple. Le latin classique ou littéraire s’était poli au contact de la culture grecque, et fut arrêté dans son évolution par les grammairiens ; le latin vulgaire ou parlé, tout en conservant des traces d’archaïsme, se développa au contraire librement. Au cours des siècles, ces deux formes de latin en virent à diverger assez profondément entre elles par leur prononciation, leurs flexions, leur syntaxe ; elles différaient aussi par l’emploi d’un vocabulaire en partie distinct.

 

3. C’est essentiellement du latin vulgaire, importé par les soldats, les colons, les commerçants dans toutes les parties de l’empire romain, et adapté aux organes vocaux de peuples divers, que sont sorties les langues romanes. Ces langues sont au nombre de sept principales, qui se répartissent géographiquement en trois groupes : 1° groupe du Sud-Est, comprenant l’italien parlé dans la péninsule italique ; le rhétique, parlé dans les Grisons, le Tyrol et le Frioul ; le roumain parlé dans le bassin inférieur du Danube ; 2° groupe du Sud-Ouest, comprenant l’espagnol et le portugais, parlés dans la péninsule ibérique ; 3° groupe du centre, comprenant le provençal et le français, parlés sur le territoire de l’ancienne Gaule.

 

4. Avant l’établissement des Romains dans la Narbonnaise (125-118 av. JC) et la conquête du reste de la Gaule par Jules César (59-51 av. JC), les Gaulois parlaient une langue celtique se rattachant à un des groupes de la famille indo-européenne (indo-iranien, tokharien, hittite, arménien, grec, italique, celtique, germanique, balto-slave, albanais). Un des résultats de la conquête romaine fut l’effacement progressif des idiomes gaulois, qui n’ont laissé dans notre vocabulaire que des traces assez faibles (termes rustiques) ; puis la diffusion (achevée par la prédication chrétienne) de la langue latine qui, à la fin du IVe siècle, lors de la dissolution de l’Empire, était devenue, sous sa forme vulgaire, la seule langue parlée en Gaule. Les grandes invasions du Ve siècle, l’établissement successif des Wisigoths, des Burgondes, des Francs, au milieu des populations gallo-romaines, vinrent hâter l’altération de ce latin vulgaire, et introduisant dans son lexique un assez fort contingent de mots germaniques (termes de guerre et de droit, noms d’objets usuels).

 

5. Des textes du VIIe et du VIIIe prouvent que, vers la fin de la période mérovingienne, le latin vulgaire s’était déjà transformé, surtout par des changements phonétiques, en une langue nouvelle qu’on appelait lingua romana rustica. Mais cette langue romane de l’ancienne Gaule prit assez rapidement des caractères différents, suivant qu’elle était parlée au Nord ou au Midi. Au Sud (dans le bassin de la Garonne, le Limousin, l’Auvergne et le bassin du Rhône (au-dessous de Lyon), elle devient la langue d’oc, dont le provençal des Troubadours, fut au moyen âge la forme littéraire. Au Nord, elle devient la langue d’oïl, dont le français est la forme moderne, et dont les Serments de Strasbourg, prononcés en 842, sont le plus ancien monument, avec la Cantilène d’Eulalie composée aux environs de l’an 900. Antérieurement, les Gloses de Reichenau et Gloses de Cassel, qui semblent être du VIIIe siècle, fournissent de précieux renseignements sur l’évolution du latin usité, vers cette époque, au Nord de la Gaule.

 

6. La langue d’oïl, telle qu’on la parla du IXe siècle au XIVe siècle, comprenait pendant le moyen âge un certain nombre de dialectes, distincts entre eux surtout par des différences de prononciation. Ces dialectes, dont les limites ont toujours été un peu flottantes, et auxquels on a conservé les noms de nos anciennes provinces, étaient : 1° au Nord-Est, le picard et le wallon ; 2° à l’Est, le champenois, le lorrain, le franc-comtois, le bourguignon ; à l’Ouest, le saintongeois, le poitevin, l’angevin [la langue bretonne n’est pas mentionnée parmi les dialectes]; 4° au Nord-Ouest, le normand ; au Centre enfin, dans le bassin moyen de la Seine et la région d’entre Seine et Loire, le dialecte de l’Ile-de-France.

 

7. C’est ce dialecte de l’Ile-de-France, sous la forme spéciale où on le parlait à Paris, qui, pour des motifs politiques, a fini par supplanter les autres comme langue littéraire. Dès la fin du XIIe siècle, il affirmait sa prééminence et se répandit de plus en plus en raison directe des progrès de la royauté et de la centralisation administrative qui en fut la conséquence. Toutefois, c’est seulement à partir du XVe siècle que les autres dialectes (y compris ceux de la langue d’oc du Midi) furent définitivement réduits à l’état de patois. Mais, à ce moment-là, la langue centrale elle-même était en pleine crise de transformation (perte de l’ancienne déclinaison à deux cas, simplification des formes verbales, influence croissante du latinisme, etc.) ; elle ne reprit vraiment son équilibre et ne trouva son type définitif qu’à la suite des réformes de Malherbe et de Vaugelas, consacrées par les chefs-d’œuvre classiques du XVIIe siècle.

 

8. L’histoire de notre langue peut en somme se diviser en trois périodes qui ont chacune un caractère assez spécial : période de l’ancien français (du IXe siècle à la fin du XIIIe) ; période transitoire dite du moyen français (XIVe – XVIe siècles) ; période du français moderne (du début du XVIIe siècle à nos jours).

 

 

 

    Voici la Table des matières de l'ouvrage de 1967 (cliquer sur l'image pour l'agrandir) :

 

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 Et les quatre Tableaux récapitulatifs (cliquez sur la photo pour l'agrandir) :

 

 

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6 août 2020

Imagier Phonétique : entraînement intensif

 

 

 

     Et si l'été était l'occasion d'une petit gymnastique phonétique quotidienne en français?

     Voici donc une compilation de l'imagier phonétique auquel j'ai consacré beaucoup de temps : d'abord pour choisir le lexique de mots concrets et fréquents en fonction de la voyelle accentuée (c'est-à-dire la dernière voyelle phonétique de chaque énoncé), puis pour insérer ces mots dans des groupes rythmiques simples ; ensuite pour faire les enregistrements de ma famille et mes amis pour varier les voix en sexe, âge, etc., donc des voix variées non-professionnelles ; après, pour faire les photos et enfin pour monter le tout en diaporamas.

    En pratiquant l'écoute et la répétition sans être distrait par la forme orthographique des mots, vous vous concentrez seulement sur la forme sonore. Ce sont des exercices courts (moins de 3 minutes), votre concentration peut rester très active ! Les liens ci-dessous vous dirigent vers chacun de ces diaporamas d'entraînement.

     Alors profitez-en et exercez-vous avec ces voyelles typiquement françaises...

 

La voyelle antérieure arrondie fermée [y]

La voyelle antérieure arrondie mi-ouverte [œ]

La voyelle antérieure arrondie mi-fermée [ø]

Les voyelles antérieures étirées [e] et [ɛ]

Les voyelles antérieures arrondies [ø] et [œ]

Les voyelles postérieures [o] et [ɔ]

La voyelle nasale [ɛ̃]

La voyelle nasale [ɑ̃]

La voyelle nasale [ɔ̃]

 

 

https://dai.ly/x5odvsx

12 septembre 2022

Correction d'accent en direct

 

     Il y a plus d'une dizaine d'années, j'ai reçu à l'Institut de Phonétique le représentant d'une entreprise de centres d'appels téléphoniques. La demande était la suivante : les plateformes étant situées au Sénégal, les appelants étant sénégalais, les appels étant faits vers la France métropolitaine, l'entreprise cherchait à minimiser l'accent sénégalais de ses appelants. Cette demande m'avait beaucoup perturbé et j'avais tenté de discuter avec le représentant de l'entreprise de questions éthiques, sur la légitimité d'exiger au Sénégal l'adoption d'un accent non-sénégalais, etc. Et je n'avais pas donné suite.

     Depuis, chaque fois que je suis en contact avec un centre d'appels téléphoniques ou une hotline, je ne manque jamais de demander à mon interlocteur où il est situé, et j'en profite pour échanger sur le temps qu'il fait et sur nos environnements respectifs, éventuellement sur nos accents et sur nos langues... tant qu'à faire !

 

 

     J'apprends aujourd'hui que l'entreprise SANAS propose un logiciel de correction d'accent en direct pour pallier la gêne ressentie par les clients potentiels contactés par des plateformes situées à l'étranger. Il s'agit ici de plateformes situées en Inde appelant les Etats-Unis. En suivant le lien ci-dessous, en lançant l'audio (à gauche) et en jouant avec le curseur à droite, vous entendrez la parole de l'appelant avec son accent original et la même conversation synthétisée pour restituer un accent anglo-américain.

 

       Voici la déclaration d'intention de l'entreprise qui ne manque pas d'ambiguité :

"Sanas' technology is designed to revolutionize communication by giving multilingual speakers a choice when it comes to how they communicate. It's a step towards empowering individuals, advancing equality, and deepening empathy. We are committed to protecting the diverse voice identities of the world and their cultures."

 

   J'ai hâte de lire vos réactions en commentaires face à un tel outil. La parole est à vous (avec tous les accents possibles !)

 

 

 

22 septembre 2020

Un chewing-gum phonétique?

 

 

 

La première fois que je l'ai vue, elle dormait à moitié nue dans la lumière de l'été au beau milieu d'un champ de blé.

 

 

Question : Pouvez-vous découper la phrase ci-dessus en groupes rythmiques courts?

(mon découpage est un peu plus bas...)

 

 

 

 

 

 

Réponse : La première fois / que je l'ai vue / elle dormait / à moitié nue / dans la lumière / de l'été / au beau milieu / d'un champ de blé.//

 

(On ne peut pas faire de groupes rythmiques plus courts à part le dernier qu'on pourrait couper en deux : d'un champ / de blé.// Mais pour des raisons d'équilibre temporel, on gardera / d'un champ de blé / comme un seul groupe. Si vous souhaitez discuter ce découpage, merci de laisser un commentaire en fin de ce post).

 

Il s'agit d'une phrase extraite d'une chanson que vous entendrez tout à l'heure - si vous ne l'avez pas déjà reconnue. Les groupes rythmiques sont composés du même nombre de syllabes. Combien y a-t-il de syllabes dans chaque groupe rythmique ? Comment faire pour que chaque groupe ait le même nombre de syllabes ?

 

Le nombre commun de syllabes est 4. Il y a 8 groupes rythmiques. Donc un total de 8x4 = 32 syllabes. Vérifions chaque groupe rythmique. Je mets au passage en gras les syllabes accentuées :

 

1. La-pre-mière-fois (dans la troisième et la quatrième syllabes, ce sont des semi-consonnes [mjɛʁ] [fwa] et non pas des voyelles, il y a donc bien 4 syllabes) ;

2. que-je-l'ai-vue (en parole naturelle, le e de je aurait pu être effacé : que j(e) l'ai vue) ;

3. e-lle-dor-mait (en français standard, il n'y a que 3 syllabes : elle - dor - mait. Il faut donc ici prononcer le e final de mot avant consonne : e-lle-dor-mait, pour obtenir les 4 syllabes) ;

4. à-moi-tié-nue (dans les deuxième et troisième syllabes, on trouve des semi-consonnes [mwa] [tje] et non pas des voyelles) ;

5. dans-la-lu-mière (dans la dernière syllabe, c'est une semi-consonne [mjɛʁ] et non pas une voyelle) ;

6. de-l'é- (3 syllabes... Pour trouver une quatrième syllabe, il faut diviser la dernière syllabe du groupe précédent [mjɛʁ] en deux ['mjɛ - ʁə] et faire passer cette nouvelle dernière syllabe dans le groupe suivant : dans-la -lu miè / re-de-l'é-... Le résultat est artificiel, mais on remarquera que la syllabe accentuée est quasiment préservée : lu - miè / re - de ... ce qui en français est essentiel ;

7. au-beau-mi-lieu (dans la dernière syllabe, c'est une semi-consonne [ljø] et non pas une voyelle) ;

8. d'un-champ-de-blé (en parole naturelle, le e de de aurait pu être effacé : d'un champ d(e) blé).

 

Pouvez-vous relire lentement la phrase complète à voix haute en tapant sur la table avec votre main sur chaque syllabe accentuée (en gras) - il n'est pas nécessaire de faire des pauses entre chaque groupe, sauf si vous devez respirer :

/  La-pre-mière-fois  /  que-je-l'ai-vue  / e-lle-dor-mait   /  à-moi-tié-nue   /  dans-la-lu-miè / re-de-l'é-   / au-beau-mi-lieu   / d'un-champ-de-blé   //

 

Le contenu phonétique principal (à part le rythme) de cette longue phrase se trouve dans les syllabes accentuées. Observons-les de plus près...

On remarque qu'il s'agit de syllabes ouvertes, c'est-à-dire se terminant par une voyelle phonétique : [ fwa / vy / mɛ / ny / mjɛ(ʁ) / te / ljø / ble ].

On relève la présence de la voyelle antérieure arrondie fermée [y] (vue, nue), de la voyelle antérieure arrondie mi fermée [ø] (milieu), des voyelles moyennes [e] (été, blé) et [ɛ] (dormait, lumière).

Du côté des consonnes :   

[p, t, tj, k, b, bl, d (4) (pas de [g]), fw, (pas de [s]), ʃ, v, (pas de [z]), ʒ, m (2), mj(2),  mw,  n,  (pas de ɲ), l (5), lj, ʁ(3). Les consonnes simples et les groupes de consonnes (en particulier avec les semi-consonnes) sont plutôt diversifiés sur un si court extrait.

 

 

Pouvez-vous maintenant écouter le mp3 ci-dessous en articulant (avec ou sans voix) seulement les syllabes accentuées en gras avec toute votre attention. Attention à la précision des voyelles. Si vous êtes deux, l'un articule les syllabes en gras, et l'autre regarde son articulation. Puis, changez les rôles à la deuxième écoute.

 

 

D'un point de vue rythmique, il faut s'attarder un instant sur ces deux groupes :

dans-la-lu-miè / re-de-l'é-   /

Aidez-vous de la partition ci-dessous :

 

 

Il semble difficle de prolonger la note de la syllabe (lu-) miè--- pour commencer le groupe suivant par la dernière syllabe -re.

Recommencez jusqu'à ce que vos syllabes accentuées soient synchrones avec le chanteur Mouloudji. 

Un peu plus loin dans la chanson, on retrouve presque les mêmes paroles, mais le début est un peu différent. Pouvez-vous retrouver les 4 syllabes de chaque groupe? (la réponse un peu plus bas)

Et le lendemain quand je l'ai revue, elle dormait à moitié nue dans la lumière de l'été au beau milieu du champ de blé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et le lend(e)main / quand je l'ai r(e)vue, OU quand j(e) l'ai revue...

 

Ecoutez maintenant les versions des mêmes extraits de 8 autres interprètes après Mouloudji : Marie-Paule Belle, Louis Chedid, Leila Bekhti, Claude François, Jacqueline Dulac, les Compagnons de la Chanson, et Sheila.

Observez les différentes façons d'interpréter les deux groupes problématiques : dans-la-lu-miè / re-de-l'é-   /.

La première fois que je l'ai vue, elle dormait à moitié nue dans la lumière de l'été au beau milieu d'un champ de blé.

Et le lendemain quand je l'ai revue, elle dormait à moitié nue dans la lumière de l'été au beau milieu du champ de blé.

N'hésitez pas à discuter en commentaire (sous ce post) des particularités rythmiques et phonétiques de chaque interprète : par exemple la liaison de Marie-Paule Belle dans "elle dormait-à moitié nue", ou les e prononcés par les Compagnons de la Chanson dans " que je l'ai vuE, à moitié nuE".

 

 

 

Pourquoi ai-je intitulé ce post : Un chewing-gum phonétique ? Le phonéticien écoute et réécoute les extraits sonores comme on mâche un chewing-gum. Je pense que de la même façon, l'apprenant à tout à gagner à tourner et retourner une phrase - deux vers d'un poème, un slogan, une réplique de film  - dans ses oreilles et dans son articulation, quand il s'amuse à parler à haute voix par exemple. C'est alors un excellent support à la déformation - comme un chewing gum, aux interprétations variées, à la carricature, bref, au travail phonétique !

 

Qu'allez-vous choisir comme chewing-gum phonétique : La première fois que je l'ai vue... ou Si t'as été à Tahiti ?

 

 

 

 

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14 janvier 2021

Les enquêtes phonétiques de Ferdinand Brunot

 

      Emmanuelle me fait parvenir un lien pour accéder à une archive sonore mise en ligne par France Culture. La page de France Culture donne beaucoup d'informations et de liens intéressants (par exemple, un des plus vieux documents sonores, enregistré en 1891), ainsi qu'une transcription orthographique de l'archive.

 

 

     Il s'agit de l'enregistrement réalisé en 1912 d'un entretien entre Ferdinand Brunot, linguiste, et Louis Ligabue, tapissier parisien du 14ème arrondissement (Brunot fut maire du 14ème arrondissement de 1910 à 1919). L'homme s'exprime sur son accent parisien et réagit ensuite à son propre enregistrement. Cela me semble un modèle de protocole expérimental : recueillir des données auprès d'un informateur, certes, mais lui demander ensuite de s'exprimer sur la tâche réalisée. J'ai été également frappé par le registre de la langue : il est vrai qu'il s'agit d'une situation formelle et M. Ligabue a l'habitude de traiter avec une clientèle bourgeoise, mais les énoncés toujours complets présentent un lexique et une syntaxe qui me semblent aujourd'hui particulièrement soignés pour de la parole spontanée.

 

 

     C'est l'occasion de rappeler que Ferdinand Brunot (1860-1938), professeur d'Histoire de la langue française à la Sorbonne dès 1900, crée en 1911 les Archives de la Parole et l'Institut de Phonétique en 1925. Le Musée de la Parole et du geste / Institut de Phonétique de Paris s'installe en 1928 au 19 de la rue des Bernardins à Paris 5ème. En 1968, ce département universitaire est intégré à la Sorbonne-Nouvelle Paris 3. Les Archives de la Parole sont transférées à la BnF.

 

    Lors de la prochaine rentrée universitaire, l'ensemble des départements de Paris 3 s'installera sur le tout nouveau campus de Nation, ce qui marquera l'abandon de l'Institut de Phonétique de la rue des Bernardins.

 

Le Parisien, le 5 janvier 2021

 

 

 

 

1 mars 2021

On parle des accents à la télévision !

    

 

   Philippe me signale un numéro du magazine télévisé "20h30 le samedi" de France 2 (27/02/2021) qui consacre un reportage de 10 minutes aux accents de France.

     On y traverse le Laboratoire de la Parole et du Langage d'Aix - Marseille Université, avec Médéric Gasquet Cyrus et les archives sonores de la Bibliothèque Nationale de France, avec son conservateur Pascal Cordereix. On y mélange les accents régionaux et les expressions régionales, on y mentionne le mythe d'un français sans accent et on y entend beaucoup d'illustrations (je retiens en particulier les deux versions de la rose [ʁoːz / ʁɔz] de la chanson de Francis Cabrel...)

     On y rappelle la loi "contre la glottophobie", dont il faudra reparler ici puisqu'elle ne fait référence qu'aux accents régionaux sans mentionner les accents nationaux...

     Bref, ce reportage grand public survole de nombreuses questions et semble laisser perplexes les apprenants du "français standard"...

 

 

5 mars 2021

Middlemarch

 

 

            

 

     Je lis dans Middlemarch (1871) de George Elliot :

 

(Livre III, Chapitre XXXII)

Il se dirigea alors vers le bureau de Mlle Garth, ouvrit un livre posé dessus et en lut le titre sur un ton solennel et pompeux comme s'il le mettait aux enchères : "Anne de Geierstein (qu'il prononça "Jirstine") ou la fille des brumes, par l'auteur de Waverley. Puis, tournant la page, il commença d'une voix sonore : "Près de quatre siècles se sont écoulés depuis que la suite d'événements relatés dans les chapitres qu'on va lire eurent lieu sur le Continent". En prononçant ce dernier mot vraiment admirable, il mit l'accent sur la dernière syllabe, non par ignorance de l'usage courant, mais en estimant que cette articulation nouvelle rehaussait la beauté sonore qu'il avait donnée à l'ensemble.

      Et en version originale :

He now walked to Miss Garth’s work-table, opened a book which lay there and read the title aloud with pompous emphasis as if he were offering it for sale: “‘Anne of Geierstein’ (pronounced Jeersteen) or the Maiden of the Mist, by the author of Waverley.’” Then turning the page, he began sonorously—“The course of four centuries has well-nigh elapsed since the series of events which are related in the following chapters took place on the Continent.” He pronounced the last truly admirable word with the accent on the last syllable, not as unaware of vulgar usage, but feeling that this novel delivery enhanced the sonorous beauty which his reading had given to the whole.

 

   Cela me rappelle ce que m'avait raconté Adeline quelques mois après son installation sur la côte Est des Etats-Unis en 1989. Evoluant dans le milieu artistique étant musicienne, elle s'était étonnée et amusée d'une prononciation branchée du mot "artist" (normalement prononcé avec la première syllabe accentuée [ˈärdəst] - selon google traduction), mais l'accent porté sur la dernière syllabe et dont la nouvelle orthographe nous mettait en joie :  an arteest... en effet beaucoup plus chic !

 

     Et vous, connaissez-vous d'autres exemples de prononciation de mots de l'anglais avec des changements de syllabe accentuée ?

 

 

31 mars 2021

Ratatouille

 

   Chaque fois que des enfants me parlent du dessin animé anglo-américain Ratatouille, je visualise l'affiche en anglais qui proposait, sous ce titre cauchemardesque pour les anglophones (comme les mots feuille, écureuil, accueil, etc), une transcription phonétique comme aide à sa prononciation : (rat - a - too - ee). Et je m'amuse à le prononcer ainsi !

   En français standard, le mot ratatouille se prononce en trois syllabes : [ ʁa - ta- 'tuj ], alors qu'en français méridional - d'où vient ce plat, on le prononce en quatre syllabes : [ ʁa - ta- 'tu -jə ] ou [ ʁa - ta- 'tu -jɐ ]. Dans tous les cas, la transcription phonétique fait appel à la semi-consonne [j], puisque le français ne compte officiellement pas de diphtongues.

 

  

 

     Ce découpape en syllabes (rat - a - too - ee), permet un jeu de mot avec Rat (puisque le héros du film est un rat), mais ce découpage correspond aussi à la tendance anglophone à privilégier les syllabes fermées (c'est-à-dire se terminant par une consonne prononcée). On peut comparer les tendances opposées des deux langues dans deux mots similaires, par exemple : nationalité / nationality. Le découpage en syllabes en anglais est na-tion-al-i-ty, alors qu'en français les syllabes sont : na-tio-na-li-té, privilégiant le plus possible les syllabes ouvertes (se terminant par une voyelle prononcée).

    Autre exemple illustrant les tendances des deux langues : Marie-Paule me racontait comment ses élèves de maternelle à Paris répondait à "hip hip hip..." par "poura" comme si le découpage syllabique à la française de "hip hip hip hoorah", était : i-pi-pi-pou-ra !

    Mais c'est la dernière syllabe de ratatouille avec son orthographe spectaculaire -TOUILLE qui a motivé ici le recours à une transcription phonétique pour pouvoir prononcer ce titre. Il existe bien des diphtongues en anglais qui s'approchent plus de la prononciation française. On transcrit ainsi les diphtongues de l'anglais : [aɪ, eɪ, ɔɪ, ...] des mots anglais bye, pay, boy... que l'on pourrait rapprocher de [aj, ej, ɔj, ...] pour les mots français : baille, paye (nom), goy... Malheureusement, la diphtongue [uɪ] n'existe pas en anglais... Cela justifie sans doute le choix de transcrire : too - ee pour [tuj]. Mais ce choix est à peu près aussi étrange pour les Français que si on proposait de transcrire le mot anglais boy par :

bo - ee ...

     Et vous, lecteurs anglophones, qu'avez-vous à dire sur ce choix de transcription? Auriez-vous d'autres propositions ? J'attends vos commentaires avec impatience.

 

PS : Suivant le même modèle, pourrait-on imaginer transcrire : feuille par (fœ - ee), écureuil par (e - ky - rœ - ee) , famille d'accueil par  (fa - mi- ee - da - kœ - ee)?

 

 

Merci pour vos envois d'affiches du film : en finnois, en polonais, en portugais, en allemand ...

11 mai 2021

Jens-Kristian et l'écriture inclusive

    

      Jens-Kristian, jeune astrophysicien danois multilingue, me parle en français d'un projet impliquant "des étudiants slash étudiantes". Face à ma réaction amusée, il développe son point de vue critique sur l'écriture inclusive, qui alimente tous les débats en ce moment (il suffit de taper "écriture inclusive" dans les moteurs de recherche) et précise que la langue danoise n'est heureusement pas concernée puisqu'il n'existe en danois qu'un genre commun (en mand : un homme ; en kvinde : une femme) et un genre neutre (et hus : une maison).

     Notre échange me rappelle la lecture de Le Français hors de France, sous la direction de A. VALDMAN (Paris : Ed. Honoré Champion, 1979). Dans le chapitre "Le Français en Afrique Noire" par Gabriel Manessy (p.343) :

"J.-P. Makouta (1973, 75) cite un exemple curieux de transposition en français du mécanisme bantu d'accord : dans les langues de ce groupe, tous les éléments d'un groupe nominal portent une même marque qui est une variante du préfixe de classe propre au substantif qui en est le "noyau". Le français n'a pas d'accord de classe mais il a un accord en genre et l'application au second de la règle propre au premier engendre les énoncés suivants :

"Nous voulons des hôpitaux pour les hommes et des hôpitales pour les femmes, des écoles normales pour les jeunes filles et des écoles normaux pour les jeunes garçons. Enfin et enfine, nous demandons la création des tribunales pour la brousse comme il y a des tribunaux dans les centres urbains."

Il est à noter que "enfin et enfine" se justifie par le fait que le sous-préfet, auteur du discours, parle au nom de tous ses administrés, hommes et femmes, "heureux et heureuses d'être venus nombreux et nombreuses" souhaiter la bienvenue au préfet. L'interférence se complique ici d'une extension analogique de l'opposition de genre du nom à l'adverbe. Des phénomènes analogues sont décrits à propos du français de République Centrafricaine par P. Roulon (1972, 152)."

     Quand l'interférence des langues bantoues en français anticipait avec panache l'écriture inclusive du XXIème siècle...

 

3 février 2023

La voyelle nasale ON

 

 

     La première strophe de la chanson Fille ou garçon de Stone (1966) m'arrête avec ses nombreux [ɔ̃] en syllabe accentuée : (garçON, garçON, lONgs, pantalON, questiON).

     À y regarder de plus près, on y trouve aussi les deux autres voyelles nasales du français ([œ̃/ɛ̃] UN garçon, UN garçon), ([ɑ̃] EN, pANtalon, j'ENtENds, dANs, dANs).

     On entend aussi des voyelles typiques du français : [y] (Une, Une, rUe), [ø] chEvEUX.

     Enfin, de beaux [u] : OU, tOUjOUr, tOUjOUrs, partOUt. Et des enchaînements vocaliques et consonantiques ...  

     Bref, autant d'objectifs possibles qui en font, d'après moi, un chewing-gum phonétique digne d'intérêt pour plus d'un apprenant...

     Qu'en dites-vous?

 

Voici le fichier audio :

StoneON

 

Est-ce une fille ou un garçon?
Un garçon aux cheveux longs?
Ou une fille en pantalon?
C'est là la question
Que j'entends toujours
Toujours et partout
Que ce soit dans la rue
Ou dans le métro

 

Et la chanson dans son intégralité :

 

 

 

Les voyelles nasales du français vous intéressent? Vous pouvez consulter les posts suivants :

Les voyelles nasales du français

• [ɑ̃] avec une gande bouche

Encore [ɑ̃] !

Imagier phonétique des voyelles nasales

 

 

 

 

14 février 2023

Le tilde

 

 

 

 

     François, qui est collectionneur de livres anciens d'architecture, me montre une de ses dernières acquisitions : le premier tome de L'Architecture de Philibert de L'Orme daté de 1568. Il faut faire un petit effort pour lire le français d'alors, mais je suis surtout surpris par l'usage des tildes.

     Le tilde (~) est ce signe parfois présent au-dessus de la lettre <n> dans l'alphabet espagnol (español) qui marque la présence d'un ancien n graphique, dont la prononciation a évolué en [ɲ].

     Vous pouvez découvrir tous les usages du tilde sur la page Wikipédia qui lui est consacrée.

 

   Pour moi, le tilde est surtout un signe familier car on l'utilise en Aplhabet Phonétique International pour marquer la nasalité (au-dessus des voyelles) mais aussi pour indiquer la voix craquée (au-dessous du symbole). Voici le tableau des signes diacritiques utilisés en API, dont le tilde.

 

    J'ai souvent évoqué sur ce blog les difficultés pour les apprenants à distinguer et prononcer les 3-4 voyelles nasales en français.

 

    Je (re)découvre à l'occasion ce ce post qu'on trouve des tildes dans la très célèbre Ordonnance de Villers Cotterêts (1539) voulue par François Ier, dans l'exemple ci-dessous dans les mots contenus (cõtenuz), dorénavant (doreſenauãt), sentences (ſentẽces).

Et pource que telles choſes sont souuenteſfoys aduenues ſur l'intelligence des motz latins cõtenuz eſdictz arreſtz. Nous voulons q~ doreſenauãt tous arreſtz enſemble toutes autres procedeures ſoient de noz cours souueraines ou autres ſubalternes et inferieures, soyent de regiſtres, enqueſtes, contractz, commiſſions, ſentẽces, teſtamens et autres quelzconques actes & exploictz de iuſtice, ou qui en dependent, ſoient prononcez, enregistrez & deliurez aux parties en langage maternel francoys, et non autrement.

 

    Trente ans plus tard, en 1568, date de la publication de l'ouvrage de Philibert de L'Orme, le roi Charles IX a 18 ans, la régence est assurée par sa mère Catherine de Médicis.

    En cherchant des formes de voyelles nasales, je trouve : moyen (moiɛ̃), gens (gɛ̃s), prompts (prõpts), mais aussi commander (commãder) et plus loin commandement (cmandements), ce qui jette un doute tant sur la prononciation que sur l'orthographe.

 

 

 

 

    Utilisant le tilde sur des voyelles en transcription en API, je suis émoustillé par cette présence de voyelles surmontées d'un tilde en orthographe du français. Qui partagerait des informations sur le sujet?

 

 

 

11 octobre 2020

Si t'as été à Tahiti... La réponse !

 (posté le 21 septembre 2020)

 

     Je découvre, sur la radio FIP, un succès de la fin des années 1950 : Si t'as été à Tahiti, (Paroles et Musique : Robert Pierret et Jean Guillaume, 1958), interprété par P.A.O.L.A. 

     Cette chanson exploite à l'excès une caractéristique phonétique du français. Le titre est à peu de chose près le titre d'une leçon d'un manuel de phonétique...

De quelle caractéristique phonétique s'agit-il?

(J'attends votre réponse en Commentaires à la fin de ce post...

Ma réponse dans quelques jours.)

    

Voici la transcription orthographique de la chanson. Comme d'habitude, j'ai mis entre parenthèses ce qui n'est pas prononcé.

Dis, où t(u) as été cet été?
Moi j’ai été à Tahiti
Si t(u) as été à Tahiti
C’est-i(l) qu(e) tu y-as été à pied?

J’ai pris ma moto
J(e) l’ai mis sur mon dos
Et je suis parti pour Tahiti
J’ai pris mon vélo
J’ai dit : (il) va faire chaud
Et je suis parti pour Tahiti

Si t(u) as été à Tahiti
T(u n)’as pas pu y aller à moto, hein?
Si t(u) as été à Tahiti
T(u n)’as pas pu y aller à vélo, non, non, non

J’ai pris mon dada, vas-y mon p’(e)it gars
Et je suis parti pour Tahiti
J’ai pris mon boa, j(e) l’ai mis sous mon bras
Et je suis parti pour Tahiti

Si t(u) as été à Tahiti
T(u n)’as pas pu y aller à dada, ha ha
Si t(u) as été à Tahiti
T(u n)’as pas pu y aller à boa, ça marche pas!

J’ai pris mon cerceau, j’ai mis mon chapeau
Et je suis parti pour Tahiti
J’ai pris mon bateau, je l’ai mis sur l’eau
Et je suis parti pour Tahiti

Si t(u) as été à Tahiti
T(u n)’as pas pu y aller à cerceau
Si t(u) as été à Tahiti
T’as pu y aller qu’en bateau
Qu'en bateau...

 

 

(la réponse du jour ...)

 

Il s'agit de... l'enchaînement vocalique !

 

 L'enchaînement vocalique retient généralement moins l'attention que l'enchaînement consonantique ( ex : "une amie" prononcé [y-na-mi] et non pas * [yn-a-mi]) ou que la liaison (ex : "un ami " prononcé [œ̃-na-mi] et non pas [œ̃-a-mi]). Pourtant l'enchaînement vocalique fait partie des phénomènes de liens euphoniques favorisant la fluidité du français oral.

 

 

30 avril 2008

Une expérience intime

IMG_4143Apprendre à entendre sa voix, jouer avec, la contrôler, accepter les différences de la langue étrangère, tant à l'écoute qu'à l'articulation, est une expérience très intime, psychologiquement chargée. Il ne s'agit pas comme avec les autres composantes de la langue (le lexique, la grammaire), de retenir et d'appliquer, mais de mettre en forme : ce n'est pas un savoir, mais un faire.
L'engagement de la personne est physique, il demande une souplesse vocale et psychologique qui nécessite une grande motivation et beaucoup d'entraînement.
L'entraînement à la prononciation doit être perçu par les enseignants (et les programmes) comme une dimension importante de l'enseignement de la langue, afin que les apprenants soient encouragés dans cet apprentissage qui marque aussi la capacité à entrer dans une nouvelle langue.
Une fois la motivation créée et entretenue, l'expérience de l'apprentissage est très personnelle. Il n'y a pas de méthode, d'information ou de représentation valable pour tous. Chaque cas est unique, lié à culture et à la personne. Mais à l'origine de chaque progression, voire de chaque succès, il y a une motivation explicite (voir les Monographies).

29 avril 2008

Témoignages d'étudiants (I)

[Voici quelques témoignages d'étudiants recueillis par écrit au fil des années... Je n'y ai rien changé, rien corrigé - les fautes y sont "originales"... Ces textes répondent à la consigne suivante : "Freins et motivations à l'apprentissage de la prononciation d'une llangue étrangère - expérience personnelle"]

Beata, Polonaise

Il y a quelques années une jeune et naïve jeune fille racontrait un beau Français. Celui-ci promenait au bord de la mer, lui montrait les étoiles et cette fille a constaté que la langue française est la plus joli au monde. Après les vacances très chaleureuses, elle reçevait des lettres d'amour et de nouveau elle était enchantée par le français et Français d'où naissait le projet de venir au source de ces merveilleux, c'est-à-dire en France. Mais là, la vie n'était pas en rose. Tout d'abord c'était très difficile de comprendre les français qui parlent vite et avec beaucoup de liasons. Pour arriver à se faire comprendre, il fallu perdre un peu de son accent polonais. On essayait alors d'imiter les intonations des phrases, des expressions entendues à la rue, à la radio, à la TV. Pour s'entraîner, on parlait les heures entières par téléphone, dans les cafés pendant les fêtes avec les françaises et français. On copiait leurs mouvement de la bouche, même si au début, ça faisait rire. Apprendre prononciation, intonation de la langue, c'est comme apprendre à danser - il faut faire travailler les muscles dans certain rythme et comme on aime dancer il n'y a que à apprendre la danse à la française.

  

 

 

Lilia, Moldave

Pendant mon séjour en France, j'ai demandé à ma professeur du français de me conseiller quelque chose pour amméliorer ma prononciation, à quoi elle m'a assurée que ce n'est pas du tout grave, qu'il vaut mieux que j'accorde attention à la grammaire, qu'un accent ne peut pas être liquidé, et qu'à la fin, c'est charmant... Donc, j'ai laissé tomber...

 

 

 Xiaodong, Chinois

Bien que j'ai appris le français depuis l'alphabet phonétique international, j'ai toujours du mal à correctement prononcer. Comme je considère "bien parler" pour une importante partie de la maîtrise du français, cela m'ennuit beaucoup.
Après être venu en France, j'ai attenssivement suivi des cours du phonétique. En écoutant, réécoutant, parlant et étudiant, j'ai esayé de m'améliorer sur ma prononciation. Quoique je sentais quelque progrès au bout d'un certain temps, le résultat en est moins bon que je l'imaginais. Des fois j'en étais déssu.
(...)
En réalité, il existe des difficultés que je n'est pas capable de résoudre bien que je travaille beaucoup dessus. D'abord, c'est la difficulté de distinguer de différents sons [occlusives sourdes/sonores]. Je sens aucune différence en les écoutant, de telle manière que je doute s'il y a quelque maladie dans mes oreilles. Ensuite c'est la difficulté de bien prononcer, puisqu'il n'existe pas des prononciations dans notre langue maternelle, quand je parle je ne fait pas très attention et prononce mal. Donc c'est plutôt un problème de l'habitude et il est surmontable à condition que je fasse des efforts.
Je désire parler fançais comme un français. Il est quasiment impossible, je le sais, mais je vais faire mon mieux.

 

 

 

Evguénia, Russe

A l'université linguistique de Moscou pendant les cours de la phonétique on faisait beaucoup d'exercices pour travailler les sons et les intonations. On faisait aussi la gymnastique pour les muscles du visage pour mieux prononcer.
Je n'ai pas de secret particulier d'apprentissage de la phonétique sauf une grande volonté et j'écoutais la radio en français, j'écoutais des chansons françaises, je travaillais avec le magnétophone imitant le spikeur, j'imitais mes acteurs et actrices préférés pour parler et gesticuler comme eux. Depuis toujours je voulais parler français comme un Français.

 

 

 

 Aleksandra, Polonaise

Mes premiers pas en français étaient dérisoires. Ils remontent aux beaux vieux temps de l'école secondaire où on m'a fait découvrir toute la beauté et la richesse de la langue de Molière. Je suis vite tombée aveuglement amoureuse d'elle, de sa mélodie encore davantage quand j'entendais la voix merveilleuse de Mireille Mathieu. J'ai toujours été fascinée par cette chanteuse que je trouvais unique en son genre et c'est à cause de son 'r' remarquable. Je lui dois beaucoup parce que c'est grâce à l'étude de ces interprétations, aux énormes efforts pour l'imiter, que j'ai amélioré ma phonétique en français. Les longues heures que je passais devant le magnétophone en valaient la peine. Bien sûr, le résultat n'était pas si parfait qu'on puisse me considérer d'emblée comme une française. L'accent polonais était constamment présent dans mes propos, néanmoins j'ai réussi à le rendre moins exaspérant en sorte que mes amis français le jugeaient très charmant. Leurs opinions m'étaient agréables mais au fond j'aurais préféré les surprendre par le manque absolu d'accent quelconque. je n'imagine pas une plus grande flatterie...

 

 

 Marketa, Tchèque

Après deux ans d'études du français dans mon pays d'origine je suis partie à l'étranger. Au début je me suis retrouvée comme dans un mauvais rêve. Je ne comprrenais rien et sûrtout je ne comprenais pas pourquoi les autres ne me comprenaient pas. Quand même je parlais en français ? Je me suis rendue compte très vite que c'était à cause de ma prononciation que j'avais du mal à me faire comprendre.
Je savais très bien si quelqu'un pouvait m'aider, ça serait que moi-même. Grâce à ma passion pour la lecture, je progressais vite, et même j'ai trouvé du plaisir de lire en haute voie. Quand j'étais à la maison, precque tout le temps, j'écoutais du radio et je regardais à la télé. Les séances du théâtre m'ont donné encore un autre point de vue sur la langue et la prononciation même

 

 

 

 Araceli, Mexicaine

Pendant l'année nous avons eu un seul exercise qui était la mémorisation d'une pièce de théâtre comme la présentation de celle-ci a la fin du deuxième semestre. Selon les arguments du professeur, cet exercise faisait à l'élève s'exprimer et travailler autant la mémoire que la phonétique. Tout cela était très bien, le seul inconvénient était que nous ne savions ni lire ni écrire quoique ce soit du français.
(...)
Alors le jour de la présentation est arrivé et la catastrophe aussi, personne a peut parler claire ni fort ni correctement ; les phrases ont été oubliées, l'œuvre a été pitoyable et le publique assez agressif. La pièce satyriquo-comique était devenue, pour nous, tragique. Voilà ce qui a fait un de grand fiasco de nôtre cours et par conséquent de mon apprentissage.

 

 

 Michela, Italienne

Mon véritable apprentissage du français commença au lycée mais mon amour pour cette langue se manifesta bien avant vers l'âge de huit ans. A cette époque, ma mère écoutait des chansons de Charles Aznavour en version italienne. Bien que les textes fussent en italien, la mélodie ne trompait pas, elle était celle d'un pays qui parlait une langue douce et pleine de grâce. Un couple d'amis, à la même période, venait rendre visite à mes parents régulièrement. Je me souviens de la fascination qu'il exercait sur moi quand l'un d'eux parlait dans sa langue maternelle. Je comprenais à peine quelques mots mais les sons de leurs voix étaient si agréables que je restais longtemps à les écouter. A quatorze ans, nourrissant une passion déclarée pour les langues, je choisis un lycée de langues étrangères. Le premier cours de français avait été une véritable surprise pour tout le monde : notre professeur, une italienne, maîtrisait phonétiquement cette langue à la perfection. J'étais ébahie et, bien sûr, n'eux qu'une envie : atteindre le même niveau.

 

 

29 avril 2008

Henry SWEET

Henry_Sweet_2
photo : http://www.ling.su.se/fon/phoneticians/Henry_Sweet_2.jpg

Henry SWEET (1845-1912) est habituellement considéré comme le plus important des linguistes anglais du XIXème siècle et l'Alphabet Phonétique International a pour base originale sa transcription dite “broad Romic”. Son intérêt pour la transcription a dépassé le niveau segmental (voyelles et consonnes) puisqu'il introduit, en 1885, un système économique mais fonctionnel de notation de l’intonation, utilisant entre autres des marques en anglais devant les syllabes accentuées (marque qui sera incorporée plus tard dans l’alphabet de l'API).

Il était clair pour ces pionniers que l’enseignement de la prononciation devait être basé sur les mêmes principes que ceux sous-jacents à l’enseignement de la phonétique en tant que discipline. Pour Henry SWEET [SWEET, 1899], la prononciation ne peut s’apprendre par simple imitation, on doit apprendre à discriminer clairement entre les sons de la langue qu’on apprend et entre les sons étrangers et les sons de sa propre langue. Cela doit être fait par un entraînement auditif et articulatoire soigné.

A la même époque, l’usage de la transcription phonétique est promu comme un moyen de rappeler à l’élève quand utiliser les sons qu’il a appris à reconnaître et à produire. L’application stricte des méthodes phonétiques, impliquant un entraînement auditif rigoureux, un entraînement articulatoire, et l’usage des transcriptions phonétiques, était depuis longtemps accepté et largement utilisé particulièrement en Europe. Son succès dépendait du fait d’avoir des enseignants qui avaient eux-mêmes subi un entraînement phonétique rigoureux, et un des centres les plus influents a été le Département de Phonétique de University College à Londres. Daniel JONES, fondateur et longtemps directeur du département, soulignait en ces termes l’application de la phonétique à l’enseignement des langues [JONES, 1938] :

(traduction) "Le processus d'apprentissage de la prononciation d'une langue étrangère demande une 'analyse phonétique', qui à son tour forme les bases d'un 'entraînement phonétique'. 'L'analyse phonétique' doit spécifier avec suffisament de détails la nature des sons de la langue étrangère, et les usages de cette langue en matière de rythme, d'accent et d'intonation. 'L'entraînement phonétique' est la méthode pour amener l'élève à réaliser les actions nécessaires à la parole ; cela inclut :
(a) entraînement auditif (note de bas de page : par de fréquentes dictées de mots-sans-sens (logatomes) construits avec des sons de la langue étrangère) ;
(b) exercices des organes de la parole ;
(c) apprendre à utiliser les sons appropriés dans des mots et des phrases données ;
(d) apprendre à produire des séquences de sons avec un rythme, une accentuation et une intonation correctes."

 

30 avril 2008

Bibliographie en phonétique

Bibliographie extraite de mon ouvrage chez Hachette :

Hach1   Hach4

 

BIBLIOGRAPHIE

1. ANDERSON-HSIEH, Janet, JOHNSON, Ruth, KOEHLER, Kenneth. (1992) The RelationshipBetween Native Speaker Judgments of Nonnative Pronunciation and Deviance in Segmentals, Prosody, and Syllable Structure, Language Learning, 42(4), 529-555.
2. ARAMBASIM, V. (1973), Le Suvag Lingua de classe, Revue de Phonétique Appliquée, vol. 27-28, p. 16-22.
3. ARAMBASIM, V. (1973), Le Suvag Lingua de classe, Revue de Phonétique Appliquée, vol. 27-28, p. 16-22.
4. ASHER, J. J. (1977), Learning annoter language through actions : the complete teacher’s guide book, Los Gatos, CA : Sky Oaks Productions.
5. BEACCO Jean-Claude, BOUQUET, Simon, PORQUIER, Rémy (2004), Niveau B2 pour le français : un référentiel, Conseil de l’Europe / Division des politiques linguistiques, Strasbourg, Paris : Didier.
6. BERARD, Evelyne, CANIER Yves, LAVENNE, Christian (1996), Tempo 1 : méthode de français, Paris : Didier / Hatierr.
7. BOLINGER, Dwight (1980), Language : The Loaded Weapon, London/New York : Longman.
8. BOUBNOVA, Galina (2000), Contrastive prosodie of Russian and French : models and applications, Research Support Scheme Electronic Library.
9. BROWN, Adam ed. (1992), Approaches to Pronunciation Teaching, London : MacMillan, 159 p.
10. BYRNE, D. et al. (1994), An international comparison of long-term average speech spectra, Journal of Acoustical Society of America, vol. 96, no. 4, p. 2108-2120.
11. CALBRIS, G., MONTREDON, J. (1975), Approche rythmique, intonative et expressive du français langue étrangère, Paris : Création Loisirs Enseignement International, 77 p.
12. CALBRIS, G., MONTREDON, J. (1975), Approche rythmique, intonative et expressive du français langue étrangère, Paris : Création Loisirs Enseignement International, 77 p.
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9 avril 2013

Transcriptions Phonétiques (2)

La pratique de l'Alphabet Phonétique International est un excellent exercice, avant tout pour les enseignants.

Les symboles de l'API utiles pour transcrire le français sont peu nombreux et pour la plupart transparents.

La pratique régulière de l'API permet de se familiariser avec les caractéristiques de l'oral telles que l'enchaînement (quand on transcrit la frontière syllabique : "il arrive" [i-la-ʁiv]), la liaison ("en avion" [ɑ̃-na-vjɔ̃]), mais aussi les cas d'assimilation ("Absent!" [ap-sɑ̃]), les correspondances graphie / phonie (la lettre "x" réalisée [ks] dans "taxi" ou [gz] dans "exemple")...

C'est un code simple à maîtriser et sa pratique est amusante et réellement éclairante sur les problèmes de prononciation. (Ne vous laissez pas impressionner par les deux petits tableaux ci-dessous : ils présentent toutes les voyelles et les consonnes des langues du monde!!!, alorsqu'il n'y a qu'une trentaine de sons en français). Ces symboles sont organisés en systèmes structurés qui permettent de comprendre les erreurs des étudiants, et de proposer des corrections adaptées.

APIVoyAPICons

Pour les étudiants, les dictées en API révèlent certaines difficultés, parfois tout aussi bien révélées par l'orthographe. Ex : À la Solebonne.

Dans tous les cas, il est indispensable de confronter la transcription API avec le document audio, plus qu'avec la transciption orthographique.

Vous trouverez, sur les questions de transcription, un intéressant article scientifique de mes collègues de l'Institut de Phonétique de Paris 3, Bernard Gautheron et Antonia Simon-Colazo, intitulé : La transcription phonétique au bout des doigts, claviers et polices ergonomiques pour la transcription en API (version pdf).

aclweb.org/anthology-new/W/W12/W12-1304.pdf

J'ai utilisé en cours de phonétique pour pratiquer l'API en lecture et en transcription, les dramatiques radiophoniques de la célèbre série les Maîtres du Mystère, enregistrées à la Maison de la Radio / ORTF dans les années 1960-1970 et récemment rééditées en CD.

Je vous propose ici les transcriptions d'extraits de Un visiteur timide, de Charles Maître, première diffusion le 6/5/1969. Même si les acteurs sont très talentueux (Michel Bouquet, Jean-Claude Michel et Bernadette Lange), il s'agit d'écrit oralisé, ce qui est très différent de transcriptions d'oral spontané. Mais cela me semble déjà un progrès par rapport aux transcriptions réalisées à partir d'extraits littéraires (écrits) que l'on trouve dans de nombreux ouvrages. L'API est un outil de captation de l'oral tel qu'il est produit plutôt que tel qu'il devrait / pourrait être produit.

(vous pouvez entendre le document audio ici)

Malheureusement, les transcriptions que je vous propose ci-dessous ont été faites avec des polices API aujourd'hui obsolètes. Il s'agit donc de documents .pdf un peu déformés... Vous remarquerez que j'ai sciemment évité de reproduire en API l'espace graphique entre les mots. Seules les frontières entre groupes rythmiques sont indiquées pour approcher au plus près la production orale.

 

Entraînez-vous à lire de l'API, ou à transcrire en API : la liste de vos courses, les post-it que vous vous laissez, vos rendez-vous dans votre agenda... envoyez-nous vos commentaires en API !

Pour motiver votre lecture attentive, quelques coquilles se sont glissées dans les transcriptions. Saurez-vous les retrouver?

(cliquez sur le document pour l'agrandir)

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16 juin 2013

La phonétique sur Internet, tous azimuts !

Il s'appelle Christos Nikou. Elle s'appelle Despina Zarzouli. Ils ont aujourd'hui 30 ans, ils sont grecs.

En 2007, à la fin de leurs études qui les destinaient à enseigner le français en Grèce, ils ont fréquenté pendant un semestre l'Institut de Phonétique à Paris et ont enthousiasmé l'équipe enseignante par leur maîtrise de la langue et de la culture française, par leur curiosité et leur vivacité intellectuelles, par leur soif d'apprendre... enfin par leur enthousiasme, leur charme et leur gentillesse. Nous les avons vu repartir en Grèce en les sachant promis à un brillant avenir.

Despina Zarzouli travaille au Ministère de la Défense Nationale où elle enseigne le français aux officiers de l'armée de terre. En 2009, Christos a été détaché du secondaire au Département de Langue et Littérature Françaises de l'Université d'Athènes où il a à son tour enseigné la phonétique.

En cherchant à préparer une sitographie des ressources en prononciation du français (théories et exercices), Christos Nikou a finalement élaboré...

... "un inventaire raisonné de phonétique à travers les sites Internet, groupés et classés selon les différents phénomènes segmentaux et suprasegmentaux, ainsi qu'une partie préliminaire [...] pour favoriser l'autonomie des étudiants : travailler selon leur temps d'investissement afin de perfectionner leurs connaissances d'une manière motivante (c'est vrai que les étudiants sont connectés sur la Toile à peu près 2 à 5 heures par jour) et, pourquoi pas, d'une manière dirigée, changer leurs mauvaises habitudes articulatoires/phonétiques à partir de modèles."

Ce matériel a été élaboré au sein du Laboratoire multimédia pour le Traitement de la Parole et des Textes du Département de Langue et de Littérature françaises de l'Université d'Athènes sous la direction de la professeure Maro Patéli.

Voici donc, grâce à Christos Nikou, tout (ou presque) ce qu'on trouve à ce jour sur Internet ayant trait à la prononciation du français.

(version française du site) :  http://fr.frl.uoa.gr/le-laboratoire-multimedia/materiel-didactique-lab.html

(version grecque) : http://www.frl.uoa.gr/ergastirio-polymeswn/ekpaideytiko-yliko.html

Christos Nikou travaille aujourd'hui au Ministère de l'Education en Grèce. Nous sommes très admiratifs de son parcours et fiers de présenter ici une partie de son travail.

4 juin 2013

Le continuum vocalique

 

     Le trapèze (ou triangle) vocalique est une figure fondamentale en phonétique, je l'ai souvent présenté sur ce blog.

     Ce schéma articulatoire illustre toutes les possibilités de timbres vocaliques d'un conduit vocal humain, tous les timbres des voyelles orales des langues du monde y sont présents. Même après des années de pratique phonétique, l'espace défini par ce trapèze continue à me fasciner. Savoir que tous les timbres de toutes les langues du monde s'y trouvent ordonnés, cela invite à l'exploration...

     Cet espace est diversement divisé par les langues en unités fonctionnelles. Comme le continuum des couleurs de l'arc-en-ciel est arbitrairement divisé en couleurs par les cultures. [ 6 couleurs pour le physicien Thomas Young, 7 pour Isaac Newton - comme les notes de musiques, les jours de la semaine... ; il n'y a qu'un seul mot pour nommer le bleu, le vert et le gris naturels en breton, gallois, ancien irlandais et moyen irlandais : "glas" ... ]

     L'espagnol et le japonais divisent l'espace vocalique en cinq timbres fonctionnels. Le français en 10 (les 10 timbres fonctionnels des voyelles orales). Les langues ajoutent aux timbres vocaliques d'autres paramètres tels que la durée (en opposant voyelles brèves et longues, comme en anglais ou en arabe), la diphtongaison (présentant deux cibles vocaliques dans une seule syllabe comme en anglais, en allemand, en portugais), la nasalité (en abaissant le voile du palais et permettant les résonances nasales, comme en français, en portugais...), etc.

 

     Les voyelles, comme leur nom l'indique, sont faites avec la voix (alors que les con-sonnes = sonnent avec les voyelles).

     On peut chanter sur une voyelle (a-a-a-a) alors qu'on ne peut pas chanter sur une consonne (en particulier les occlusives : p-p-p-p !)

     Dernière caractéristique fondamentale : on peut passer d'une voyelle à une autre en une transition continue (exemple : le i-a des cow-boys américains "yeehaa!"), alors que ce n'est pas possible avec les consonnes (p-t).

 

Explorer le continuum vocalique

     Les voyelles constituant un continuum, on peut très facilement chanter sur une note stable une modulation progressive des voyelles. La représentation du triangle vocalique est particulièrement adaptée, puisque l’enseignant et / ou l’élève suit du doigt le glissement. Ce glissement est très progressif : il doit permettre de produire toutes les articulations intermédiaires et ainsi toutes les valeurs intermédiaires entre les deux sons, et d'entraîner ainsi son oreille à percevoir la diversité des timbres résultant de ce glissando. Parmi ces valeurs, certaines seront regroupées en valeurs fonctionnelles, les regroupements variant d'une langue à une autre. C'est pourquoi il me semble vraiment intéressant d'acquérir de la souplesse tant en production qu'en perception de cette variété vocalique. Ce glissement suit les axes du trapèze : de fermé à ouvert (et vice versa), d'étiré à arrondi (et vice versa). On évitera, dans un premier temps au moins, l'axe antérieur / postérieur souvent générateur de beaucoup de confusion.

 

i – e – ɛ – a (inspirer) a – ɛ – e – i (inspirer)

u – o – ɔ – a (inspirer) a – ɔ – o – u (inspirer)

i – y – i – y (inspirer) e – ø – e – ø (inspirer) ɛ – œ – ɛ – œ (inspirer)

y – ø – œ – a (inspirer) a – œ – ø – y (inspirer)

 

     En voici un exemple sonore susceptible de servir d'échauffement. Cette pratique demande de la détente (respiration) et de la concentration afin d'éprouver la continuité articulatoire et les correspondants sonores.

27 mars 2013

Transcriptions Phonétiques (1)

Hommage au Maître Phonétique.

Périodique écrit en Alphabet Phonétique International et en plusieurs langues (anglais, General American, français, allemand, italien, espagnol...), Le Maître Phonétique, revue de l'Association Phonétique Internationale (dont on peut lire les premiers numéros en ligne : http://archive.org/details/lematrephontiqu00vivagoog) a paru de 1904 à 1970.

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Nous en proposons ici des extraits en français, dont nous donnons plus bas la transcription orthographique.

Si ces transcriptions phonétiques / orthographiques vous intéressent, merci de laisser un commentaire pour en demander de nouvelles.

 

 

Premier extrait du n° 45, janvier-mars 1934.

Cliquez sur l'image pour l'agrandir

 

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Partie des élèves

Français

La maison était restée sous la protection d(e) trois gamins. L’un grimpé sur le faîte d’une charrette chargée d(e) fourrage vert, jetait des pierres dans un tuyau d(e) cheminée d(e) la maison voisine, espérant qu’elles y tomb(e)raient dans la marmite. L’autre essayait d’am(e)ner un cochon sur le plancher d(e) la charrette qui touchait à terre, tandis que l(e) troisième, pendu à l’autre bout, attendait qu(e) le cochon y fut placé pour l’enl(e)ver en f(ai)sant faire la bascule à la charrette. Quand Derville leur demanda si c’était bien là que demeurait Monsieur Chabert, aucun n(e) répondit et tous trois le r(e)gardèrent, avec une stupidité spirituelle, s’il est permis d’allier ces deux mots. Derville réitéra ses questions sans succès. Impatienté par l’air narquois des trois drôles, il leur dit de ces injures plaisantes que les jeunes gens s(e) croient l(e) droit d’adresser# aux enfants, et les gamins rompirent le silence par un rire brutal. Derville se fâcha. Le colonel, qui l’entendit, sortit d’une petite chambre basse, située près d(e) la laiterie, et apparut sur le seuil de sa porte avec un flegme militaire inexprimable.

 

Extrait de BALZAC, Le Colonel Chabert

 

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Deuxième extrait du n° 63, juillet-septembre 1938.

Cliquez sur l'image pour l'agrandir

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Partie des élèves

Français

La fable de Pierre

 

 Personnages: La débitante et son fils Pierre, un marchand d(e) toile. Quelque part en Haute Normandie, dans un p(e)tit café-débit, au bord de la route.

Déb : Viens don(c) dire bonjour au monsieur. Allons, n(e) fais pas ton p(e)tit nigaud, i(l) va t(e) donner  deux sous pour ta peine.

Pierre : J(e) veux pas, moi. Na !

Déb : C’est la timidité  qui l’empêche, mon bon monsieur. Voyons , Pierre, n(e) te sauve pas comme ça. I(l ne) va pas t(e) manger, l(e) monsieur.

Pierre : Voilà, j(e) viens, mais il faut qu’i(l) m(e) donne deux sous.

Déb : Puisqu’il a promis, vieux bêta ; « Allons, viens que j(e) te mouche. Souffle, souffle fort. Où as-tu donc été t(e) fourrer ? Croyez-vous qu’il est barbouillé ! Les enfants d(e) la campagne, on n(e) peut pas les tenir aussi propre qu’à la ville, on s(e) ruin(e)rait en blanchissage. Alors, vas-y, récite-nous ta fable.

Pierre : Laquelle ?

Déb : Celle qui parle d’une cigale et d’une fourmi.

Pierre : J(e ne) la sais plus.

Déb : En voilà un mensonge pour un enfant qui va faire sa première communion. Pendant qu(e) j’y r(e)pense, envoyez-moi donc deux paires de draps pur fil, non brodés. Traitez-moi en amie, hein ? I(l) m’en faudra d’autres ; et pas d(e) traites, surtout. Le facteur n’a pas besoin d(e) savoir où j(e) me fournis. Eh bien, y es-tu ? On t’attend !

Pierre : La cigale et la fourmi…

Déb : N(e) mets pas tes doigts dans ton nez ! Tu verras qu’un jour, il faudra t(e) le couper.

Pierre : Où veux-tu qu(e) je les mette, mes doigts ?

Déb : Faut-i(l) qu’il ait réponse à tout ! Allons, vite, le monsieur n(e) peut pas attendre indéfiniment.

Pierre : La cigale et la fourmi….

Déb : Veux-tu m(e) laisser ton tablier tranquille ! Ne le voilà-t-i(l)  pas qui agrandit l(e) trou qu’i(l) vient d(e) faire à son sarrau tout neuf ! Vas-tu commencer, ou faut-i(l) que j(e) me fâche pour de bon ?

Pierre : J(e) peux pas, tu parles toujours.

Déb : Attends un peu, que j(e) me mette en colère…

Pierre : La cigale et la fourmi….

Déb : Parle plus fort, on croirait qu(e) tu as d(e) la bouillie plein la bouche !

Pierre (très fort) : La cigale et la fourmi : La cigale ayant chanté Tout l’été, Se trouva fort dépoilue

Déb : Qu’est ce que tu nous racontes ?  C’est « dépourvue » qu(e) c’est écrit.

Pierre : J’aime mieux dépoilue. Au moins, ça a un sens !

Se trouva fort dépourv…. voilue Quand la brise fut venue. Pas un seul petit morceau, De mouche ou de vermisseau.

Elle alla crier famine Chez la fourmi sa v….

Oh, maman, regarde la vache qui s’est sauvée dans la pièce de blé !

Déb : C’est pourtant vrai. Viens avec moi la rattraper, avant qu’elle n’arrive au carré d(e) betteraves à Cyprien. Tu r(e)viendras finir ta fab(le), pour que l(e) monsieur te donne tes deux sous. Dites, monsieur l(e) marchand, servez-vous encore du café, et puis atteignez-moi des échantillons d(e) toile. Je suis à vous dans un instant.

Ils sortent en courant, et le marchand se verse une pleine tasse de café, attendant avec résignation la fin de la fable de Pierre.

 

Adapté du conte normand de G. DEMONGE, par J.P. VINAY
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Un dernier extrait que je vous laisse le soin de transcrire orthographiquement.

n° 15, juillet-septembre 1926.

 

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27 mars 2013

Traitement linguistique vs. traitement auditif

 

En matière d'apprentissage de la prononciation d'une langue étrangère, on oppose souvent l'évidente facilité des enfants et les grandes difficultés généralement rencontrées par les adultes. La recherche a pourtant montré que cette différence n'est pas tant le fait d'une plasticité cérébrale, auditive ou articulatoire des enfants que les adultes auraient perdue. Il s'agit surtout d'un traitement différent de l'information.

Les enfants traitent l'information acoustique "étrange / étrangère" qui leur parvient, de façon auditive, on pourrait dire telle quelle, brute et la réutilisent et/ou la stockent en l'état.

Alors que les adultes cherchent à traiter l'information acoustique qui leur parvient, de façon linguistique, en la décomposant en éléments connus, ou assimilables à ce qu'ils connaissent déjà. Ce faisant, ils déforment l'information qu'ils reçoivent.


Illustration de la différence de traitement :

Au laboratoire de langue, une étudiante hispanophone fait un exercice de répétition, le casque sur les oreilles. Elle entend l'énoncé suivant : "... ses cours d'allemand, son projet pour l'école", qu'elle répète ainsi : "ses cours d'allemand, sonne pRoyect dé l'école". La première partie de l'énoncé est spectaculairement parfaitement prononcée, la deuxième étant ... du franco-espagnol (en API : [seku:ʁ dalmɑ̃ / sɔn projɛkt / delekɔl]). Elle me demande alors : "sescoursd'allemand (de nouveau parfaitement prononcé!!!), ça vé diRe quoi?".

Conclusion : Cette étudiante prononce parfaitement l'information acoustique qu'elle traite de façon auditive (qu'elle n'interprète pas linguistiquement puisqu'elle ne la comprend pas) et qui pourtant présente beaucoup d'écueils phonétiques pour un hispanophone. Alors qu'elle déforme au point de changer certains mots, ce qu'elle comprend. Etonnant, non???

 

On peut alors concevoir un entraînement qui valorise d'abord le traitement auditif de l'information acoustique pour favoriser l'adoption de nouveaux gestes de prononciation, en évitant le traitement linguistique (en évitant les supports écrits? en utilisant des logatomes?, des noms propres?  - cf. Des exercices (1) et (2) avec les noms de villes et de stations de métro). On est alors bien loin des principes communicatifs...

A l'habituelle remarque des apprenants : "Je n'entends pas", il faut opposer "Tu interprètes différemment, mais tu entends la même chose".

De même, en production, et tous les enseignants le savent : plus l'attention de l'étudiant est focalisée sur le contenu de sa production orale (choix lexical, structures grammaticales), moins la performance phonétique est bonne. C'est donc à une maîtrise conjointe de ces deux attentions qu'il faut progressivement amener l'étudiant.

Kika(Les Gémeaux, de Francesca Guerrier)

 

 

18 juin 2012

Les voyelles nasales du français

 

Les voyelles nasales posent beaucoup de problèmes à de nombreux apprenants de français.

Pourquoi ?

 Avant tout parce qu’elles sont très fréquentes en français (en français oral, une voyelle sur six est nasale), et qu’elles permettent la distinction de nombreux mots fréquents (ex : qu’un, quand, con ; vingt, vent, vont ; cinq, s’en, sont…)

 De plus, l’utilisation de la nasalité pour les voyelles à des fins distinctives n’est pas si fréquente dans les langues du monde.

 Ensuite, parce qu’elles connaissent des variantes régionales : un [n] est prononcé en finale de la voyelle en français méridional, le français parisien ne connaît que trois voyelles nasales, où ailleurs on peut en compter quatre, …

 Enfin, parce que leur orthographe est complexe, impliquant toujours une consonne graphique N ou M (absente à l'oral sauf en cas de liaison).

Mais ce ne sont, d'un point de vue phonétique, que de simples voyelles ! (c'est à dire des sons stables prononcés la bouche ouverte).

 

En français standard, on peut considérer trois voyelles nasales qui suffisent à une production "sans accent". La consonne écrite n’est prononcée que dans le cas des liaisons (ex : En France [ɑ̃ fʁɑ̃s] / En Italie [ɑ̃ ni ta li] ; On vient [ɔ̃ vjɛ̃] / On-arrive [ɔ̃ na ʁiv]).

Donc de manière générale, pour prononcer une voyelle nasale en français standard, la langue ne change pas de position pour aller prononcer un [n] ou un [m] , la bouche reste immobile et (relativement) ouverte pendant et jusqu'à la fin de la production de la voyelle.

 Les voyelles nasales sont des voyelles, c’est-à-dire qu’elles sont produites par la voix (on peut vocaliser / chanter dessus), avec adjonction d’un résonateur supplémentaire : la cavité nasale, ouverte par l’abaissement du voile du palais au fond de la bouche. Mais elles sont principalement orales. Il ne faut pas chercher à trop les nasaliser, c’est inutile… et comme le disent les apprenants eux-mêmes, ce n’est pas très joli !

 

Donc 3 voyelles nasales : en Alphabet Phonétique International 

[ɛ̃] : comme dans « Fin !», « Bien ! », « un »

[ɑ̃] : comme dans « J’en prends », « Quarante ans »

[ɔ̃] : comme dans « Bon ! », « Onze ! »

 

Ces trois voyelles présentent des caractéristiques acoustiques :

[ɛ̃] : est le plus aigu, très clair

[ɑ̃] : est classée grave, clair

[ɔ̃] : est le plus grave, sombre.

 

Vous pouvez vous entrainer à l'écoute et la répétition de ces trois voyelles nasales sur les diaporamas accessibles ici.

 

Ces voyelles sont articulées de façons différentes. L’hyperarticulation permet de maximiser les caractéristiques acoustiques de chaque voyelle, et permet donc à l’oreille de mémoriser le son optimal … pour le reproduire ultérieurement de façon articulatoirement plus économique (dans les syllabes inaccentuées par exemple).

Il est très difficile de convaincre les apprenants de SURARTICULER ces voyelles, alors qu’ils constatent que les Français ne le font pas. Comprendre qu’il est important de passer par une phase d’exagération articulatoire pour se donner une chance d’entendre et produire les caractéristiques optimales de chacune de ces trois voyelles qu’ils ont tendance à confondre, avant de pouvoir dans un second temps, obtenir des résultats aussi distinctifs avec une articulation plus économique.

 

Les traits articulatoires (particulièrement visibles en syllabe accentuée, c’est à dire à la fin des groupes rythmiques) sont :

[ɛ̃] : est ouverte, lèvres souriantes (comme [e, ɛ])

[ɑ̃] : est très ouverte, coin des lèvres rapprochés NON-souriantes (comme [ɔ])

[ɔ̃] : est fermée, lèvres en avant (comme [u])

 

Les apprenants de français ont tendance à confondre ces trois voyelles nasales deux à deux :

• [ɛ̃] (vingt) et  [ɑ̃] (vent) : cette insécurité est renforcée par la graphie majoritairement prononcée [ɑ̃] (parents, enfants, prends-en !) mais parfois [ɛ̃] (examen, et les mots en : bien, rien, tiens, moyen).

Pour illustrer la difficulté de distinguer [ɛ̃] et [ɑ̃] pour certains non-natifs (ici un hispanophone en français), voici un extrait de l'émission "Des papous dans la tête" diffusée sur France Culture le 5 juin 2016 : le peintre argentin Ricardo Mosner propose un texte répondant à la consigne "Suppose que tu t'appelles..." qui doit s'achever par un calembour littéraire. Son texte commence par "Suppose que tu t'appelles TAN ([tɑ̃])..." et aimerait s'achever par "hé oh [tɑ̃] (en) emporte le vent", mais... écoutez plutôt le fichier sonore ci-dessous :

RicardoMosner

 • [ɑ̃] (vent) et [ɔ̃] (vont)

 

D’après ma pratique, c’est la maîtrise de [ɑ̃] qui, par sa position intermédiaire, pose le plus de problème.

[ɛ̃] très aigu, lèvres étirées est souvent phonétiquement vite maîtrisé.

Idem de [ɔ̃] très grave dont l’articulation fermée et arrondie est familière.

(ce qui veut dire que leur pratique virtuose en opposition et dans les mots n’est qu’une question de concentration et de pratique).

 

Par contre, [ɑ̃] présente des caractéristiques articulatoires dont la conjugaison peut être perçue comme durablement inconfortable.

C’est une voyelle ouverte mais avec les lèvres non étirées. Elle se rapproche en cela de la voyelle [ɔ] de « d’accord», « alors », qui pose elle-même souvent problème. C’est donc une position à travailler, car rentable pour plusieurs voyelles du français : [œ, ɔ, ɑ̃].

 

Pour faire pratiquer aux apprenants l’ouverture de la voyelle [ɑ̃], je les incite à travailler la chanson de Véronique Sanson « Ma révérence », qui présente de nombreuses occurrences de la voyelle en syllabe accentuée.

A partir d’un clip trouvé sur internet (voir plus bas), j’ai photographié l’articulation de quelques voyelles.

 

 

La voyelle [ɛ̃] dans « un », « main » (les lèvres sont étirées)

12

 En comparaison, l’articulation de [ɛ], dans « m’aimaient »

3

 

 

La voyelle [ɑ̃] dans « temps », « révérence » (la bouche est grande ouverte)

456

A titre de comparaison, l’articulation de [ɔ] dans « alors »

7

 

 

La voyelle [ɔ̃] dans « honte », « fond » (la bouche est petite et fermée)

89

A titre de comparaison, l’articulation de [u] dans « tout ».

10

 

Et voici la totalité du clip :

 

 

 

22 octobre 2014

Phonétique contrastive illustrée

 

    Stacy Blair est une brillante enseignante de français dans le secondaire à New York City. Elle a suivi en 2009-2010 le M.A. de Teaching French as a Foreign Language (TFFL) de New York University dispensée à NYC et à Paris. C'est là que nous avons travaillé ensemble.

    Après des mois de préparation et de recherche de financements, Stacy a réussi à organiser un voyage de classe en avril dernier de NYC à Paris et m'a gentiment proposé d'animer un atelier phonétique avec ses élèves.

    A cette occasion, le groupe m'a offert un Penguin Book vraiment très amusant :

Vahram Muratyan (2011), Paris versus New York : a Tally of two Cities, Penguin Books (précédemment édité en France aux Editions 10/18)

    On retrouve partiellement le contenu de ce livre sur le blog de l'auteur.

    Le principe est d'une simplicité très efficace : chaque double page met en contraste des illustrations des deux villes et/ou les deux populations sous un aspect ; à gauche Paris, à droite New York City. Par exemple (cliquez sur l'image pour l'agrandir) :

 

40ingenieur48reinvention

 

54humeur

37pepelepew-1

        

 

 

 

... où l'on retrouve Pepé Le Pew, célèbre personnage de cartoon à l'accent français, face aux écureuils de Central Park.

 

    Et voici comment l'auteur traite de façon contrastive le français de Paris et l'anglais de New York ...

DSC03359

 

    (Si le livre oppose Conversation / Dialogue, le blog de l'auteur propose une autre interprétation de la même illustration : Ambiance dans un restaurant / Soundscape in a restaurant.)

 

    C'est une image qui parle particulièrement aux phonéticiens expérimentaux : cette représentation de base de l'onde sonore (que l'on trouve aujourd'hui sur tous les ordinateurs) est un oscillogramme (ici très stylisé bien entendu). Sur l'axe horizontal, le temps. Sur l'axe vertical l'intensité.

    Ce qu'illustre le dessin?    Qu'en français parisien, la parole présente une moindre intensité (moins fort) et peu de variations (ce que que les anglo-américains perçoivent comme relativement monotone et plat). Alors qu'en anglais new-yorkais, la parole présente une forte intensité (plus fort) et d'importantes variations.

    Un bon dessin vaut mieux qu'un long discours?

    Une amie qui encadrait des groupes d'adolescents français placés en séjour linguistique dans des familles aux Etat-Unis m'a raconté l'histoire suivante : elle reçoit un jour un appel d'une famille américaine qui s'inquiétait beaucoup de son adolescent français, qui semblait vraiment triste et déprimé. Mon amie demande à parler à l'adolescent. Le jeune homme lui assure que tout va très bien... mais il avoue s'étonner de ce ton perpétuellement extrêmement enthousiaste de sa famille d'accueil !

 

    Un entraînement à la prononciation doit aborder aussi ces différences culturelles de production de parole ! Ces différences sont les premières à nous sauter aux oreilles lorsque nous sommes exposés à une nouvelle langue, et nous savons en général facilement les imiter pour nous amuser. Mais bizarrement, dès que nous commençons un entraînement à la prononciation, nous perdons cette capacité d'imitation pourtant si précieuse....

    Nous en reparlerons !

 

 

 

 

21 octobre 2014

Morpho-phonologie des voyelles

 

    J'ai déjà abordé ici la question des ressources linguistiques utiles à l’élaboration d’exercices phonétiques. J'ai déjà défendu dans de précédents messages l'idée que la tâche la plus importante pour l'enseignant ne doit pas être de rechercher des mots d'entraînement à la prononciation mais bien de définir clairement - et de partager avec les apprenants - l'objectif phonétique de l'exercice, de vérifier que la nature de l'exercice est en adéquation avec l'objectif, de veiller à la précision des consignes, à la place de l'exercice dans le cours (après l'information, la stimulation de la motivation), à l'intérêt de la mise en oeuvre en classe, à la progression à l'intérieur de chaque exercice et entre les exercices, et d'organiser l'animation des retours d'expérience.

    Les questions de morphologie rejoignent souvent les problèmes phonétiques : dans la morphologie du genre par exemple, l'alternance - "Mexicain - Mexicaine", renvoie à un problème phonétique : l'alternance [ɛ̃ / ɛn]  ([Voyelle nasale] - [Voyelle orale + Consonne nasale]) qui est parfois difficilement réalisée. Les manuels de phonétique exploitent parfois beaucoup ces alternances. On exerce la phonétique en même temps que l’on entraîne certains mécanismes de structuration morphologique. On parle alors de morpho-phonologie.

 

    De façon générale, pour entraîner à la prononciation (par exemple de [y]), l'enseignant a à sa disposition :

- la phonologie : en particulier avec les paires minimales. (“Au-dessus / au-dessous ”). Ce matériau linguistique est particulièrement adapté aux exercices de perception.

- le lexique : (“L’avenue de Bellevue”). Ce matériau linguistique peut être adapté en fonction du niveau du public pour les exercices de production : répétition, substitution. Les dictionnaires alphabétiques ne sont pas d’une grande aide pour l’enseignant, puisqu’on cherche en général d’abord à présenter le son en syllabe finale de mot. Il existe des bases de données lexicales qui présentent toute la souplesse du traitement informatique, mais qui sont peu répandues. Ce sont les dictionnaires de rimes (ou dictionnaire inverses) qui présentent le meilleur rapport accessibilité / utilité.

- la morphologie : ("Je vais venir, je vais voir, je vais vaincre -> Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu”). Définie traditionnellement [ARRIVÉ et al., 1986] comme l’étude de la forme des mots, la morphologie englobe l’ensemble des manifestations de la flexion, les variations des mots selon les catégories du genre et du nombre, de la personne ainsi que les divers modes de formation des mots : dérivation et composition.

    Pour les incidences phonologiques des alternances morphologiques, on parle de morpho-phonologie :

1. étude systématique des moyens phonologiques mis en œuvre dans les variations morphologiques comme la flexion.

2. en grammaire générative, les règles phonologiques - destinées à interpréter les structures de surface pour obtenir des représentations phonétiques.[SCHANE, 1968, French Phonology and Morphology, MIT Press, Cambridge]

    La morphologie présente  l’avantage d’offrir un système (contrairement au lexique), favorable à l’élaboration d’exercices de type structuraux. Mais les régularités morphologiques incitent aussi à une généralisation engendrant des impossibilités aussi éprouvées par les enfants en langue maternelle. Par exemple : *"j'ai prendu", *j'ai li"...

   ...et par Francis Blanche : "C'est en forgeant qu'on devient forgeron. Mais ce n'est pas en se mouchant qu'on devient moucheron, ni en sciant que Leonard De Vinci (/devint scie)/".

      On parle d’alternance régulière quand elle est statistiquement fréquente.

 

    Je le répète, la recherche des mots, du matériau linguistique des exercices, est malheureusement souvent la première préoccupation phonétique des enseignants.

    Or la tâche principale de l’enseignant est d’animer la réflexion sur les processus d’apprentissage et sur les moyens de corriger les écarts.

  

    C'est donc pour éviter cette recherche fastidieuse que je propose un tableau synthétique des correspondances entre certains aspects morphologiques (morphologie du verbe, du genre, du nombre, affixation, transformations = d’une catégorie à une autre) et les voyelles phonétiques du français.

    Le tableau suivant présente pour chaque voyelle les alternances morphologiques aboutissant à cette voyelle. Ainsi chaque alternance est évoquée deux fois : par exemple (prison –> emprisonnement ) pour [ɑ̃], (emprisonnement -> prison ) pour [õ]

    Les abréviations utilisées sont :

V0 : verbes à l’infinitif     N : noms      Adj : adjectifs      N.anim = noms animés

N.inanim = noms inanimés     Voy. : voyelles     Cons. : consonnes     nas. : nasales

    Les alternances irrégulières d’une seule occurrence sont signalées par une astérisque. Leur irrégularité ne dit rien de leur fréquence. Par exemple, l’alternance [y]/[u] est irrégulière (Tu / Vous) mais très fonctionnelle et potentiellement très fréquente.

    Chaque correspondance morpho-phonologique est illustrée par une liste (L1, L2, L3...) donnée plus loin.

 

    Exemple : Mon objectif est de travailler l'opposition [ɛ̃ / in]  ([Voyelle nasale] - [Voyelle orale + Consonne nasale]). Je cherche donc dans le tableau sous l'entrée de la voyelle orale [i] ou de la voyelle nasale [ɛ̃]  (je dois trouver les mêmes listes sous ces deux entrées). Je trouve dans la colonne NOMS et la sous colonne du GENRE : • (L4) [ɛ̃] - [in] (argentin - argentine). Je peux donc consulter la Liste 4 pour trouver les occurrences lexicales de cette alternance morphologique :

Pays / région... : alpin, angevin, argentin, byzantin, florentin, girondin, latin, limousin, maghrébin, périgourdin, philippin, poitevin

Noms et adjectifs : anodin, assassin, badin, câlin, chauvin, citadin, clandestin, concubin, copain *, coquin, cousin, crétin, divin, enfantin, féminin, fin, gamin, lapin, libertin, machin, marin, masculin, mesquin, radin, rouquin, sagouin, sanguin, taquin, voisin.

 

 

(cliquer sur l'image pour agrandir)

MPP1

MPP2

MPP3

MPP4

 

    On notera que les alternances phonologiques correspondent rarement à des paires de confusion en apprentissage de la prononciation des voyelles du français.

    Les alternances morphologiques peuvent servir à la construction d’exercices structuraux quand elles ont régulières, c’est-à-dire présentes dans un grand nombre de cas. Le nombre de cas de chacune de ces alternances est très variable (voir listes ci-dessous).

     Ces listes étant assez volumineuses, j'attends vos réactions (en Commentaires de ce message) pour mesurer votre intérêt à en disposer. En voici  les premières pages....

 (cliquer sur l'image pour agrandir)

List1

List2

List3

List4

List5

 

List6

 

    La construction de tels exercices est le plus souvent réservée pour l’usage d’étudiants avancés. On trouve des exercices exploitant les alternances morphologiques dans tous les manuels de phonétique.

 

    On pourrait de même lister les régularités morphologiques impliquant des consonnes, par exemple :

[ʁ] Construction du futur simple : Tu viendras ? Je viendrai !

[ʁ] initial de réitération : Reviens !

[z] de liaisons : Tous les ans

[ʒ] initial : Je viens ou J’viens (avec des verbes commençant par une consonne sonore)

[ʒ] final : repasser / repassage

 

 

 

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