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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
2 février 2015

Le Renard et la Cigogne... en API

 

 

    Il y a près de deux ans, j’ai mis en ligne sur ce blog un extrait du périodique : Le maître phonétique, de 1938 : « La fable de Pierre ». Cette adaptation en alphabet phonétique du conte normand de G. Demonge met en scène un enfant que l’on oblige à réciter la fable de La Fontaine « La cigale et la fourmi », ce qu’il fait de mauvaise grâce…

Pierre (très fort) : La cigale et la fourmi : La cigale ayant chanté Tout l’été, Se trouva fort dépoilue

La mère : Qu’est-ce que tu nous racontes ?  C’est « dépourvue » qu(e) c’est écrit.

Pierre : J’aime mieux dépoilue. Au moins, ça a un sens !

    J’avais constaté que ce message répondait à l’attente de nombreux internautes à la recherche de la transcription phonétique de la fable de La Fontaine. J’avais donc proposé quelques mois plus tard une transcription phonétique de la fable originale… sans pouvoir m’empêcher de questionner la tradition scolaire française qui fait apprendre par cœur aux enfants de 7 ans ces fables aujourd’hui si difficilement compréhensibles…

 

     Il y a quelques jours, j’ai vu « Maintenant ou jamais », film de Serge Frydman de 2013. Dans une scène du film, un petit garçon récite avec peine « Le Renard et la Cigogne ». Cela a suffi pour me faire réagir… et me donner l’envie de vous faire partager la scène… et la transcription phonétique de la fable !

 

Dans la scène du film, la récitation est en arrière plan d’une action principale silencieuse :

Le père : Vas-y, j(e) t’écoute.

L’enfant : Compère le Renard se mit un jour en frais, et retint à dîner commère la Cigogne. Le régal fût petit et sans beaucoup d'apprêts… Alors j’apprends la suite ?

Le père : Oui, vas-y, tu lis à partir de là…

L’enfant : en frais…  euh…. Le galant….. pour toute …. bésogne… avait le brouet… clair. J(e) comprends rien !

Le père : …. Bon, reprends du début. Vas-y !

L’enfant : Compère le Renard se mit un jour en frais…

Le père : Moins vite, moins vite, moins vite, prends ton temps…

L’enfant (très lentement) : Compère le Renard se mit un jour en frais….

 

 

 

 

Voici la transcription en Alphabet Phonétique International de mon enregistrement de la fable (voir plus bas).

 

Le Renard et la Cigogne      [lŒʁŒˈnaʁ / elasiˈgɔɳ //

Compère le Renard se mit un jour en frais,     [kõˈpɛʁ / lŒʁŒˈnaʁ / sŒmitɛ̃ʒuʁɑ̃ˈfʁɛ/

et retint à dîner commère la Cigogne.     [eʁŒtɛ̃tadiˈne / kɔˈmɛʁ / lasiˈgɔɲ //

Le régal fût petit et sans beaucoup d'apprêts :     [lŒʁegalfypŒˈti / esɑ̃bOkudaˈpʁɛ //

Le galant pour toute besogne,     [lŒgaˈlɑ̃ / puʁtutŒbŒˈzɔɲ /

Avait un brouet clair ; il vivait chichement.     [avɛtɛ̃bʁuɛˈklɛʁ /  ilvivɛʃiʃŒˈmɑ̃ //

Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :     [sŒbʁuɛˈfy / paʁˈlɥi / sɛʁvisyʁynaˈsjɛt //

La Cigogne au long bec n'en put attraper miette ;     [lasiˈgɔɲ / olõˈbɛk / nɑ̃pytatʁapeˈmjɛt //

Et le drôle eut lapé le tout en un moment.     [elŒˈdʁol / ylapelŒˈtu / ɑ̃nɛ̃mOˈmɑ̃ //

Pour se venger de cette tromperie,     [puʁsŒvɑ̃ˈʒe / dŒsɛt(Œ)tʁõˈp(Œ)ʁi /

A quelque temps de là, la Cigogne le prie.     [akɛlkŒtɑ̃dŒˈla / lasigɔɲ(Œ)lŒˈpʁi //

"Volontiers, lui dit-il ; car avec mes amis     [vɔlõˈtje / lɥidiˈtil // kaʁavɛkmezaˈmi /

Je ne fais point cérémonie. "          [ʒŒnŒfɛpwɛ̃seʁemOˈni //

A l'heure dite, il courut au logis     [alœʁˈdit / ilkuʁytOlOˈʒi /

De la Cigogne son hôtesse ;     [dŒlasiˈgɔɲ / sõnoˈtɛs //

Loua très fort la politesse ;     [luatʁɛˈfɔʁ / lapOliˈtɛs //

Trouva le dîner cuit à point :     [tʁuvalŒdiˈne / kɥitaˈpwɛ̃ //

Bon appétit surtout ; Renards n'en manquent point.   [bõnapeˈti / syʁˈtu // ʁŒˈnaʁ /nɑ̃mɑ̃kŒˈpwɛ̃ //

Il se réjouissait à l'odeur de la viande     [ilsŒʁeʒwiˈsɛtalodœʁdŒlaˈvjɑ̃d /

Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande.     [mizɑ̃mŒnymɔʁˈso / ekilkʁwajɛfʁiˈɑ̃d //

On servit, pour l'embarrasser,     [õsɛʁˈvi / puʁlɑ̃baʁaˈse /

En un vase à long col et d'étroite embouchure.     [ɑ̃nɛ̃vazalõˈkɔl / edetʁwatɑ̃buˈʃyʁ //

Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer ;     [lŒˈbɛk / dŒlasiˈgɔɲ / ipuvɛbjɛ̃paˈse //

Mais le museau du sire était d'autre mesure.     [mɛlŒmyzodyˈsiʁ / etɛdotʁŒmŒˈzyʁ //

Il lui fallut à jeun retourner au logis,     [illɥifalytaaˈʒœ̃ / ʁŒtuʁneʁOlOˈʒi /

Honteux comme un Renard qu'une Poule aurait pris,     [õˈtø / kɔmɛ̃ʁŒˈnaʁ / kynŒpuloʁɛˈpʁi /

Serrant la queue, et portant bas l'oreille.     [sɛʁɑ̃laˈkø / epɔʁtɑ̃balOˈʁɛj //

Trompeurs, c'est pour vous que j'écris :     [tʁõˈpœʁ / sɛpuʁˈvu / kŒʒeˈkʁi //

Attendez-vous à la pareille.      [atɑ̃deˈvu / alapaˈʁɛj //]

 

Sur La naissance d’Osiris, Air gracieux, de Jean-Philippe Rameau (Marc Minkowski et les Musiciens du Louvre)

 

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29 février 2016

Stop à la maltraitance phonétique !

 

    On demande souvent aux chercheurs (ou aux enseignants-chercheurs) ce qu'ils trouvent. Dans le domaine de l'enseignement / apprentissage de la prononciation, les chercheurs rencontrent des évidences souvent négligées, des mesures simples favorisant l’acquisition de la meilleure prononciation possible en langue étrangère qui semblent bien naïves et qui sont étrangement ignorées. C'est ce que nous avons voulu maladroitement rappeler dans l'Appel des Phonéticiens, en précisant notamment le rôle de l'environnement scolaire et familial dans l'établissement d'une confiance en soi et d'une estime de soi dans le périlleux domaine de la prononciation d'une nouvelle langue. Nous précisions :

 

"l’environnement scolaire et familial de l’apprenant doit soutenir et valoriser cet effort :

l’image que l’apprenant a de lui-même dans la nouvelle langue est en jeu."

 

    Frédérique m'a fait parvenir un témoignage édifiant, non seulement par l'attitude si maladroite et inconséquente de son enseignante, mais surtout par les graves répercussions à long terme d'une telle attitude. 

    Il est très important de ne pas laisser s'exprimer moqueries, regards négatifs sur les efforts de prononciation en langue étrangère de quiconque. Un effort de prononciation qui s'éloigne de la prononciation de la langue maternelle, qui tente de s'approprier une altérité doit toujours être valorisé et encouragé, même si la tentative est maladroite.

    J'espère que le témoignage de Frédérique ouvrira les yeux de certains sur les graves conséquences d'attitudes moqueuses à un moment de prise de risque. Stop à la maltraitance phonétique !

 

 

    Je dois commencer par dire que j'ai une histoire un peu compliquée avec la prononciation des langues qui ne sont pas ma langue maternelle et étrangement surtout avec les langues qu'aujourd'hui  j'aimerais parler.
La seule langue pour laquelle on ne m'a jamais fait de remarques désobligeantes concernant mon accent ou ma prononciation est l'allemand, langue que je n'ai jamais voulu apprendre et dans laquelle j'ai été inscrite d'office en sixième. Plus de 35 ans après, je ne parle pas cette langue mais les quelques mots ou phrases que j'en dis le sont apparemment avec un accent plutôt correct, c'est en tout cas les retours que j'en ai.
(...) En fait, la langue que j'aimerais parler c'est l'anglais mais j'ai tellement honte de ma prononciation que je n'ose pas .

Ce qui m'a freinée pour améliorer ma prononciation de l'anglais
Je n'ai étudié l'anglais qu'en quatrième et troisième, en tant que seconde langue. J'en ai un souvenir assez terrible. Plus de trente ans après, j'ai des difficultés à reconstruire la genèse de cette triste expérience avec la langue anglaise mais ce dont je me rappelle de mon apprentissage au collège concerne plus particulièrement la prononciation ou plus précisement mes difficultés de prononciation.
En fait, j'ai deux souvenirs marquants. Le premier concerne une punition que j'ai eue au tout début de ma classe de quatrième parce que ma professeur pensait que j'avais voulu faire rire toute la classe en prononçant baiseroume pour dire que je ne sais plus trop qui dormait dans la chambre à coucher. Une malencontreuse confusion entre bedroom et bathroom, une prononciation désastreuse et hop le tour était joué et ma réputation faite !
Un peu plus tard, cette même professeur, m'a interrogée pour  lire un texte  en disant plus ou moins : «  Alors maintenant on va rire un peu... on va demander à Frédérique de lire ». Et évidemment à 13 ou 14 ans, plutôt que de passer pour une idiote on en rajoute dans la provocation : mieux vaut être considérée comme une rebelle que comme une imbécile par ses pair-e-s !
Je n'ai par contre aucun souvenir de cours ou d'activités pour améliorer cette prononciation apparemment si drôle qu'aujourd'hui encore si je dois prononcer le titre d'un film en anglais j'ai honte et je commence toujours par m'excuser de mon accent et du fait que je ne parle pas du tout anglais.
(...)
Plus largement, concernant ces freins, je dois évoquer le fait que personne dans mon entourage familial ne parlait anglais. La seule personne de ma famille qui parlait une langue étrangère était ma grand-mère, elle parlait frioulan et italien. J'avais des amis qui parlaient d'autres langues dans leurs familles, notamment le portugais, l'arabe ou le berbère mais pas l'anglais. Pour moi, et sans doute aussi pour mon entourage, l'anglais était la langue de la high class, ce qui clairement n'était pas la mienne. Bref, dans mon système de représentation, la langue anglaise n'avait pas un statut social qui me donne envie de l'apprendre.

Ce qui pourrait faciliter l'amélioration de ma prononciation de l'anglais
Depuis quelques années maintenant, j'ai envie d'apprendre l'anglais car c'est la seule langue qui puisse me permettre de communiquer avec des personnes du monde entier ou de lire des textes et des articles de journaux sur des sujets qui m'intéressent.
(...)
L'an dernier, un événement a également précipité les choses dans mes rapports avec l'anglais : j'ai rencontré plusieurs personnes qui venaient de divers pays et notamment du Soudan, d’Éthiopie et d'Afghanistan et la seule langue commune pour que ces personnes parlent entre elles au-delà de leurs nationalités et langues maternelles différentes est l'anglais. L'anglais est aussi la seule langue dans laquelle je peux avoir des semblants de conversations avec ces personnes ou échanger des informations cruciales telles des lieux et des heures de rendez-vous ou des enseignements pour remplir des formulaires administratifs. Étrangement, moi qui ne parvenais depuis des années à prononcer un mot dans cette langue car cela me mettait terriblement mal à l'aise, j'ai commencé à « baragouiner » en anglais avec ces nouvelles connaissances. A chaque fois je m'excuse de mon mauvais niveau  mais, fait nouveau, je parle (un peu), j'échange en anglais.
J'ai donc commencé par moi-même à écouter de l'anglais, à lire de petits articles sur des sujets familiers en anglais, à revoir les bases. Je m'exerce à prononcer l'anglais en répétant des mots ou des phrases via des exercices trouvés sur internet ou des phrases que j'entends dans des films en VO.
Bon, ceci dit , je pense avoir péniblement acquis un niveau A1.1 et guère plus mais je crois que je progresse et j'ai envie de continuer.
Pour résumer, ma principale motivation pour m'exercer à prononcer l'anglais est l'envie d'être comprise et de pouvoir communiquer avec des personnes qui parlent cette langue.

Encore un frein
Le problème c'est que l'anglais que j'entends et comprends depuis maintenant plus de six mois est un anglais parlé exclusivement par des personnes dont les langues sont l'arabe, le persan, le farsi, l'amarique ou le tigrinien et qui le parlent avec des accents plus ou moins prononcés parfois. Parmi cette multitude d'accents, finalement je ne sais pas si ma propre prononciation s'améliore ou si tout simplement les personnes me comprennent parce qu'elles sont habituées à faire l'effort d'écouter des gens qui parlent anglais avec des accents différents.  En tout cas, j'ai de moins en moins honte de prononcer des mots ou de petites phrases en  anglais, dans ce cadre là en tout cas. Je pense aussi que d'entendre des personnes qui s'expriment de façon fluide en anglais mais avec plein d'accents différents a aidé à lever quelques unes de mes inhibitions.


 

28 septembre 2017

[e] fermé et tendu

   Anton est un brillant jeune homme russe de 30 ans, qui vit en France depuis quelques années, avec sa femme (française) et ses enfants. Il a un excellent niveau de français mais il souhaite améliorer sa prononciation. Il parle plutôt vite (ce qui ne favorise pas le contrôle phonétique) mais quand il travaille sa prononciation, il sait ralentir fortement son débit. Il ne prononce pas le R roulé russe en français, ce qui est une très bonne chose puisque R est la consonne la plus fréquente en français. (Quand R est mal prononcé, c'est un indicateur évident d'un accent non-natif).

   Anton présente en français d'autres caractéristiques phonétiques globales issues de sa langue maternelle. Son articulation n'est pas assez tendue, pas assez ouverte et pas assez antérieure. Cela se manifeste entre autres par des consonnes ou voyelles molles, présentant une forme de transition, ou de diphtongaison, différentes des sons relativement stables du français.

   Enfin, une autre de ses difficultés est de distinguer les voyelles d'aperture moyenne, tant en perception (arriver à entendre la différence) qu'en production (parvenir à les articuler) : [e/ɛ] [ø/œ], [o/ɔ]. En russe, on trouve pour chaque paire de voyelles, une seule valeur intermédiaire, entre le son ouvert et le son fermé, valeur qui est toujours mal interprétée par les oreilles françaises : perçu trop ouvert quand il devrait être fermé (fermé, perçu comme fermait), perçu trop fermé quand il devrait être ouvert (ouvert, perçu comme *ouvér). En français, les voyelles fermées sont les plus tendues. C'est donc l'occasion de travailler la tension, geste articulatoire de base, dont Anton tirera un bénéfice général sur sa prononciation en français.

Nous travaillons sur la voyelle [e] fermé, la voyelle la plus fréquente en français, dont les graphies sont :

-ER (on va y aller, pour dîner, le boulanger, trop léger – sauf quelques rares mots : la mer, le fer, l'hiver, le cancer…), -É (on est allé, on a dîné, la santé), -ÉE (la rosée, une allée), -EZ (un nez, allez!).

Rappel : • Devraient être prononcées [e], mais sont parfois prononcée [ɛ] : la graphie -AI : je ferai, le quai, c’est vrai, un balai… ; la graphie -ES : les, des, ces, mesOn peut donc considérer ici que le choix du timbre est libre puisque c’est ce que les apprenants entendront auprès des locuteurs natifs.

• Devraient être prononcées [ɛ] mais sont de plus en plus souvent produits [e] : les graphies -ET : un billet, un ticket... ; -AIS : jamais, tu savais… ; -AIT : du lait, l'imparfait, il savait… ; -AIENT : ils savaient… ; -AIE : la craie, que j’aie… ; -AID : laid ; -AIX : la paix ; -AY : Viroflay. Mais aussi les graphies -È : dès que, du grès, -Ê : dans la forêt. On peut donc considérer ici que le choix du timbre est libre puisque c’est ce que les apprenants entendront auprès des locuteurs natifs.

 

   Voici donc un petit texte d'entraînement conçu pour Anton, présentant de nombreuses occurrences du son [e] fermé, mais aussi quelques occurences de [ɛ] ouvert. Car Anton doit aussi apprendre à maximiser les différences entre ces deux voyelles. La consigne : souligner en bleu les [e] fermés (plus tendus) , et en vert les [ɛ] ouverts (moins tendus). Puis pratiquer.

Cet entraînement peut aussi servir aux anglophones qui ont tendance à diphtonguer le [e] fermé en [ei].

 

Ça y est ! Vous êtes arrivé à la gare SNCF de Montpellier.

Désolé, mais il faut vous dépêcher : le TGV est déjà à quai. N'oubliez pas de composter votre billet.

Puis prenez l'escalier pour la voie D. Ne confondez pas avec l'Intercités voie B.

Allez ! Allez ! Vous y êtes? Cherchez la voiture 13 et montez sans tarder.

Ouf, c'est fait ! De nombreux passagers sont déjà installés, il y a beaucoup de sièges occupés.

Repérez votre place et asseyez-vous après vous être débarrassé de vos bagages. C'est parfait.

Ah ! Il vous faut recharger votre téléphone. Voilà, il est branché. Détendez-vous !

Fermez les yeux. Vous avez besoin de déconnecter.

Vous allez commencer votre trajet par une petite sieste bien méritée.

Et tout à l'heure, vous travaillerez un peu et vous lirez Libé et Le Canard Enchaîné. OK?

 

 Voici ma version enregistrée du texte.

 

 

 

12 février 2018

Témoignages d'étudiants (III)

 

     Et voici de nouveaux témoignages d'étudiants publiés avec leur accord. Les coquilles et l'expression y sont originales. Ces textes répondent à la consigne suivante : "Freins et motivations à l'apprentissage de la prononciation d'une langue étrangère - expérience personnelle". Ces parcours singuliers d'apprentissage mettent en lumière les nombreux paramètres en jeu lors de l'acquisition d'une nouvelle prononciation.

 

  (d'autres témoignages ici)

 

 

Mei, une Chinoise en français

 

     J’ai commencé à apprendre le français dès l’âge 18 dans une université en Chine. J’avais quatre enseignantes chinoises qui enseignaient majoritairement en chinois, et deux enseignants français qui n’enseignaient qu’en français. Cette langue était ma spécialité à l’université, c’est pourquoi je devais me spécialiser dans ce domaine pour professer en français dans le futur. Par ailleurs, je n’avais pas envie ou peu de possibilité de me réorienter.

Ce sont des besoins professionnels et académiques qui m’ont poussée à apprendre le français, dont la prononciation est une compétence langagière incontournable. Au fur et à mesure des années, j’ai ressenti un engouement pour cette langue et décidé de poursuivre ce domaine. J’avais envie de pratiquer le français avec des francophones, de me faire des amis pour mieux connaître les sociétés francophones actuelles et réelles. La quatrième année universitaire, je suis venue en France en tant qu’étudiante d’échange. Pendant ce temps, je voulais améliorer ma prononciation, j’ai même suivi un cours de correction phonétique d’une heure par semaine. Je souhaitais parler comme les Français, vis-à-vis de mes interlocuteurs je voulais effacer mes origines étrangères. Je ressentais que bien prononcer le français m’aiderait à faciliter les conversations avec des francophones, voire à rapprocher les relations avec eux. Maintenant, je me suis orientée vers l’enseignement du français en Chine, j’aimerais prononcer correctement le français, gommer mon accent afin de devenir un bon exemple pour mes futurs apprenants, les encourager et les convaincre que les Chinois peuvent très bien parler français.

Comme il s’agit de l’apprentissage d’une langue très éloignée de ma langue maternelle, j’ai rencontré beaucoup de problèmes qui m’empêchaient d’apprendre sa prononciation. Premièrement, l’Etat, la société et le département ne mettent pas en avant l’importance de l’apprentissage de prononciation, du fait que nous en nous servons moins dans la réalité. C’est un cercle vicieux, les manuels et les enseignants n’insistent non plus sur la prononciation qui leur parait secondaire. Ils prétendent que même si nous ne prononçons pas bien le français, ce n’est pas grave, le plus important c’est se comprendre, nous pouvons toujours utiliser des gestes pour compenser nos faiblesses en prononciation. Deuxièmement, au début de l’apprentissage, faute de connaissances et de références linguistiques (les intonations, les prosodies, etc.), je ne pouvais pas distinguer quelles étaient les bonnes prononciations. Durant une certaine période, je croyais que plus on parle vite, mieux c’est. Une de mes enseignantes nous a dit de faire la moue pour prononcer mieux, mais nous pensions que c’était ridicule et affecté de parler comme cela. Troisièmement, le manque de pratique du français joue aussi un rôle très important, surtout quand j’apprenais le français en Chine, dans une ville où il avait peu de francophones. Je n’avais quasiment pas d'interlocuteurs, la prononciation n’était pas une compétence urgente à développer. Après être corrigée devant la classe suite à un exposé oral et être moquée par des camarades quand j’imitais des enregistrements français, j’ai éprouvé des moments de découragement dans l’apprentissage de prononciation, d’autant plus que sa progression n’est pas très évidente et rapide. A la fois, changer de façon de prononcer touche à l’identité, j’ai un côté conservateur, ma langue maternelle a une intonation très différente de celle du français.

 

 

Tara, une anglo-Américaine en français

 

     Existe-t-il de l’apprentissage sans les moments, voire des périodes, de blocages et d’autres plein de motivations ? Il me semble que d’entreprendre une leçon, une nouvelle connaissance, ou partir à la recherche des nouvelles compétences, indépendamment de la matière, on doit anticiper un chemin long et pas du tout droit, c.à.d. avec virages et collines, souvent imprévus et des hauts et des bas et tout au long sans jamais atteindre le sommet. A mon avis, c’est surtout le cas avec des études de langue mais aussi avec toutes sortes de sujets,  il n’y a pas un seul sommet, on y « arrive » jamais car au fur et à mesure de progresser dans nos études, on se rend compte que plus on le sait, plus il y a à savoir!

Dans mon propre parcours avec le français langue étrangère, le départ était tout positif et, jusqu’à l’instant, J je n’ai jamais eu de traumatisme en tant qu’apprenante qui fait que ma vie avec le français était enrobée, pour la plupart, de motivation, curiosité, détermination, et surtout l’amour et bien sûr, pointillée avec des moments, voire des périodes, où je me suis trouvée bloquée ou bien beaucoup moins motivée.

J’ai vécu des blocages souvent à travers des mécompréhensions culturelles (des marchands impatients ou des fonctionnaires bureaucratiques mais aussi avec des amis proches) face à un problème que ni moi qui l’autre comprenaient au moment. Ces moments-ci étaient bien frustrants car la solution communicative n’était pas évidente et le résultat de cet « échec » m’a souvent laissée exaspérée. Je me souviens aussi d’une grosse fatigue, surtout mes premiers mois d’immersion dans une famille française. Qu’est-ce que c’était fatigant d’écouter ce que je ne comprenais pas et épuisant d’apprendre s’exprimer à nouveau ! Je trouve que c’est encore plus difficile quand on est déjà adulte (j’avais 18ans) parce que c’est une perte de contrôle et ça nous laisse dans une position d’instabilité qui n’est pas tout à fait naturelle à cet âge.  J’avais de la chance d’être en contact avec des gens assez sympas, car on se moquait très peu de moi. Par exemple, je m’occupais d’une fille de 3 ans et elle m’aidait à prononcer le mot « écureuil » avec la patience d’un ange mais la détermination d’un petit de 3 ans ! J’avais de la chance. C’était quand même difficile de ne pas être un membre ‘normal’ du groupe. Je me souviens d’un moment dans une voiture avec des français qui parlaient entre eux et je me sentais exclue donc j’ai commencé à parler à moi-même (sous mon souffle). Je n’étais pas contente. Alors, quelqu’un a dit, « Tu parles à toi-même? » avec un ton moins sympa. A cette époque, je ne savais pas ce que ça voulait dire « à toi-même » mais j’ai vite pris ma vengeance et je l’ai mémorisé pour la vie !

Quant à mes motivations, j’adorais l’étymologie des mots. Donc, quand je me suis trouvée en face d’un mot que je connaissais pas, je voulais non simplement connaitre la définition mais aussi, toute son histoire et ses liens avec (peut-être) avec ma langue maternelle ou ses liens avec d’autres mots. C’était cette curiosité qui m’avait conduit aux quatre coins des deux langues et qui, pour moi, faisait partie d’un jeu. J’ai aussi appris le français à table avec des français, dans une famille française bien sympathique et là, je voulais vivre comme eux, de pouvoir parler des nuances des fromages ou du vin. J Mais en même temps puisque je n’étais pas eux—j’étais la seule américaine parmi eux--je voulais aussi pouvoir participer dans des discussions et des arguments, par exemple, de politique ou les « droits de femmes. » Alors, j’avais toujours de bonnes raisons d’apprendre un petit plus. C’était aussi la musique de la langue qui m’intéressait, de connaitre un autre rythme et de travailler et d’entrainer ma bouche différemment comme si je pratiquais un autre instrument.

C’est plus qu’une leçon, une langue adoptive, ça fait partie de notre vie car s’exprimer –dans n’importe quelle langue—est un exercice très personnel, très individuelle. Alors, je peux aller encore plus loin et dire que les relations qu’on a avec nos langues (maternelle et étrangères) sont plus proche de nous qu’un amant ou un époux car chaque tentative est une création de nous-même : on vit à travers ce qu’on parle. Ce n’est pas le français dans le monde, c’est ma façon de parler mon français qui est partie intégrante de mon identité. (Même quand j’ai du mal à m’exprimer comme avec cette dernière phrase!) Alors, comme dans tous les relations, il y a des hauts et des bas, des joies et des déceptions mais quand il y a une certaine attraction, profonde et naturelle, souvent l’amour s’installe et avec un certain engagement et beaucoup de travail et d’humour, ça peut durer toute une vie.

 

 

Sara, une Française en anglais

 

     Quelles sont mes motivations et mes freins dans mon apprentissage de la prononciation d’une langue étrangère ?

Pour tenter de répondre à cette question, je vais m’appuyer sur mon apprentissage de l’anglais et le rapport que j’entretiens avec cette langue.

Ma première motivation pour l’apprentissage de la prononciation de cette langue est l’amour que je porte à celle-ci. Depuis que je suis enfant, l’anglais est une langue qui m’est culturellement accessible de part les films que je regarde ou les chansons que j’écoute. Les sonorités de cette langue m’ont toujours plu et j’ai toujours aimé reproduire les sons que j’entendais.

Je n’ai jamais de peine à prononcer l’anglais lorsque je suis seule. Par exemple, lorsque j’entends une chanson que j’aime à la radio je peux sans difficultés chanter en anglais et je m’efforce de bien prononcer l’anglais, car à ce moment là je n’ai pas d’inhibition. Mais j’éprouve beaucoup plus de difficultés, de freins, lorsque je rencontre un locuteur natif ou plus expert en anglais et que je dois à ce moment là parler et m’exprimer dans cette langue.

Je pense que la timidité, l’inhibition et la peur d’être jugé par mon interlocuteur font que je peux être parfois en situation de stress lorsque je m’exprime en anglais et je ne suis alors plus apte à prononcer correctement les mots. Dans ces cas là, on me demande de répéter le mot ou la phrase que je n’ai pas pu prononcer correctement.

J’ai pu faire l’expérience de ce phénomène en classe d’anglais (de la sixième à l’université), où mes professeurs m’ont souvent demandé de répéter ce que je voulais dire. La prise de parole en anglais devant une classe peut être un facteur de stress qui engendre une mauvaise prononciation de ma part.

J’ai aussi pu me rendre compte lors de mes voyages en Angleterre et aux États-Unis que j’éprouvais des difficultés à me faire comprendre par les locuteurs natifs, ces derniers me demandant souvent de répéter mes questions lorsque j’avais besoin d’aide par exemple. Je pense à ce moment là que je n’ai pas réussi à bien prononcer les mots par un manque d’assurance certain.

Pour remédier à cela, j’ai pris la décision en 2013 de suivre une formation intensive d’anglais au centre de formation Astrolabe par le biais du Pôle Emploi lorsque j’étais à la recherche du emploi. J’ai pu grâce à cette formation d’anglais pratiquer l’anglais durant trois mois à raison de 300 heures. J’étais très motivée car j’étais frustrée de ne pas pouvoir me faire comprendre dans une langue que j’aime tant. Ces expériences de mésentente à la fois avec mes professeurs d’anglais et les locuteurs anglophones ont fait que j’ai eu un réel désir d’améliorer ma prononciation en anglais.

Ce ne fut pas une expérience facile car j’ai du me consacrer pendant trois mois à la pratique et au travail de la langue anglaise avec un rythme soutenu (de 9h à 17h durant cinq jours par semaine). Mais je voulais à tout prix faire progresser mon niveau, à la fois à l’oral et à l’écrit. J’étais prête à travailler.

J’ai pu rencontrer des professeurs remarquables qui m’ont incitée à parler en anglais, à faire des exposés en anglais et à surmonter ma timidité et mon inhibition. J’ai compris que faire des erreurs faisait partie de l’enseignement de la langue et que personne en réalité ne me jugeait. Jusque là, je m’étais toujours imaginé que les gens pouvaient mal me juger lorsque je m’exprimer en anglais, mais c’était une fausse croyance.

L’aide de mes professeurs a été une grande motivation pour améliorer ma prononciation en anglais. Je me souviens d’ailleurs d’un professeur qui était très exigeant quant à la prononciation de l’anglais. Il nous disait qu’il fallait absolument que l’on s’entraîne à la maison à répéter les mots qui nous étaient problématiques. Une fois en classe, nous devions les répéter devant nos camarades.

Je me souviens également d’un jour où le professeur avait compris que nous éprouvions tous des difficultés à formuler le son « th ». Tous les élèves ont du alors répéter à tour de rôle différents mots (« this », « the », « through ») jusqu’à ce que tout le monde ait bien compris qu’il fallait placer la langue derrière les incisive du haut. Le professeur n’a pas hésité à nous montrer physiquement ce que nous devions reproduire. Il m’a encouragé dans mon effort phonétique. D’ailleurs, il nous disait souvent qu’une bonne prononciation peut s’acquérir par le travail et par l’effort.

Aujourd’hui je sais que j’ai encore des lacunes quant à ma prononciation en anglais mais j’ai réussi à presque surmonter mon problème d’inhibition. J’étudie toujours l’anglais à la faculté et j’essaye de prendre toujours la parole en cours afin de progresser dans ma prononciation de cette langue. Je sais que mon professeur ne me juge pas et qu’il essaye de m’orienter vers une meilleure diction de l’anglais. Je n’hésite d’ailleurs plus à parler anglais avec mes amis anglophones car je sais que c’est en pratiquant la langue que je pourrai m’améliorer.

 

 

 

[Deux ajouts -- février 2023 :]

 

Lola, une Française en anglais

 

     Depuis la classe de 6ème, j’apprends l’anglais (qui est ma LV1). J’ai toujours pris beaucoup de plaisir à m’efforcer de « bien » prononcer, en imitant les variétés de la langue anglaise qui plaisaient le plus à mon oreille – par exemple la prononciation très pointue marquant le « t » que l’on retrouve souvent dans les films ou séries historiques. Cette attention portée à la prononciation m’a toujours semblée indissociable d’une recherche de fluidité dans l’expression, de maîtrise prosodique.

Le format des cours de langue durant ma scolarité a plutôt constitué un frein à cet apprentissage. Tout d’abord, les professeurs avaient tous un fort « accent » français. ; ensuite, les cours comprenaient peu d’activités de production ou d’interaction orale, et peu de travail à partir de documents authentiques audiovisuels. J’avais enfin l’impression de parler en cours une langue désincarnée, abstraite, qui me devenait incompréhensible lorsque je me trouvais confrontée à des locuteurs ou locutrices natif.ves utilisant des variétés s’éloignant de l’anglais « standard ». Quand j’ai rencontré un ami venant de Cornouailles pendant ma dernière année de licence, j’ai ainsi eu l’impression que nous ne parlions pas du tout la même langue.

J’ai donc mis en place des stratégies pour habituer mon oreille à différentes variétés d’anglais, hors du cadre scolaire : écouter de la musique en anglais, regarder des films et des séries sans sous-titres afin de me forcer à me concentrer à la fois sur le sens et sur les sons que j’entendais. Cela m’arrive souvent de répéter des répliques après les personnages, surtout si leur manière de s’exprimer me plaît (c’était là le plus grand intérêt pour moi de la série Downton Abbey). J’ai aussi plusieurs fois, pendant mes deux années de prépa, appris par cœur des poèmes (comme « The Tyger » de William Blake) ou des tirades d’Hamlet avant d’écouter différent.es comédien.nes les réciter et de les imiter.

Le plus efficace pour moi est cependant de discuter longuement avec des personnes anglophones natives. Ainsi, lors de ma première année à l’ENS, ma participation à un tandem linguistique a-t-elle marqué une étape dans ma progression : dans un contexte interactif répété, je parvenais mieux à comprendre comment rythmer et accentuer mes phrases, quelles intonations adopter, comment combiner entre eux des sons compliquées (mon pire cauchemar étant « months »).

Actuellement, le manque d’entraînement se fait sentir, et si je pense maîtriser globalement la prononciation des mots et leur accentuation, ce n’est plus le cas de la prosodie. L’enseignement des langues dans l’enseignement supérieur (en tout cas à un niveau B2-C1) étant très centré sur l’écrit et le contenu thématique des cours, il faudrait que je travaille par moi-même ou que je trouve des interlocuteurs.trices régulier.es…

Pour résumer, je pense que ma principale motivation pour maîtriser la prononciation d’une langue (en l’occurrence l’anglais) est le plaisir (et la fierté) que je ressens lorsque j’y parviens, et que le principal frein à cet apprentissage est le cadre scolaire dans lequel j’ai étudié l’anglais.

 

 

Victor-Louis, un Français en anglais

 

      Je n’ai aucun souvenir de mes classes ou cours d’anglais de primaire. En revanche, mes professeures d’anglais du collège m’ont fait entrer dans cette langue de manière épanouie. Je me souviens de ma jeune professeure de 6e/5e qui passait beaucoup de temps à nous faire répéter des mots en exagérant leur prononciation sans nous montrer l’écrit. Par exemple, souvenir marquant visiblement, le mot tired en anglais a suscité de grands émois dans notre communauté de répéteurs lorsque le mot a été écrit au tableau. Pendant de nombreuses années, dans les classes suivantes, les erreurs de prononciation de mes camarades me faisaient sourire puisque je me souvenais encore de la manière de le dire, imprimée dans mon oreille. Favourite, about ou though complètent cette liste (et suscitent une certaine fierté je dois l’avouer). 

En troisième, mon rapport à l’anglais a profondément changé grâce au début d’une amitié de correspondance qui perdure encore aujourd’hui. L’échange linguistique avec un collège de filles de Tunbridge Wells dans le Kent a bouleversé ma relation jusqu’alors scolaire et détachée à la langue — vue comme une matière parmi tant d’autres. Une amitié est née avec ma correspondante et les voyages d’été se sont multipliés. J’ai aimé le pays, cette nouvelle manière de vivre et de voir le monde. Et sans doute mu par cette âme de bon répéteur de sixième, l’accent du Kent très anglais s’est imprimé dans ma tête. Mon année Erasmus à Cambridge quelques années plus tard n’arrangera rien. 
Après cet échange, l’anglais est devenu subitement l’une des matières les plus importantes à mes yeux. De nouveaux professeurs que j’ai beaucoup aimés se sont succédé et ma compétence orale a pu être exploitée. Cependant très vite l’accent que j’avais s’est retrouvé en décalage avec mon niveau écrit et les professeurs attendaient plus de moi, et mes amis ne comprenaient pas que je pouvais avoir leur niveau écrit alors que je me débrouillais aussi bien à l’oral. Les années lycée et prépa ont aussi vu une honte de parler devant la classe et ce que je voyais comme de la fierté les étés avec mon amie anglaise devenait de la vantardise auprès de certains. Le côté trop scolaire et surtout l’importance de l’écrit (nettement privilégié face à l’oral) ont eu raison de ma motivation à participer avec enthousiasme aux cours de langue. 
De manière générale, la grande majorité des avancées que j’ai pu faire en terme de prononciation ont été faites en Angleterre avec mon amie, où l’expérience sur le terrain m’a appris à comprendre l’importance de certaines erreurs. L’immersion dans le Kent ou à Cambridge (pour une année Erasmus) s’est toujours accompagnée d’une volonté de me fondre dans le décor. Passer pour un Français là-bas n’était pas gênant, mais voir la reconnaissance dans les yeux de mes interlocuteurs lorsque j’adoptais leurs manières de vivre ou de parler était grisant. Les compliments me valorisaient et je voulais toujours en faire plus. Il était rare que des incompréhensions dues à une mauvaise prononciation de ma part se répètent. 
Pourtant, je déplore aujourd’hui mon manque d’intérêt pour la matière scolaire que représente l’anglais, et même son apprentissage en général. Bien loin (presque cinq ans) sont les livres achetés en anglais par gourmandise intellectuelle ou les podcasts anglais de la BBC. Je ne sais pas si c’est l’école ou une forme de paresse qui a évité à l’essai d’être transformé mais c’est dommage. L’univers du FLE et la proximité avec des étudiants internationaux ravivent cette première flamme et l’échange oral — avec ou sans la prononciation traditionnelle — redevient le cœur de mon usage de l’anglais. 
En parallèle, peut-être en compensation, la volonté d’imiter et de répéter s’est manifestée dans mes cours d’espagnol, où les professeurs accordaient une grande place à a production orale et où aucune honte de chercher à reproduire l’accent n’a pu se faire ressentir.

 

 

 

 

19 décembre 2019

Lecture Phonétique

 

     Je vous propose un jeu : je publie ci-dessous un extrait d’une pièce radiophonique en 60 répliques transcrit en Alphabet Phonétique International. Transcrivez orthographiquement une ou plusieurs lignes (elles sont numérotées, indiquez-moi lesquelles) ou même la totalité, si possible avec les marques d’oral, et envoyez-les en commentaires de ce post accompagné de vos réactions / questions / suggestions … Une transcription génère toujours des questions et des choix, c’est une excellente base à la discussion.

     Comme vous le constaterez je n’ai fait pratiquement aucun usage de [ə], qui n’apporte rien à la réalité phonétique du français (comme expliqué par Wioland). Et comme à mon habitude, je n’ai pas séparé graphiquement les mots à l’intérieur des Groupes Rythmiques.

     Dès que la totalité de l’extrait sera transcrit par vous, j’en proposerai ma version orthographique complète, ainsi que l’extrait audio et j’expliquerai les raisons phonétiques qui m’ont guidé à choisir de travailler cet extrait. Avec l’extrait audio, vous pourrez aussi discuter plus précisément ma proposition de transcription phonétique pour aboutir ensemble à une transcription idéale...

     Prêt.e.s ?

 

 

 

[1 *maʁ’ko : - bɔ̃ʒuʁ*e’va

2 *e’va : - bɔ̃’ʒuʁ // ty :/ tyde’ziʁ //

3 *maʁ’ko : - ʒøvjɛ̃ʁœpʁɑ̃d(ʁ)meza’fɛʁ //

4 *e’va : - kɛskøty’di //

5 *maʁ’ko : - *nino tapʁev’ny //

6 *e’va : - ’nɔ̃ //

7 *maʁ’ko : - kɔmɑ̃’nɔ̃ //

8 *e’va : - ilnømaʁjɛ̃’di //

9 *maʁ’ko : - tynsavɛ’pa/køtwae’mwa / setɛfi’ni //

10 *e’va : - ’nɔ̃ // ʃpʁe’fɛʁ / da’jœʁ / lapʁɑ̃dʁœpaʁ’twa //

11 *maʁ’ko : - ebjɛ̃vwalakiɛ’fɛ //*ni’no / tapaʁled*e’lɛn

12 *e’va : - ‘wi

13 *maʁ’ko : - ɛlɛmamɛ’tʁɛs //

14 *e’va : - ynfijdœ’plys //

15 *maʁ’ko : - ‘nɔ̃ // kaʁsɛlapʁœmjɛʁ’fwa/kœ’ʒɛm //

16 *e’va : - mɛʁ’si  //

17 *maʁ’ko : - na’vʁe / mɛsɛlaminytdøveʁi’te //

18 *e’va : - ekɔmilnjaklaveʁiteki’blɛs / ty :(m) / møʁapɔʁtømɔ̃bʁas’lɛ //

19 *maʁ’ko : - løvwa’si //

20 *e’va : - elavwa’tyʁ  //

21 *maʁ’ko : - oga’ʁaʒ //

22 *e’va : - ʃtavɛdefɑ̃’dy /dla’pʁɑ̃dʁ(ø) /sɑ̃mɔ̃notoʁiza’sjɔ̃ // ɑ’̃fɛ̃  / ʁavidøtavwaʁeteytilyndɛʁnjɛʁ’fwa // se ‘tuskøtyaam’diʁ //

23 *maʁ’ko : - ʒsɥidezɔ’le /dtøfɛʁdœla’pɛn //

24 *e’va : - ʔa: // tud’mɛm //

25 *maʁ’ko : - ʒøtødwabo’ku //

26 *e’va : - ʒnɛpazɑ̃’kɔʁ / fɛle’kɔ̃t //

27 *maʁ’ko : - ʒœnpaʁlpadaʁ’ʒɑ̃  //

28 *e’va : - pøtɛtʁ(œ)dœvʁɛ’ty //

29 *maʁ’ko : - ʒɛpɛjeɑ̃na’tyʁ  //

30 *e’va : - (ɛ̃) sɛ’vʁɛ / ʒubli’ɛ //

31 *maʁ’ko : - de’ʒa //

32 *e’va : - ’nɔ̃ //a’nɔ̃ /ʒœnubliʁɛʒa’mɛ / skœtymaapɔʁ’te  //

33 *maʁ’ko : - dɔ̃k / nusɔm’kit //

34 *e’va : - sɛt(œ)* ʔe’lɛn /sɛtɛlɛgzaktœ’mɑ̃ / kɛlɔmty’ɛ //

35 *maʁ’ko : - avɛ’kɛl / ʒœnsɥiplydytul’mɛm // ʒɛʃɑ̃ʒed’po / esɛlalmi’ʁakl //

36 *e’va : - puʁkɔ̃bjɛ̃d(œ)’tɑ̃ //

37 *maʁ’ko : - sɛtynfij’pyʁ / ‘dʁwat  /

38 *e’va : - kidetɛstœlœmɑ̃’sɔ̃ʒ  //

39 *maʁ’ko : - ‘wi //

40 *e’va : - a’lɔʁ / tylɥiatudisyʁ’twa / syʁ’nu //

41 *maʁ’ko : - sœlam’sɑ̃bl/ puʁlø’mwɛ̃ / iny’til //

42 *e’va : - ilmøsɑ̃blokɔ̃’tʁɛʁ / ɛ̃dispɑ̃’sabl / kɛl’saʃ / køtyɛmɔ̃na’mɑ̃ /døpɥisɛ̃’kɑ̃ // ekøpɑ̃dɑ̃sɛ̃’kɑ̃ / tyavekyamekʁɔ’ʃɛ //

43 *maʁ’ko : - *e’va

44 *e’va : - nɛspalaminytdœveʁi’te // ʒiʁɛla’vwaʁ / eʒœlɥidi’ʁɛ //

45 *maʁ’ko : - sityfɛ’sa //

46 *e’va : - ʒœlfœ’ʁɛ // ilfokɛltɛs’timataʒystøva’lœʁ // ɑ̃tʁø’fam / ɔ̃s’dwa/ sø’ʒɑ̃ʁ / døsɛʁ’vis //

47 *maʁ’ko : - tyɛzi’ɲɔbl  //

48 *e’va : - ʒɛpi’tje / døsɛtpø’tit  //

49 *maʁ’ko : - tyvatø’tɛʁ // ‘di / tyvatø’tɛʁ / (ɛ̃) //

50 *e’va : - ɛlnøpuʁapavɛjesyʁ’twakɔmʒølɛ’fɛ // ɛlɛtʁo’ʒœn // sølao’si /ʒølølɥidi’ʁɛ //

51 *maʁ’ko : - tyvøtuga’ʃe / nɛs’pa // sɛ’sa / kœty’vø //

52 *e’va : - ‘wi(ʃ) // o’wi(ʃ)  // paʁskœtynsœʁaʒamɛø’ʁø / kavɛk’mwa //

53 *maʁ’ko : - tydi’vag //

54 *e’va : - ɛlɛtɛ̃ka’pabl / dœtapɔʁte / sɛt(œ)tɑ̃’dʁɛs //

55 *maʁ’ko : - aa’wi / sɛtœtɑ̃dʁɛsmatɛʁnɛlkime’kœʁ / døpɥisilɔ̃’tɑ̃  // ebjɛ̃’nɔ̄ /ʒɑ̃nɛa’se // tymɑ̃’tɑ̃ / ʒɑ̃nɛa’se //

56 *e’va : - typøtœde’batʁ /mɔ̃ʃeʁi / mɛʒøtøgaʁdø’ʁe // tyve’ʁa // ʒøtøgaʁd(ø)’ʁɛ //

57 *maʁ’ko : - ‘nɔ̃ // paʁskiljayn’ʃoz / kœtynɔʁaplyʒa’mɛ // sɛvɛ̃tsɛ̃’kɑ̃ // tynvwadɔ̃kpa / køtyɛdøvnyynvjɛj’fam //

58 *e’va : - ‘my:flə //

59 *maʁ’ko : - tymaʒi’fle // tymaʒi’fle // *eva / ʁøgaʁdmwa’bjɛ̃ / yndɛnjɛʁ’fwa // tynmøʁveʁaplyʒa’mɛ //

60 *e’va : - *maʁ’ko //*maʁ’ko //]

 

 

Audio première partie (lignes 1-33) : Eva1

Audio seconde partie (lignes 33-60) : Eva 2

 

 

Vous trouverez la transcription orthographique en "Commentaires" de ce post ...

 

 

 

 

 

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18 mai 2020

Encore [e] et [ɛ] ...

 

     Erwan, qui a bientôt 8 ans, découvre les complexités de l'orthographe du français et cherche des indices dans la prononciation : ce sont les correspondances phonie-graphie. Ainsi, il demande à sa mère pourquoi ce n'est pas un É dans le mot descendre "puisqu'on prononce bien [e], non? Ce n'est pas un È ([ɛ]) par hasard? Quelle est la règle? "

Le Petit Robert, édition 1986, confirme l'intuition d'Erwan : descendre est ici transcrit [desɑ̃dʁ].

J'ai déjà évoqué ici de nombreuses fois les problèmes posés par la prononciation de [e/ɛ] en général et tout particulièrement en syllabe inaccentuée.

 

 

Rappel 1 - Un cas à part : [e/ɛ] en syllabe accentuée ouverte (mot se terminant par la voyelle phonétique)

Nous avons vu qu’il existe de très nombreuses paires minimales en syllabe ouverte attestant de l’opposition [e/ɛ]. Or, et de plus en plus, certains mots traditionnellement prononcés [ɛ] sont aujourd’hui produits [e].

 •(1) Doivent être prononcées [e], les graphies : ER (aller, dîner, boulanger, léger – sauf quelques rares mots : mer, fer, hiver, cancer…), É (allé, dîné, santé), ÉE (rosée, allée), EZ (nez, allez).

 •(2) Devraient être prononcées [e], mais sont parfois prononcée [ɛ] : la graphie AI : je ferai, le quai, c’est vrai, un balai… ; la graphie ES : les, des, ces, mesOn peut donc considérer ici que le choix du timbre est libre puisque c’est ce que les apprenants entendront auprès des locuteurs natifs.

 •(3) Devraient être prononcées [ɛ] mais sont de plus en plus souvent produits [e] : les graphies -ET : un billet, un ticket... ; -AIS : jamais, tu savais… ; -AIT : du lait, l'imparfait, il savait… ; -AIENT : ils savaient… ; -AIE : la craie, que j’aie… ; -AID : laid ; -AIX : la paix ; -AY : Viroflay. Mais aussi les graphies -È : dès que, du grès, -Ê : dans la forêtOn peut donc considérer ici que le choix du timbre est libre puisque c’est ce que les apprenants entendront auprès des locuteurs natifs.

 

Rappel 2 - Dans le n° 318 (nov.-déc.2001) du Français dans le monde, François Wioland précise l’usage des archiphonèmes en syllabes inaccentuées dans un article intitulé : « Que faire de la graphie « e » ?

« En syllabes inaccentuables ouvertes, c’est-à-dire en syllabes non finales de mots, les oppositions de timbres [e]/[ɛ] (...) sont neutralisées au profit d’un timbre moyen (j'ajouterai "ou variable") que l’on peut représenter par l'archiphonème [E]. Nous proposons donc à titre d’exemples, contrairement aux dictionnaires (...) qui semblent ignorer l’existence des syllabes inaccentuables :

- [E] pour les graphies soulignées des mots phonétiques suivants : « les élèves » [lEzE’lɛv], « vous aimez » [vuzE’me], « essayez » [EsE’je]; « mon pays » [mɔ̃pE’i], « la météo » [lamEtE’o], du plaisir » [dyplE’ziR], etc.

 

 

     J'ai entendu très récemment le refrain de La paix de Julien Barbagallo qui atteste de la grande liberté actuelle entre les deux timbres, même en syllabes accentuées.

Barbagallo est certes orginaire d'Albi (où [e] l'emporte sur [ɛ] - cf.(3) ci-dessus. Le refrain de sa chanson est le suivant :

 

"Tout ce que je voulais, tout ce dont je rêvais,

Tout ce que je voulais, c'était trouver la paix."

 

Avant d'écouter son interprétation, précisez votre propre prononciation :

voulait = [vulɛ / vule] ? ; rêvais = [ʁɛvɛ / ʁeve] ? ; c'était = [setɛ / sete] ? ; trouver = [tʁuve / tʁuvɛ] ? ; la paix = [lapɛ / lape] ?

 

Faites vos jeux ! Les jeux sont faits ?

Ecoutez maintenant les choix phonétiques de Barbagallo. Qu'en pensez-vous? N'hésitez pas à partager d'autres exemples chantés de ce type en commentaire du post.

 

 

 

 

 Sur l'usage variable des timbres [e/ɛ], il faut aussi mentionner le chanteur Damien Saez qui prononce presque uniquement le timbre [ɛ] même pour les verbes -ER à l'infinitif (marcher, laisser, oublier, fumer, s'entraîner...), les mots en -É (blé, santé, télé), etc., singularité phonétique dont les imitateurs se sont emparés, comme ici Frédéric Fromet :

 

 

 

 

 

30 juin 2020

Postillons et phonétique

 

    On a vu en France éclore quelques textes d'humour sur les risques représentés par la production orale de certaines consonnes concernant la propagation du virus. Voici deux extraits de ces textes, avant même d'être allé chercher l'équivalent ailleurs ... Avez-vous connaissance de textes similaires dans d'autres langues?

 

Le 1 er avril bien sûr... : https://www.lemonde.fr/blog/correcteurs/2020/04/01/confinement-evitons-le-tutoiement/

Le tutoiement bientôt interdit dans les lieux publics

L’annonce fait suite à la création par le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, mardi 24 mars, d’un nouveau comité d'experts sur l'épidémie de coronavirus. Formé de 12 chercheurs et scientifiques, le Comité Analyse, Recherche et Expertise (CARE), est chargé de conseiller le gouvernement et de chercher « toutes les solutions originales et alternatives qui permettront, de quelque manière que ce soit, d’endiguer la progression du virus ». Considérant que certains mots conduisent à expirer plus d’air que d’autres, et risquent d’occasionner davantage de postillons, source essentielle de propagation du virus SARS-CoV-2, le comité recommande d’en « suspendre l’usage jusqu’à nouvel ordre ». L’Académie française a été saisie dès le 25 mars et vient de rendre son avis : « Ce sont les consonnes qui posent problème. Il convient d’éviter les chuintantes, les labiales et les dentales sourdes et de les remplacer par des sonores, des liquides et des nasales ». En clair, il s’agirait de bannir les sons ch-, f-, t- et p-. Un mot comme tu ou chose entrainerait 5 à 10 fois plus de postillons qu’un mot comme vous ou objet, et bien sûr, comme au Scrabble, certains mots comptent double (pamplemousse) ou triple (tartiflette).

...

 

et le 5 avril : La phonétique du postillon, texte qui s'est diffusé à grande vitesse sur internet...

... et dont vous retrouverez l'intégralité et l'histoire de sa propagation racontée par son auteur, ici : https://www.plaf.org/articles/la_phonetique_du_postillon/

En voici un extrait :

Comme l'ont souligné les études scientifiques, la propagation du coronavirus se fait principalement par l'intermédiaire des "postillons", ces micro-gouttelettes projetées par un éternuement, une toux, ou tout simplement lors d'une conversation. C'est là qu'interviennent les spécialistes du langage, qui ont constaté que dans cette contamination, les voyelles étaient innocentes, alors que plus de la moitié des consonnes étaient engagées dans le processus. Les conclusions de cette étude sont claires et résident dans l'application d'un plan de révision phonétique étalé sur quatre semaines, remettant en cause l'usage des sonorités occlusiveségalement appelées à juste titre explosives, ainsi que de certaines fricatives.

Semaine 1

Suppression des occlusives labiales : P et B, au mrofit de la nasale M. Conséquence : mrès de soixante-dix mourcents des mostillons sont éliminés, et de mlus, on meut constater qu'ainsi la diction gagne meaucoup en soumlesse.

...

 

 

19 août 2020

Hésiter... et parler pour ne rien dire

 

    En découvrant à la radio la Valse hésitation de Rodolphe Burger (voir la vidéo et le texte ci-dessous), je me souviens avoir archivé deux documents sonores illustrant l'hésitation en français et que je me propose de partager ici :

1. un extrait d'un canular téléphonique de l'humoriste Jean-Yves Lafesse. Prétendant être Miss France 1938, il échange avec une femme apparemment d'un certain âge. Le résultat : plus de 90 secondes de paroles quasi sans contenu, d'improvisation et de "bruit communicatif" naturel (comme une extension de la fonction phatique de Jakobson). Cliquer ci-dessous pour entendre le mp3.

Miss_France_1938

2. un extrait du film Aurore, de Blandine Lenoir (2017), une scène entre les comédiennes Agnès Jaoui qui recherche du travail et Florence Muller, "employée Pôle Emploi sans mots". C'est donc une scène écrite et interprétée.

AuroreFilm

 

3. et donc, la Valse Hésitation de Rodolphe Burger :


Nous pourrions nous / Je vous l’avais proposé / Nous pourrions mais…
Aussi bien / Nous pourrions ne pas
A moins que / Peut-être / Vous vouliez…
Dans ce cas / Pourquoi pas
Ou alors / Ou alors non
Ou alors / Ou alors peut-être pas
Peut-être préférez-vous / Ne pas

Ou alors nous pourrions / Vous me l’aviez proposé je crois
Nous pourrions / Pourquoi pas / Décider
De laisser se faire / Le fameux pas / Le premier fameux pas
À moins que oui / À moins que non
À moins que plutôt pas

À moins qu’il vous en dise
À moins que oui / À moins que non
À moins qu’on se ravise / Dans ce cas oui
Ou plutôt non

 

 

 

    Ce qui me semble lier phonétiquement ces trois documents, c'est le rythme et la musique de l'hésitation en français. On retrouve des groupes rythmiques très courts, l'allongement de la dernière syllabe, parfois poussé à l'extrême, le Euh... d'hésitation souvent appelé pause sonore, et prononcé [Œ] (c'est-a-dire [ø] ou [œ] ou un timbre intermédiaire), ainsi que d'autres "bruits" : Oui oui oui, ah non, ah oui, Bah, ben, Holala, pfff, etc. Il existe d'autres caractéristiques syntaxiques et lexicales de l'hésitation, par exemple l'emphase sur les connecteurs, que je ne développerai pas ici.

    J'incite souvent très tôt les étudiants étrangers apprenant le français à adopter, en cas de besoin, le Euh d'hésitation, pour s'approprier ce geste prosodique de base en français et éviter l'émergence de [eee] hispanophone ou au [ʌ:m] anglo-américain par exemple (voir d'autres interjections de langue maternelle pouvant apparaître en français), marqueurs évidents d'accent non-natif.

 

    Si vous souhaitez partager un document illutrant les phénomènes oraux d'hésitation en français ou dans d'autres langues, ... n'hésitez pas ! La rubrique Commentaires ci-dessous est faite pour vous.

 

Par exemple, dans la série How I met your mother, le personnage de Robin joué par la comédienne canadienne Cobie Smulders hésite souvent après la conjonction "But", ce qui donne 'but um"  (bottom) ce qui est l'occasion de moqueries des autres personnages.

 

 

 

30 mars 2021

Thèse (1)

 

   En remettant en fonctionnement un de mes vieux ordinateurs, j'ai pu récupérer des documents de ma thèse de doctorat, soutenue à la Sorbonne Nouvelle - Paris 3 en 1998 et intitulée : Aspects de phonétique contrastive : "l'accent" anglo-américain en français.

   Je détaillerai prochainement quelques schémas qui me semblent encore éclairants pour la comparaison du phonétisme des deux langues.

   Je mets en ligne pour l'instant le résumé de 7 pages en espérant que cela pourra intéresser...

Resume

 

 

 

20 juin 2011

Documents sonores

Je teste ici des documents sonores de type "morceaux choisis".

Le blog ne permet pas les mp3 de plus d'1Mo. Et un travail phonétique actif et précis se réalise sur des segments courts.

 

Paris at night de Jacques Prévert

Cliquez pour entendre : ParisAtNight

Paris at Night

Trois allumettes une à une allumées dans la nuit
La première pour voir ton visage tout entier
La seconde pour voir tes yeux
La dernière pour voir ta bouche
Et l'obscurité tout entière pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras.

Jacques PRÉVERT, Paroles (1945)
©1972 Editions Gallimard


Le début de : Cendrillon de Charles Perrault

Cliquez pour entendre : Cendrillon

Il était une fois un Gentilhomme qui épousa en secondes noces une femme, la plus hautaine et la plus fière qu'on eût jamais vue. Elle avait deux filles de son humeur, et qui lui ressemblaient en toutes choses. Le Mari avait de son côté une jeune fille, mais d'une douceur et d'une bonté sans exemple ; elle tenait cela de sa Mère, qui était la meilleure personne du monde. Les noces ne furent pas plus tôt faites, que la Belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur ; elle ne put souffrir les bonnes qualités de cette jeune enfant, qui rendaient ses filles encore plus haïssables.


Le début de : Le bonheur de Guy de Maupassant

Cliquez pour entendre : Bonheur3

 

LE BONHEUR

C'était l'heure du thé, avant l'entrée des lampes. La villa dominait la mer ; le soleil disparu avait laissé le ciel tout rose de son passage, frotté de poudre d'or ; et la Méditerranée, sans une ride, sans un frisson, lisse, luisante encore sous le jour mourant, semblait une plaque de métal polie et démesurée.

Au loin, sur la droite, les montagnes dentelées dessinaient leur profil noir sur la pourpre pâlie du couchant.

On parlait de l'amour, on discutait ce vieux sujet, on redisait des choses qu'on avait dites, déjà, bien souvent.

30 avril 2008

Verbo-Tonal

0. Introduction L'idée que les langues exploitent différemment les possibilités articulatoires à des fins perceptives distinctives est largement répandue. Une langue induit une "posture générale" articulatoire spécifique (positions et mouvements des articulateurs ; antériorisation/ centralisation / postériorisation, précision du mouvement : monophtongaison / diphtongaison). C'est cette gestuelle articulatoire spécifique à une langue donnée (décomposée en positions exactes des articulateurs et en gestes pour aller d'une cible à l'autre) qu'on appréhende par le biais des accents étrangers, des imitations ou caricatures, en logatomes, etc.; par exemple, le français se parle "en avant", l'anglais "en arrière" est une idée largement répandue et qui trouve une certaine justification phonétique dans les systèmes eux-mêmes. L'idée d'une "posture" spécifique à une langue a été déclinée dans le domaine de la perception. On défend généralement que, à l'instar de l'appareil phonatoire qui acquiert une posture spécifique à la langue, l'appareil perceptuel acquiert un filtre (abstrait) spécifique à la langue, permettant d'intégrer dans une même catégorie perceptive (on pourrait dire aussi fonctionnelle ou phonologique) des réalisations physiques diverses de parole (phonétiques). POLIVANOV (1931), et surtout TROUBETZKOY (1939), sont à l'origine de cette idée. C'est ce "crible" spécifique à une langue donnée qui rendrait l'auditeur "sourd" aux catégorisations opérées par d'autres langues. L'apprentissage de sa langue maternelle par l'enfant consiste à apprendre à ignorer les variations non-distinctives. L'auditeur chercherait à faire passer des réalisations de parole dans une langue qu'il ne connaît pas par le filtre fonctionnel de sa langue maternelle. On lit fréquemment que si un apprenant d'une langue étrangère répète mal ou incorrectement un mot ou un son d’un mot de LE, c’est qu’il l’a mal entendu. On dira plutôt que l'apprenant a fait un mauvais choix parmi ce grand nombre d’informations qu’on lui a proposées, influencé par les habitudes de sa langue maternelle. En didactique de la phonétique, cette idée s'est vue naturellement appliquée par l'élaboration d'exercices de discrimination : il s'agit d'apprendre à catégoriser perceptivement les réalisations physiques d'une langue étrangère suivant le nouveau système. 1. Le système verbo-tonal Nous évoquerons principalement les travaux de Petar GUBERINA qui a probablement le premier lié les observations faites à partir de l'utilisation de filtres électro-acoustiques et l'enseignement et la correction de la prononciation en classe de langue. GUBERINA débute ses observations et ses recherches dès 1934 à l’Institut de Phonétique de Zagreb, pour établir en 1952 les principes de la théorie verbo-tonale (voir cours de méthodologie). Cette théorie fondée sur la correction auditive trouverait son application aussi bien dans les domaines de la correction des déficients auditifs qu'en correction phonétique de LE. En effet, l’une des idées fondamentales du système verbo-tonal est que l’oreille normale en contact avec des sons d’une langue étrangère se comporterait comme une oreille pathologique, ce qui explique que la rééducation de l’audition et la correction de la prononciation se font d’après les mêmes principes. Ces hypothèses sont infirmées. Au cours de ses recherches, GUBERINA constate, par le biais de l'étude des déficients auditifs, les différences spectrales des voyelles et des consonnes. En distinguant les surdités de transmission (mauvaise audition des fréquences graves issue d'un mauvais fonctionnement de l'oreille moyenne) et les surdités de perception (mauvaise audition des fréquences aiguës issue d'un mauvais fonctionnement de l'oreille interne), les erreurs commises par des déficients perceptifs des deux types susmentionnés lui permettent d'ordonner voyelles et consonnes des plus graves au plus aiguës. Pour les voyelles, l'ordre est : [u, o, a, e, i], ce qui suit, au plan acoustique, les résultats de l'analyse spectrographique (deuxième formant), et pour la phonologie, l'ordre suit les traits de Jakobson à base acoustique (aigu/grave). Pour les consonnes [p, b, m, v, l, k, t, S, s], suivant acoustiquement les zones de fréquences des consonnes. 2. Contextes facilitants contexte = littéralement "le texte autour", il s'agit ici des sons contigus (juste avant et juste après). facilitants = ces contextes favorisent la perception / production des traits caractéristiques d'un son. On retrouve certains principes du système verbo-tonal dans les ouvrages de phonétique du français à l’usage des étudiants étrangers, sous la forme des “contextes facilitants” [CALLAMAND, 1981], [KANEMAN-POUGATCH, PEDOYA-GUIMBRETIÈRE, 1991], [PAGNIEZ-DELBART, 1991-1992], [ABRY, CHALARON, 1994], [TROUTOT, 1997] . Il s’agit de présenter le son à acquérir dans un contexte renforçant un ou plusieurs traits caractéristiques du son, et en particulier le ou les traits qui ne sont pas maîtrisés par l’élève. Les traits susceptibles d’être renforcés par le contexte sont l’acuité (aigu / grave), la labialité ( arrondi / écarté), la tension (tendu / relâché). Or, l'utilisation des contextes facilitants se justifie avant tout du point de vue articulatoire, plus que du point de vue perceptif. Par exemple, si on présente un [y] en contexte postérieur, il sera moins bien entendu car [y] a alors "perdu" ses caractéristiques antérieures. Ceci n'est pas dû à la perception mais à la réalité de production. La production du trait antérieur de [y] est bien sûr favorisé par l'antériorité du contexte.
5 février 2017

La leçon de prononciation de Ionesco

 

     Voici un autre incontournable morceau choisi en phonétique : l'extrait de la célèbre pièce La leçon de Ionesco (1950), extrait consacré à la linguistique et plus particulièrement à la prononciation. Fantaisiste, inquiétant, poétique, tout l'univers de Ionesco en quelques pages.

     En voici la transcription orthographique, ainsi qu'un enregistrement (à peine arrangé en monologue) pour lequel j'ai soigné mon élocution !

 

 

 

 

LE PROFESSEUR : Toute langue, Mademoiselle, sachez-le, souvenez-vous-en jusqu’à l’heure de votre mort ...

L’ÉLÈVE : Oh! oui, Monsieur, jusqu’à l’heure de ma mort ... Oui, Monsieur.

LE PROFESSEUR : ... et ceci est encore un principe fondamental, toute langue n’est en somme qu’un langage, ce qui implique nécessairement qu’elle se compose de sons, ou ...

L’ÉLÈVE : Phonèmes ...

LE PROFESSEUR : J’allais vous le dire. N’étalez donc pas votre savoir. Écoutez, plutôt.

L’ÉLÈVE : Bien, Monsieur. Oui, Monsieur.

LE PROFESSEUR : Les sons, Mademoiselle, doivent être saisis au vol par les ailes pour qu’ils ne tombent pas dans les oreilles des sourds. Par conséquent, lorsque vous vous décidez d’articuler, il est recommandé, dans la mesure du possible, de lever très haut le cou et le menton, de vous élever sur la pointe des pieds, tenez, ainsi, vous voyez ...

L’ÉLÈVE : Oui, Monsieur.

LE PROFESSEUR : Taisez-vous. Restez assise, n’interrompez pas ... Et d’émettre les sons très haut et de toute la force de vos poumons associée à celle de vos cordes vocales. Comme ceci : regardez : « Papillon », « Eurêka », « Trafalgar », « papi, papa». De cette façon, les sons remplis d’un air chaud plus léger que l’air environnant voltigeront, voltigeront sans plus risquer de tomber dans les oreilles des sourds qui sont les véritables gouffres, les tombeaux des sonorités. Si vous émettez plusieurs sons à une vitesse accélérée, ceux-ci s’agripperont les uns aux autres automatiquement, constituant ainsi des syllabes, des mots, à la rigueur des phrases, c’est-à-dire des groupements plus ou moins importants, des assemblages purement irrationnels de sons, dénués de tout sens, mais justement pour cela capables de se maintenir sans danger à une altitude élevée dans les airs. Seuls, tombent les mots chargés de signification, alourdis par leur sens, qui finissent toujours par succomber, s’écrouler...

L’ÉLÈVE : ... dans les oreilles des sourds.

LE PROFESSEUR : C’est ça, mais n’interrompez pas ... et dans la pire confusion ... Ou par crever comme des ballons. Ainsi donc, Mademoiselle ...  (L’Élève a soudain l’air de souffrir.) Qu’avez vous donc?

L’ÉLÈVE : J’ai mal aux dents, Monsieur.

LE PROFESSEUR : Ça n’a pas d’importance. Nous n’allons pas nous arrêter pour si peu de chose. Continuons ...

L’ÉLÈVE (qui aura l’air de souffrir de plus en plus) : Oui, Monsieur.

LE PROFESSEUR : J’attire au passage votre attention sur les consonnes qui changent de nature en liaisons. Les f deviennent en ce cas des v, les d des t, les g des k et vice versa, comme dans les exemples que je vous signale : «trois heures, les enfants, le coq au vin, l’âge nouveau, voici la nuit».

L’ÉLÈVE : J’ai mal aux dents.

LE PROFESSEUR : Continuons.

L’ÉLÈVE : Oui.

LE PROFESSEUR : Résumons : pour apprendre à prononcer, il faut des années et des années. Grâce à la science, nous pouvons y arriver en quelques minutes. Pour faire donc sortir les mots, les sons et tout ce que vous voudrez, sachez qu’il faut chasser impitoyablement l’air des poumons, ensuite le faire délicatement passer, en les effleurant, sur les cordes vocales qui, soudain, comme des harpes ou des feuillages sous le vent, frémissent, s’agitent, vibrent, vibrent, vibrent ou grasseyent, ou chuintent ou se froissent, ou sifflent, sifflent, mettant tout en mouvement : luette, langue, palais, dents ...

L’ÉLÈVE : J’ai mal aux dents.

LE PROFESSEUR : ... lèvres ... Finalement les mots sortent par le nez, la bouche, les oreilles, les pores, entraînant avec eux tous les organes que nous avons nommés, déracinés, dans un envol puissant, majestueux, qui n’est autre que ce qu’on appelle, improprement, la voix, se modulant en chant ou se transformant en un terrible orage symphonique avec tout un cortège... des gerbes de fleurs des plus variées, d’artifices sonores : labiales, dentales, occlusives, palatales et autres, tantôt caressantes, tantôt amères ou violentes.

L’ÉLÈVE : Oui, Monsieur, j’ai mal aux dents.

LE PROFESSEUR : Continuons, continuons. Quant aux langues néo-espagnoles, elles sont des parentes si rapprochées les unes des autres, qu’on peut les considérer comme de véritables cousines germaines. Elles ont d’ailleurs la même mère : l’espagnole, avec un e muet. C’est pourquoi il est si difficile de les distinguer l’une de l’autre. C’est pourquoi il est si utile de bien prononcer, d’éviter les défauts de prononciation. La prononciation à elle seule vaut tout un langage. Une mauvaise prononciation peut vous jouer des tours. A ce propos, permettez-moi, entre parenthèses, de vous faire part d’un souvenir personnel.

(Légère détente, le Professeur se laisse un instant aller à ses souvenirs; sa figure s’attendrit; il se reprendra vite.)

J’étais tout jeune, encore presque un enfant. Je faisais mon service militaire. J’avais, au régiment, un camarade, vicomte, qui avait un défaut de prononciation assez grave : il ne pouvait pas prononcer la lettre f. Au lieu de f, il disait f. Ainsi, au lieu de : fontaine, je ne boirai pas de ton eau, il disait : fontaine, je ne boirai pas de ton eau. Il prononçait fille au lieu de fille, Firmin au lieu de Firmin, fayot au lieu de fayot, fichez-moi la paix au lieu de fichez-moi la paix, fatras au lieu de fatras, fifi, fon, fafa au lieu de fifi, fon, fafa ; Philippe, au lieu de Philippe ; fictoire au lieu de fictoire ; février au lieu de février; mars-avril au lieu de mars-avril ; Gérard de Nerval et non pas, comme cela est correct, Gérard de Nerval ; Mirabeau au lieu de Mirabeau, etc., au lieu de etc., et ainsi de suite etc. au lieu de etc., et ainsi de suite, etc. Seulement il avait la chance de pouvoir si bien cacher son défaut, grâce à ses chapeaux, que l’on ne s’en apercevait pas.

 

 

 

18 octobre 2023

C'est le progrès (?)

 

     Pendant mes recherches de doctorat, il y a... plus de 25 ans (1993-1998), je me suis intéressé à un domaine émergent à l'époque : la correction automatique de l'accent. Autrement dit, l'ordinateur peut-il aider à corriger un accent en langue étrangère? Ces travaux faisaient appel à la phonétique bien sûr, mais surtout au traitement du signal et éventuellement à la reconnaissance de la parole et à la synthèse vocale (deux autres domaines alors également relativement émergents). A ce titre, la naissance de WinPitch (1996) de Philippe MARTIN était remarquable : présentée comme un "logiciel multimédia d'enseignement de la prosodie", l'application offrait une représentation visuelle du rythme et de l'intonation et proposait une synthèse correctrice à partir de la voix de l'utilisateur.

[MARTIN, Philippe (2005), WinPitch LTL, un logiciel multimédia d'enseignement de la prosodie, ALSIC, vol.8, n°2]

     On était alors encore fort loin de la reconnaissance multilocuteurs des Siri (2011), Alexa (2014) et autres dictées vocales, capables de reconnaître la parole même dans des environnements bruités divers.

     Des modèles articulatoires voyaient le jour, en particulier à l'Institut de la Communication Parlée (ICP) de Grenoble, qui faisaient bouger des lèvres 3D de synthèse en fonction du son émis. Je me rappelle, peu de temps après, avoir été très admiratif en voyant Shrek (2001), film américain d'animation en images de synthèse, avec des visages articulant précisément leurs dialogues.

     Les systèmes de traduction automatique encore limités, progressaient en intégrant les connaissances mises à jour des domaines de la linguistique, tels que la sémantique, la morpho-syntaxe, l'énonciation, etc.

 

     Le grand public a découvert l'Intelligence Artificielle quand Deep Blue (IBM) a vaincu aux échecs Kasparov (1996-1997), confirmé par la victoire de Watson (IBM, toujours) à Jeopardy (2011). On parle alors d'IA "classique", c'est-à-dire se concentrant sur l'exécution d'une tâche spécifique en apprenant à partir d'une grande quantité de données (= automatisation des tâches).

     Mais sont apparues plus récemment des IA "génératives" capables de créer des productions originales (texte, image, musique) et permettant d'obtenir plusieurs réponses à une même demande (contrairement à l'IA classique). Certains parlent d'IA "de flemme" à propos des IA génératives, car elles créent ce que les humains savent déjà faire. Alors que l'IA classique réalise des calculs difficilement faits par l'homme.

     En novembre 2022, OpenAI proposait ChatGPT pour la rédaction de textes, en suscitant de nombreuses réactions.

     En même temps, était lancée l'application LENSA qui transforme des portraits photographiques en avatars d'illustration "artistique".

     Toujours en 2022, Midjourney se montrait capable de générer des images à partir de descriptions textuelles (en gagnant des concours), et SUNO, de générer des chansons à partir de textes.

[L' émission d' Arte, Le dessous des images, consacre quelques numéros à des applications de l'IA citées ci-dessus : vous y accéderez ICI]

 

     Et voilà qu'il y a quelques semaines, les médias ont présenté HeyGen, un système qui traduit une vidéo d'un locuteur dans une autre langue, avec la voix du locuteur, en modifiant le mouvement de ses lèvres en fonction de la langue, et ce quelles que soient les conditions de l'image... Autrement dit, un système de traduction + synthèse vocale ET articulatoire à partir de données vidéo réelles. Une dizaine de langues sont disponibles... En proposant un essai gratuit, la plateforme est prise d'assaut.

Voici des exemples glanés sur le net :

 

 

 

     Comme toutes les avancées très spectaculaires dues à l'IA, de nombreuses questions émergent. C'est l'industrie du doublage qui a été la première à réagir. Mais cela interpelle finalement tous les locuteurs de langues étrangères, non?

    Considérerons-nous bientôt que l'apprentissage des langues est vain, puisque la machine le fait si bien pour nous et comme nous ? Serons-nous au contraire stimulés par le fait de nous entendre et nous voir comme des locuteurs natifs d'une autre langue ? Il y a déjà des domaines où la machine a influencé la pratique humaine : la voix chantée inspirée par AutoTune, ou SpedUp, la peinture inspirée par le traitement de l'image, la danse inspirée par le traitement vidéo, etc.

 

     Et vous, quels sont vos commentaires face à cette spectaculaire performance de l'IA qui NOUS fait parler ?

 

 

 

 

 

 

13 mars 2013

Rythme : 3 syllabes

21, 31, 42, 43, 44, 49, 114, 122...
13 mars 2013

Rythme : 4 syllabes

81, 82, 86, 90...
9 avril 2013

Les listes de Cléo (3)

Les animaux de Cléo et Nina. Avec sur la fin de l'inventaire de beaux exemples d'accent barytonique (voir messages précédents) alternés avec des allongements classiques.

 

1 janvier 2015

[bɔneøʁøzanedømilkɛ̃z]

 

    L'humour, les jeux de mots exploitent souvent la phonétique (cliquez ici ou ou encore ici).

    Pour l'année qui commence, des sourires, de la joie et du plaisir à explorer de nouvelles manières de prononcer !

 

 

 

 

Happy new year !

Ein frohes neues Jahr ! 

 ¡ Feliz año nuevo !

 

 

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