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Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
17 novembre 2013

Une liste de Paloma : dans le lave-vaisselle...

 

    Avec Paloma, nous avons enregistré une liste de ce qu'on met dans un lave-vaisselle.

    Mais en chemin, nous nous sommes un peu égarés, en nommant plutôt ce qui se trouvait sur la table du dîner... Ainsi avons-nous intégré à cette liste : la serviette et le dessous de plat... qui n'ont pas grand chose à faire dans un lave-vaisselle !

 

 

 

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26 novembre 2013

Un site incontournable !

 

    Merci à Dominique Abry (phonéticienne et auteure chez CLE et Hachette) de nous avoir signalé le magnifique site de Michel Billières de l'Université de Toulouse-Le Mirail sur la phonétique corrective et la méthode verbo-tonale (cliquer sur le lien ci-dessous).

    Un essentiel d'une grande richesse !

Phonétique corrective en FLE - Méthode verbo-tonale (Michel Billières)

 

 

27 novembre 2013

Une conférence de Dominique Abry (2008)

 

    Dominique ABRY est l'auteure incontournable des manuels de phonétique chez Hachette et chez CLE photographiés ci-dessous. Aujourd'hui à la retraite, après une carrière à l'Université de Grenoble, elle continue à animer des formations en France et à l'étranger sur l'enseignement de la prononciation. En cliquant sur le lien ci-dessous, vous accéderez aux différentes rubriques d'une de ses conférences.

 

 

Conférence de Dominique ABRY, 2008

 

 

 

21 mai 2014

Jours, mois et saisons...

 

    Pour continuer sur l'expression du temps, Cléo, Nina et Paloma ont enregistré le nom des jours de la semaine ainsi que des mois et saisons de l'année.

Le diaporama ci-dessous est un exercice de répétition, en patrons d'échelons progressifs à gauche et / ou à droite, sans support écrit (les mots apparaissent après - ou avant leur écoute / répétition). On entend une jolie touche provençale dans la prononciation de Paloma quand elle dit "samedi" en 3 syllabes, là où les parisiennes Cléo et Nina prononcent le mot en 2 syllabes "sam(e)di".

Exemple1 : Lundi, le lundi, tous les lundis, ...

Exemple2 : Janvier, en janvier, en janvier prochain, ...

Exemple3 : Le printemps, ce printemps, le printemps dernier, ...

 

 

 

 

 

 

29 mai 2014

Un héros de cartoon avec un french accent

 

    Pour beaucoup d'Anglo-Américains, l'accent français en anglais est représenté par un des héros des dessins animés de la Warner Bros : Pepé Le Pew.

(Pépé le Putois dans sa version française, qui a alors un accent de latin lover... italien !)

Précision zoologique : Pepé Le Pew est une moufette - comme Fleur dans Bambi, un animal qui n’existe qu’en Amérique du Nord… et pas en France !

Amusez-vous à imiter les caractéristiques phonétiques de l'accent français en anglais !

 

 

Chérie, chérie, je t'aime... I want to tell you I love you so, I can't pretend that I don't you know.... Do not say it's in vain...

Oh hello there ! I am so glad you could come ! You have never look more ravishing ! Do you mind waiting just for one minute, golden girl? While I slip into something more comfortable? Intimate, no? All right, I'm quite ready. Sit down darling !

 

 

(in Enseigner la prononciation du français : questions et outils, Paris : Hachette, 2007, pp.86-87)

La faculté d’imitation peut s’exercer dans de nombreuses activités de classe, dans la langue maternelle et ses accents régionaux, ses accents étrangers, et dans la nouvelle langue, en entraînant la souplesse de l’ego et la souplesse vocale.

Activités

Objectif : Corriger par l’imitation de l’accent français en langue maternelle (quand cet accent est familier), les caractéristiques suprasegmentales (rythme, intonation, accentuation) d’une production en français.

Support : Une phrase d’une longueur moyenne, facile à mémoriser, ou n’importe quelle production orale susceptible d’être corrigée (exemple : Je vais à la bibliothèque cet après midi).

Mise en oeuvre : Produire la même phrase traduite dans la langue maternelle mais marquée d’un énorme accent de touriste français (par exemple en anglais : I am goiiiing to the libraryyy zis afternoooon). Juste après, produire la phrase en français. Conclure qu’il est important d’ « entrer » dans la musique de la langue.

 

 

 

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9 juin 2014

[œj]

 

    C'est une finale de mot que les étudiants n'aiment généralement pas du tout... Elle n'est pourtant pas si fréquente en français, mais elle est présente dans des mots utiles comme un œil, une feuille, un portefeuille, l'accueil et un mille-feuille pour les gourmands.

Mais aussi pour être presqu'exhaustif : le seuil, un fauteuil, un cercueil, le deuil, un recueil, il cueille, un clin d'oeil, un trompe-l'oeil, l'orgueil, le cerfeuil, le chèvrefeuille, il faut qu'elle veuille, un chevreuil (un bouvreuil), un écureuil.

    Il faut dire que les graphies - EUIL / -EUILLE / - ŒIL / - UEIL, ne sont pas faites pour calmer les esprits...

 

    Voici de quoi s'entraîner à produire [œj]...

 

 

 

 

 

L'écureuil et la feuille, de Maurice Carème.      [lEkyˈʁœj / elaˈfœj / dŒ *mOˈʁis kaˈʁɛm

 

Un écureuil, sur la bruyère,              [ɛ̃nEkyˈʁœj / syʁlabʁɥiˈjɛʁ

Se lave avec de la lumière.             [sŒˈlav / avɛkdŒlalyˈmjɛʁ

 

Une feuille morte descend,            [ynfœjˈmɔʁt dEˈsɑ̃

Doucement portée par le vent.      [dusŒˈmɑ̃ pɔʁˈte paʁlŒˈvɑ̃

 

Et le vent balance la feuille          [elŒˈvɑ̃ baˈlɑ̃s laˈfœj

Juste au dessus de l'écureuil;      [ʒystOdŒˈsy dŒlEkyˈʁœj

 

Le vent attend, pour la poser,     [lŒˈvɑ̃ a'tɑ̃ puʁlapO'ze

Légèrement sur la bruyère,        [lEʒɛʁˈmɑ̃ syʁlabʁɥiˈjɛʁ

 

Que l'écureuil soit remonté        [kŒlEkyˈʁœj  swaʁŒmõˈte

Sur le chêne de la clairière        [syʁlŒˈʃɛn dŒlaklEˈʁjɛʁ

 

Où il aime à se balancer           [uiˈlɛm asŒbalɑ̃ˈse

Comme une feuille de lumière. [kɔmynˈfœj dŒlyˈmjɛʁ]

 

 

 

18 juin 2014

Difficulté maximum ?

 

    C'est probablement la date de l'année la plus difficile à prononcer, déjà pour les Français... presqu'un virelangue !

    C'est une date historique : le général de Gaulle prononce, ce jour de 1940 sur les ondes de la BBC, un appel à la résistance invitant les Français à refuser la défaite et à combattre.

    C'est aujourd'hui le ... [ di zɥi ˈʒɥɛ̃ ] !

 

 

 

22 juin 2014

Morceau choisi... pour le rythme

 

   

 

    Voici un magistral poème de Jean Tardieu (1903-1995) dans lequel se trouve beaucoup de grammaire en une sidérante économie de moyens : les conjugaisons avec les personnes (je, elle, tu, ils, nous), les temps (futur simple, conditionnel, passé composé, présent, subjonctif, futur immédiat...), l'interrogation (par l'inversion, avec est-ce que...), la négation (pas, plus), l'hypothèse, la pronominalisation (elle, toi, eux), ... Ajoutons à cet inventaire le lexique du mouvement : partir, revenir, rester, venir. Et nous avons là tous les ingrédients de ce si simple mais si profond poème !

   Ce que je retiens pour l'exploitation phonétique du poème, ce sont ses groupes rythmiques courts, qui mettent en valeur l'isochronie des syllabes accentuées (dernière syllabe de chaque groupe rythmique) : J'irai / je n'irai pas.  Les quatre syllabes du deuxième groupe rythmique sont énoncées dans une durée similaire aux deux syllabes du premier groupe rythmique, afin de faire coïncider les syllabes accentuées sur la pulsation rytmique.

 

                                   puls.

                                     •

                     J ' i    -   r a i

               Je - n'i- rai - pas 

 

 

 Sur un extrait d'un concerto italien de J.S. Bach (Adagio du Concerto d'après Benedetto Marcello, BWV 981, par Alexandre Tharaud)

 

Conjugaisons et interrogations I - Jean Tardieu

J'irai je n'irai pas j'irai je n'irai pas       [ʒi'ʁE / ʒŒniʁE'pa / ʒi'ʁE / ʒŒniʁE'pa
Je reviendrai                                       [ʒŒʁŒvjɛ̃ˈdʁE
Est-ce que je reviendrai ?                   [ɛskŒʒŒʁŒvjɛ̃ˈdʁE
Je reviendrai je ne reviendrai pas      [ʒŒʁŒvjɛ̃ˈdʁE / ʒŒnŒʁŒvjɛ̃dʁEˈpa

Pourtant je partirai (serais-je déjà parti?)  [puʁˈtɑ̃ ʒŒpaʁtiˈʁE / sŒˈʁɛʒdeʒapaʁ'ti
Parti reviendrai-je ?                            [paʁˈti / ʁŒvjɛ̃ˈdʁEʒ

Et si je partais ?                                  [esiʒŒpaʁˈtɛ   
Et si je ne partais pas ?                      [esiʒŒnpaʁtɛˈpa
Et si je ne revenais pas ?                   [esiʒŒnʁŒvŒnɛˈpa

Elle est partie, elle !                            [ɛlɛpaʁˈti / ˈɛl 
Elle est bien partie                              [ɛlɛbjɛ̃paʁˈti
Elle ne revient pas.                             [ɛlnŒʁŒvjɛ̃ˈpa
Est-ce qu'elle reviendra ?                   [ɛskɛlʁŒvjɛ̃ˈdʁa
Je ne crois pas                                   [ʒŒnkʁwaˈpa
Je ne crois pas                                  [ʒŒnkʁwaˈpa

qu'elle revienne                                 [kɛlʁŒˈvjɛn 
Toi, tu es là                                        [twatyEˈla 
Est-ce que tu es là ?                          [ɛskŒtyEˈla
Quelquefois tu n'es pas là.                 [kɛlkŒˈfwa tynEpaˈla

Ils s'en vont, eux.                               [ilsɑ̃ˈvõ / ˈø
Ils vont ils viennent                            [ilˈvõ / ilˈvjɛn 
Ils partent ils ne partent pas              [ilˈpaʁt / ilnŒpaʁtŒˈpa

Ils reviennent ils ne reviennent plus. [ilʁŒˈvjɛn / ilnŒʁŒvjɛnˈply

Si je partais, est-ce qu'ils reviendraient ? [siʒŒpaʁˈtɛ / ɛskilʁŒvjɛ̃'dʁɛ
Si je restais, est-ce qu'ils partiraient ? [siʒŒʁɛsˈtɛ / ɛskilpaʁti'ʁɛ
Si je pars, est-ce que tu pars ?         [siʒŒˈpaʁ / ɛskŒty'paʁ
Est-ce que nous allons partir ?          [ɛskŒnuzalõpaʁ'tiʁ
Est-ce que nous allons rester ?        [ɛskŒnuzalõʁɛs'te
Est-ce que nous allons partir ?         [ɛskŒnuzalõpaʁ'tiʁ

 

 

 

 Vous trouverez d'autres morceaux choisis ici

 

 

 

5 juillet 2014

[ ɔʁtOˈgʁaf ]

 

 

    Robert Dessaix est un écrivain australien de langue anglaise, né en 1944. Il est l'auteur, entre autres, du roman épistolaire Night Letters, 1996 (Lettres de Venise, 2002 en français) dont l'action se situe entre la Suisse et l'Italie.

    Voici un court extrait de la traduction française du roman, transcrit en Alphabet Phonétique International, qui répond à la question...

 

    ... "Avez-vous jamais entendu parler de Monte Verità ? (...)

[ pɑ̃dɑ̃tynvɛ̃tɛndaˈne / õʒwadŒlaˈflyt / dɑ̃saˈny oklɛʁdŒˈlyn / õbydEtiˈzan / esɥiˈvi dEtʁɛtmɑ̃alaʁˈʒil / õnɛ̃vɑ̃ˈta dEsistɛmdɔʁtOgʁaffOnEˈtik / õsŒkõtɔʁsjOˈna / õgɑ̃baˈda / tuʁnwaˈja osõdetamˈtam / õnadOʁalŒsOˈlɛj / filŒvidɑ̃ˈswa / eʃɑ̃tadeˈzimn aladeɛsˈmɛʁ (...) sEtElŒpEidŒkOˈkaɲ ]

 

    Merci de déposer votre transcription orthographique dans la rubrique Commentaires ci-dessous :)

    Plus d'information sur le Monte Verità, Ascona, Suisse,  ici.

 

27 août 2014

Devenir un apprenant expert (Tapti patyrusiu mokiniu, en lituanien)

   (Ce "post" a été traduit plus bas dans la page en lituanien par Jūratė Rūkaitė - Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3. Merci !)

    Je lis dans le n°38 du magazine bimestriel Le Monde de l'Intelligence (septembre / octobre 2014), dans un dossier intitulé "Les secrets de l'attention et de la concentration" et dans un article (p.22) de Gilles Marchand consacré à l'ouvrage de Daniel Goleman, Focus (Robert Laffont, 2014):

 

"D'après les travaux d'Anders Ericsson, de l'université de Floride, on ne tire aucun bénéfice de la répétition mécanique : ce qui fait la différence est le réajustement constant du mode d'exécution, afin de réduire progessivement le décalage avec les objectifs visés. (...)

Il faut être particulièrement attentif pour repérer ce qui doit être amélioré et le corriger au cours des mises en pratique qui vont suivre.

Comme l'explique [Daniel Goleman] : "la plasticité neuronale, par laquelle les anciens réseaux cérébraux se renforcent et de nouveaux réseaux se constituent pour la discipline que l'on cherche à travailler, exige l'implication de l'attention : quand on répète en ayant l'esprit ailleurs, le cerveau ne procède pas au câblage du circuit afférent à l'exercice en cours".

L'expert, à la différence de l'amateur, maintient son attention descendante : celle-ci est lente, volontaire, soumise à l'effort et en lien avec la maîtrise de soi, à la différence de l'attention ascendante - rapide, involontaire et automatique. L'expert peut ainsi résister au désir de son cerveau d'automatiser les exercices.

[L'apprenant expert] se concentre activement sur les gestes qu'il doit perfectionner, sur la correction de ce qui ne va pas, sur l'affinement de ses représentations mentales concernant la bonne façon de faire, etc."

 

 

    Ces quelques lignes sur l'attention sollicitée par l'apprentissage me renvoient irrésistiblement à ma pratique d'enseignant en laboratoire de langue, mais aussi à mes motivations d'apprenant dans mes apprentissages de tous ordres.

    Comme enseignant, la structuration de mes cours de phonétique est pensée pour favoriser l'attention descendante, active et volontaire :

1. Repérer une spécificité phonétique du français (l'allongement de la dernière syllabe du groupe rythmique, la voyelle [ø] en syllabe accentuée, la consonne [ʁ] en position finale de mot...) ;

2. Décrire et s'informer sur cette spécificité (sous les aspects articulatoires, acoustiques, esthétiques, fonctionnels...). L'apprenant est invité à formuler lui-même ces caractéristiques sous mon contrôle ;

3. Exercices de perception : discrimination et identification. L'attention est portée sur l'objectif et la consigne. Mise en commun : difficultés rencontrées / stratégies mises en oeuvre et bilan ;

4. Exercices de production : imitation, répétition, transformation. Mise en commun : difficultés rencontrées / stratégies mises en oeuvre et bilan ;

5. Rappel des processus de progression, de l'importance de l'objectif spécifique, des principales difficultés rencontrées. L'apprenant est invité à s'engager sur son entraînement actif à venir.

 

    J'ai pourtant souvent l'impression que ce que veulent les étudiants - comme moi lorsque je suis apprenant ! - c'est avant tout FAIRE et en particulier RÉPÉTER, au détriment de la réflexion - suivant la loi du moindre effort... C'est pourquoi j'insiste souvent sur le fait que la maîtrise d'un nouveau geste phonétique est le fruit de seulement 50% de pratique (ce qui semble évident) mais surtout de 50% de vraie réflexion / compréhension / définition des objectifs / mode d'entraînement... Dans le même esprit, j'incite les étudiants à s'entraîner hors la classe peu (quelques minutes) mais le plus souvent possible : il vaut mieux quelques petites minutes de travail actif, en étant concentré sur l'amélioration d'un point très précis, qu'une session plus longue de travail passif et automatique dont on ne tirera aucun bénéfice réel.

    Je vois trop souvent des étudiants répéter inlassablement et passivement, en butant toujours sur la même difficulté, comme une mouche se cognant encore et encore contre une vitre, pour ne pas constater l'inutilité de la répétition mécanique. Surtout que ces longues sessions de répétition donnent souvent bonne conscience à l'apprenant qui a l'impression d'avoir rempli sa part du contrat. Il a alors tendance à conclure que si le succès n'est pas au rendez-vous, ce n'est plus de sa responsabilité, mais bien que la difficulté est inhérente à l'objectif. Il est pourtant bien de sa responsabilité de n'avoir su résister à la facilité d'automatiser les exercices...

   En classe, dans les exercices pratiqués en binôme, je demande à celui qui écoute de relever précisément les difficultés rencontrées par son partenaire, évidemment pas pour le critiquer, mais pour l'aider à s'améliorer. On accepte généralement l'idée qu'il est plus facile d'entendre ce qui est à améliorer dans la parole d'autrui que dans sa propre parole. Et que si je ne parviens pas à relever ce qui doit être amélioré chez mon partenaire (alors même qu'il me le demande), comment parviendrai-je à relever ce qui doit être amélioré dans ma propre production? Mais ce repérage de la difficulté, même très ciblé, est en soi déjà tout un apprentissage...

 

L'attention descendante est : lente, volontaire, soumise à l'effort et en lien avec la maîtrise de soi.

Les 50% de travail de réflexion sont consacrés pour une bonne partie à devenir un apprenant expert. Le succès est à ce prix.

   

 

 

Tapti patyrusiu mokiniu // Devenir un apprenant expert

Kas du mėnesius pasirodančio žurnalo “Le monde de l'Intelligence” (Intelekto pasaulis) 38 numeryje (rugsėjis/spalis 2014), straipsnyje pavadinimu “Dėmesio bei koncentracijos paslaptys” (22 puslapis) ir Gilles Marchand straipsnyje skirtu Daniel Goleman knygai Focus (Robert Laffont, 2014) perskaitau : FOCUS.

Po Andres Ericsson atliktų tyrimų Floridos universitete, daugiau nebeskiriamas dėmesys mechaniniam kartojimui : kas nuo šiol tampa išskirtinio, kad vykdomas nuolatinis proceso koregavimas, kuris palaipsniui priartina prie tikslo.

Reikia būti ypatingai dėmesingam, kad pastebėtum, ką reikia patobulinti ir tai taisytum būsimos praktikos metu.

Kaip aiškina [Daniel Goleman] : “neuronų plastiškumas, kuomet seni smegenų tinklai stiprėja, o nauji sukuria discipliną, kurios reikia dirbant ir kuri reikalauja dėmesingumo : kai dirbdami mintimis būname kitur, smegenys neturi jungties su atliekami pratimu”.

Patyręs [mokinys], priešingai nei [mokinys] mėgėjas, išlaiko mažėjantį dėmesį : lėtą, apgalvotą, reikalaujantį pastangų ir savikontrolės, skirtingai nuo kylančio dėmesio – greito, neapgalvoto ir automatiško. Patyręs [mokinys] taip pat gali atsispirti norui atlikti pratimus automatiškai.

[Patyręs mokinys] susikoncentruoja į veiksmus, kuriuos turi tobulinti, į pataisymais, kurie nėra teisingi, į savo smegenų veiklą, susijusią su taisyklingų veiksmų atlikimu ir t.t.

Šios kelios linijos, kalbančios apie mokymąsi, mane grąžino į mano paties dėstymo praktiką kalbų labaratorijoje bei mano, kaip mokynio patirtį vykdant visus nurodymus.

Mano fonetikos paskaitos yra sukoncentruotos į krentantį, aktyvų bei apgalvotą dėmesį :

 

  1. 1.     Identifikuoti prancūzų kalbos fonetinį išskirtinumą (ritminės grupės paskutinio skiemens prailginimas, balsė [ø] akcentuotame skiemenyje, priebalsė [ʁ] žodžio pabaigoje...) ;
  2. 2.     Aprašyti ir pasidomėti šiuo išskirtinumu (artikuliacijos niuansai, akustika, estetika, funkcionavimas...). Su mano pagalba mokinys turi pats suformuluoti šiuos išskirtinumas ;
  3. 3.     Suvokimo pratimai : diskriminacija ir identifikavimas. Dėmesys kreipiamas į užduotį. Apibendrinimas : sutikti kėblumai / naudojama strategija ;
  4. Praktikos pratimai : imitacija, kartojimas, perdarymas. Apibendrinimas : sutikti sunkumai /  naudojama strategija ;
  5. Priminimas apie proceso vystymąsi, apie specifinio tikslo svarbumą, bei sutiktus kėblumus. Mokinys kviečiamas aktyviai dalyvauti savo būsimame mokymosi procese.

 

Tačiau man atrodo, kad viskas ko nori mokiniai – kaip ir aš, kai mokausi – tai DARYTI ir KARTOTI, būnant tingyniais įdedam mažiausiai pastangų.. Štai kodėl aš visuomet pabrėžiu, kad naujo fonetinio garso valdymas yra tik 50% praktikos rezultato (tai kas atrodo akivaizdu), ir ypatingai 50%  apmąstymų / suvokimų /  tikslų apibrėžimų / praktikavimo...

Taip pat aš reikalauju, kad studentai treniruotųsi ne paskaitų metu bent po truputį (kelias minutes) tačiau kuo dažniau : geriau kelios minutės produktyvaus darbo, susikoncentravus į tai ką norima patobulinti, nei ilga ir neproduktyvi praktika, atliekant pratimus automatiškai, iš kurios nebus jokios realios naudos.

Labai dažnai matau studentus nenuilstamai ir pasyviai kartojančius tas pačias klaidas, kaip musė nuolat atsimušanti į stiklą. Ypatingai, kad šie ilgi kartojimo pratimai mokiniui sudaro įspūdį, kad jis atliko savo darbą. Tad dažnai galvojama, kad jei nepavyksta taisyklingai ištarti, tai yra ne mokinio klaida, bet kad sunkumas yra neatskiriamas nuo tikslo. Tačiau tai yra mokinio atsakomybė, kad nesugebėjo atsispirti pagundai automatizuoti pratimus.

Klasėje, atliekant pratimus poroje, aš prašau klausančiojo tiksliai identifikuoti partnerio klaidas, žinoma ne tam kad jį kritikuotume, bet kad padėtume jam progresuoti. Dažnai paprasčiau yra išgirsti tai, ką reikėtų pagerinti kito kalboje nei savo paties kalboje. Jei sunku pastebėti, kad reikėtų pagerinti partnerio kalboje (net jei jis manęs to prašo), kaip aš pastebėsiu ką reikia pagerinti mano paties tarime ? Problemų pastebėjimas, net labai konkretus, jau ištisas mokslas...

Mažėjantis dėmesys yra : lėtas, apgalvotas, reikalaujantis pastangų ir savikontrolės.

50% apmąstymų laiko yra skirta daliai kaip tapti patyrusiu mokiniu. Tokia yra sėkmės kaina.

 

Traduit par Jūratė Rūkaitė - Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Diplôme Universitaire Enseignement Complémentaire de Didactique du Français - ECDF

Français - lituanien

 

12 octobre 2014

Le Petit Prince ... transcrit en Alphabet Phonétique

    

 

    Vous êtes nombreux à consulter ce blog pour les transcriptions phonétiques (voir rubrique 07. Transcriptions phonétiques dans la colonne de gauche, ainsi que les transcriptions dans les derniers messages suivants : Morceau choisi... pour le rythme, [œj]Phonétiquement équilibré, et dans la plupart des messages de la rubrique 03. Exercices d'entraînement).

    La transcription en Alphabet Phonétique a eu dès l'origine une double fonction : (1) transcrire l'oral à une époque où les enregistrements n'en étaient qu'à leurs débuts - il s'agit alors souvent de transcriptions "fines", utilisant les signes diacritiques (en anglais, narrow transcription) afin de relever des subtilités de prononciation ; (2) transcrire l'écrit orthographique à des fins pédagogiques en particulier en anglais et en français dont les orthographes sont si peu phonétiques - ce sont alors généralement des transcriptions "larges", fonctionnelles (en anglais, broad transcription)...

 

 

 

          

    Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, publié en anglais et en français en 1943, est un des textes français les plus célèbres. Depuis sa publication, Il a été vendu à plus de 130 millions d'exemplaires dans le monde et 12 millions d'exemplaires en France.

    Le livre a été lu et enregistré par les acteurs Gérard Philippe (en 1954, il a alors 32 ans), Jean-Louis Trintignant (en 1994, il a alors 64 ans) et par Bernard Giraudeau (en 2006, il a alors 59 ans).

 

    Voici le début du chapitre deux, interprété par ces trois acteurs, phrase à phrase.

 

 

 

    En voici une transcription en Alphabet Phonétique International faite à partir du texte écrit (transcription large) en bleu.

    J'attends vos transcriptions "fines" en "Commentaires" de ce message. Utilisez le clavier phonétique Unicode que vous trouverez ICI, et faites un copier / coller. Choisissez votre phrase, avec le numéro, et votre acteur : GP, JLT, BG. Je reporterai vos transcriptions ici-même pour signaler les singularités (en rouge) et engager la discussion (voir plus bas)...

 

1. J’ai [ainsi] vécu seul, sans personne avec qui parler véritablement, jusqu’à une panne dans le désert du Sahara, il y a six ans.

[ʒEveky'sœl / sɑ̃pɛʁ'sɔnavɛkkipaʁ'leveʁitablŒ'mɑ̃  /ʒyskayn'pan / dɑ̃lŒdezɛʁdy *saa'ʁa / iljasi'zɑ̃ //

GP : eveky'sœl / sɑ̃pɛʁ'sɔnavɛkkipaʁ'leveʁitablø'mɑ̃  /ʒyskayn'pan / dɑ̃lœdezɛʁdy *saa'ʁa / iljasi'zɑ̃ //
JLT :
BG :

2. Quelque chose s’était cassé dans mon moteur. Et comme je n’avais avec moi ni mécanicien, ni passagers, je me préparai à essayer de réussir, tout seul, une réparation difficile.

[kɛlkŒ'ʃoz / setɛka'se / dɑ̃mõmO'tœʁ // ekɔmʒŒnavɛzavɛk'mwa / nimekani'sjɛ̃ / nipasa'ʒe / ʒŒmŒpʁepa'ʁE / aEsEjedŒʁey'siʁ / tu'sœl / ynʁepaʁasjõdifi'sil //

GP :
JLT :
BG :

3. C’était pour moi une question de vie ou de mort. J’avais à peine de l’eau à boire pour huit jours.

[sEtɛpuʁ'mwa / ynkɛs'tjõ / dŒviud'mɔʁ // ʒavɛza'pɛn / dŒloa'bwaʁ / puʁɥi'ʒuʁ //

GP :
JLT :
BG :
 

4. Le premier soir je me suis donc endormi sur le sable à mille milles de toute terre habitée.

[lŒpʁŒmje'swaʁ / ʒŒmŒsɥidõkɑ̃dɔʁmisyʁlŒ'sabl / amil'mil / dŒtuttɛʁabi'te //

GP :
JLT :
BG :
 

5. J’étais bien plus isolé qu’un naufragé sur un radeau au milieu de l’Océan.

[ʒEtɛbjɛ̃plyzizo'le / kɛ̃nOfʁa'ʒe / syʁɛ̃ʁa'do / omiljødŒlOsE'ɑ̃ //

 

6. Alors vous imaginez ma surprise, au lever du jour, quand une drôle de petite voix m’a réveillé.

[alɔʁvuzimaʒinemasyʁ'pʁiz / olŒvedy'ʒuʁ / kɑ̃tyndʁoldŒpŒtit'vwa / maʁEvE'je //

 

7. Elle disait : – S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! – Hein ! – Dessine-moi un mouton…

[ɛldi'zɛ / dEsinmwaɛ̃mu'tõ // ɛ̃ // dEsinmwaɛ̃mu'tõ //

 

8. J’ai sauté sur mes pieds comme si j’avais été frappé par la foudre.

[ʒEsOtesyʁme'pje / kɔmsiʒavɛzetefʁapepaʁla'fudʁ //

 

9. J’ai bien frotté mes yeux. J’ai bien regardé.

[ʒEbjɛ̃fʁOteme'zjø / ʒEbjɛ̃ʁŒgaʁ'de //

 

10. Et j’ai vu un petit bonhomme tout à fait extraordinaire qui me considérait gravement.

[eʒE'vy / ɛ̃pŒtibO'nɔm / tutafEtɛkstʁaɔʁdi'nɛʁ / kimŒkõsidEʁɛgʁavŒ'mɑ̃ //

[Voilà le meilleur portrait que, plus tard, j’ai réussi à faire de lui. Mais mon dessin, bien sûr, est beaucoup moins ravissant que le modèle. Ce n’est pas ma faute. J’avais été découragé dans ma carrière de peintre par les grandes personnes, à l’âge de six ans, et je n’avais rien appris à dessiner, sauf les boas fermés et les boas ouverts. Je regardai donc cette apparition avec des yeux tout ronds d’étonnement. N’oubliez pas que je me trouvais à mille milles de toute région habitée. ]

11. Or [mon petit bonhomme] [IL] ne me semblait ni égaré, ni mort de fatigue, ni mort de faim, ni mort de soif, ni mort de peur.

[ɔʁ/ ilnŒmŒsɑ̃'blɛ / niega'ʁe / nimɔʁdŒfa'tig / nimɔʁdŒ'fɛ̃ / nimɔʁdŒ'swaf / nimɔʁdŒ'pœʁ //

 

12. Il n’avait en rien l’apparence d’un enfant perdu au milieu du désert, à mille milles de toute région habitée.

[ilnavɛtɑ̃'ʁjɛ̃ / lapaʁɑ̃sdɛ̃nɑ̃fɑ̃pɛʁ'dy / omiljødyde'zɛʁ / amil'mil / dŒtutʁeʒjõabi'te //

 

13. [Quand je réussis enfin à parler, je lui dis] : – Mais… qu’est-ce que tu fais là ?

[kɑ̃ʒŒʁeysiɑ̃fɛ̃apaʁ'le / ʒŒlɥi'di // 'mɛ / kɛskŒtyfɛ'la //

 

[Et il me répéta alors, tout doucement, comme une chose très sérieuse :]

[ilmŒʁepetaalɔʁ tudus'mɑ̃ / kɔmynʃoztʁɛsE'ʁjøz

 

– S’il vous plaît… dessine-moi un mouton…

[silvu'plɛ / dEsinmwaɛ̃mu'tõ //]

 

 

    La discussion portera sur : les différences suprasegmentales (qualité vocale, débit, pauses, découpage en groupes rythmiques, intonation, liaisons, enchaînements) et sur les différences segmentales qui concernent la transcription (effacements de E, voyelles moyennes et archiphonèmes, etc...)

 

 

 

 

 

22 juin 2015

Une nouvelle liste de Paloma et César

 

    Paloma et César ont eu envie d'enregistrer une nouvelle liste : les sports.

    Elle vient s'ajouter aux listes précédentes de Paloma :

Les pièces de la maison, Dans le lave-vaisselle, Dans ma trousse, Les insectes

    et à celles de Cléo :

La compilation

    César (qui avait enregistré un poème à 4 ans et demi : Locataires) a encore quelques difficultés pour distinguer parfois les fricatives sourdes ([s, θ, ʃ]) et sur certains groupes de consonnes : il prononce cycli-mse... mais parfaitement bien athléti-sme !

 

 

A vos marques ! Prêts ? Partez !!!

 

 

 

 

 

 

12 septembre 2015

Conférence introductive en sciences du langage

 

in LODGE, David (2010), La vie en sourdine, Editions Payot et Rivages, p.53
 - Titre original : Deaf Sentence

 

"Ainsi qu’il aimait à dire aux étudiants de première année dans sa conférence de bienvenue :

« La langue est ce qui fait que nous sommes humains, ce qui nous distingue d’une part des animaux, d’autre part des machines, ce qui fait de nous des êtres conscients, capables de pratiquer les arts, les sciences, tout ce qui fait la civilisation. C’est la clé pour tout comprendre. »

Sa propre spécialité, en gros, c’était le discours : la langue par-delà la phrase, la langue telle qu’elle est utilisée, la langue prise sous l’angle de la parole plutôt que le contraire. C’était probablement le champ le plus fertile et le plus productif dans la discipline depuis quelques temps : la philologie historique était démodée et la linguistique structurale et transformationnelle avait perdu l’essentiel de son attrait depuis qu’on avait commencé à comprendre à quel point il était futile d’essayer de réduire le phénomène vivant et toujours changeant que constitue la langue en un ensemble de règles illustrées par des phrases-types prises hors de tout contexte et souvent inventées pour la circonstance.

« Toute énonciation ou phrase écrite possède immanquablement un contexte, se réfère toujours dans une certaine mesure à quelque chose qui a déjà été dit et qui demandait une réponse, a toujours pour objectif de faire quelque chose pour quelqu’un, lecteur ou auditeur. L’étude de ce phénomène est parfois appelé la pragmatique, parfois la stylistique. Les ordinateurs nous permettent de faire cela avec une rigueur sans précédent, d’analyser des bases numérisées rassemblant des données collectées dans des écrits et des discours réels – ce qui avait donné naissance à une nouvelle sous-discipline totalement nouvelle, la linguistique de corpus. L’expression résumant le mieux tout ce travail est « analyse du discours ». Nous vivons dans le discours comme des poissons dans l’eau. Les systèmes juridiques sont constitués de discours. La diplomatie est faite de discours. Les croyances des grandes religions partout dans le monde sont à base de discours. Et dans ce monde de plus en plus lettré où prolifèrent les médias impliquant une communication verbale – la radio, la télévision, Internet, la publicité, l’emballage et aussi les livres, les magazines et les journaux – le discours est parvenu à dominer peu à peu même les aspects non-verbaux de nos vies. Nous mangeons des discours (langue des menus qui nous mettent l’eau à la bouche, comme « poivrons grillés au feu de bois arrosés d’un filet d’huile de truffe »), nous buvons du discours (« arôme de tabac, de vanille, de chocolat et de baies mûres dans ce robuste shiraz australien »), nous regardons du discours (ces peintures minimalistes et ces expositions cryptiques dans des galeries qui dépendent uniquement des descriptions qu’en font les conservateurs et les critiques pour en justifier l’existence en tant qu’art), nous pratiquons même le sexe en mettant en pratique les discours tirés de fictions érotiques ou de manuels de sexologie. Pour comprendre la culture et la société, il faut être capable d’en analyser les discours. »

(Ainsi parlait le Pr Bates pendant sa conférence introductive devant les étudiants de première année, glissant une référence au sexe pour capter l’attention de l’étudiant le moins attentif et le plus sceptique, celui qui avait eu des notes passables à son CGE A Level et qui souhaitait suivre en fait un cours sur les médias, mais comme il n’y avait plus de place, avait dû se rabattre sur un cours sur la linguistique lors de la phase finale des inscriptions.)"

 

 

 

15 septembre 2015

Auteurs dans deux langues

 

    Les cas d'auteurs écrivant dans une autre langue que leur langue maternelle sont plutôt rares, mais peut-être de moins en moins... (?) En voici quelques exemples :

    Joseph Conrad (de son nom d'origine polonaise Teodor Józef Konrad Korzeniowski), (1857-1924), est considéré comme un des plus importants écrivains de langue anglaise du XXème siècle, mais est resté quasiment inintelligible à l'oral aux oreilles britanniques jusqu'à la fin de sa vie. Sa femme, anglaise, raconte dans ses souvenirs qu'il rêvait en polonais, qu'il délirait en polonais, qu'il se mettait en colère en polonais...

   Agota Kristof (1935-2011) quitte la Hongrie à l'âge de 21 ans et s'installe avec son mari en Suisse. La majeure partie de son oeuvre littéraire est en français, langue qu'elle déclare "ennemie" dans l'Analphabète (2004). La trilogie Le grand Cahier est un immense succès... et dont la lecture est souvent recommandée aux apprenants de FLE ! Agota Kristof a gardé en français un bel accent hongrois toute sa vie :

   

    Nous avons déjà parlé ici de Akira Mizubayashi (né en 1952 au Japon), "auteur japonais d'expression française"... dont la perfomance orale en français est éblouissante.

 

 

 

 

 

Nancy Huston est née en 1953 au Canada anglophone et elle s'installe à Paris à l'âge de 20 ans. Elle débute sa carrière de romancière en 1981 avec un roman écrit en français : Les Variations Goldberg. Elle revient à l'anglais comme langue d'écriture en 1993 avec Cantique des Plaines. Mais le roman étant d'abord refusé par les éditeurs anglophones, elle le traduit en français et trouve que la traduction sert l'original. Ce qui l'amène à adopter une écriture bilingue pour ses romans. Pour ses essais, elle utilise le français.

C'est justement dans son essai Nord Perdu, publié en 1999 - elle vit alors en France depuis plus de quinze ans, qu'elle livre un témoignage à mon sens plutôt amer sur l'intolérance des natifs vis-à-vis des "étrangers". Elle ne distingue pas les difficultés grammaticales des difficultés phonétiques, mais retient ici tout ce qui la stigmatise dans sa parole comme étant différente.

   

    Je trouve que ce texte est un bon support à la discussion... et j'espère que vous le discuterez en commentaire de ce post. On doit, à mon sens, ne pas perdre de vue deux évidences :

- nous ne sommes "natifs" que de notre communauté linguistique, parfois envisagée dans son sens le plus étroit - une communauté socio-géographique par exemple. Au-delà, nous sommes des "étrangers" dont l'altérité peut évidemment être facilement stigmatisée.

- la communication s'établit entre deux interlocuteurs. Pour que la communication fonctionne de manière optimale, il faut que  les deux parties tentent chacune de s'approcher au mieux de l'autre. Dans un environnement bruyant par exemple, le locuteur doit faire l'effort de hausser la voix et de soigner son articulation, voire de s'assurer qu'il a été compris... sinon, il met la communication en péril. De même, une communication entre un natif et un non-natif s'optimisera si chacun y met du sien : si le natif fait un effort vers le non-natif, et si le non-natif sait varier ses stratégies pour se faire comprendre. Si chacun campe sur ses positions ("cet étranger doit apprendre à parler comme... moi", "je ne veux pas parler comme un natif, cela menace mon identité"), la communication est difficile et douloureuse.

Une amie hispanophone travaillant à Paris auprès de groupes de lycéens commence ses interventions avec son français oral légèrement teinté d'accent espagnol... et après quelques phrases, elle demande : "Vous avez remarqué que j'ai un accent en français... Est-ce que je me fais bien comprendre?" Elle ne demande pas : "Est-ce que vous me comprenez bien?" c'est-à-dire "faites-vous suffisamment de chemin vers moi pour bien me comprendre?" Elle demande : "Est-ce que je me fais bien comprendre?" c'est-à-dire "le chemin que je fais vers vous est-il suffisant pour que la communication soit confortablement établie?" Cela semble peut-être une différence subtile, mais mon amie ne rencontre ainsi aucune difficulté dans la communication avec ses groupes de lycéens depuis des années.

Et Nancy Houston me semble avoir fait un chemin considérable dans sa prononciation vers les locuteurs français natifs (la preuve dans la vidéo plus bas). C'est cet accomplissement et la motivation qu'elle a su entretenir pour parvenir à une telle réussite qui me semblent plus intéressant que l'amertume envers de tristes natifs qui ne savent remarquer que ce qui est différent pour amorcer une conversation.

    Voici son texte ! J'attends vos commentaires, réactions, suggestions, anecdotes, témoignages....

 

 

« Certes, l’apprentissage de la langue maternelle se fait lui aussi par imitation, mais on ne le sait pas. On n’a que ça à faire ! Aucun bébé ne commence à ânonner ses « baba », ses « mama » et ses « dodo » avec un accent. Grammaire et syntaxe s’acquièrent par tâtonnements, mais, une fois acquises, sont inamovibles, coulées dans le bronze des « premières fois ».

Rien de tel chez l’étranger qui débarque encombré de ses lourds bagages accumulés sur deux ou trois décennies de sa vie neuronale. Avec ses ornières creusées, ses habitudes endurcies, ses synapses rodées, ses souvenirs forgés, sa langue est devenue inepte (sic) à improviser, il est condamné à l’imitation consciente.

Parfois il obtient d’excellents résultats : en effet, pour peu qu’il ait des dons de comédiens, l’imitation peut être tout à fait convaincante. Cela existe, les étrangers qui réussissent à « passer », comme ces Noirs américains, quarterons ou je ne sais quel est l’horrible terme exact, qui s’enorgueillissaient naguère de « passer » pour Blancs.  Toutes choses étant égales par ailleurs, les femmes (quand elles s ‘y appliquent, quand ce ne sont pas des Turques enfermées dans leur maison allemande par leur mari tout aussi turc) y arrivent mieux que les hommes. Les femmes sont des comédiennes-nées. Elles ont l’habitude de s’adapter ; cela fait partie de leur identité de femme.

L’étranger, donc, imite. Il s’applique, s’améliore, apprend à maîtriser de mieux en mieux la langue d’adoption… Subsiste quand même, presque toujours, en dépit de ses efforts acharnés, un rien. Une petite trace d’accent. Un soupçon, c’est le cas de le dire. Ou alors… une mélodie, un phrasé atypiques… une erreur de genre, une imperceptible maladresse dans l’accord des verbes… Et cela suffit. Les Français guettent… ils sont tatillons, chatouilleux, terriblement sensible à l’endroit de leur langue… c’est comme si le masque glissait… et vous voilà dénoncé ! On entraperçoit le vrai vous que recouvrait le masque et l’on saute dessus : Non, mais… vous avez dit « une peignoire » ? (sic) « un baignoire » ? « la diapason » ? « le guérison » ? J’ai bien entendu, vous vous êtes trompé ? Ah, c’est que vous êtes un ALIEN ! Vous venez d’un autre pays et vous cherchez à nous le cacher, à vous travestir en Français, en francophone… Mais on est malins, on vous a deviné, vous n’êtes pas d’ici… « Vous êtes d’origine allemande ? anglaise ? suédoise ? » Je le fais moi aussi, je l’avoue, dès que je détecte un accent dans la voix de quelqu’un, je le fais, tout en sachant qu’ils en sont sûrement las comme moi j’en suis lasse, qu’ils ont subi dix mille fois ce même interrogatoire débile, ennuyeux, blessant : « Vous êtes allemand ? Non ? Hongrois ? Chilien ? » Which country ? comme on dit en Inde. Non seulement cela mais, dès que vous la leur fournissez, cette information se cristallisera dans leur esprit, se figera, deviendra votre trait le plus saillant, la qualité qui, entre toutes, vous définit et vous décrit. Vous serez la Russe, le Néo-Zélandais, le Sénégalais, la Cambodgienne et ainsi de suite (un magazine respectable a récemment qualifié la cinéaste Agnieska Hollande (sic) de « Polonaise de service » ; un autre a cru élégant de commencer une critique d’un de mes livres par la phrase : « Elle est morose, notre Canadienne »)… alors que, bien sûr, chez vous, votre nationalité était l’air même que vous respiriez, autant dire qu’elle n’était rien. »

HUSTON, Nancy (1999), Nord perdu, Actes Sud.

 

 

18 février 2016

Synthèse vocale

 

    Ma collègue Catherine m'a parlé la semaine dernière d'applications de synthèse vocale multilingue en ligne, en voulant en discuter l'intérêt phonétique. Alexandra, étudiante de master, m'envoie hier un lien vers une application du même type en me questionnant sur l'utilité d'un tel outil "d'un point de vue didactique". Au premier semestre, dans un cours de phonétique multilingue, les étudiants consultaient spontanément en classe des applications (le plus souvent de type dictionnaire) sur leur smartphone pour entendre la prononciation (de plus en plus souvent proposée) d'un mot mal maîtrisé dans leur langues étrangères.

 

    Reconnaissance vocale (de type dictée vocale : générer du texte à partir de la parole naturelle) et synthèse vocale (générer de la voix de synthèse à partir d'un texte écrit) sont deux domaines qui intéressent évidemment la phonétique. Ces sujets sont traités dans les formations de phonétique de haut niveau, avant de devenir des domaines de spécialité. En synthèse vocale par exemple, on distingue différents types : la synthèse par concaténation - on combine des sections de phrases pour composer un énoncé complet, comme les annonces en gare de la SNCF avec la célèbre voix de Simone (Hérault) : "Le train en provenance de / Marseille Saint Charles / et à destination de / Paris Gare de Lyon / va entrer en gare / voie A./ Eloignez-vous de la bordure du quai s'il vous plaît./" Il existe bien sûr des synthèses vocales plus élaborées, comme la synthèse par diphones (en gros des moitiés de syllabes naturelles mise bout à bout et "lissées"), et la synthèse par formants. Ces deux domaines - reconnaissance et synthèse - ont fait de réels progrès ces dernières années : là où il fallait des heures d'apprentissage aux systèmes pour reconnaitre la parole naturelle d'un seul utilisateur, on trouve aujourd'hui des applications simples sur les appareils numériques multi-utilisateurs, sans apprentissage, et qui sont très performants. De même, la synthèse vocale a fait tellement de progrès que certaines plateformes téléphoniques l'utiliseraient pour contacter des prospects ou des usagers... à l'insu de leurs correspondants.

 

Des utilisations pour l'entraînement?

    C'est surtout la reconnaissance vocale qui a suscité intérêts et espoirs en entraînement de la prononciation. De nombreux logiciels multimédias ont cherché à évaluer la perfomance phonétique de l'utilisateur (d'une performance de "touriste"* à une performance d'"indigène"* / natif)... mais sans analyse contrastive, et sans pouvoir donner de feed-back sur les écarts réalisés par rapport au modèle. Ces évaluations n'étaient jusqu'à présent pas très fiables : certains accents étrangers étaient évalués comme natifs ou presque, et certains natifs identifiés comme des "touristes". En effet, la comparaison opérée par ces applications établit des correspondances (matching) entre la parole de l'utilisateur et le modèle (ou parfois une moyenne de modèles), ce qui n'évalue en rien le caractère "natif" de la parole produite.

* : termes utilisés par certains produits multimédia d'évaluation de la prononciation

    Olivier utilise en classe de FLE l’application de dictée vocale de son smartphone pour montrer à ses étudiants l’importance de la prononciation dans l’interaction homme - machine. Après avoir travaillé avec son groupe d’étudiants débutants sur la prononciation des chiffres et des nombres, il se sert de l’application de dictée vocale comme outil d’évaluation de la prononciation. Il relève une forte motivation de ses étudiants pour cet exercice et des résultats enthousiasmants.

    D'autres logiciels ont voulu exploiter la synthèse vocale à partir de la parole de l'utilisateur pour lui donner à entendre ce qu'il devrait produire avec sa propre voix (WinPitch de Philippe Martin).

 

    Mais c'est finalement une utilisation bien plus simple et pratique de la synthèse vocale qui semble aujourd'hui se répandre. Comment ce mot se prononce-t-il? Plus besoin de faire appel à un locuteur natif... ou à la prononciation plus ou moins convaincante de mon enseignant non-natif... ou à la transcription en Alphabet Phonétique International d'un dictionnaire ! Pas besoin de chercher une occurrence de ce mot en parole naturelle sur Internet. Puisque la synthèse vocale me permet d'entendre juste ce dont j'ai besoin. Et même de varier la vitesse d'élocution (ce qui me semble une fonctionnalité très intéressante). Entendre CE QUE JE VEUX, AUTANT DE FOIS QUE JE LE VEUX, AVEC DIFFÉRENTES POSSIBILITÉS DE VITESSES D'ÉLOCUTION est à l'évidence un nouveau moyen d'accès simple et permanent à de la prononciation multilingue à partir des médias connectés. C'est aussi un moyen simple d'entendre la prononciation de noms propres suivant les règles orthoépiques (correspondances graphie-phonie) de la langue.

    C'est la synthèse à partir d'énoncés écrits qui peut éventuellement poser encore quelques problèmes, en particulier avec les mots homographes non-homophones, comme le couvent / elles couvent, le président / ils président - et beaucoup de finales en "ent" : content, affluent, évident, ferment, excellent, divergent, etc - les fils (de leur père) / les fils (du tissu), plus (négation) / plus (comparaison),  tous (déterminant) / tous (pronom), etc. On intègre toujours ces mots dans des phrases (ex : Les poules du couvent couvent) afin de tester les  limites de la syntaxe de ces applications de synthèse vocale à partir du texte.

    Le rythme et l'intonation, qui ont déjà fait en synthèse vocale énormément de progrès, resteront probablement les ultimes différences avec la parole naturelle audibles sur du texte long. Sous ces aspects, la synthèse vocale sera sans doute encore pour longtemps un piètre lecteur, ou un mauvais interprète, qui aura du mal à retenir l'attention d'un auditeur plus de quelques secondes sans devoir solliciter de sa part une concentration supplémentaire.

     Peut-on imaginer qu'un jour ce soit la parole naturelle qui soit influencée par la parole de synthèse? A l'instar de la voix chantée qui subira l'influence d'Auto-tunes? ou comme les mouvements de Dub Break Dance qui semblent bien inspirés de l'image vidéo. Bref, arrivera-t-il un moment où la technologie deviendra une source d'inspiration, et même un modèle pour nos activités spécifiquement humaines ?

 

   Pour finir et puisqu'il s'agit de synthèse à partir du texte, amusons-nous avec le français et l'anglais, dont les orthographes sont si peu phonétiques (c'est sans doute pour cela que l'Alphabet Phonétique International a été officialisé par la réunion d'enseignants de langue britanniques et français). J'ai choisi une transcription orthographique aménagée en anglais du début de la chanson française "Au clair de la lune" (prise dans GAGNIÈRE, Claude (1997), Pour tout l’or des mots, Robert Laffont), prononcée deux fois par une voix de synthèse nord-américaine ralentie au maximum - ce qui ne me semble pas si lent, puis sur la même orthographe aménagée par une voix de synthèse française aussi très lente (une fois). Puis, avec la même voix de synthèse américaine sur la transcription en orthographe française (une fois), enfin deux fois avec la même voix française sur l'orthographe française. Il me faut préciser que cette orthographe aménagée avait pour objectif la chanson, avec ses allongements en finale : Au - clair - de - la - lu- ne, ce qui ne se pratique pas en parole naturelle. L'ensemble a été réalisé avec la synthèse multilingue disponible sur naturalreaders.com.

 

    Cet exercice d'écoute permet déjà d'observer énormément de caractéristiques phonétiques fondamentales qui opposent les deux langues. Qu'observez-vous?

 

 

 

23 mai 2017

Imagier phonétique [ɛ̃, ɑ̃, ɔ̃]

 

     L'objectif est ici de présenter du vocabulaire simple (A1/A2) sous la forme d'un imagier phonétique :

- permettant de travailler une voyelle (ici les voyelles nasales c'est-à-dire [ɛ̃, ɑ̃, ɔ̃]) en position accentuée (comme un dictionnaire de rimes),

- sans support orthographique,

- présenté en groupe rythmique, c'est-à-dire pas isolé mais avec un minimum de contexte,

- avec le temps nécessaire à la répétition,

- avec des voix variées et non-professionnelles, donc authentiques.

 

   Le texte des enregistrements se trouve sur les pages dailymotion des diaporamas. Merci à Christiane, Bernard, Sophie, Vincent, Martin, Cléo, Manue, Marc, Tom, Frédérique, Emile, Olivia, Emmanuelle, Cédric, Michel et Pauline pour leurs voix :)

 

 [ɛ̃]

 

 [ɑ̃]

 

[ɔ̃]

 

 

6 août 2017

Trouver sa place

 

    Dans La tache (The human stain, traduction Folio, p. 371-372), Philip Roth donne la parole à l’un de ses personnages, Delphine Roux, une brillante universitaire française qui fait carrière à l’université d’Athena aux Etats-Unis. Elle décrit dans le passage ci-dessous l’impossibilité d’accéder aux implicites linguistiques et culturels quand le cadre est « étranger ».

    Le handicap que représenterait la difficulté d’accéder aux implicites linguistiques et culturels m’a rarement été rapporté par les étudiants que je rencontre. Par contre, j’ai souvent recueilli des témoignages d’étudiants (très) avancés décrivant la forte frustration de ne pouvoir être aussi brillants, aussi vifs, aussi drôles, aussi mordants, à l'oral en français que dans leur langue maternelle. S’ensuit une discussion intéressante sur le fait de savoir si une langue et une culture étrangères peuvent ou pas représenter l’occasion d’initier de nouvelles stratégies de communication, différentes de nos stratégies habituelles dans notre langue maternelle, et sans que cela soit nécessairement à considérer comme une perte. Ce texte me semble une bonne base à la discussion. Et vous, qu’en pensez-vous ?

 

          "Elle se dit que si elle ne trouve pas d’homme, en Amérique, ce n’est pas parce qu’elle ne peut pas en trouver, mais parce qu’elle ne les comprend pas, ces hommes, et qu’elle ne les comprendra jamais, parce qu’elle ne parle pas assez bien la langue. Elle qui est si fière de parler l’anglais couramment, qui le parle en effet couramment, elle ne parle pas la langue, en fait. Je crois que je les comprends, et je les comprends. Ce que je ne comprends pas, ce n’est pas ce qu’ils disent, c’est tout ce qu’ils ne disent pas, quand ils parlent. Ici, elle ne se sert que de cinquante pour cent de son intelligence, alors qu’à Paris, elle comprenait chaque nuance. Quel est l’intérêt d’être intelligente, ici, puisque du fait que je ne suis pas du pays, je deviens bête ipso facto… Elle se dit que le seul anglais qu’elle comprend vraiment bien – non, le seul américain -, c’est l’américain universitaire, qui n’est guère américain justement. Voilà pourquoi elle n’arrive pas et n’arrivera jamais à pénétrer ce pays, voilà pourquoi il n’y aura jamais d’homme dans sa vie, voilà pourquoi elle ne sera jamais chez elle ici, voilà pourquoi ses intuitions sont fausses et le seront toujours, la vie intellectuelle douillette qu’elle a connue lors de ses études est révolue à jamais, et pour le restant de ses jours, elle sera condamnée à comprendre onze pour cent de ce pays et zéro pour cent de ces hommes… Elle se dit que tous ses avantages intellectuels ont été annulés par son dépaysement… Elle se dit qu’elle a perdu sa vision périphérique : elle voit ce qui se passe devant elle, mais rien du coin de l’œil, ce qu’elle a ici n’est pas la vision d’une femme de son intelligence, c’est une vision aplatie, exclusivement frontale, celle d’une immigrante, d’une personne transplantée ou qui n’a pas trouvé sa place…"

 

 

3 novembre 2017

Forme d'empathie et tolérance exacerbée?

 

    On m’a signalé un film français qui évoque la question de « l’accent étranger »… ce qui n’est pas si fréquent.

 

    Maurice Barthélémy, acteur et réalisateur, a signé en 2017 une comédie intitulée « Les Ex ». On y trouve un personnage secondaire singulier, Alberto, joué par l’acteur Michael Bensoussan (sous le pseudonyme de Estéban).

 

    Ce personnage comique est un peintre que l’on découvre dans une scène, face à un juge français pour un divorce, où il ne parle qu’espagnol. On le retrouve ensuite dans deux scènes dans lesquelles il parle franco-espagnol, ce qui est d’abord moqué (« yeudi matin ou yeudi après-midi »), puis qui lui est reproché (« tu ne veux pas apprendre le français une bonne fois pour toutes ? »). On découvre finalement dans une autre scène que le personnage parle parfaitement français (« je suis né à Villeparisis, en Seine-et-Marne »), mais qu’il utilise un accent pour provoquer « une forme d’empathie, de tolérance exacerbée» !

 

 

    Voici les scènes dans lesquelles le personnage intervient :

 

 

 

   

    Avoir un accent étranger provoquerait l’empathie des interlocuteurs ? Quelle étrange idée… En effet, ce n’est déjà pas du tout ce qui se passe dans le film. Le rôle est comique, on lui reproche de ne pas savoir parler français (énervement du juge– alors que personne ne parle espagnol), on imite l’accent du personnage… Aucune empathie ici.

 

    Les étudiants étrangers avec lesquels je travaille ne me parlent jamais d’attitudes empathiques face à leur accent, mais ils me rapportent plutôt de tristes expériences illustrant le peu de tolérance des Français face aux accents étrangers.

 

    Voici une courte histoire racontée par Cristina. Cristina est une jeune femme espagnole. Un jour, à Paris, une dame âgée s’adresse à elle et lui demande un renseignement sur l’arrêt d’un bus. Quand Cristina commence à lui répondre, avec son accent hispanophone, la dame détourne simplement le regard et s’éloigne, sans un mot… Rien d’empathique ici non plus. Par contre une violente intolérance dont Cristina parle encore…

 

    Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous des expériences d'empathie provoquée par un accent étranger ?

 

 

 

19 février 2019

Témoignages d'étudiants

 

 

     Voici trois nouveaux témoignages d'étudiantes, qui viennent s'ajouter aux nombreux précédents... Ces écrits répondent toujours à la même consigne : "Freins et motivations à l'apprentissage de la prononciation d'une langue étrangère - expérience personnelle".

 

 

Salomé, française apprenant l'anglais

 

J’ai commencé à apprendre l’anglais au CM1. A l’époque, l’enseignant se fichait bien de notre prononciation approximative de l’anglais du moment que nous faisions l’effort de l’écouter et d’apprendre notre vocabulaire. On essayait simplement de reproduire ce qu’il disait avec des sons de la langue française.

Je ne me rappelle pas avoir eu des heures consacrées à la prononciation de l’anglais au collège ou au lycée. Je sais seulement que les professeurs nous faisaient travailler la prononciation en nous faisant répéter les mots de vocabulaire ou bien ils nous corrigeaient lorsque nous nous trompions en parlant ou en lisant, ils disaient le mot que nous ne prononcions pas bien puis ils nous le faisaient répéter jusqu’à ce que ça leur convienne devant le reste de la classe. On ne s’est donc jamais attardé sur la phonétique ou encore la transcription. Par contre ils s’attardaient sur les sons [θ] et [ð] qui posaient beaucoup de problèmes mais ce n’était jamais l’objet du cours et le professeur en parlait simplement parce qu’un élève avait fait l’erreur de mal prononcer un de ces sons. Je me souviens d’un manuel au lycée où l’écriture en phonétique était précisée à côté du vocabulaire de la leçon et je me questionnais quant à la pertinence d’avoir ça dans nos manuels si nous ne l’étudions pas en classe. Je m’amusais à lire les transcriptions mais ça s’arrêtait là. En 7 ans de collège-lycée avec 5 professeurs différents je n’ai jamais étudié la prononciation, tout était dans l’imitation de l’enseignant.

Lorsque j’ai commencé ma licence d’anglais, au 2nd semestre de la première année, j’ai découvert et appris l’alphabet phonétique. A ce moment-là je n’étais pas vraiment intéressée. Probablement parce que la professeur n’a pas su me donner l’envie. J’ai toujours essayé d’avoir une bonne prononciation depuis la fin du lycée mais la phonologie ne m’avait pas [encore] intéressée. Ce qui a changé en 2ième année de licence, grâce à Mme Thompson, professeur de phonétique d’origine britannique, qui m’a fait trouver un intérêt à la discipline. Je me souviens qu’au début du semestre on avait dû apprendre les points d’articulation dans la cavité buccale par cœur sans pour autant savoir pourquoi on le faisait. Et toutes les semaines, elle nous demandait de lire un chapitre de English Phonetics et Phonology écrit par Peter Roach. Et le plus intéressant dans tout ça c’est que ma prononciation a connu une nette évolution grâce à ce cours alors que l’on étudiait un peu plus la théorie que la pratique. Mais nous allions au-delà de l’alphabet phonétique puisque nous travaillions aussi sur la musicalité de la langue et ses différentes accentuations. Et ça m’a permis de comprendre comment ça marchait.

En complément du cours de phonologie, j’ai eu pendant un semestre un cours de phonétique avec un professeur américain : M.Ford. C’est grâce à lui que j’ai compris l’intérêt de connaître les différents points d’articulation. Dans son cours il ne s’agissait pas seulement de connaitre la phonétique de l’anglais mais plutôt la phonétique en général. On étudiait des sons qui pouvait autant appartenir à l’anglais, qu’à l’espagnol, au français, au norvégien ou encore à des dialectes africains ou sud-américains dans un manuel appelé Articulatory Phonetics de Bikford et Floyd. On a découvert, par exemple, que la lettre <t> ne se prononçait pas de la même façon en français et en anglais. Contrairement à Mme Thompson il nous faisait travailler énormément la prononciation même celle de langues que nous ne maîtrisions pas. Grâce à ce cours j’étais capable de transcrire phonétiquement les langues que je ne parlais même pas et surtout prononcer chaque son de la langue anglaise grâce à l’apprentissage des points d’articulation. Enfin j’ai passé un an dans le Nord de l’Angleterre où j’ai perfectionné mon anglais.

Les freins dans mon apprentissage étaient multiples. Je pense que tout le monde est plus ou moins passé par la phase : « je veux faire comme les autres et avoir une mauvaise prononciation pour être cool ». Ça a été mon cas mais vu que je n’étais cool ni quand j’avais une mauvaise prononciation ni quand j’essayais d’en avoir une bonne, j’ai continué à suivre l’exemple de mes professeurs. Les moqueries n’ont pas aidé, même si j’arrivais à reproduire plus ou moins bien la prononciation de l’anglais, je n’arrivais pas à me résoudre à le faire de peur des moqueries face aux « bons élèves ». Mais le plus gros frein était le harcèlement scolaire au collège et surtout en seconde au lycée. Bien que la participation en classe de langue soit assez primordiale pour l’apprentissage, la mienne était devenue quasi-inexistante. Le cours d’anglais était ma bête noire puisque l’enseignant n’avait absolument aucune autorité sur ma classe qui passait son temps à rires des autres à voix hautes au lieu d’écouter, la règle en classe pour moi était de me faire remarquer le moins possible. Et malgré le changement de lycée l’année suivante, cette mauvaise expérience m’a poussé pendant un an à me fondre dans la masse. J’en suis seulement sortie au milieu de ma terminale quand j’ai décidé de faire une licence d’anglais.

Ma motivation est donc majoritairement apparue à l’université là où j’étais entourée de personnes dont le seul but était de maîtriser l’anglais. Mes professeurs étaient donc ma plus grande motivation. Dès qu’ils remarquaient mes efforts, cela me poussait à continuer. J’ai aussi ce plaisir à m’écouter parler en essayant de toucher du bout des doigts la prononciation parfaite. Et lorsque je regarde des séries anglophones (ou même d’autres langues que je connais), je répète les répliques des personnages pour m’entraîner et entendre à quel point je me rapproche de leur prononciation. Je pense aussi que les freins à mon apprentissage sont devenus un moteur pour prendre ma revanche sur ce qu’il m’est arrivée.

Je sais bien que la phonologie ou la phonétique ne sont pas la prononciation à proprement dit puisque c’est ce qui découle de celle-ci, mais mon apprentissage n’aurait pas été le même sans cette théorie. J’ai vraiment découvert un domaine qui me passionnait et c’est ce qui m’a poussé à parfaire ma prononciation.

Je sais que je n’ai pas besoin d’avoir une prononciation parfaite, mais je ne me vois pas apprendre une langue sans en connaître toutes ses spécificités.  En fin de compte je pense que ce choix appartient à tout le monde de garder une part de son identité dans sa prononciation. Mais à mon avis, maîtriser la prononciation d’une langue est nécessaire même si l’on ne l’applique pas, parce que cela aide à mieux comprendre ce que l’on nous dit dans la langue cible.

 

 

 

Simona, française apprenant l'anglais

 

La prononciation, dans le cadre de l'apprentissage d'une langue étrangère, n'a pas été dans mon parcours scolaire le centre d'intérêt premier de mes professeurs avant la 4ème. Me fondant sur la manière dont m'a été enseigné l'anglais, il m'est possible de constater que tout était d'abord centré sur l'écrit et notamment sur la grammaire. En 6ème et en 5ème, très peu de place était accordée à l'oral : je n'avais donc pas de conseils phonétiques. On nous répétait juste, par exemple, que le "th" ne devait pas être prononcé comme un "z" ([z]) sans nous indiquer de réelles techniques permettant de produire ce son. En parallèle, n'ayant jamais été directement confrontée à ce moment-là à l'anglais parlé, je n'y avais accordé que très peu d'attention.

      C'est donc en 4ème, quand j'ai enfin eu une professeure appliquant la méthode communicative/actionnelle, que j'ai découvert la pratique de l'oral lors de séances dédiées au sein des séquences didactiques de l'année. Je me suis alors réellement entendue parler anglais pour la première fois. Comme tous mes pairs, j'avais un lourd accent français. Deux choses ont alors fortement contribué à ce que mon accent s'améliore cette année-là. Premièrement, les techniques et les conseils donnés par ma professeure m'ont permis d'acquérir certains automatismes. Deuxièmement, j'étais la meilleure de ma classe en termes de notes, suivie de très près par un de mes amis. La grande différence entre nous était qu'alors que nous n'avions que quelques points de différence à l'écrit, il parlait comme un bilingue alors que je traînais encore un lourd accent français qui ne pouvait pas transparaître sur mes rédactions.

      Se sont alors produites plusieurs métamorphoses assez subites motivées par divers facteurs. Tout d'abord, la compétition entre mon ami et moi m'a amenée à vouloir être meilleure que lui et cela même à l'oral. J'ai donc commencé à regarder des séries en VOSTFR et à m'accoutumer à la prononciation de l'anglais. J'ai alors développé l'envie de parler comme ces acteurs : voulant tellement me voir parler parfaitement cette langue, je me suis mise à converser avec moi-même en anglais, devant le miroir ou juste dans mon lit, par pur plaisir narcissique. Plus j'aimais l'accent que je prenais, plus je le perfectionnais. De plus, je voyais que ma professeure notait mes améliorations et je constatais que plus grand chose ne me séparait de mon ami, même à l'oral. Pour résumer, le personnage que je visualisais, c'est-à-dire moi-même quasiment bilingue, constituait un idéal à atteindre. La compétition et l'envie de séduire ma professeur (et moi-même, en partie) m'ont permis de dépasser la honte que j'avais à m'exprimer dans cette langue. Je n'avais plus peur d'exagérer et j'ai même réalisé que l'exagération était l'un des meilleurs moyens de saisir l'accent d'une langue et ses subtilités phonétiques. Plus j'avais le sentiment d'exagérer, mieux je parlais.

      Enfin, les bains linguistiques que j'ai vécus à Londres, à Malte et en ayant une relation amoureuse avec un Australien m'ont aidée à perfectionner ma prononciation et surtout à orienter mon parler. En effet, je suis passée d'un anglais "standard" à un anglais américain car je le trouve plus facile et plus adapté à ma personnalité. C'est aussi probablement celui que j'ai le plus entendu. Aujourd'hui, je parle donc couramment l'anglais US et le fait qu'on me complimente sur ma manière de parler cette langue étrangère ou qu'on me confonde avec des natifs corroborent non seulement la fierté d'avoir "sauté le pas" mais aussi l'envie de fignoler les dernières petites difficultés que je rencontre, notamment avec les nuances entre le [i] long et le [i] court.
Marynes, vénézuélienne apprenant le français
En ce qui concerne mon évolution en phonétique et prononciation du français, ma langue secondaire, j’ai eu la possibilité depuis toute petite d’être en contact permanent avec la langue car ma mère, professeure de français elle aussi, me laissait livrée à des audios des méthodes de l’époque. Parfois, j’ai accompagné ma mère en cours et pour pas m’ennuyer, la bonne solution c’était de m’occuper avec des écouteurs et le lecteur cassette pour passer mon temps, tout en dépit du fait que je ne comprenais rien, j’ai développé une facilité à répéter sans mayeur problème des mots et des phrases en français.
Depuis cette première expérience, à 18 ans quand j’ai décidé formellement apprendre la langue, la musique m’a beaucoup aidé a affiner ma prononciation, mais avec le très peu contact avec des francophones, la tâche était un peu compliquée car les moments où j’ai me servais de la langue française, étaient très rares, fait que m’a donné un très fort sentiment d’insécurité à l’heure de communiquer en français, et en plus un ou deux prof que avec leurs regards, ne donnent pas vraiment envie de faire des efforts pour intervenir pendent les cours, seulement la glace et ma tête m’ont entendu faire des efforts pour parler français comme j’ai rêvé, mais très difficile de sortir tout ça pour ma bouche très naturellement sans réfléchir avant deux au trois fois, et avec insécurité de pas arriver à me faire comprendre.
Une fois arrivée en France, il n’y avait pas vraiment l’excuse ni le choix, il fallait apprendre pour y arriver. La vie de tous les jours et ma motivation m’ont obligée et aidé à produire tous les sons que j’avais dans ma valise. Aujourd’hui le défi c’est la bonne intonation et parfaite prononciation des mots, je suis régulièrement corrigée et « obligée » à répéter à la maison pour éviter les fautes, c’est mon copain qui me reprend à chaque fois, petit à petit je suis consciente de mes propres fautes et j’ai fait l’effort de ne les reproduire plus à chaque fois que je parle.

 

7 mai 2019

Poste à pourvoir

 

    Une très célèbre jeune chanteuse new-yorkaise se risque à interpréter un classique de la chanson française... Une performance vocale mais les conseils de prononciation d'un natif n'auraient vraiment pas été de trop ! Voici la transcription phonétique du premier couplet... qui fait sourire. Reconnaissez-vous la chanson? et la chanteuse?

    La réponse un peu plus bas !

 

[de kifɔ̃bezelemjɛ̃ /  [dezjø] / [bese]

ɛ̃ʁiʁ kisœpɛʁsyʁsabluʃ / [buʃ]

vwalalœpɔʁtʁɛsɑ̃ʁetuʃ / [ʁœtuʃ]

dœlɔmœkɛl / ʒapaʁtʁjɛ̃] (j'apporte rien?) [okɛl / ʒapaʁtjɛ̃]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A star is born

 

 

   N'hésitez pas à partager d'autres chansons françaises interprétées par des non-natifs, comme C'est si bon par Eartha Kitt :

 

 

 

7 mai 2021

Spelling, dictées et épellation

 

 

     En épelant certains mots à Erwan qui va  bientôt avoir 9 ans, je me rends compte que la pratique orale du Spelling à l'américaine est bien éloignée de notre apprentissage à la française de l'orthographe écrite sous forme de dictées. J'aimerais décrire ici ces deux pratiques pédagogiques très culturelles.

     On distingue grossièrement pour la maitrise de la langue écrite :

• la grammaire (en anglais, grammar) : l'ordre des mots, la structure de la phrase, les conjugaisons, les accords ...

• le vocabulaire (en anglais, vocabulary) : le choix et la variété des mots, les synonymes, ...

• et l'orthographe (en anglais, spelling) : les mots écrits de façon conforme.

     Le mot orthography existe bien en anglais, comme synonyme de spelling (et éventuellement en englobant tout ce qui concerne l'écrit : la ponctuation, les majuscules, etc), mais aussi en mathématique pour parler de projection orthogonale.

 

 

     Je ne peux m'empêcher d'associer le mot spelling à l'action d'épeler oralement les mots. C'est une pratique rare en France, sauf pour préciser l'orthographe d'un nom propre, ou de façon plus générale pour dire oralement la façon d'écrire un mot. J'ai souvent conseillé à des amis ayant un patronyme à l'orthographe complexe, d'épeler par syllabe pour favoriser la compréhension de l'interlocuteur. Par exemple : Jaskarzec : J-A-S / K-A-R / Z-E-C.

     En cherchant un éventuel substantif du verbe épeler dans le dictionnaire Le Robert, je m'arrête d'abord sur la définition du verbe : 1° Nommer successivement chacune des lettres d'un mot. Exemple : Voulez-vous épelez votre nom? • 2° Apprendre, commencer à lire • 3° Lire lentement, avec difficulté. Exemple : Epeler laborieusement le texte grec.

     Je trouve ensuite le substantif épellation (que je n'ai jamais entendu dans la vraie vie) : action d'épeler.

     L'épellation donc, est une pratique suffisamment rare en français, pour qu'elle ne soit pas si familière ni à produire, ni à entendre. Elle semble réservée à préciser l'orthographe des noms propres. Je pense au sketch Le Télégramme (1950) d'Yves Montand (l'amoureux) et Simone Signoret (l'employée du télégramme) :

MONTAND :
Eugène Sue me regarde... Je t'aime

SIGNORET :
Eugène? Comme le prénom?

MONTAND :
Oui...

SIGNORET :
Ensuite?

MONTAND :
Sue... Eugène Sue.

SIGNORET :
Épelez...

MONTAND :
S comme Suzanne, U comme...

SIGNORET :
Ursule!

MONTAND :
Oui et E... comme Eugène ! Héhé !

SIGNORET :
Sue!

MONTAND :
Mais oui, mademoiselle ! vous savez bien, « Les Misérables », « Les Trois Mousquetaires »...

 

 

     Le Spelling est par contre une pratique très courante et ritualisée aux Etats-Unis, où les épreuves "d'orthographe" se passent à l'oral (cf. Spelling Bee). Un mot est donné oralement au candidat. Il le répète, puis l'épèle et enfin le répète une dernière fois. Par exemple : Orthography. L'élève doit dire : "Orthography. O-R-T-H-O-G-R-A-P-H-Y. Orthography".

     Voici un extrait du film Akeelah and the Bee (2006), où l'héroïne doit épeler le mot argillaceous lors d'un concours Spelling Bee.

 

 

 

 

     En France, l'orthographe ne s'évalue traditionnellement qu'à l'écrit, par des dictées. On compte le nombre total de fautes : fautes d'orthographe, mais aussi de grammaire (conjugaisons, accords, ...) et de ponctuation, de majuscules, de tirets... On évalue ainsi la conformité du texte écrit.

     On connaît la célèbre dictée de Prosper Mérimé, les dictées de l'animateur de télévision Bernard Pivot, les dictées de l'émission En français dans le texte sur la radio France Culture, les dictées du Balfroid pour les élèves de 6ème en Belgique, ... et la dictée de Topaze de Marcel Pagnol (1928):

 

 

 

     Pour conclure phonétiquement sur le verbe épeler, je ne peux pas ne pas évoquer l'ambiguité entre : vous m'ép(e)lez [vu mEple], et tu me plais [ty mŒplE] / vous me plaisez [vumŒplEze], ambiguité exploitée dans au moins deux films : Le corniaud (1965) avec Bourvil et Le boureau des cœurs (1983) avec Aldo Maccione, dont voici les extraits sonores :

VousMepelez

 

 

 

 

 

3 août 2021

Un virelangue authentique en chanson?

 

     J'ai déjà abordé ici l'attrait des virelangues (ou "tongue twisters" en anglais), ces petites phrases, que l'on trouve dans toutes les langues du monde, présentant à l'excès une difficulté phonétique, souvent en opposant deux sons proches (par exemple [s] et [ʃ] pour les virelangues les plus connus en français : Les chaussettes de l'archiduchesse sont-elles sèches? et Un chasseur sachant chasser sans son chien est un chasseur champion) mais aussi en multipliant les occurences d'un seul son (par exemple [ɔ̃] en français dans : Si ton tonton tond mon tonton, mon tonton sera tondu ou Consonne + [r] en espagnol dans : Tres tristes tigres comen trigo en un trigal.

 

     J'ai aussi abordé l'attrait du document authentique pour les enseignants.

 

     J'ai enfin discuté l'intérêt pédagogique de l'utilisation en classe et à la maison de chansons, même d'extraits extrêmement courts.

 

     En entendant la chanson Sans bagages de Barbara, je suis arrêté par la phrase :

 

Il y a tant et tant de temps que je t'attends / que tu m'attends

[i-li-ja-tɑ̃-te-tɑ̃-dŒ-tɑ̃-kŒ-ʒŒ-ta-tɑ̃ / kŒ-ty-ma-tɑ̃]

suivie par : Je te tendrais les mains, tu n'aurais qu'à les prendre

[ʒŒ-tŒ-tɑ̃-dʁE-le-mɛ̃-ty-nO-ʁE-ka-le-pʁɑ̃dʁ]

 

 

 

     A partir de deux versions de la chanson, j'ai fait un court mp3 destiné à l'entraînement.

 

Il_y_a_tant_et_tant

    

 

 

     Et voici la chanson dans son entier :

 

 

 

15 septembre 2022

Du prestige des langues... dans "Le Mariage Forcé" de Molière (1664)

 

J.B.P. De Molière, Le Mariage Forcé (comédie), Scène IV :

 

PANCRACE, docteur aristotélicien : [Soit.] Que voulez-vous ?

SGANARELLE : Je veux vous parler de quelque chose.

PANCRACE : Et de quelle langue voulez-vous vous servir avec moi ?

SGANARELLE : De quelle langue ?

PANCRACE : Oui.

SGANARELLE : Parbleu ! De la langue que j'ai dans la bouche ; je crois que je n'irai pas emprunter celle de mon voisin.

PANCRACE : Je vous dis de quel idiome ; de quel langage.

SGANARELLE : Ah ! C'est une autre affaire.

PANCRACE : Voulez-vous me parler italien ?

SGANARELLE : Non.

PANCRACE : Espagnol ?

SGANARELLE : Non.

PANCRACE : Allemand ?

SGANARELLE : Non.

PANCRACE : Anglais ?

SGANARELLE : Non.

PANCRACE : Latin ?

SGANARELLE :Non.

PANCRACE : Grec ?

SGANARELLE : Non.

PANCRACE : Hébreu ?

SGANARELLE : Non.

PANCRACE : Syriaque ?

SGANARELLE : Non.

PANCRACE : Turc ?

SGANARELLE : Non.

PANCRACE : Arabe ?

SGANARELLE : Non, non, Français.

PANCRACE : Ah Français !

SGANARELLE : Fort bien.

PANCRACE : Passez donc de l'autre côté ; car cette oreille-ci est destinée pour les langues scientifiques et étrangères ; et l'autre est pour la vulgaire et la maternelle.

SGANARELLE : Il faut bien des cérémonies avec ces sortes de gens-ci !

 

Audio :

MariageForce_

 

 

L'audio est extrait de la captation ci-dessous : Comédie Française (1999). Mise en scène d'Andrzej Seweryn, avec Gérard Giroudon (Sganarelle) et Nicolas Lormeau (Pancrace). L'extraiit se trouve à 30'45".

 

 

 

 

 

 

30 avril 2008

L'Alphabet Phonétique International (API) ou International Phonetic Alphabet (IPA)

L'Alphabet phonétique International (crée en 1886 par deux enseignants de langue (Henry SWEET au Royaume Uni et Paul PASSY en France) a pour objectif de lier le son et l'écriture, sans référence à l'orthographe. Il est vrai que pour l'anglais comme pour le français, les orthographes sont très éloignées de la prononciation.

Quand l’"International Phonetic Association" est fondée en 1886, la principale préoccupation de ses membres est d’appliquer la théorie phonétique et la transcription phonétique à l’enseignement des langues.
La "Phonetic Teachers Association" et son journal -Dhe Fonètik Tîtcer- et l’"Association Phonétique des Professeurs de Langues Vivantes" ont fondé l'"International Phonetic Association" avec Henry SWEET en Grande Bretagne et Paul PASSY en France, illustrant un intérêt à la fois descriptif / contrastif et didactique.

Les phonéticiens impliqués dans cette organisation internationale, dont la plupart sont issus de l'enseignement des langues, ont beaucoup influencé le domaine, particulièrement sur les notions et pratiques suivantes :
- la forme parlée d'une langue est primordiale et doit être enseignée en premier ;
- les enseignants doivent avoir une formation solide en phonétique ;
- les élèves soivent suivre un entraînement phonétique pour établir de bonnes habitudes de prononciation.

Ces bons principes nous semblent toujours aussi valides aujourd'hui...

 

A la suite d'un commentaire d'un lecteur du blog, voici des liens pour les tableaux de l'API :

Le site officiel de l'Association Internationale de Phonétique : http://www.langsci.ucl.ac.uk/ipa/

Et le site du Laboratoire de Phonétique Expérimentale de l'Université de Turin qui a l'avantage de présenter des illustrations sonores (un peu inévitablement marquées d'italien) de chaque phonème. : http://www.lfsag.unito.it/ipa/index_fr.html

Enfin, pour contourner l'éternel problème de la compatibilité des polices IPA, il faut mentionner l'existence de la transcription SAMPA (Speech Assessment Methods Phonetic Alphabet) permettant l'usage des caractères classiques pour transcrire l'oral  : http://fr.wikipedia.org/wiki/Symboles_SAMPA

 

30 avril 2008

Extraits

Paul PASSY, Petite phonétique comparée des principales langues européennes, 3ème édition, 1922, BG. Teubner.
PASSY est le co-fondateur de "International Phonetic Association" en 1886.

"1) Il est très instructif, quand on étudie les langues étrangères, d'observer la manière dont les étrangers parlent le français. Presque jamais, ils n'arrivent à le parler tout-à-fait bien - c'est-à-dire, tout à fait comme nous le parlons. Leurs erreurs sont de diverses sortes. Tantôt ils emploient un mot pour un autre : un Italien, par exemple, dira "Je vais me fermer" pour "Je vais m'arrêter". Tantôt ils emploient les mots autrement que nous ; un Allemand dit "Hier je venais vous voir" pour "Hier je suis venu vous voir". Tantôt enfin ils prononcent mal des mots du reste correctement employés.

2) Les fautes de cette dernière catégorie sont très persistantes. Tout le monde a pu entendre des Anglais, qui connaissent très bien notre langue, et sont incapables d'articuler d'une manière intelligible un petit mot comme vu ou été. Un Allemand du Nord dira Il faut mettre du zèle dans les aliments (du sel). Un Allemand du Sud ne manque pas de dire, quand il commence à pleuvoir, Il pleut des chats (déjà), ou encore, Il tombe des petits couteaux (des petites gouttes d'eau). Un Italien nous apprend qu'il a été un âne en France et un âne en Angleterre (un an)... Ces sortes de bévues, enjolivées par une imagination railleuse, prêtent à des plaisanteries sans fin : ainsi on fait dire à un Espagnol : Depuis que ma femme est morue, j'ai fait un veau de rester toujours bœuf et andouille (morte, vœu, veuf, en deuil).
Mais nous n'avons guère le droit de nous moquer des étrangers sous ce rapport, car nous écorchons leurs langues d'une manière tout aussi ridicule."

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Honoré de BALZAC, Le Cousins Pons, 1847-1848 : le personnage de Schmucke est allemand et BALZAC transcrit son fort accent ;
par exemple : "- Che fitrais edre assez ruche bir te vaire fifre tu les churs gomme ça... répondit mélancoliquement le bon Allemand."

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Guy de MAUPASSANT, Un duel, 1883 : l'accent de l'officier prussien est aussi transcrit ;
par exemple : "- Si fous ne foulez pas me rentre raison avec le bistolet, che vous tuerai !"

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Dans Metroland (1963), de Julian Barnes,
Deuxième partie, chap. 3.

"J’étais venu à Paris bien décidé à m’immerger dans la culture du pays, la langue, la vie quotidienne, et – aurais-je sûrement ajouté avec une désinvolture quelque peu hésitante – la population féminine . Au début je m’étais délibérément tenu à l’écart des Anglais, des journaux et des livres anglais ; ma langue refusait les anglicismes comme elle refusait le whisky et le Coca-Cola. Je me mis à gesticuler : de même que votre langue et vos lèvres doivent travailler plus pour articuler les voyelles françaises avec toute la précision voulue, vos mains sont censées effectuer de plus amples déplacements. Je passais la face externe de mes doigts pour exprimer l’ennui. J’appris à hausser les épaules tout en abaissant les commissures de mes lèvres. Je croisai mes doigts à hauteur de l’estomac, paumes tournées vers moi, puis levait brusquement mes deux pouces en faisant pop avec ma bouche. Cette dernière mimique – qui signifie en gros « Ça, je n’en ai pas la moindre idée » - aurait été tournée en dérision à l’école . Je la réussissais assez bien.
Et pourtant, plus je faisais des progrès en matière de langage, de gesticulation et d’immersion sociale, plus je sentais croître en moi une résistance à tout ce processus d’assimilation. Des années plus tard, j’ai lu quelque chose à propos d’une enquête californienne auprès de femmes japonaises de soldats américains. Il y avait alors une importante colonie de ces femmes, qui s’exprimaient encore aussi régulièrement en japonais qu’en anglais : elles parlaient japonais dans leurs boutiques et entre elles, et anglais à la maison. On leur avait posé des questions sur leur vie deux fois, la première en japonais, la seconde en anglais. Les résultats montraient qu’en japonais ces femmes étaient des créatures soumises et obligeantes, consciente de l’importance d’une étroite cohésion sociale, tandis qu’en anglais elles étaient indépendantes, franches et beaucoup plus tournées vers l’extérieur.
Je ne prétends pas avoir vécu une coupure psychologique aussi nette. Mais il est certain qu’au bout d’un moment je me rendis compte, sinon que je disais des choses auxquelles je ne croyais pas, du moins que je disais des choses que j’ignorais avoir envisagées d’une manière aussi inédite pour moi. Je m’aperçus que j’étais plus enclin à généraliser, étiqueter, classifier, ficher, répartir en catégories, expliquer, plus enclin à la lucidité – Seigneur ! oui, à la lucidité. Je ressentais un vague malaise ; ce n’était pas la solitude (j’avais Monique), ce n’était pas le mal du pays, c’était quelque chose qui avait un rapport avec le fait d’être anglais. J’avais aussi l’impression qu’une partie de moi-même était légèrement déloyale envers l’autre partie."

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Michèle BOULARES, auteur de manuels de grammaire chez CLE International, raconte l'anecdote suivante : son mari travaille au service de traduction simultanée de l'UNESCO à Paris. Comment les traducteurs ont-ils traduit la phrase suivante produite en français à la tribune par un intervenant hispanophone : "Les documents sont de bambou" (devant vous) ?

 

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